Liens entre les caractéristiques individuelles, les TMS et les RPS

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Population et recrutement

Une note d’information sur les objectifs et la méthodologie de l’étude a été transmise aux responsables administratifs du Service central des transports de l’AP-HM. Avec l’accord de la hiérarchie, les 65 conducteurs-ambulanciers (CA) ont été personnellement contactés par téléphone par l’investigateur, qui leur a proposé la participation à l’étude. Les agents ont ensuite été convoqués au sein du service de santé au travail entre les mois d’avril et de juin 2016, sans critère d’exclusion.

Questionnaire et recueil des données

Le questionnaire utilisé est celui de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) (17), évalué et validé lors d’enquêtes effectuées dans des populations de plus de 300 salariés d’entreprises du secteur tertiaire (18). Selon les préconisations de l’INRS, deux parties ne concernant pas le métier de CA – relatifs aux travaux à la chaine et sur poste informatique – ont été supprimées. Il en résulte 60 questions réparties en 3 sections : treize questions définissent les caractéristiques générales des sujets, 27 concernent les plaintes liées aux TMS, et 20 le vécu au travail (pression au travail, gestion des tâches, soutien socioprofessionnel et ressenti sur l’avenir et l’intérêt du poste) (18). Onze scores ont été établis selon les modalités de calcul du questionnaire. Concernant les TMS, la fréquence des douleurs souvent correspond à tous les jours, fréquemment à une fois par semaine, parfois à une fois par mois, presque jamais à tous les 6 mois. Concernant la fréquence des TMS et des RPS, souvent correspond à tous les jours, fréquemment correspond à une fois par semaine, parfois correspond à une fois par mois et rarement correspond à tous les 6 mois. L’intensité des douleurs était quant à elle définie comme faible, modérée ou forte. Les agents ont été interrogés par l’investigateur au cours d’une consultation médicale et leurs réponses ont été consignées dans une version numérisée et anonymisée du questionnaire, avec attribution d’un numéro à chaque agent.
A partir des items utilisés dans le Nordic Questionnaire pour évaluer un TMS, nous avons défini 4 variables pour étudier les liens possibles entre les TMS et les RPS : la « présence d’au moins un TMS », le « nombre de localisations atteintes par les TMS », « la présence d’une douleur hebdomadaire », permettant de distinguer les agents selon la fréquence des douleurs (« souvent » versus (vs) autres) et selon l’intensité des douleurs (agents ayant « très mal » vs autres).

Analyses statistiques

La prévalence de TMS, la présence d’une douleur de fréquence ou d’intensité maximale ainsi que le nombre de localisations de TMS ont été étudiées en fonction des caractéristiques des agents. Toutes les analyses ont été réalisées avec le logiciel R version 3.4.1. Tous les tests ont été réalisés en situation bilatérale. Le seuil de 5% a été retenu pour définir la significativité.

Résultats

Caractéristiques générales

Soixante et un des 65 CA contactés ont participé à l’étude, ce qui représente un taux de réponse de près de 94%. Un agent a refusé de répondre au questionnaire et deux n’ont pas pu se déplacer pour cause de congé maladie (cause non précisée). Nous avons également exclu un agent pour lequel les données récoltées étaient incomplètes. La population est presque exclusivement masculine (2 femmes seulement), et une majorité des agents vit en couple et a des enfants. La pratique d’activités sportives et de loisirs, même ponctuelle, est majoritaire. La consommation alléguée de psychotrope est très faible (médicaments hypnotiques, anxiolytiques, antidépresseurs). Lors de leur embauche à l’AP-HM, les agents avaient en moyenne 5 ans d’expérience dans le métier de CA (Tableau 1).

Les TMS : prévalence, fréquence et intensité

Plus des trois quarts des agents interrogés présentent des symptômes de TMS. Parmi eux, 36% signalent des troubles sur 1 ou 2 localisations, 36% sur 3 localisations et 27% sur 4 localisations au moins. Plus de 90% des agents rapportent l’existence d’un épisode douloureux au moins une fois par mois et plus des deux tiers au moins une fois par semaine. L’intensité douloureuse est qualifiée de « forte » sur au moins une localisation par plus de la moitié des sujets. Les troubles les plus fréquemment rencontrés sont les lombalgies basses, alléguées par les trois quarts des CA, l’intensité des douleurs étant considérée comme « modérée ou forte » par 86% d’entre eux. Les cervicalgies concernent un tiers des CA ; 80% en souffrent au moins une fois par mois et 40% une fois par semaine, plus de 80% des agents décrivant des douleurs d’intensité « modérée ou forte ». Les troubles de l’épaule, décrits par 1 CA sur 5, se manifestent au moins une fois par mois chez plus de trois quarts des agents atteints, et au moins une fois par semaine chez la moitié d’entre eux. L’intensité douloureuse est également qualifiée de « modérée ou forte » par plus de 80% des agents. Les plaintes concernant le rachis dorsal (16%), les hanches (13%) ou les genoux (10%) sont plus rares, mais respectivement 70%, 88% et même 100% des agents disent présenter des douleurs au moins une fois par semaine.

RPS et ressenti au travail

Près de 80% des ambulanciers disent devoir travailler vite « parfois ou souvent », et près des ¾ signalent être « souvent » soumis à des contraintes de délai. La moitié déclare cependant n’être que « rarement » ou « jamais » en retard, et un peu plus de la moitié estime pouvoir prendre « parfois ou souvent » de l’avance dans le travail. Un agent sur 2 a le sentiment de devoir être « souvent » vigilant, et 69% considèrent comme « fort » l’impact possible d’une erreur de concentration. Près de 9 CA sur 10 estiment ne pouvoir moduler que « rarement » leur quantité de travail, et les deux tiers « jamais ». En revanche, ils sont tout de même 69% à déclarer avoir « souvent » une influence sur la qualité de leur travail, et les trois quarts à avoir « parfois ou souvent » une influence sur l’organisation des tâches qui leur incombent.
Près de 9 CA sur 10 déclarent pouvoir « facilement » discuter avec leurs collègues de travail, mais seulement la moitié avec leur hiérarchie. Près des trois quarts considèrent pouvoir compter sur leurs collègues, versus seulement 39% sur leur hiérarchie.
La grande majorité des agents ne craignent pas la suppression ou l’automatisation de leur emploi (respectivement 82% et 84%).

Liens entre les caractéristiques individuelles, les TMS et les RPS

Les CA souffrant de TMS ont une ancienneté à l’AP-HM de 8 ans en moyenne, vs 5 ans chez ceux qui n’en souffrent pas (p = 0,05). Le « score de charge de travail » moyen est significativement plus élevé chez les agents présentant des TMS que chez les autres (55,55 vs 30,15, p = 0,004). Le « score de participation au travail » moyen est quant à lui significativement plus élevé chez les sujets indemnes de TMS que chez les personnes atteintes (85,71 vs 62,41, p=0,04). Bien que non statistiquement significatives, deux tendances sont retrouvées sur l’impact potentiel des contraintes horaires sur les TMS : près des deux tiers des CA présentant un TMS déclarent devoir travailler vite « parfois ou souvent », alors qu’ils ne sont que la moitié dans le groupe sans TMS (p = 0,07) ; de même seulement 7% des personnes ne présentant pas de TMS estiment avoir des contraintes de délai vs plus de 38% des agents atteints (p = 0,06) (Tableau 2).
Nous n’avons pas retrouvé de lien statistiquement significatif entre le nombre de localisations de TMS et la fréquence d’un travail à cadence soutenue. Plus des deux tiers des CA présentent une douleur de fréquence au moins hebdomadaire. Par rapport aux autres agents ils attribuent à la fois un moins bon score à « l’intérêt de leur travail » (8,12 vs 8,92, p = 0,03), un score de « charge de travail » plus élevé (61,27 vs 40,06, p = 0,05) et un score moins élevé pour le « contrôle du travail » (46,46 vs 59,52, p = 0,04). Par ailleurs, un quart des CA présentant une douleur hebdomadaire sont obèses (p = 0,03) alors qu’aucun des autres agents ne l’est. (Tableau 3). L’existence d’une douleur de forte intensité concerne plus de la moitié des CA. Par rapport à l’autre moitié de la population, ces agents déclarent un score de « charge de travail » plus élevé (69,44 vs 41,06, p = 0,001), un score de « participation au travail » moins élevé (51,38 vs 73,91, p = 0,05) ainsi qu’un score de « pression au travail » nettement supérieur (62,50 vs 36,23, p = 0,0004) (Tableau 4).

Discussion

Il existe un très fort taux de participation. Les conditions de travail et risques professionnels, analysés lors des visites médicales et des études de postes sont identiques pour tous les agents, ce qui réduit les risques de biais de confusion. Notre effectif est constitué quasi-exclusivement d’hommes, ce qui évite un biais de confusion lié aux perceptions différentes qu’ont les hommes et les femmes de la notion d’efforts physiques lors des mouvements (12, 19). Chez les femmes la force musculaire au niveau des vertèbres lombaires et cervicales est diminuée de 50% à 60% par rapport aux hommes, et la charge perçue sur ces 2 zones est plus importante chez elles pour un effort donné (20). Cependant, l’effectif de notre étude est assez limité par rapport aux études suédoises et japonaise (11, 13). De ce fait certains résultats manquent de puissance pour être statistiquement significatifs. Par ailleurs, l’évaluation conjointe des TMS et du ressenti au travail peut conduire les agents souffrant de TMS à évaluer différemment une même situation de travail (21). Certaines études ont montré que des sujets cervicalgiques surestimaient leur exposition aux contraintes posturales par rapport à ceux qui n’en souffraient pas, alors que l’étude biomécanique réalisée en parallèle constatait des contraintes similaires (22). Enfin, notre étude n’est extrapolable qu’au secteur public, les conditions de travail étant différentes dans le privé.
Les CA de notre étude sont chargés essentiellement du transport des patients entre les établissements de l’AP-HM, et plus rarement à l’extérieur. Leurs tâches consistent à la conduite quotidienne de véhicules médicalisés (ambulances, VSL, camions bariatriques) et au brancardage des patients. Plus des trois quarts d’entre eux se plaignent de TMS, ce qui correspond aux prévalences retrouvées chez les ambulanciers. (4, 8, 13, 23). La gestuelle et les contraintes du poste de travail expliquent la fréquence des TMS dans cette population. Les CA prennent en charge des patients peu ou pas valides ; ils effectuent donc des efforts de manutention importants (traction, soulèvement, poussée) et sont soumis à des contraintes posturales, en particulier lors de la manipulation de brancards et de fauteuils roulants. De plus, il ressort de l’interrogatoire que ces brancards sont parfois inadaptés aux véhicules. Les CA assurent également les transports « spéciaux » de malades obèses – dits bariatriques – et de patients décédés (entre les services et le dépositoire), ces 2 types de transports représentant une manutention lourde. Par ailleurs, l’acheminement des patients entre l’ambulance et les services hospitaliers est rendu difficile par des sols et des revêtements en mauvais état dans l’enceinte des établissements.
Une fréquence élevée des crises douloureuses chez les CA atteints de TMS ( les deux tiers en souffrent au moins une fois par semaine et 90% au moins une fois par mois) est également décrite dans la littérature (23). L’intensité des douleurs est importante, avec plus d’une personne sur deux présentant une douleur jugée « forte » ayant un impact sur la qualité de vie (lombalgies notamment) (24).
Dans l’étude d’ Okada et al, les localisations rachidiennes, en particulier lombaires et cervicales, sont les plus fréquentes notamment chez le personnel ambulancier (11) ainsi que dans des métiers comportant manutention et contraintes posturales (10, 25, 26). Les plus rarement décrites (genoux, hanches, rachis dorsal) sont en revanche souvent associées à des douleurs d’intensité plus importante (11).
Evaluer les TMS ne peut être envisagé sans prendre en compte le contexte psychosocial. L’étude de Davis et al, a montré que les emplois à forte demande physique étaient souvent associés à des contraintes psychologiques importantes (27). Dans l’étude suédoise, l’apparition de TMS est corrélée à la présence de facteurs de risques psychosociaux (13). D’autres études établissent qu’une forte charge de travail associée à une faible implication dans l’organisation des tâches augmente la prévalence des TMS (28), et qu’une demande psychologique élevée associée à des contraintes de rapidité d’exécution du travail pourraient favoriser l’apparition de lombalgies (29). Dans notre population de CA, les causes de stress sont multiples : conflits avec les personnels des services (patients non préparés, retard aux rendez-vous d’examens, attente pour retour dans les services), conduite en milieu urbain encombré. Par ailleurs, les agents se plaignent fréquemment de la vétusté du parc automobile et de matériels défectueux. De plus, ils font part de leur crainte d’exposition à des pathologies infectieuses telles que la tuberculose, la gale, plus récemment les infections digestives à clostridium ; en l’absence d’informations sur les pathologies des malades transportés, ils estiment ne pas toujours utiliser les moyens de prévention adaptés (gants et masque protecteur).
Concernant le soutien social, plus des trois quarts des ambulanciers signalent pouvoir compter sur leurs collègues, et moins de la moitié sur leur hiérarchie. Cependant nous n’avons pas retrouvé de lien entre TMS et qualité de ces relations, contrairement à d’autres études (25, 26, 27). Un faible contrôle sur la qualité et le rythme du travail jouerait un rôle dans l’apparition de TMS au niveau du cou et du haut du dos (28). De plus les mécanismes régissant l’implication des RPS dans l’apparition des TMS ne cessent d’évoluer et prennent aujourd’hui de nouvelles formes. Ainsi des phénomènes d’origine physiopathologique propres à l’individu ont été décrits (30) et auraient une influence largement sous-estimée dans la relation entre TMS et RPS (31).

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Table des matières

I)Introduction
II)Matériel et méthodes
1)Population et recrutement
2)Questionnaire et recueil de données
3)Analyses statistiques
III)Résultats
1)Caractéristiques générales
2)Les TMS : Prévalence, fréquence et intensité
3)RPS et ressenti au travail
4)Liens entre les caractéristiques individuelles, les TMS et les RPS
IV)Discussion
V)Conclusion
V)Bibliographie

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