L’impact des stéréotypes de genre dans la construction de l’identité sexuelle des enfants 

Les stéréotypes de genre véhiculés à travers la littérature de jeunesse

La sous-représentation et la dévalorisation des filles et des femmes dans la littérature de jeunesse

Les personnages masculins sont davantage représentés que les personnages féminins dans les livres de littérature de jeunesse « que ce soit dans les titres des ouvrages […], dans les couvertures […] ou dans les illustrations ». (Daréoux, 2007, p. 90.) Pourtant, « le premier contact du lecteur ou de se s parents avec un album illustré passe par la couverture, dont l’attrait est essentiel dans le choix du livre. ». (Brugeilles et al., 2002, p.272.) « Le titre comme l’illustration de couverture font d’emblée une large place aux personnages masculins. » (Brugeilles et al., 2002, p.272.) Brugeilles et al. (2002) insistent également sur l’affirmation de l’omniprésence masculine à l’intérieur des albums : « Le déséquilibre numérique observé au profit du masculin devient hiérarchisation dès lors que l’on considère les rôles tenus (personnage principal unique ou héros, personnage principal partagé, personnage secondaire). Le sexe féminin accède peu au rôle principal, au rang de l’héroïne au centre des évènements. ».(Brugeilles et al., 2002, p.276.)
D’après Daréoux (2007), les personnages animaux ne sont pas asexués. Ainsi, « le sexe masculin est représenté par des animaux plus imposants en taille et en force, comme les éléphants, ou alors plus présents dans l’imaginaire collectif des enfants comme les ours et les loups » (Daréoux, 2007, p.91), alors que « les personnages féminins surpassent ceux de sexe masculin avec des représentants de moindre valeur, comme les petits animaux. ». (Daréoux, 2007, p.91). Brugeilles et al. (2002), révèlent d’ailleurs que chez les personnages animaux « réels », le masculin adulte est également davantage représenté. En outre, il est important de noter qu’un personnage anthropomorphique « sera identifié par un jeune enfant comme un homme ou un garçon. Pour qu’un personnage soit identifié comme féminin il faudra qu’il porte des vêtements et/ou des attributs liés à la coquetterie ou au travail domestique ». (Daréoux, 2007, p.91.) Ainsi, la prédominance masculine se retrouve partout. Brugeilles et al. vont plus loin en analysant également la sexuation des personnages d’arrière-plan et de foule et affirment que, parmi les foules, ce sont aussi les hommes qui sont le plus souvent représentés.
De ce fait, quelle que soit la catégorie des personnages, ce sont les personnages masculins qui sont davantage représentés que les personnages féminins. On peut notamment citer les célèbres albums T’choupi des éditions Nathan ou encore ceux de Petit Ours Brun des éditions Bayard Jeunesse, dans lesquels les héros sont des personnages de genre masculin. Cependant, Daréoux (2007) évoque une légère évolution de la visibilité des personnages féminins c es dernières années. Par exemple, dans les plus récentes collections comme Zouk des éditions Bayard Jeunesse ou encore Adélidélo (BD kids), ce sont des personnages de genre féminin qui sont mis en avant. On peut tout de même se demander si la sur-représentation des personnages masculins et la sousreprésentation des personnages féminins a un impact réel sur la transmission de stéréotypes de genre. En effet, « dans des livres publiés vers la fin des années 1930 et 1940 aux Etats-Unis, on retrouvait une proportion relativement élevée de personnages féminins, mais aussi davantage de stéréotypes traditionnels ». (Clark, Guilmain, Saucier & Tavarez, 2003, cités par Dionne, 2009, p.167.) D’autres paramètres seraient donc à prendre en compte puisque les représentations de personnages masculins et féminins ne suffiraient pas à démontrer la présence de stéréotypes dans les livres de littérature de jeunesse.
Les filles et les femmes sont donc moins souvent représentées que les garçons et les hommes et ce peu importe les types de personnages incarnés : humains, animaux anthropomorphiques et animaux. Au-delà des proportions des représentations, il est nécessaire de s’interroger sur la stéréotypie des fonctions et des activités des personnages.

La stéréotypie des fonctions et activités des personnages dans la littérature de jeunesse

D’après Daréoux (2007), les activités et fonctions des personnages de littérature de jeunesse sont différentes selon le sexe de ceux -ci. Ainsi, les filles et les femmes sont davantage représentées à l’intérieur et au sein de l’univers familial, s’occupant généralement des tâches domestiques. D’après Brugeilles et al. (2002) : elles cuisinent, servent la table et mettent la table, elles font la vaisselle, la couture, le linge et le rangement. Le tablier est d’ailleurs porté par de nombreuses mères.
On peut citer l’exemple des BD de Bécassine, des éditions de Gautier-Languereau, dans lesquelles l’héroïne est une servante que l’on reconnaît aisément par le port du tablier. En revanche, quand les pères sont à la maison, ils bricolent ou font du jardinage. Par exemple, dans l’album Tchoupi Jardine de Thierry Courtin (2017), c’est avec son père que le héros fait du jardinage. A l’intérieur, les personnages de genre masculin se reposent plus que les mères. Ainsi, on les voit lire le journal,
écouter la radio ou la télévision. Chez les pères, l’accessoire le plus souvent représenté est les lunettes. Le père de « Petit Ours Brun » en porte par exemple. Il est à noter que faire les courses est la principale activité mixte représentée dans les albums.

Le sexe des créateurs de littérature de jeunesse influencet-il la présence de stéréotypes de genre ?

Brugeilles et al., (2002) ; Dionne (2009) ont démontré que, contre toute attente, les créatrices d’ouvrages de littérature de jeunesse ne favorisent pas plus la présence de personnages féminins que les créateurs. Ainsi, d’après Brugeilles et al., lorsque le titre du livre de littérature de jeunesse n’évoque qu’un seul personnage, il s’agit majoritairement d’un garçon, et ce peu importe le sexe des auteurs et illustrateurs de celui-ci.
Brugeilles et al. (2002) rappellent l’importance du choix des illustrations pour les enseignants et les parents. En effet, celles-ci ont une influence notable dès l’âge de 14 mois chez les enfants qui sont d’ores et déjà capables d’exprimer de leurs goûts et donc leurs préférences pour certaines illustrations. Les chercheuses soulignent alors le rôle prépondérant des illustrateurs dans la représentation du masculin et du féminin dans les albums de littérature de jeunesse. D’après Brugeilles et al., les illustrateurs se démarquent tout de même des auteurs au niveau de la représentation des personnages masculins et féminins dans lesactivités domestiques avec davantage de représentations d’hommes dans ce domaine. Elles expliquent que l’augmentation reste faible, les personnages féminins étant majoritairement représentées dans les activités domestiques mais elle montre une attention particulière portée sur les illustrations. Cependant, les illustratrices représenteraient davantage d’accessoires liés aux activités domestiques sur les illustrations contenant des femmes que les illustrateurs, ce qu i peut paraitre paradoxale.
En revanche, Brugeilles et al. (2002) ; Dionne (2009) insistent sur le fait queles équipes mixtes donnent davantage de visibilité aux filles et aux femmes sans pour autant délaisser les personnages masculins. D’après Brugeilles et al., ce ne sont d’ailleurs que les équipes mixtes qui mettent en avant les petites filles, leur confiant davantage le rôle d’héroïne. La mixité serait donc au service de l’égalité entre les filles et les garçons chez les créateurs et créatrices de livres de littérature de jeunesse. Cependant, comme au sein des établissements scolaires, cette mixité est insuffisante. D’ailleurs, la même étude nuance la plus grande visibilité des femmes adultes chez les équipes mixtes : elle serait liée à une surreprésentation des mères.
Si le sexe des créateurs de littérature de jeunesse n’influence que très peu la présence ou non de stéréotypes de genre dans un ouvrage, il se peut qu’il y ait plus ou moins de stéréotypes en fonction du contexte historique de sa publication, notamment suite à la récente implication de l’Education nationale dans promotion de l’égalité entre les filles et les garçons.

Evolution des stéréotypes de genre dans la littérature de jeunesse

Dionne (2009) s’est intéressée à l’évolution des stéréotypes de genre dans la littérature de jeunesse au cours des année. Celle-ci émettait alors comme hypothèse que le nombre de stéréotypes de genre diminuent au fil des années, les livres de littérature de jeunesse évoluant parallèlement à la société. Elle a alors analysé 19 livres de littérature jeunesse publiés en français ayant reçu le Prix du Gouverneur général du Canada dans la catégorie illustration, entre 1987 et 2006.
Pour comparer la présence des stéréotypes de genre selon les années. Celle-ci a mené son étude sur deux périodes. Dans un premier temps, sur les années 1987-1996, puis, sur les années 1997-2006. La chercheuse s’est notamment intéressée aux stéréotypes de genre liés aux activités domestiques. Elle n’a alors pas ou peu relevé d’évolution. Elle explique même que plus les années passent, moins on retrouve de personnages masculins qui sont représentés avec un accessoire servant à accomplir une activité domestique.

Problématique et hypothèses

Problématique

En résumé, le constat semble mesuré face aux actions pour promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, menées dans le système éducatif et plus globalement par l’action publique. Les écarts subsistent encore selon le sexe des élèves dans leur parcours, leur réussite scolaire ou leur orientation, notamment face à l’omniprésence des stéréotypes de genre dans la société. Ceux-ci se retrouvent partout : dans les médias, les publicités, les jouets, les manuels scolaires mais aussi dans les livres de littérature de jeu nesse, ayant une forte influence sur l’identité sexuelle des enfants. Les livres de littérature de jeunesse sont omniprésents dès le plus jeune âge des enfants : ils constituent des supports ludiques et pédagogiques très utilisés par les enseignants et les parents.
Pourtant, les créateurs continuent à sous-représenter les filles et les femmes dans leurs ouvrages et à stéréotyper leurs fonctions et leurs activités. Les enfants grandissent alors en ayant des stéréotypes de genre fortement ancrés dans leur esprit.
Il est donc primordial pour un(e) enseignant(e) ou futur(e) enseignant(e) de s’intéresser sur la présence ou non de stéréotypes de genre dans les livres de littérature de jeunesse qu’il utilise pour ses séances, ceux -ci transmettant des modèles de comportements sociaux, de normes et de valeurs, participant alors à la construction de l’identité sexuelle des élèves et influençant notamment leur future orientation professionnelle. Depuis la mise en place de l’EMC, les stéréotypes de genre font désormais partie des programmes. Outre l’importance que représente le choix des supports utilisés (sans stéréotypes de genre, voire contre-stéréotypés), les enseignants se doivent également de parler de ces stéréotypes avec les élèves afin qu’ils puissent construire leur jugement critique et grandir tout en faisant leurs propres choix, en n’étant pas seulement influencés par des catégories genrées imposées par la société. Cependant, les livres de littérature de jeunesse utilisés au cycle 1 doivent, dans un premier temps, être stéréotypés afin d’aider les élèves à comprendre le monde qui les entoure. Puis, l’EMC se met en place à partir du cycle 2 afin de déconstruire ces stéréotypes déjà bien ancrés chez les élèves. Leur déconstruction est-elle encore possible et sous quelles formes ?
Quelle peut-être l’efficacité de l’usage de la littérature de jeunesse dans une séquence d’apprentissage afin de déconstruire les stéréotypes de genre ancrés chez des élèves de CM1 ? L’objectif de cette étude va donc être d’utiliser des livres de littérature de jeunesse dans le but de faire réfléchir les élèves sur les stéréotypes de genre afin de tenter de faire évoluer leurs représentations et ainsi de promouvoir l’égalité filles-garçons.

Hypothèses

Nous pouvons émettre les hypothèses suivantes :
– La mise en place d’une séquence d’apprentissage ayant pour objectif de promouvoir l’égalité filles-garçons à travers l’utilisation de livres de littérature de jeunesse va permettre de faire évoluer les représentations des élèves de CM1 par rapport au genre.
– La mise en place d’une séquence d’apprentissage ayant pour objectif de promouvoir l’égalité filles-garçons à travers l’utilisation de livres de littérature de jeunesse va permettre de développer l’esprit critique des élèves.

Méthodologie

Le cadre théorique présenté en première partie a permis de montrer que la socialisation et l’identité sexuelle des enfants se construisent sous l’influence de stéréotypes de genre (omniprésents dans la société), vecteurs d’inégalités entre les femmes et les hommes. Malgré la volonté du gouvernement de faire de l’égalité filles-garçons l’une des missions principales de l’école, aujourd’hui encore, les livres de littérature de jeunesse (supports de prédilection des enseignants) sont stéréotypés. C’est pourquoi cette étude aura pour objet d’apprécier la contribution de la littérature de jeunesse à la déconstruction des stéréotypes de genre. Elle portera sur une séquence d’apprentissage auprès d’élèves de CM1.

La population étudiée

Cette séquence d’apprentissage a été mise en place dans une classe de cycle 3 de 30 élèves de CM1 dont 2 élèves ULIS (12 filles et 18 garçons) qui ont entre 9 et 10 ans. Ayant été en stage filé dans cette classe tous les lundis depuis le 23 septembre 2019 et ce jusqu’à mars 2020, cette séquence d’apprentissage a été mise en place avec ces élèves pour donner suite à mes nombreuses observations de début de stage qui laissaient entrevoir des représentations stéréotypées du genre par les élèves.

Séance 4 : les métiers et les sports des filles et des garçons (Annexe 6)

Cette séance, qui a aussi duré 45 minutes, était sur le thème des stéréotypes de genre sur les métiers et les sports. Ainsi, nous sommes retournés une fois de plus dans la salle de classe vide et nous nous sommes mis en cercle. J’ai montré la couverture de l’album Le meilleur cow-boy de l’ouest (2008) de Fred L. aux élèves tout en leur proposant une anticipation littéraire : « D’après-vous, que raconte cette histoire ? Comment imaginez-vous le meilleur cow-boy de l’ouest ? ».

Séance 5 (Annexe 7)

Durant la séance 5, qui a duré 45 minutes, j’ai lu l’album A quoi tu joues ? aux élèves, évoquant de nombreux stéréotypes de genre. Les élèves ont ensuite dû donner d’autres exemples de stéréotypes qu’ils connaissaient mais qui n’étaient pas cités dans l’album. Ceux-ci ont été noté au tableau. Les élèves ont ensuite formé des groupes mixtes de quatre ou cinq et ont choisi un stéréotype à illustrer dans le but de créer un album à la manière de A quoi tu joues ?. Afin de préparer la séance 7, ils ont rempli une fiche scénario (Annexe 8) : ils devaient rédiger le texte de leur double page, dessiner les photographies qu’ils allaient prendre, anticiper le matériel à emmener pour la semaine suivante et distribuer les rôles de chacun (photographe, metteur en scène, acteurs).

Séance 6 (Annexe 9)

La séance 6 a été plus longue que les autres. En effet, les élèves se sont déguisés et se sont pris en photo. Ensuite, ils ont tapé leur texte à l’ordinateur avec ma binôme de stage et ont choisi la police d’écriture qu’ils souhaitaient pour leur double page d’album. Ces différentes tâches ont ainsi nécessité une heure de travail.

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Table des matières
Remerciements 
I) Introduction 
1) Question de départ
II) Cadre théorique
1) Qu’est-ce qu’un « stéréotype » ?
1.1- Définition du point de vue psychosocial
1.2- Discriminations, préjugés et stéréotypes
2) La notion de « genre »
2.1- Définition
2.2- Différencier « genre » et « sexe »
3) Les stéréotypes de genre
3.1- Définition
3.2- L’impact des stéréotypes de genre dans la construction de l’identité sexuelle des enfants
3.3- Pourquoi lutter contre les stéréotypes de genre ?
3.4- Les stéréotypes de genre dans les programmes scolaires
4) La littérature de jeunesse
4.1- Définition
4.2- L’omniprésence de la littérature de jeunesse dans les programmes
4.3- L’impact de la littérature de jeunesse sur la socialisation de l’enfant
5) Les stéréotypes de genre véhiculés à travers la littérature de jeunesse
5.1- La sous-représentation et la dévalorisation des filles et des femmes dans la littérature de jeunesse
5.2- La stéréotypie des fonctions et activités des personnages dans la littérature de jeunesse
5.3- Le sexe des créateurs de littérature de jeunesse influence-t-il la présence de stéréotypes de genre ?
5.4- Evolution des stéréotypes de genre dans la littérature de jeunesse
III) Problématique et hypothèses
1) Problématique
2) Hypothèses
IV) Méthodologie 
1) La population étudiée
2) Les outils utilisés
2.1- Test des ours (Annexe 1)
2.2- Séquence d’apprentissage
3) La procédure
3.1- Séance 1
3.2- Séances 2, 3 et 4
3.3- Séances 5 et 6
3.4- Séance 7
V) Résultats
1) Pré-test
2) Entretiens collectifs
2.1- Séance 2
2.2- Séance 4
3) Post-test
VI) Analyse des résultats 
1) Pré-test
1.1 – Perspective psychanalytique
1.2 – Perspective cognitive et culturelle
1.3 – Perspective d’apprentissage social
2) Entretiens collectifs séances 2 et 4
2.1 – Perspective psychanalytique
2 .2 – Perspective cognitive et culturelle
2.3 – Perspective d’apprentissage social
2.4 – Le sexe des élèves influençant les stéréotypes de genre
2.5 – Des résultats traduisant une réelle évolution des représentations des élèves ?
3) Post-test
3.1 – Une évolution des représentations des élèves
3.2 – Des résultats à nuancer
VII) Conclusion 
VIII) Bibliographie 
IX) Annexes

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