Limite Hydrodynamique pour un Gaz Sur Réseau de Particules Actives

Modèle de Vicsek et transition de phase dans les dynamiques d’alignement   

   Les phénomènes d’auto-organisation ont connu un essor considérable en physique statistique, où la richesse de tels comportements offre de nombreuses perspectives de modélisation, et pose de nouvelles questions sur les systèmes hors équilibre. Un grand nombre de modèles stochastiques ont été spécifiquement proposés afin de représenter certains comportements biologiques en utilisant des méthodes de physique statistique, (e.g. modèle d’Aoki-Couzin pour les bancs de poissons [Aok82], modèle de Hughes pour les piétons [Hug02]) et ont révélé une transition entre un comportement collectif à haute densité et un comportement très local à basse densité. Le modèle considéré dans cette thèse est inspiré d’un modèle classique d’alignement introduit en 1995 par Vicsek et al. Ils proposent dans [VCB+95] un IBM (cf. paragraphe précédent) très général pour modéliser les dynamiques collectives. Ce modèle comprend un grand nombre de particules qui évoluent en temps discret, et à chaque pas de temps, adoptent comme direction de leur mouvement la moyenne des directions des particules dans un petit voisinage. La direction subit également un bruit qui rend la dynamique stochastique. Malgré sa relative simplicité, le modèle original proposé dans [VCB+95] est extrêmement riche, et a généré une vaste littérature (cf. la review de Viczek et Zafeiris, [VZ12]). Les premiers travaux sur ce modèle ont révélé une transition de phase du système lorsque le niveau de bruit passe un seuil critique dépendant de la densité de particules (cf. Figure 2). En dessous de ce seuil, on peut effectivement observer un mouvement cohérent de « paquets » de particules. De nombreuses extensions en ont été proposées, notamment à travers une dynamique à temps continue plus pertinente dans le cadre de mouvement d’organismes biologiques. Ces travaux font intervenir des interactions microscopiques diverses, mais quelques principes classiques se retrouvent régulièrement : une attraction entre particules à longue distance (pour les modèles sur domaine non périodiques) afin de favoriser l’agrégation, un alignement de vitesse avec les voisins à distance finie, et enfin une répulsion à courte portée, qui peut prendre des formes variées selon les modèles, et qui permet d’éviter une concentration irréaliste des individus du groupe.

Séparation des phases due à la mobilité : MIPS

   Lorsque la motilité des particules, dans un modèle de matière active, dépend de la densité, on peut observer une séparation entre une phase gaseuse peu dense et une phase condensée. Cette séparation est une conséquence directe du ralentissement des particules dans les zones plus denses : elles y passent plus de temps, et s’y accumulent donc, créant ce phénomène de congestion, appelé Motility Induced Phase Transition, ou MIPS [CT15]. En d’autres termes, l’energie apportée à chaque particule éloigne le système de son équilibre, et crée des variations macroscopiques de densité. Ce phénomène de congestion se retrouve pour plusieurs types de dynamiques. Une des plus étudiées est la dynamique de run-and-tumble [CY13], que l’on peut observer dans certains milieux bactériens : les individus avancent en ligne droite pendant un temps aléatoire, avant de se réorienter dans une autre direction aléatoire. En réalité, dès lors que la vélocité des particules dépend de la densité, le comportement macroscopique dépend peu des spécificités du mouvement microscopique. Par exemple, le comportement macroscopique de modèles run-and-tumble est le même que celui de modèles pour lesquels la direction du mouvement des particules diffuse aléatoirement (dits Active Brownian Particles, ABP) : il est montré numériquement dans [CT13], [SCT15] que ces deux modèles présentent des comportements macroscopiques remarquablement similaires de types MIPS. On peut donc espérer, en introduisant dans le mouvement de nos particules une dépendance en densité, faire apparaître une MIPS

Limites hydrodynamiques des systèmes non-gradients

   Contrairement aux modèles de dynamiques collectives inspirés du modèle de Vicsek, notre objectif dans ce manuscrit est de proposer un modèle où les particules interagissent microscopiquement plutôt qu’en champ moyen. L’étude mathématique d’un modèle semblable à celui de Vicsek avec un mécanisme local d’alignement serait toutefois très difficile. Une approche courante pour l’étude des systèmes de particules est de simplifier le modèle en considérant une dynamique où les particules se déplacent sur un réseau. L’idée de décrire des systèmes combinant mélange et alignement par un gaz sur réseau n’est pas nouvelle : dans [DMFL86], De Masi et al. étudient un système à deux types de particules où deux particules voisines peuvent échanger leurs positions, et changent de type afin de s’aligner avec les particules voisines. Ils obtiennent la limite d’échelle et les fluctuations du modèle lorsque la dynamique de mélange est accélérée à une échelle diffusive relativement à la dynamique d’alignement. Depuis cet article initial, de nombreux travaux ont traité de dynamiques combinant mélange (dynamique de Kawasaki) et alignement (dynamique de Glauber) pour des gaz sur réseau, avec des difficultés diverses selon les modèles microscopiques. Un principe de grande déviations pour une telle dynamique a notamment été prouvé dans [JLV93]. Nous considérons dans cette thèse un gaz de particules en dimension 2 évoluant sur un réseau périodique de taille N, noté T2N . Les particules de notre système sont chacune caractérisées par un angle dans le plan, θ ∈ [0, 2π[, et opèrent une marche aléatoire faiblement asymétrique dont l’asymétrie est dirigée dans la direction de leur angle. Nous combinons dans notre modèle tous les effets présentés précedemment. Afin de représenter une interactions à coeur dur, les particules ne peuvent pas se chevaucher (c’est la règle d’exclusion), ce qui crée les effets de congestion responsables de la séparation de phases due à la mobilité (MIPS). Cette approche distingue fondamentalement notre modèle du modèle d’Ising actif, pour lequel les particules peuvent cohabiter sur un même site (cf. fin du paragraphe ”Modèle de Vicsek et transition de phase dans les dynamiques d’alignement”). Par ailleurs, les angles des particules interagissent localement pour s’aligner en fonction des angles voisins, ce qui devrait également provoquer la transition de phase sur l’aimantation présente dans les modèles de Vicsek et d’Ising actif. Dans notre modèle, on peut espérer observer conjointement ces deux effets grâce à la séparation d’échelle entre la dynamique d’alignement et la dynamique faiblement asymétrique. Nous obtenons dans ce manuscrit la limite hydrodynamique de ce système. D’une manière générale, la stratégie pour obtenir une limite hydrodynamique dépend largement des spécificités du modèle et doit donc être adaptée au cas par cas à la dynamique considérée. Nous verrons par exemple que la règle d’exclusion rend le système non-gradient, et pose par conséquent des difficultés importantes. La fin de cette introduction est consacrée à décrire quelques aspects des limites hydrodynamiques qui sont importants pour le modèle décrit ci-dessus.

Gaz sur réseau multi-types et contributions du manuscrit

   De nombreux travaux de physique statistique traitent des systèmes à plusieurs types de particules. Leur complexité dépend toutefois grandement des spécificités du modèle étudié. Un exemple naturel de système multi-types est celui de particules actives, où chaque vélocité possible peut s’interpréter comme un type de particule. Dans le cas des travaux dans un domaine d’espace continu, (e.g. [DFL13], [DFL14]) et sans collision de type cœur dur, la densité de chaque type de particule peut essentiellement être considérée indépendemment en ce qui concerne le déplacement, et la limite d’échelle fait donc intervenir une variable de vélocité en plus de la variable d’espace. Lorsque les particules évoluent sur réseau, par contre, il est nécessaire de spécifier la manière dont les particules interagissent sur un même site. En termes de dynamique, les modèles multi-types permettent souvent
ˆ soit l’interversion entre particules de types différents comme dans [Sas10a] pour un système totalement asymétrique avec retournement des vélocités.
ˆ soit la cohabitation sur un même site de particules de types différents comme dans [DMF15] ou [Sim10] pour un modèle proche du nôtre où l’asymétrie faible est dirigée par la vélocité des particules. Ces simplifications permettent de contourner les difficultés particulières  posées par les systèmes diffusifs avec exclusion entre tous les types de particules : pour ces derniers, la limite d’échelle pour chaque type de particule requiert les outils non-gradients mentionnés précédemment. Ces outils ont été utilisés par Quastel [Qua92] pour l’obtention la limite hydrodynamique de l’exclusion symétrique à plusieurs types de particules. Ce résultat a ensuite été étendu au cas faiblement asymétrique (dans [QRV99] pour l’obtention d’un principe de grandes déviations pour la mesure empirique de l’exclusion simple symétrique, où l’asymétrie ne dépend pas de la configuration, et dans [GLM00] pour une asymétrie dépendant de la configuration via une interaction en champ moyen), ainsi qu’à une dynamique plus élaborée avec création/annihilation [Sas10b]. Dans ce manuscrit, nous revenons sur la preuve de l’exclusion à plusieurs types de particules introduite par Quastel. L’objectif principal de cette thèse est d’en apporter une version complétée et généralisée. D’une part, certains arguments spécifiques de Quastel ne sont valides que dans le cas symétrique. En particulier, dans le cas de l’exclusion à plusieurs types de particules, il est important de s’assurer que la densité locale de particules n’atteint jamais 1, car dans le cas contraire le système perd ses propriétés de mélange. Dans le cas de l’exclusion simple symétrique, la densité macroscopique évolue selon l’équation de la chaleur, et le contrôle de la densité à l’instant initial suffit. Dans notre cas, l’équation limite n’est pas une équation de diffusion, et il a fallu trouver une autre méthode pour contrôler la densité totale de particules. Au delà de ce point délicat, quelques imprécisions ont depuis été trouvées dans la preuve de Quastel. Enfin, cette preuve est un des premiers exemples de limite hydrodynamique pour les systèmes non-gradients, et afin d’en faciliter la lecture, nous avons trouvé utile de l’adapter au formalisme moderne des limites hydrodynamiques [KL99]. Le second objectif est de généraliser la preuve de la limite hydrodynamique au cas faiblement asymétrique pour un continuum de types de particules. La limite hydrodynamique d’un gaz sur réseau à K types de particules prend la forme d’un système de K équations aux dérivées partielles couplées. Passer de K types de particules à un continuum de types de particules pose par conséquent des problèmes de définition du système différentiel limite. Une façon de contourner cette difficulté est de ne considérer la limite d’échelle que pour un nombre fini de paramètres macroscopiques caractérisant l’équilibre local du système (densité, énergie locale [OS13], moment [FSV10], asymétrie locale), se ramenant ainsi à un système fini d’équations aux dérivées partielles couplées. Ce n’est pas la solution choisie dans notre modèle, car les équations obtenues pour un nombre fini de types de vélocités trouvaient une extension naturelle dans le cadre continu et laissaient penser que la limite d’échelle du cas continu était bien définie. Nous avons donc préféré conserver à la limite d’échelle chaque type de particule sous la forme d’une variable d’angle. Ce choix pose un certain nombre de difficultés, pour la plupart purement techniques. En particulier, contrairement aux exemple précédents, l’équilibre local de notre système n’est pas caractérisé par un nombre fini de paramètres, ce qui a nécessité un certain nombre d’adaptations de la preuve de la limite hydrodynamique.

Grandes deviations 

   La limite hydrodynamique de notre système décrit le comportement moyen de notre système lorsque sa longueur caractéristique tend vers 0, mais donne peu d’informations sur les fluctuations autour de ce comportement moyen. Une question naturelle qui suit donc l’obtention de la limite hydrodynamique est celle des grandes déviations du système. Les principes de grandes déviations ont été largement utilisés en physique statistique comme moyen de comprendre les propriétés des systèmes de particules hors équilibre. Un principe de grandes déviations pour la mesure empirique de l’exclusion simple symétrique a été obtenue par Quastel et al. dans [QRV99]. La preuve repose en grande partie sur les estimations non gradientes également obtenues par Quastel dans [Qua92]. Depuis, de multiples principes de grandes déviations ont été obtenus pour d’autres systèmes non gradients, et les techniques utilisées pour les obtenir devraient nous permettre d’obtenir un principe joint de grandes déviations pour la densité et le courant de notre modèle. Ce principe de grandes déviations pourrait être une première étape pour comprendre les propriétés de notre système hors équilibre.

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Table des matières

INTRODUCTION
i. Comportements collectifs en Biologie
ii. Modélisation microscopique de l’auto-organisation : modèles de matière active
iii. Limites hydrodynamiques des systèmes non-gradients
iv. Gaz sur réseau multi-types et contribution du manuscrit
v. Résumé de la thèse
vi. Perspectives de recherche
vii. Structure de la preuve
THE ACTIVE EXCLUSION PROCESS
1 Notations and Main theorem 
1.1 Main notations and introduction of the Markov generator 
1.2 Measures associated to a smooth profile and definition of the Markov process
1.3 Hydrodynamic limit 
1.4 Instantaneous currents and outline of the proof 
2 Canonical measures, entropy and irreducibility 
2.1 Definition of the canonical measures 
2.2 Entropy production and local equilibrium 
2.3 Irreducibility and control on full clusters
3 Law of large number for the spin process 
3.1 Replacement Lemma 
3.2 Proof of the replacement Lemma 
3.3 Proof of Lemma 3.3 : The one-block estimate 
3.4 Proof of Lemma 3.4 : The two-block estimate
4 Preliminaries to the non-gradient method 
4.1 An integration by parts formula in the context of particle systems
4.2 Spectral gap for the symmetric exclusion spin process
4.3 Comparison with an equilibrium measure
4.4 Relative compactness of the sequence (QN)N∈N
4.5 Regularity of the density and energy estimate
5 Non-gradient estimates 
5.1 Replacement of the symmetric current by a macroscopic gradient
5.2 Replacement of the currents and L f by their local average 
5.3 Estimation of the gradients on full clusters
5.4 Replacement of the macroscopic gradients by their local counterparts
5.5 Projection on non-full sets and reduction to a variance problem 
5.6 Discrete differential forms in the context of particles systems
5.7 Space-time covariance limit
5.8 Diffusion and drift coefficients 
5.9 Drift part of the hydrodynamic limit 
6 Proof of the hydrodynamic limit 
APPENDIX
A General tools
A.1 Topological setup
A.2 Self-diffusion coefficient
A.3 Entropy
A.4 Bound on the largest eigenvalue of a perturbed Markov generator
A.5 Configurations with one empty site
B Space of parameters M1(S)
B.1 Equivalence of ensembles
B.2 Dependency of the grand canonical measures µbα in bα
B.3 Compactness (M1(S), ||| . |||)
C Proof of Theorem 5.25 : Limiting space-time covariance
Notations glossary
References

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