Lien entre la dimension psychique et dimension physique 

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La motivation au changement

Il faut garder en tête que le patient n’a souvent pas envie de changer. Les réflexes des professionnels de santé sont alors de convaincre, argumenter, conseiller ou encore mettre en garde. Or, les patients restent ambivalents face à ce concept de changement (modèle transthéorique des changements de comportements de Prochaska et DiClemente). Ce qui est tout à fait normal. Pour aider les patients à entrer et rester dans le processus, l’esprit de l’entretien motivationnel centré sur la personne, guide le patient pour susciter et renforcer la motivation au changement. Pour cela l’entretien doit faire émerger un « discours-changement » chez le patient, fait de ses désirs, besoins et capacités. Le thérapeute doit alors adopter une attitude d’écoute, de collaboration, de soutien de l’autonomie et d’empathie, mais aussi une attitude de communication en posant des questions ouvertes et en valorisant le patient, en accord avec une approche centrée sur la personne.
La motivation au changement est primordiale pour assurer une prise de décision de la personne par rapport au traitement. Elle permet d’avancer dans le processus décisionnel.
Nous avons donc demandé aux professionnels de quelle manière ils travaillaient la motivation au changement avec leurs patients alcoolodépendants. Les résultats de la pré-enquête montrent une forte concordance dans le principe de conscientisation du processus menant à l’alcoolisation, une mesure et une verbalisation des impacts liés à l’alcool : « Travail sur la prise de conscience des bénéfices de l’abstinence au travers d’entretiens motivationnels », par le biais d’éducation thérapeutique, d’activités expressives, ainsi que toutes autres activités favorisant le plaisir, la recherche de l’émotion et l’émergence d’un discours changement. Il existe différents outils : la balance décisionnelle, le roue du changement et les groupes de parole et de réflexion par exemple : « Groupes de paroles, atelier d’affirmation de soi, atelier de revalorisation de l’image de soi, atelier écriture/journal », ou encore « échange inter actif afin d’aider le patient à préciser son éventuel projet et discussion ».
Nous pouvons nous demander si une approche sur l’unité somato-psychique permettrait de favoriser la motivation au changement.

Motivation au changement et unité somato-psychique

Nous avons demandé aux professionnels s’ils pensaient qu’une approche sur le corps favorisait ou favoriserait la motivation au changement et ils ont tous répondu oui :
Après cela, nous avons demandé pourquoi, selon eux, le corps pourrait favoriser la motivation au changement.
Il apparait d’après les professionnels interrogés, que le corps constitue une porte d’entrée au psychisme, il permet de « conscientiser plus fortement les tensions internes pour ensuite élaborer des solutions alternatives afin de les atténuer » (réponse à l’enquête). Cela suppose de « réinvestir le corps comme un outil de plaisir et non comme une expression de la souffrance psychique », en recréant du lien avec le symbolique, l’imaginaire et le réel de la personne. Cela peut se faire par des ateliers de conscience de soi, de bien-être, d’apaisement, en recréant l’unité somato-psychique par des stimulations sensorielles : « Re – découverte de nouvelles sensations corporelles, autour du bien-être et du plaisir, de la détente évoluant vers une amélioration du schéma corporel, une image (physique) de soi plus valorisante, donc un changement de comportement tout en travaillant autour de la confiance en soi ».
Le corps serait aussi un outil de relation : « En utilisant le corps comme outil relationnel : avoir la bonne distance avec l’autre au travers de médiations corporelles (type arts martiaux).

L’Insight et la conscience du trouble

Dominique Friard explique que « le concept d’Insight décrit la capacité à percevoir les choses de l’intérieur, à les pénétrer suffisamment pour que leur sens puisse s’éclaircir pleinement. » (21) La compréhension de la maladie devient plus compliquée lorsqu’il y a un manque d’Insight. Nous pouvons faire le lien entre cet Insight et l’unité somato-psychique qui est altérée dans l’alcoolodépendance : entre le manque de capacité à percevoir les choses de l’intérieur, et le manque de capacité à faire du lien entre le corps et le psychisme.
Il explique que le manque d’Insight n’est pas une simple « anosognosie » (déficit neurologique), car de multiples déterminants psychologiques et psychiques complexes empêchent cette prise de conscience du trouble, comme : « la réticence, peur de la stigmatisation, dévalorisation de soi, hypervalorisation compensatrice, mécanismes de défense inconscients (déni). » (21) Il ne saurait donc être pensé de façon binaire, mais en prenant en compte les déterminants de la personne : il demande alors une approche dite globale de la personne.
La conscience du trouble, ou Insight seraient indispensable pour favoriser une motivation au changement durable. Ce manque de perception « de l’intérieur » fait le lien avec le concept d’unité somato-psychique, qui est altérée dans l’alcoolodépendance. Il peut évoluer, mais demande de prendre en compte l’aspect multifactoriel de la maladie, par une approche globale de la personne.
Nous pouvons faire le lien entre cet aspect multifactoriel et l’ergothérapie qui offre notamment une prise en charge globale de la personne, dans le paragraphe suivant.

Ergothérapie et alcoolodépendance

La prise en charge des personnes alcoolodépendantes doit prendre en compte la complexité de la maladie, avec une unité somato-psychique altérée et un manque d’insight qui empêche l’entrée dans le processus de changement.
Les alcoolodépendants rencontrent des obstacles psychologiques importants, en effet la stigmatisation, le fait de se reconnaître malade et dépendant peut se révéler très compliqué. De plus, l’accès aux soins n’est pas adapté. Jean Paul Descombey donne deux raisons à cela : le déficit majeur d’accès aux soins des patients alcoolodépendants et la difficulté de traiter le sujet lorsqu’il accède enfin aux soins. Il est donc important de comprendre cette complexité et la notion multifactoriel de la maladie pour une prise en charge plus adaptée. En effet, la place du patient alcoolique dans un modèle de soins classique pose question, notamment sur la relation soignant-soigné, le levier important que représente le corps et le compromis difficile entre l’accueil, le soin et l’exigence de la prise en charge.
Pour être efficace, la prise en charge doit donc être globale. L’ergothérapie et son approche globale prend en compte la personne, son histoire, sa singularité dans la maladie, elle doit comprendre ses obstacles psychologiques à l’abstinence et ses obstacles par rapport au traitement lui-même.
Nous parlons plus précisément d’approche holistique. Cette approche propose de considérer chaque personne dans sa globalité, comme être vivant dans un environnement singulier aussi bien à l’intérieur (psychisme, corps) qu’à l’extérieur (vie sociale, professionnelle, environnement matériel) la compréhension de ses interactions est la spécificité de l’ergothérapie.
« L’ergothérapie s’appuie sur une vision holistique où l’individu est considéré en tant qu’être global. La personne est considérée comme un tout intégré dont aucune fonction ne peut être isolée, mais où chacune de ces fonctions constitue l’un des éléments de l’ensemble. » (22)
L’ergothérapie prend sa place dans la prise en soin de l’alcoolodépendance par son approche globale dite holistique, en considérant la personne dans son intégralité.

Problématique théorique

La prise en soin en ergothérapie

« Le traitement ergothérapeutique, fondé sur une vision holistique de la personne, tient compte du niveau de développement, des idées, des souhaits et des peurs de la personne. L’ergothérapie offre ainsi une thérapie individuelle, adaptée à la personne même. » (22)
F.Bouquet, dans son article « Ergothérapie en alcoologie » (23) explique que : « L’objectif essentiel des soins en alcoologie sera d’amener le sujet à choisir en pleine connaissance de cause et en toute lucidité entre la poursuite d’une existence alcoolique ou l’orientation vers un autre type d’existence ». Il explique que cette phase vient après le sevrage, et va être le temps de « la réflexion et de la réadaptation ». Il ajoute que « l’ergothérapie sera à la base de cette nouvelle expérience cohérente, positive et constructive qui s’inscrira dans l’existence alcoolique ».
Il a construit cet article sur la base d’une lettre de motivation d’un sujet sevré depuis dix jours, avec un grand besoin d’aide. Il explique « Depuis longtemps, il m’est arrivé de boire « plus que de raison », […] Depuis deux ou trois ans, ce phénomène devient chronique. Je ne me saoule plus mais tente d’atténuer certaines réactions physiques que je voulais dissimuler à mon entourage : tremblements, rougeurs, suées excessives, éclatement du cerveau…par l’absorption d’une certaine dose d’alcool qui semblait me redonner toute ma sérénité. Sur le plan moral, je recherchais une certaine griserie d’où étaient absents : tensions, angoisses, complexes… ». Il termine par : « je cherche déjà une certitude : ne plus dépendre physiquement de l’alcool ».
L’auteur passe ensuite à l’intérêt de l’ergothérapie selon deux dimensions : l’une gratifiante qui correspond au besoin de renarcissisation (valorisation de soi, dépassement du sentiment d’infériorité, d’indignité) issu du vécu de dégradation de la personne.
L’autre dimension est dite frustrante : elle confronte le sujet au groupe, pour aider chacun à trouver sa place dans une micro société où le partage des lieux, des outils, la confrontation d’idées existent, où d’autres choix sont possibles et où chacun doit pouvoir s’exprimer, se valoriser. Il ajoute que le groupe peut procurer des changements du regards des autres vis à vis d’eux-mêmes.
En résumé de son article, il explique que l’ergothérapie en alcoologie « est un lieu où l’on doit constamment s’interroger sur ce qu’il s’y joue. On y ose la stimulation, on y pratique la frustration, on y cherche plus ses possibilités que ses manques ».
Pour compléter ces informations, L Darsy, (Ergothérapeute) dans son article « Quête de l’objet à perdre chez un patient alcoolique » (24) évoque le problème de la prise en charge globale intégrant le corps et l’esprit des alcoolodépendants. En effet ils passent souvent d’une prise en charge seulement somatique à une prise en charge psychiatrique. Cet auteur définit lui aussi les buts de la prise en charge : « l’amener à prendre conscience de son alcoolisme, de la nécessité d’un traitement et d’un suivi régulier, réaliser le sevrage et le maintenir, mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour permettre une réinsertion familiale, sociale et professionnelle la meilleure possible. »
B. Ferrier Perrusset, (Ergothérapeute) dans son article « Présentation du travail proposé en ergothérapie auprès des personnes alcoolodépendantes dans un centre de rééducation fonctionnelle » (25) parle de l’importance de la notion d’accompagnement. En effet les patients sont fragilisés par la peur de la rechute, qui peut entraîner perte de confiance en soi, peur du quotidien et repli sur soi. Cet accompagnement, selon l’auteur, se découpe en plusieurs axes : réinsertion communautaire, groupe d’activités, organisation de la vie quotidienne, permissions et congés thérapeutiques, activités socio-récréatives et réinsertion professionnelle. Cela entre-coupé de « temps pour penser et débuter un travail introspectif, l’occasion de repérer tant pour le thérapeute que pour la personne elle-même, la capacité à vivre bien des temps de solitude, « vivre bien avec soi-même ». » et non dans l’angoisse des pensées que les patients cherchaient justement à oublier avec l’alcool.
Par son approche holistique, l’ergothérapie pourrait prendre en compte le corps, plus précisément, l’unité somato-psychique, dans la prise en soin des personnes alcoolodépendantes. Un travail sur le lien entre le corps et l’esprit permettrait de commencer un travail introspectif : le passage par le corps aiderait la personne à se rendre compte de son trouble, c’est ce qu’on appelle avoir de l’insight. Plus cet insight est fort, plus la motivation au changement est favorisée.
Pour définir la manière dont nous allons aborder le travail du corps dans la suite de ce mémoire, nous pourrons parler « d’approches corporelles », qui engloberont l’ensemble des démarches et des points de vue autour de cette notion de corps.
Nous avons expliqué plus haut le concept d’unité somato-psychique et l’approche holistique. Pour bien comprendre dans quel cadre conceptuel s’inscrit ce mémoire, nous allons maintenant expliquer le concept de motivation au changement, celui de l’Insight, ainsi que le modèle de l’occupation humaine, spécifique à l’ergothérapie,

La motivation au changement

Les personnes alcoolodépendantes sont souvent sujettes à l’ambivalence : elle se définit comme l’existence de sentiments et d’attitudes contradictoires qui entraînent une situation d’indécision. En effet, le patient est partagé entre l’idée d’arrêter l’alcool en raison des inconvénients et la nécessité de maintenir ce comportement lié aux avantages qu’il procure (Miller & Rollnick, 2006).
Selon la littérature scientifique, la motivation est une composante essentielle dans la prise en charge globale des personnes dépendantes aux substances. (Lukasiewicz et al., 2006 ; Malet, 2007 ; Csillik & Le Merdy, 2007 ; Miller & Rollnick, 2006.(26).
La motivation a été conceptualisé par Prochaska et DiClemente dans leur modèle transthéorique des changements de comportements. Il décrit six étapes sous la forme d’une roue.
Les différentes étapes :
Précontemplation : la personne ne se rend pas encore compte de son trouble, elle n’envisage pas de changer de comportement, (déni).
Contemplation : la personne se rend compte des effets de l’alcool. C’est le temps de la balance décisionnelle où la personne commence à envisager un changement.
(Nous pouvons replacer le concept d’unité somato-psychique au moment de la précontemplation et de la contemplation, ainsi que le concept d’Insight, dans le réinvestissement du corps et la prise de conscience du trouble.)
Détermination : la personne décide de commencer un traitement et veut passer à l’étape supérieure.
Action : la personne s’engage dans une réflexion et un changement de ses habitudes quotidiennes. C’est l’étape la plus difficile, où la personne doit se sentir accompagnée et valorisée.
Maintenance : c’est la phase de prévention de la rechute. La personne identifie les risques potentiels de rechute et élabore des stratégies pour les éviter.
Chute ou rechute : cette phase est possible et peut s’avérer nécessaire à l’aboutissement du processus vers une sortie permanente. Le professionnel devra alors être patient et tolérant. L’entrée dans le processus de motivation au changement se produit pendant la précontemplation, avec une sortie possible lors de la détermination si le patient n’est pas prêt, ou lors du maintien de l’abstinence (maintenance), quand la rechute est évitée. Sinon le cycle reprend à nouveau avec le stade de la précontemplation.

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Table des matières

1 INTRODUCTION 
1.1 Contexte
1.1.1 Utilité sociale et intérêt professionnel
1.2 Questionnement
1.3 Thème général
1.4 Problématique pratique
1.4.1 L’alcoolo-dépendance
La dépendance
Les différents usages
1.4.2 Conséquences de l’alcool
Dépendance psychique
Dépendance physique
Dépendance sociale
1.4.3 Lien entre la dimension psychique et dimension physique
1.4.4 Le déni
1.4.5 Parcours de soin
Cures
Postcures
Unité somato-psychique et processus décisionnel
Emotions et rechutes
1.4.6 La motivation au changement
1.4.7 Motivation au changement et unité somato-psychique
1.4.8 L’Insight et la conscience du trouble
1.4.9 Ergothérapie et alcoolodépendance
1.5 Problématique théorique
1.5.1 La prise en soin en ergothérapie
1.5.2 La motivation au changement
1.5.3 L’Insight
1.5.4 Modèle de l’Occupation Humaine (MOH)
1.5.5 Objet de recherche
2 MATERIEL ET METHODE 
2.1 Méthode choisie
2.2 Population interrogée
2.3 Construction de l’outil
2.4 Déroulement de l’enquête
2.5 Choix des outils de traitement des données
3 RESULTATS
3.1 Présentation des ergothérapeutes interrogés
3.2 Analyse transversale des données
3.3 Pour aller au-delà de la matrice conceptuelle
4 DISCUSSION DES DONNEES
4.1 Interprétation des résultats :
4.2 Réponse à l’objet de recherche
4.3 Discussion autour des résultats et critique du dispositif de recherche
4.4 Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.5 Apport, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle et perspectives de recherche à partir des résultats
BIBLIOGRAPHIE

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