La domination et l’organisation du pouvoir

Par : Julie Larochelle-Audet

L’humain face à l’organisation scientifique du travail

La domination et l’organisation du pouvoir

Traduisant une épistémologie du point de vue située, Patricia Hill Collins (2016) a théorisé une matrice de l’« organisation d’ensemble des relations hiérarchiques de pouvoir dans une société » (p. 440) à partir de la réalité sociale contemporaine et historique des femmes noires aux États-Unis. Cette matrice de la domination (« matrix of domination ») possède, d’une part, une organisation spécifique des systèmes enchevêtrés d’oppression (ex. : racisme, (hétéro)sexisme, classisme, âgisme) selon différentes catégories (ex. : la race, la classe, le sexe, la sexualité, le statut de citoyenneté, l’ethnicité et l’âge) et, d’autre part, une organisation spécifique de quatre domaines du pouvoir – présentés ci-après – poursuivant des objectifs distincts (structurel, disciplinaire, hégémonique, interpersonnel).Collins (2009b) conçoit le pouvoir de deux façons complémentaires. Le pouvoir concerne, d’une part, le rapport dialectique entre l’oppression et le militantisme – la résistance –, où les groupes disposant de plus de pouvoir oppriment les autres. Elles rendent visible la possibilité de transformer l’organisation sociale par l’action humaine, ce qui dépasse « le modèle simpliste des éternels oppresseurs et des perpétuelles victimes » (Collins, 2016, p. 415). Le pouvoir est conçu, d’autre part, « comme une entité intangible qui circule à l’intérieur d’une matrice particulière de domination et avec laquelle les individus entretiennent des rapports divers » (Collins, 2016, p. 415). Les approches du pouvoir en termes de subjectivité montrent comment le pouvoir bouge, tant du côté des personnes que des structures : « tout comme chaque Africaine-Américaine, au plan individuel, modifie ses idées et ses actions, il en va de même de la forme générale du pouvoir » (Collins, 2016, p. 415). Si la domination et la résistance sont modelées par l’agentivité individuelle, celle-ci modèle aussi les actions humaines à l’intérieur des matrices de la domination. Le positionnement des personnes change constamment dans et à l’intérieur des oppressions enchevêtrées et est ressenti dans leur corps – pas seulement dans leur esprit – de multiples façons51.
Ces deux visions du pouvoir – dialectique et subjective – sont nécessaires à l’empowerment des Africaines-Américaines, « une composante de la lutte plus vaste pour la dignité humaine et la justice sociale » (Collins, 2016, p. 417). Elles engagent à la fois la conscientisation des personnes opprimées et la transformation des institutions sociales injustes auxquelles elles sont confrontées. Ces deux ordres d’actions reliés décloisonnent les niveaux micro et macro de l’analyse sociologique et allient les relations et les rapports sociaux52, qui s’entremêlent dans quatre domaines du pouvoir. Chaque domaine du pouvoir est essentiel pour comprendre comment la domination et la résistance sont organisées, selon des matrices toujours spécifiques aux points de vue situés des personnes opprimées :
Aux États-Unis, les formes spécifiques de chaque domaine du pouvoir illustrent comment les oppressions enchevêtrées de race, de classe, de sexe, de sexualité et de nationalité sont organisées de façon spécifique. Les femmes noires sont intégrées dans chaque domaine du pouvoir d’une façon particulière qui, tout en présentant des modèles de différences partagées avec les femmes afro-descendantes à l’échelle transnationale, demeure typiquement étatsunienne (Collins, 2016, p. 417).
Tel que le théorise Collins (2009b), le domaine structurel du pouvoir se situe au niveau des institutions (ex.: hôpitaux, agences gouvernementales, banques, écoles). Il désigne un réseau de pratiques organisant et maintenant une distribution inégale et injuste des ressources sociales opérant par le biais de lois, de politiques et de règlements (Collins, 2016). Il s’agit en d’autres mots de la structure, préexistant à aux actions individuelles contemporaines et quotidiennes, supportant la production et la reproduction du racisme (Collins, 2009a). Le domaine disciplinaire du pouvoir renvoie plutôt à la gestion des rapports de pouvoir par l’intermédiaire des modes de fonctionnement de ces institutions (Collins, 2016). La domination s’exerce par un mode de gouvernance reposant principalement sur les hiérarchies bureaucratiques et les techniques de surveillance. Si des pratiques organisationnelles quotidiennes peuvent reproduire les oppressions et à en masquer les effets, d’autres peuvent permettre de les défier.
Le domaine hégémonique du pouvoir – appelé plus récemment culturel (Collins, 2009a; Collins et Bilge, 2016) – est le mode d’organisation sociale utilisant les idées, les images, les symboles et les idéologies pour assimiler et dépolitiser la contestation des groupes opprimés (Collins, 2016). Il désigne aussi « la diffusion du pouvoir à travers le système social où les divers groupes se disciplinent mutuellement et occultent les contestations les uns des autres » (Collins, 2016, p. 439). Diffusées notamment par les médias de masse, les idéologies hégémoniques – un système populaire d’idées de sens commun soutenant le savoir spécialisé des groupes dominants et leur droit à gouverner – façonnent largement les représentations sociales. C’est à ce niveau que se diffusent par exemple les mythes de l’égalité et de la justice « déjà là » ainsi que la rhétorique de l’indifférence à la couleur (rhetoric of color-blindness), selon laquelle parler de race perpétue le racisme. Pour fonctionner, ce mode d’organisation doit constamment se renouveler sous de nouvelles formes afin de conserver une large adhésion, notamment parmi les groupes opprimés.
Enfin, le domaine interpersonnel du pouvoir est le niveau micro de l’organisation sociale, celui des interactions quotidiennes. C’est à ce niveau que s’opèrent à la fois le racisme ordinaire – les pratiques discriminatoires qui passent inaperçues, car banalisées – et la résistance quotidienne(Collins, 2009a, 2016; Collins et Bilge, 2016). En dehors du modèle simpliste des éternels oppresseurs et des perpétuelles victimes, la multiplicité des identités des individus et de leurs positions dans les rapports sociaux peut y être observée. Chaque individu a une quantité variable de privilèges au regard des multiples systèmes d’oppression, bien qu’il soit généralement difficile de percevoir comment ses propres privilèges, idées et actions reconduisent les oppressions des autres.

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Table des matières

Introduction
Première partie
Chapitre 1. Pôle épistémologique : une perspective interprétative-critique
1.1. Postulats d’une recherche socialement juste
1.2. Choix épistémo-méthodologiques
Chapitre 2. Pôle théorique : un cadre d’analyse sociologique féministe
2.1. Ancrage et apports disciplinaires
2.2. Conceptualisation des rapports sociaux, de la domination et du pouvoir
2.2.1. Les rapports sociaux de sexe et l’idée de Nature
2.2.2. L’idéologie raciste et les rapports sociaux de race
2.2.3. L’imbrication des rapports sociaux et des systèmes d’oppression
2.2.4. La domination et l’organisation du pouvoir
2.3. Conceptualisations du travail et de ses divisions
2.3.1. Les professions et les divisions internes du travail
2.3.2. L’humain face à l’organisation scientifique du travail
2.3.3. Le travail comme enjeu principal des rapports sociaux (de sexe)
2.3.4. Décloisonner l’analyse pour sortir de la spirale de la domination
2.4. Question de recherche
Chapitre 3. Problématisation : tourner le regard vers l’institution éducative et le travail enseignant
3.1. Recension critique des écrits sur l’insertion professionnelle des enseignant·es immigrants
3.1.1. Le prisme de l’insertion professionnelle
3.1.2. Une construction essentialisante des enseignant·es immigrants et de leur travail
3.1.3. L’occultation des rapports sociaux de race
3.2. Droit à l’égalité et rapports sociaux de race dans le travail
3.2.1. Discrimination et droit à l’égalité en emploi
3.2.2. Transformation du discours public et résurgence du racisme
3.2.3. Étudier les nouvelles divisions du travail enseignant pour révéler les configurations des rapports sociaux
Chapitre 4. Pôle technique : une démarche inspirée de l’ethnographie institutionnelle
4.1. Les fondements et la démarche de l’ethnographie institutionnelle
4.1.1. Partir de l’expérience quotidienne
4.1.2. Révéler les rapports de régulation par les textes
4.1.3. La démarche d’enquête et le processus d’analyse
4.1.4. Les étapes et niveaux d’investigation de l’enquête
4.2. Considérations et limites méthodologiques
4.2.1. Type de recherche, échantillonnage et rigueur
4.2.2. Considérations éthiques
4.2.3. Limites méthodologiques de la recherche
4.3. Première phase : collecte et analyse des récits d’insertion professionnelle d’enseignant·es
4.3.1. Critères de sélection et recrutement
4.3.2. Collecte et analyse des matériaux
4.3.3. Présentation des informatrices et informateurs
4.4. Deuxième phase : collecte et analyse de matériaux au niveau institutionnel
4.4.1. Critères de sélection et recrutement
4.4.2. Collecte et analyse des matériaux
4.4.3. Présentation des informateurs et informatrices et du corpus documentaire
4.5. Objectifs de la recherche
Deuxième partie
Préambule
Chapitre 5. Des voies divisées au point de départ : conditions régulant le droit d’enseigner
5.1. Accès à la profession enseignante
5.1.1. Les autorisations d’enseigner et les voies d’accès à la profession enseignante
5.1.2. Les exemptions
5.1.3. La voie et les conditions pour les titulaires d’une autorisation d’enseigner délivrée à l’extérieur du Canada
5.1.4. Le stage probatoire
5.2. Nouvelles régulations et différenciations des conditions d’obtention des autorisations d’enseigner
5.2.1. Formalisation de l’autorisation provisoire d’enseigner
5.2.2. Mise en perspective de la proportion de titulaires d’une autorisation d’enseigner obtenue à l’extérieur du Canada
5.2.3. Accroissement de l’écart entre les titulaires d’une autorisation d’enseigner délivrée à l’extérieur du Québec et du Canada
5.2.4. Droit à la reconnaissance équitable de ses acquis
5.2.5. Différenciation et division des voies d’accès à la profession selon le lieu de qualification des personnes
5.3. Institutionnalisation d’un régime de stage préjudiciable et inéquitable
5.3.1. Les stages supervisés ou l’obligation de contrats de travail
5.3.2. Un accompagnement professionnel compromis
5.3.3. Équité et imputabilité des procédures d’évaluation
5.3.4. Un processus d’évaluation irréaliste : le récit croisé de deux directions
5.4. Récits d’enseignantes et synthèse
5.4.1. « Que signifie qualifié ? » (Mirela)
5.4.2. Une double course au contrat
5.4.3. « C’est toute qu’une nébuleuse! » (Elena)
5.4.4. Un tuyau percé pour débuter
Chapitre 6. Des voies divisées jusqu’à la liste de priorité : catégories d’enseignant·es et attribution des affectations
6.1. Les conventions collectives du personnel enseignant
6.1.1. Les catégories d’enseignant·es et le champ d’application de la convention collective
6.1.2. Les champs d’enseignement et les disciplines
6.1.3. L’engagement et les contrats d’engagement
6.1.4. La liste de priorité et les critères d’accès
6.1.5. L’octroi des contrats et l’ordre de la liste de priorité
6.2. Sous la pénurie, des statuts d’emploi et des conditions de travail fragmentés et hiérarchisés
6.2.1. La sécurité d’emploi face à la flexibilité
6.2.2. Mise en perspective de la pénurie de personnel enseignant dans les médias
6.2.3. Un marché pour qui? Les enseignant·es devant l’opacité du système
6.2.4. Flexibilisation du travail et fragmentation des statuts d’emploi en enseignement
6.3. Des voies différenciées pour l’attribution des affectations et la progression vers la sécurité d’emploi
6.3.1. L’embauche et les recommandations par les directions
6.3.2. Les systèmes centralisés et décentralisés d’attribution des suppléances
6.3.3. Être à la bonne place au bon moment?
6.3.4. Du statut hiérarchisé des suppléant·es et des remplaçant·es en milieu scolaire
6.4. Récits d’enseignant·es et synthèse
6.4.1. « Parce qu’il faut commencer quelque part » (Naoual)
6.4.2. La « mafia de l’éducation » (Safa)
6.4.3. Les nouvelles configurations hiérarchisées du travail
Chapitre 7. Des voies divisées au moment de la sélection : droit à l’égalité et rapports sociaux
7.1. Dispositif pour le droit à l’égalité en emploi
7.1.1. Les chartes et le droit à l’égalité en emploi
7.1.2. Les programmes d’accès à l’égalité en emploi
7.2. Des programmes inefficaces pour rétablir le droit à l’égalité
7.2.1. Les mesures des programmes d’accès à l’égalité en emploi des commissions scolaires
7.2.2. Les données des programmes d’accès à l’égalité en emploi des commissions scolaires
7.2.3. Des mesures de redressement inopérantes
7.2.4. Des statuts d’emploi aux droits différenciés
7.3. Des processus et critères de sélection différenciés et préjudiciables
7.3.1. L’organisation différenciée des processus de sélection du personnel enseignant
7.3.2. Des conditions d’évaluation variables pour le personnel en début de carrière
7.3.3. Une évaluation à la discrétion de la direction
7.3.4. L’enjeu de la perception de compétence en gestion de classe
7.3.5. L’autonomie et les qualités relationnelles comme critères de sélection
7.4. Récits d’enseignant·es et synthèse
7.4.1. Assignations en milieu scolaire
7.4.2. Articulation des rapports sociaux de sexe et de race
7.4.3. « Tu te plies ou tu te tasses » (Pierre)
7.4.4. Faux départs et injustice
7.4.5. Une question de gestion de classe ou de division du travail?
7.4.6. Distributions dissymétriques du travail et rapports sociaux
Conclusion
Bibliographie

Mots-clés : travail enseignant, division du travail, rapports sociaux, domination, rapports de régulation, idéologie raciste, discrimination systémique, ethnographie institutionnelle

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