L’hypermarché, un lieu qui reflète la société et permet de « raconter la vie »

L’hypermarché, un espace social qui évolue au rythme des mutations de la société et des nouvelles normes de consommation 

L’hypermarché, un lieu qui reflète la société et permet de « raconter la vie » 

Un objet d’étude rendu légitime par son ancrage social dans le quotidien 

Raconter la vie, voici le projet de Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France spécialiste de l’histoire de la démocratie. L’historien crée en 2012 une collection de livres aux éditions Seuil et un site internet participatif intitulé « Raconter la vie » . L’objet de son travail est de faire connaître la réalité de la France de son temps et de dresser le tableau des conditions de vie et de travail des « vies minuscules », des « vies diminuées, niées, implicitement méprisées » . Pour mener son projet à bien il entend raconter et montrer ce que sont les vies ordinaires. Il a l’ambition de créer un Parlement des « invisibles » afin de raviver la démocratie. Ce qui nous intéresse, et qui éclaire le travail que nous menons ici, c’est qu’au-delà de l’aspect politique, son projet participatif est comme un vrai roman de société, dont les gens ordinaires sont les auteurs et les personnages. Pour ce faire, il faut que les récits soient ancrés dans un lieu du quotidien, un lieu qui parle à tous, ou à des activités que nous jugeons banales car normalisées par habitudes de les faire. Car c’est là que s’exprime la réalité de la société, au sens de ce qu’elle est concrètement, dans les faits, ce qui la constitue de manière effective. La collection mêle témoignages, analyses sociologiques, enquêtes journalistiques, enquêtes ethnographiques et littérature. À ces brefs récits menés à la première personne, s’ajoute la voix d’Annie Ernaux qui a écrit le journal de ses visites dans son hypermarché : Regarde les lumières mon amour . Pendant un an, entre novembre 2012 et octobre 2013, elle a tenu le journal de ses visites à l’hypermarché Auchan du Centre Commercial des Trois-Fontaines situé à Cergy-Pontoise. L’hypermarché s’est imposé à elle comme lieu révélateur par excellence des mouvements de société, étant un lieu incontournable du quotidien fréquenté régulièrement et par tout le monde.

Le cahier d’observations que dresse Annie Ernaux a été la base de notre réflexion sur la dimension anthropologique derrière l’étude des hypermarchés. En effet, elle ne se contente pas de regarder à la loupe comme le ferait l’œil d’une caméra, elle ressent, elle analyse, elle capte des attitudes, décrit des scènes, établit de multiples connexions entre différents lieux, entre différents temps. Elle en retire une réflexion « sur ce lieu qui est encore peu entré dans la littérature » et qu’elle étudie comme un fait de société qu’elle met en perspective avec les mouvements de notre époque.

La littérature d’Annie Ernaux fait donc prendre conscience que l’hypermarché est le lieu d’une expérience sociale. À ce titre, Émile Zola relatait dès le XIXème siècle la vie des premiers modèles de supermarché dans Au Bonheur des Dames. Les grandes et moyennes surfaces alimentaires sont donc depuis leur création un terrain d’observation du monde dans toutes ses dimensions : le travail, la place de la femme dans la société, l’économie libérale, l’immigration, la religion, les loisirs, la mondialisation… Annie Ernaux résume très bien cela lorsqu’elle dit : « L’hypermarché comme grand rendez-vous humain, comme spectacle, je l’ai éprouvé à plusieurs reprises. »  Lieu de consommation par excellence, il est l’objet de questionnements sur la société de consommation et les habitudes de consommation qui se reflètent en son sein. En fait, c’est tout un pan de l’histoire de la consommation qui est raconté à travers les évolutions du modèle de l’hypermarché. Cela justifie aussi la légitimité qu’il a pu acquérir dans l’art et la culture. Outre la littérature dont nous venons de parler, poésie, photographie, sculpture, films et tant d’autres formes artistiques le prennent comme objet d’étude. Comment ne pas citer la bien connue Supermarket Lady de Duane Hanson , célèbre pour ses œuvres hyperréalistes qui mettent en scène des Américains dans leur vie quotidienne. Avec cette œuvre de 1960 c’est la médiocrité de l’Americain Way Of Life (mode de vie américain) qu’il dénonce. La femme en grandeur nature, poussant son caddie débordant de produits, est une allégorie de la consommation de masse. Ce que nous voulons montrer ici, c’est que les auteurs vont parfois jusqu’à partager la vie des consommateurs, se mettre à leur niveau, afin de comprendre le sens donné à cette activité particulière au sein de leur existence.

L’édition 2004 – 2005 d’un concours de philosophie Québécois  a repris et adapté la plume de Descartes en se demandant si le cogito de notre époque ne serait pas plutôt : « Je dépense, donc je suis » ? L’essai gagnant a montré comment, dans diverses situations, la consommation remplace, s’oppose ou s’apparente au cogito cartésien. Pour les besoins de cet essai, l’auteur précisait prendre le terme « dépense » comme une référence à la consommation de biens commerciaux en général, et non seulement à l’acte précis de la transaction économique. Cela étant, notre « profil de consommateur » accomplit une fonction en ce qu’il est le nouveau lieu privilégié d’exercice du « sens commun » et nous lie à une communauté économique. Autrement dit, lorsqu’on juge de la qualité d’un produit, on le voit non seulement à travers nos propres yeux mais aussi (parfois inconsciemment) à travers ceux de nos semblables. Par rapport à nos ancêtres, nous ne puisons plus nos identités seulement dans des récits partagés de tous mais dans un vaste étalage de livres, de chansons, de mythes et d’images. En fait, l’une de nos sources privilégiées de récits identitaires est le monde de la consommation. Cela se produit avec la publicité, qui nous propose des récits particulièrement flatteurs et utopiques. Mais cela se produit aussi, de manière plus subtile, par le biais d’une « grammaire des objets » que décrit Jean Baudrillard dans Pour une critique de l’économie politique du signe  : les biens de consommation deviennent des signes constitutifs de narrations identitaires. En effet, Jean Baudrillard montre à quel point la consommation structure les relations sociales dans les sociétés occidentales : elle n’est plus un moyen de satisfaire ses besoins primaires mais bien de se différencier. Au-delà d’une dépendance aux objets, ce qui nous semble intéressant à mettre en lumière dans l’analyse de Baudrillard par rapport à note sujet c’est le fait que les objets de consommation semblent parler de nous, exprimer notre identité selon un code qui nous échappe parfois. De ce fait, on pourrait dire : « Je dépense, donc je suis rebelle, intellectuel, etc. ».

Un lieu marchand incarné par la figure du consommateur devenu « hyper client» 

Au-delà de ses dimensions économiques et commerciales, l’hypermarché, lieu de consommation par excellence, est un miroir de la société. En tant que lieu de vie, il est traversé chaque jour par une foule de consommateurs qui l’animent. Observer ce qui se passe en son sein c’est observer le reflet d’une société et de ses besoins, ses envies, ses valeurs. Puisqu’il vit au rythme de ses clients, il s’agit donc de les satisfaire. Le modèle de l’hypermarché tel qu’il a été pensé lors de sa création dans les années 60 ne suffit plus. Nous verrons dans une autre partie que cette clientèle a évolué et ses besoins et désirs aussi. Le modèle initial, fondé sur la primauté accordée à la marchandise sous l’injonction de vendre à tout prix, se substitue de plus à plus à celui dit de l’« hyper-client » .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : L’HYPERMARCHE, UN ESPACE SOCIAL QUI EVOLUE AU RYTHME DES MUTATIONS DE LA SOCIETE ET DES NOUVELLES NORMES DE CONSOMMATION
A) L’hypermarché, un lieu qui reflète la société et permet de « raconter la vie »
1 – Un objet d’étude rendu légitime par son ancrage social dans le quotidien
2 – Un lieu marchand incarné par la figure du consommateur devenu « hyper-client »
B) L’hypermarché puise sa raison d’être dans l’adaptation aux besoins et aux valeurs émanant de la société
1 – Un hyper-client qui ne cherche plus à consommer « plus » mais « mieux » en donnant du sens à sa consommation
2 – Le bio comme exemple canonique de ces valeurs du ‘Mieux consommer’ : un levier pour l’hypermarché en crise
C) Plus qu’une réponse à un besoin, l’hypermarché participe à susciter ce besoin par un discours valorisant les valeurs du bio et du local
1 – Au-delà de leur dimension marchande, il apporte du sens aux objets de consommation pour être appropriés par les consommateurs
2 – Plus qu’un simple magasin à dimension utilitaire, l’hypermarché propose de faire l’expérience de la consommation bio ou locale
PARTIE II – UNE MISE EN RECIT DES PRODUITS BIO ET LOCAUX QUI ABOUTIT A FAIRE DU CONSOMMATEUR ET DE L’HYPERMARCHE LES ACTEURS D’UNE HISTOIRE COMMUNE
A) Derrière l’hypermarché-magasin, une marque-enseigne qui construit son identité autour des valeurs du bio et du local
1 – L’incarnation des valeurs à travers l’identité de marque
2 – Tout, à travers l’hypermarché, est acte de communication véhiculant cette identité
B) Quand l’hypermarché devient son propre dispositif de communication
1 – Un prétexte pour raconter une histoire
2 – Une mise en scène multipliant les opérations de médiations de l’environnement du consommateur
C) Faire l’expérience de la mise en récit des valeurs de la marque
1 – Le Brand Content pour inclure les consommateurs dans l’expérience de la marque
2 – Instaurer une relation de confiance autour d’une fiction du bio et du local
PARTIE III – LE ROLE DU MYTHE DANS LA CREATION D’UNE CONNIVENCE AUTOUR D’UNE ILLUSION D’AUTHENTICITÉ
A) Raconter une histoire crédible grâce à la représentation de mythes et d’imaginaires collectifs
1 – L’enjeu de dépasser la barrière de la fiction
2 – L’évocation de mythes pour donner l’illusion du vrai autour de ces valeurs
B) Le rôle du packaging et de la mise en rayon dans la mythification du bio
1 – Les rayons bio : des espaces avec leurs propres codes visant à faire l’expérience d’une naturalité représentée
2 – Le packaging : un outil majeur dans la mise en scène du mythe de la naturalité
C) L’hypermarché donne à voir une représentation du terroir fondée sur des références communes à un mythe du terroir
1 – Le terroir en tant que construit : sans réalité effective il ne peut être que représenté
2 – La force du récit de marque pour introduire le terroir au sein de l’hypermarché
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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