L’Hafnium dans les zones de subduction

Les zones de subduction représentent des régions clés de la dynamique terrestre. Sur près de 30000 km de longueur, elles permettent l’absorption de la lithosphère océanique et son retour vers le manteau en contrebalançant ainsi l’accrétion de cette lithosphère qui intervient au niveau des dorsales medio-océaniques. La subduction de la lithosphère océanique est généralement associée à un magmatisme qui s’exprime en surface par l’apparition d’un arc volcanique sur la plaque continentale ou océanique sus-jacente à la subduction. Les magmas produits à l’aplomb des zones de subductions présentent une série de caractéristiques pétrographiques et géochimiques qui les distinguent pleinement des magmas produits au niveau des points chauds et des rides médio-océaniques (Gill, 1981; Thorpe, 1982). Tout d’abord leur composition moyenne en éléments majeurs, légèrement enrichie en silice et en alcalins, a été dénommée composition andésitique. Ensuite au niveau de leurs compositions en éléments en traces, ces magmas sont principalement caractérisés par un déficit des concentrations en Niobium et Tantale par rapport aux éléments en traces comparables (Perfit et al., 1980; Pearce, 1982). Ces compositions géochimiques des magmas de zones de subductions apparaissent très proches de la composition moyenne de la croûte continentale (Taylor et McLennan, 1985). La similitude entre les magmas d’arcs volcaniques et la composition de la croûte continentale ont conduit Taylor (1967; 1977) puis Taylor et McLennan (1985; 1995) à considérer que les zones de subduction constituaient des régions où actuellement la croûte continentale était extraite du manteau terrestre. Les arcs volcaniques représentent ainsi des ensembles juvéniles de croûte destinés à évoluer vers des ensembles matures et à s’ajouter à la masse continentale présente à la surface de la Terre.

Cependant au niveau des zones de convergence, la subduction ne concerne pas uniquement la lithosphère océanique mais aussi les couches sédimentaires qui se sont déposées sur celle-ci durant son trajet depuis la dorsale jusqu’à la fosse de subduction (Von Huene et Scholl, 1991; Rea et Ruff, 1996). Les éléments constituant ces sédiments océaniques proviennent pour partie de l’érosion mécanique et chimique des masses continentales (Hay, 1998). La subduction de ces sédiments correspond donc à un retour de matériaux continentaux vers le manteau de la Terre. D’un point de vue géochimique, les zones de subduction représentent donc des régions d’échanges de matière entre deux des principaux réservoirs terrestres, en permettant l’extraction de la croûte continentale à partir du manteau mais aussi en autorisant le retour du matériel crustal vers ce même manteau (Armstrong, 1968; Armstrong, 1981; White, 1989; Armstrong, 1991; Von Huene et Scholl, 1993; Plank et Langmuir, 1998). Les zones de subductions représentent en outre des lieux d’interactions entre le manteau et les enveloppes fluides de la Terre (l’océan et l’atmosphère). En effet, les croûtes basaltiques et les sédiments constituant la partie supérieure des lithosphères océaniques contiennent d’importantes proportions d’eau. Leur subduction permet donc vraisemblablement un recyclage de l’eau océanique vers le réservoir mantellique (Ito, et al., 1983; Gillet, 1993). Enfin le dégazage des laves au niveau des arcs volcaniques correspond pour partie à un flux de matière entre le manteau et l’atmosphère terrestre (Marty et Tolstikhin, 1998) .

Compositions isotopiques des éléments traces

Les roches terrestres contiennent la totalité des éléments chimiques connus à l’état naturel. Une petite dizaine de ces éléments, désignés par le terme d’éléments majeurs, constituent généralement plus de 99% de la masse des matériaux terrestres. Il s’agit du Silicium, de l’Oxygène, de l’Aluminium, du Fer, du Calcium, du Magnésium, du Manganèse, du Sodium, du Potassium et du Titane. L’ensemble des autres éléments chimiques naturels (environ 80 éléments) forment généralement moins de 1% de la masse des échantillons terrestres. Ces éléments ont été regroupés sous le terme d’éléments traces. Parmi les éléments traces des roches terrestres, quelques nucléides proviennent d’une désintégration radioactive d’autres éléments traces. Ces processus de désintégrations ont trouvé deux applications importantes en Sciences de la Terre. Tout d’abord, les réactions de désintégrations radioactives à longues périodes, avec des constantes de désintégrations λ de l’ordre de 10⁻⁹ à 10⁻¹² an⁻¹, sont utilisées comme chronomètre pour déterminer l’âge des échantillons géologiques.

Ces systèmes de désintégrations radioactifs à longues périodes sont, de plus, utilisés pour étudier la pétrogenèse des roches terrestres. Cette application concerne principalement les systèmes 87Rb-87Sr, 147Sm-143Nd, 238U-206Pb, 235U-207Pb, 232Th-208Pb et 176Lu-176Hf. L’utilisation de ces systèmes en pétrogenèse des roches est permise par les répartitions différentes des éléments pères et des éléments fils dans les différents réservoirs terrestres. En effet durant l’individualisation des divers ensembles de la Terre solide (le noyau, le manteau et la croûte continentale), les éléments radioactifs n’ont pas été distribués en proportions équivalentes à leurs éléments fils. Ainsi, si l’on considère un couple isotopique Père/Fils, certains réservoirs terrestres présenterons une proportion élevée d’élément radioactif alors que d’autres réservoirs présenterons au contraire une proportion faible de l’élément père par rapport à l’élément radiogénique. Ces distributions hétérogènes des éléments pères et fils ont entraînées au cours du temps, avec la désintégration des éléments radioactifs, des compositions isotopiques variées pour les éléments radiogéniques dans les différents ensembles de la Terre. Une mesure des rapports isotopiques des éléments radiogéniques permet donc de déterminer de quel réservoir proviennent les roches terrestres. En outre un échantillon provenant d’un mélange de deux sources présentera des rapports isotopiques intermédiaires entre ces deux sources. Les rapports isotopiques permettent donc aussi d’établir une éventuelle origine complexe des matériaux terrestres. Ce principe d’utilisation des rapports isotopiques d’éléments traces afin de déterminer la source de matériaux est mis en application dans ce mémoire par l’étude des compositions isotopiques de l’Hafnium et de ces relations avec les compositions isotopiques du Néodyme.

Compositions isotopiques de l’Hafnium de la croûte et du manteau terrestre

Lors des processus de fusion partielle des matériaux terrestres, Lutétium et Hafnium ne présentent pas des comportements identiques. Ces deux éléments sont au contraire généralement fractionnés lors des phénomènes de fusion (Patchett et al., 1981). Ainsi les magmas produits par fusion des matériaux terrestres présentent généralement des rapports Lu/Hf inférieurs au matériel source. À l’opposé le résidu solide de la fusion possède un rapport Lu/Hf supérieur au matériel source. L’Hafnium est ainsi considéré comme un élément plus incompatible que le Lutétium au cours des processus de magmatogenèse (Hofmann, 1988). Ce fractionnement que subissent Lutétium et Hafnium durant la génération des magmas a permis l’individualisation sur Terre de deux ensembles principaux aux rapports Lu/Hf distincts : La croûte continentale et le manteau supérieur appauvri (Patchett et al., 1981; Patchett, 1983b; Hofmann, 1988; Hofmann, 1997). La croûte continentale générée par fusion du manteau primitif de la Terre a hérité d’un rapport Lu/Hf inférieur à ce dernier (Taylor et McLennan, 1985; McLennan, 2001). En complément, le manteau supérieur, considéré comme le résidu laissé par l’extraction de la croûte doit posséder un rapport Lu/Hf supérieur au manteau primitif (Patchett et Tatsumoto, 1980b; Patchett et al., 1981; Patchett, 1983b; Salters et Hart, 1989; Salters et Hart, 1991; Hofmann, 1997; Chauvel et Blichert-Toft, 2001). Le fractionnement entre Lutétium et Hafnium durant la différenciation de la croûte et du manteau terrestre se rapproche du fractionnement subit par le couple Sm-Nd. En effet dans ce système, le Néodyme qui est l’élément radiogénique de ce couple est également plus incompatible que le Samarium, son élément père (Hofmann, 1988; Hofmann, 1997 et références citées dans ces articles). Les rapports Lu/Hf et Sm/Nd distincts de la croûte et du manteau supérieur de la Terre ont entraînés au cours du temps le développement de compositions isotopiques distinctes dans ces deux réservoirs géochimiques par désintégration radioactive des nucléides 176Lu et 147Sm en isotopes 176Hf et 143Nd (Patchett et al., 1981; Patchett, 1983b; Vervoort et Patchett, 1996a; Vervoort et al., 1996b; Vervoort et Blichert-Toft, 1999a et références citées dans ces articles). L’évolution de ces compositions isotopiques peuvent être représentées par l’étude des rapports 176Hf/177Hf et 143Nd/144Nd (les nucléides 177Hf et 144Nd étant des isotopes stables de l’Hafnium et du Néodyme). Comme le montre la figure A, les basaltes de rides medioocéaniques (dénommés MORB pour « Mid Ocean Ridge Basalts ») provenant du manteau supérieur présentent des rapports 176Hf/177Hf et 143Nd/144Nd supérieurs aux rapports du manteau primitif. À l’opposé les granites continentaux analysés par Vervoort et Patchett (1996a) affichent des rapports 176Hf/177Hf et 143Nd/144Nd inférieurs aux rapports du manteau primitif. Les compositions isotopiques de l’Hafnium et du Néodyme permettent donc de préciser l’origine continentale ou mantellique des matériaux terrestres et peuvent être utilisés comme traceurs de la source des roches magmatiques.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE I: Compositions isotopiques de l’Hafnium des matériaux terrestres: Corrélations avec les compositions isotopiques du Néodyme et intérêts dans l’étude des zones de subduction
CHAPITRE II: Compositions isotopiques de l’Hafnium et du Néodyme du flux entrant dans la zone de subduction d’Izu-Mariannes (Leg ODP 185, Sites 801 et 1149)
Article: Hf-Nd isotopic budget of altered oceanic crust and sediments subducted at the IzuMariana margin (ODP Leg 185, Sites 801 and 1149). Implications for the recycling of subducted materials into the Izu-Mariana arc and the earth’s deep mantle
CHAPITRE III: Compositions isotopiques de l’Hafnium des laves d’arcs insulaires
Partie A: Arc de Luzon
Article: Hf isotope compositions of northern Luzon arc lavas suggest involvement of pelagic sediments in their source
Partie B: Île de Java (arc de la Sonde)
Article: Evolution temporelle des compositions isotopiques de l’Hf des laves d’arc de Java
CHAPITRE IV: Synthèse des résultats principaux
Conclusion

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