L’externalisation de l’asile : historique et mise en place

L’externalisation de l’asile : historique et mise en place

Dans un contexte général de mondialisation, les mobilités humaines évoluent au même rythme que les mobilités de services et de capitaux. Au-delà de s’accélérer, ces mobilités tendent à se massifier et à se diversifier. Dans ce cadre, l’immigration est perçue comme un phénomène de plus en plus difficile à appréhender par les États. Cela les pousse à innover en matière de politiques de gestion des flux migratoires. Désormais, un point d’honneur est mis sur la coopération « NordSud » mais aussi sur la coopération entre États de l’Union Européenne.
Comme nous l’avons énoncé dans l’introduction, l’objectif de l’Union Européenne est de mettre en place une politique d’asile commune. Pour atteindre ce but, elle est passée par différentes étapes que nous avons énumérées. L’externalisation de l’asile représenterait la consécration d’une telle volonté : une Union Européenne unie et associée sur un projet commun.
En transférant à des pays tiers la responsabilité du premier accueil des demandeurs d’asile, l’Union Européenne compte limiter les flux de migrants à franchir ses frontières et ainsi pouvoir distinguer à distance les vrais demandeurs d’asile des faux, plus couramment appelés « migrants économiques ». Cette dichotomie entre vrais et faux est placée au cœur des discours politiques des différents chefs d’État et des institutions européennes. La question des faux réfugiés, tantôt « arnaqueurs », tantôt « profiteurs », dessert divers intérêts politiques et apparaît régulièrement dans les communications politiques pour justifier de politiques nationalistes ou répressives. Ces « faux » réfugiés sont considérés comme une menace : pour les pays d’accueil en encombrant leurs services publics comme pour les « véritables » réfugiés à qui ils compliqueraient le parcours de protection. Le faux est alors considéré comme faiseur de trouble pour la cohésion nationale. Ces discours étaient déjà utilisés par les États-Unis et l’Australie dans les années 1980. Ces derniers ont d’ailleurs eu une influence notable sur l’évolution des politiques européennes. C’est notamment eux qui ont, les premiers, expérimenté la politique d’externalisation de l’asile.
Une réflexion sur leurs pratiques est essentielle pour comprendre en quoi consiste cette politique dans un premier temps mais également quelles sont les leçons à en tirer. A plus d’une décennie d’écart, l’Union Européenne est à même d’évaluer les pratiques expérimentées par ses partenaires états-unien et australien. Nous verrons donc dans cette première partie de quelle manière ces États ont initié la politique d’externalisation et quelles conclusions en ont été tirées. Cela nous permettra d’appréhender sa mise en place à l’échelle européenne.

Un héritage controversé

La question de l’externalisation ou de la gestion externe des frontières n’est pas une invention européenne. Cette pratique a été mise en œuvre par les États-Unis dans les années 1990 en réponse aux flux de migrants caribéens et latino-américains ainsi qu’en Australie dans les années 2000 en réponse aux flux asiatiques et mélanésiens.
Bien que ces deux territoires soient historiquement, géographiquement et démographiquement différents, ils constituent des pôles d’accueil très prisés. En effet, ils exercent une domination économique reconnue sur l’ensemble de leur territoire continental mais aussi plus largement à l’échelle mondiale. Naturellement, ils deviennent des territoires à atteindre pour les populations les plus touchées par la guerre ou la misère. Toutefois, au début des années 1980, un élu local de Floride déclarait : « Nous ne voulons plus de satanés réfugiés noirs en Floride ! » . Cette revendication nous interpelle sur le rôle que tiennent les responsables politiques des pays d’accueil dans la gestion des demandeurs d’asile. Nous débuterons donc notre analyse par une comparaison des expériences d’externalisation des États-Unis et de l’Australie. Quel aura été l’élément déclencheur de sa mise en place ? Y a t-il des caractéristiques nécessaires à son instauration ? Quelles sont les leçons à en tirer et surtout que traduit t-elle du rapport entre pays dits « du Nord » et pays dits « du Sud » ?

L’inspiration états-unienne et l’archipel caribéen

Dès le début du XXè siècle, la Caraïbe a pour caractéristique principale d’être « une région que l’on quitte » . Sa configuration géographique et terrestre fait d’elle un espace particulièrement enclin au développement des migrations maritimes clandestines, entre les îles et vers les États-Unis : pêcheurs haïtiens aux Bahamas dès les années 1950 , boat peopledominicains vers Puerto Rico au début des années 1970 , puis de plus en plus vers les États-Unis directement.
L’indépendance bahaméenne en 1973 a conduit à une montée en puissance de la xénophobie, traduite par une « répression croissante de l’immigration clandestine » . Cela a incité les couches populaires haïtiennes à rejoindre directement les États-Unis. Plus à l’ouest, les flux de « balseros » cubains se sont développés en raison de la rupture du bloc communiste et de la crise économique.
Dans ces contextes d’instabilité politique et économique, la migration de l’individu est d’un côté considérée comme une nécessité pour les familles restées au pays et comme une menace pour les pays d’accueil. En 1981, le Président Ronald Reagan déclarait que « l’immigration illégale était un « problème persistant » » . Une série de mesures était alors prise pour contrer ces flux: dispositifs d’interception, augmentation des effectifs de garde-côtes, tentatives de dissuasion.
Un exemple significatif est la signature entre les États-Unis et Haïti d’un « accord autorisant les navires de la garde côtière américaine à intercepter les navires transportant illégalement les étrangers sans papiers vers les côtes américaines » . A peine une semaine plus tard, Reagan émet l’« executive order 12324 » qui autorise les garde-côtes américains à renvoyer les navires et leurs passagers vers leur pays de provenance s’ils estiment qu’ils sont en délit . L’application de cet « executive order » consiste en des entretiens avec les demandeurs d’asile pour juger de la véracité de leurs propos. Suite à cela, deux options : le refus et donc le retour dans le pays d’origine ou l’accord et la conduite vers les États-Unis pour l’obtention du statut de réfugié.

L’exemple australien : la Solution du Pacifique

En 2001, c’est au tour de l’Australie de délocaliser sa fonction d’accueil. Le 26 août de la même année, le capitaine du cargo norvégien MV Tampaest interpellé par les autorités australiennes pour venir en aide à un rafiot transportant 438 migrants . La plupart afghans ou irakiens, ils cherchent à rejoindre l’Australie pour y demander l’asile. Seulement, le gouvernement australien contraint le capitaine du cargo de rediriger les demandeurs d’asile en Indonésie. Chose refusée par les migrants qui menacent de se jeter à la mer . De retour dans les eaux australiennes, le cargo se voit refuser l’accès une fois de plus par les garde-côtes australiens. Cet événement suscite de nombreuses interrogations au sein de la presse locale et internationale mais aussi auprès des organisations d’aide humanitaire ou des organes politiques internationaux. Ruud Lübbers, chef du HCR, critiquera notamment « l’attitude de certains gouvernements qui refusent d’accepter les réfugiés ». Finalement, il aura fallu huit jours pour que la situation se régularise. A force de débats et négociations, l’Australie signe un accord avec la Nouvelle-Zélande et l’île de Nauru pour la prise en charge ces migrants. La « Solution du Pacifique » naît.
Celle-ci consiste à délocaliser la prise en charge des réfugiés en échange de compensations financières de la part de l’Australie, qui recouvrent l’intégralité des dépenses liées à l’accueil et l’examen des demandes mais aussi des aides plus directes pour « remettre sur pied les économies des îles » qui acceptent de participer. Jusqu’alors cette opération concernait uniquement les réfugiés du « Tampa » mais devant l’arrivée de nouveaux clandestins, la prise en charge s’est étendue à la Papouasie-Nouvelle-Guinée ainsi qu’aux îles de Kiribati, Palau et Cocos . Cette « solution » étant à l’initiative de l’Australie, nous sommes en mesure de nous interroger : qui est responsable des demandeurs d’asile ?
Dans le cas de l’externalisation sur l’île de Nauru, c’est cette dernière qui l’est puisque les demandeurs d’asile sont sur son territoire. Cependant, l’Australie finance toute l’opération et est responsable des camps. De plus, selon la Convention de Genève de 1951, c’est aussi l’Australie qui doit prendre en charge ces demandeurs. Adhérente de celle-ci depuis le 22 janvier 1954 , elle a pour obligation de la ratifier et de la transposer à son système juridique. En externalisant son système d’asile, elle bafoue le droit à la protection des réfugiés. Mais une fois de plus, la Cour d’Appel fédérale australienne affirme que l’État n’est pas obligé de prendre en charge les réfugiés en danger en mer territoriale . Nous pouvons nous poser la question suivante : pourquoi l’île de Nauru accepte t-elle d’endosser la responsabilité de sa voisine ? Resituons le contexte politique, économique et social de celle-ci.
Toujours selon Stéphane Hiscock, l’île de Nauru est une terre « dévastée » par son passé d’exploitant minier. Après avoir été considérée comme l’une des plus riches nations du monde au début du XXè siècle, l’île traverse une importante crise économique. Ses réserves sont épuisées, les caisses du gouvernement « vides ». Elle ne bénéficie plus d’aucune ressource et cela entraîne des problématiques médico-sociales tragiques . Un territoire pillé peut attirer les mauvaises convoitises et c’est le cas pour cette île qui selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), serait « l’une des capitales mondiales du blanchiment d’argent » , avec notamment un fort intérêt de la mafia russe. Une telle situation de crise peut expliquer l’engouement de l’île à endosser la responsabilité australienne puisque celle-ci a proposé d’éponger les dettes de l’État. Cependant, tout n’est pas aussi simple car chacun des acteurs qu’ils soient nauruans, australiens ou demandeurs d’asile se demandent quelle sera l’issue d’une telle politique. A plusieurs reprises, le gouvernement australien a affirmé le caractère temporaire d’une telle démarche mais qu’en sera t-il des demandeurs qui n’obtiendront pas le statut ? Aucun des acteurs décisionnels de cette politique n’a pu apporté de réponse.

La perspective européenne

Au même titre que l’Amérique ou l’Océanie, l’Europe est une terre d’immigration. Bien que les États européens essaient depuis le choc pétrolier de 1973 de réguler les flux de migrants, la population immigrée ne cesse d’augmenter, notamment par « un excès très net des entrées sur les sorties ». Malgré la tentative de mettre en place un système européen d’asile commun, les pays européens se situent dans des perspectives différentes en ce qui concerne l’accueil des flux de migrants. Tandis que certains sont dans une logique de recrutement des migrants par des politiques très sélectives , certains continuent à pratiquer le « laisser-passer » ou d’autres encore sont plus réticents à ouvrir leurs frontières. C’est le cas de la France qui en dépit d’un manque de main d’œuvre notable dans les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie, reste relativement circonspecte concernant l’ouverture de ses frontières. Pour expliquer cela, une crainte du manque de qualification des prétendants face à un marché de l’emploi toujours plus exigeant ou encore un taux de chômage élevé de sa population jeune et donc une crainte de voir se profiler des tensions à caractère ethnocentristes . Le Royaume-Uni quant à lui, est un cas assez particulier.
Si comme l’Allemagne il est très ouvert à une immigration qualifiée et qu’il fait partie des pays de l’Europe qui accueillent le plus de réfugiés, il est pourtant le premier à porter aux yeux de l’Union Européenne le projet d’externalisation de l’asile. Au début de la décennie 2000, il met notamment en avant l’augmentation significative du nombre de « faux réfugiés » qui encombreraient les services publics et empêcheraient un traitement optimal des demandes d’asile. Cet argument est celui porté par les gouvernement états-unien et australien pour justifier l’usage de cette politique. A une échelle telle que l’Union Européenne, soit avec des gouvernements, systèmes politiques, compositions, géographies, histoires et problématiques aussi variés, est-ce réellement viable et réalisable ? Bien que les États-Unis et l’Australie soient des territoires spatialement importants, ils ont choisi de mêler à cette politique des pays appartenant à leur continent. Concernant l’Union Européenne, il s’agirait d’attribuer des tâches ou de sous-traiter des services à des pays aussi bien européens, africains qu’asiatiques. Nous sommes donc sur une échelle tout à fait différente. La réussite potentielle d’une telle politique peut être appréhendée de deux manières : tel un symbole de puissance européenne ou une avancée vers une véritable coopération nord-sud. En effet, la question de l’externalisation soulève différents enjeux et pour les comprendre, nous développerons ci-dessous l’intention britannique : quel est son projet ? De quelle manière l’a t-elle porté à l’échelle européenne et quelles réactions cela a t-il suscité au sein des États membres ? La volonté subsistante de développer une politique d’asile commune implique t-elle nécessairement une cohésion des États membres ou une unité sur la prise de décision ?

La proposition britannique

En 2001, le secrétaire d’État au département de l’intérieur britannique Jack Straw déclare que la situation n’est plus adaptée au contexte de rédaction de la Convention de Genève de 1951. Il estime que le système d’asile est désormais défaillant et qu’il est donc temps de le réexaminer, tout en gardant l’idée initiale de protection des « véritables réfugiés » . Straw reprend notamment l’idée soulevée plus tôt selon laquelle la mondialisation et le développement des nouvelles technologies, des moyens de communication et des voyages à bas coût faciliteraient l’arrivée de demandeurs d’asile en Grande-Bretagne et en Europe d’une manière plus générale, mais aussi l’arrivée de migrants économiques. Ces derniers sont véritablement la cible des politiques restrictives faites en matière d’immigration. Pour y remédier, Straw propose quatre éléments qui nous seront essentiels pour comprendre la mise en place de la politique d’externalisation : la priorité mise sur la collaboration avec l’Union Européenne pour traiter de l’asile , la volonté d’aider les pays d’origine concernés à créer de meilleures conditions de vie , celle de rendre l’accès à l’Europe plus facile et donc moins dangereux pour les « véritables » réfugiés et enfin celle de dissuader les « faux réfugiés » de migrer . Parmi ces quatre points, la proximité du traitement des demandes avec les pays d’origine et le blocage des migrants prétendus illégitimes renvoient plus particulièrement aux expérimentations déjà menées par les États-Unis et l’Australie. La coopération entre États membres et avec les pays du sud est au cœur de ces projets.
Cependant, il faut attendre le 26 janvier 2003 pour que le Premier Ministre britannique Tony Blair s’exprime sur l’éventualité d’une révision de la Convention Européenne des Droits de l’Homme . Le lendemain, son porte-parole affirme dans un communiqué de presse qu’en cas d’insuffisance des mesures pré-existantes, le gouvernement britannique envisagera une solution plus radicale, à savoir celle énoncée par Blair . Bien que le caractère conditionnel de cette révision domine les propos des acteurs cités, The Guardian publie le 5 février suivant un document confidentiel qui prévoie la réduction « drastique » du nombre de demandeurs d’asile venant en Grande-Bretagne. Cette réduction passerait pas la création de « zones de refuge » dans lesquelles les demandes seraient traitées. Ces zones appartiendraient à un « nouveau système d’asile global » qui comprendrait la Turquie, l’Iran, le Kurdistan irakien, le nord de la Somalie, le Maroc, l’Ukraine ou la Russie. Si on observe une mappemonde, on peut voir que ces pays se situent soit aux frontières européennes externes soit au cœur même de zones de conflits. Quoiqu’il en soit, ces zones agiraient comme des barrières concrètes, physiques, pour bloquer le passage au cœur de l’Union Européenne. Cela s’inscrit dans la continuité de ce que nous évoquions en introduction : à savoir le blocage des frontières externes de l’Union Européenne. Désormais, s’ajoute la volonté d’impliquer les États hors-Union voire hors-Europe à cette mission.
Cette intention se propage peu à peu dans les différents réseaux puisqu’une première version circule à partir du 7 mars parmi les Organisations Non Gouvernementales (ONG) sous le nom de «Nouvelle vision pour les réfugiés » . Ce texte propose notamment une série de mesures de protection . Il s’agit d’une version détaillée des intentions du gouvernement britannique. Cependant, nous pouvons noter que la modification de la Convention de Genève ou de la Convention Européenne des Droits de l’Homme n’est plus envisagée. De plus, le terme de « zones de refuge » est remplacé par celui de « Zones de Protection Régionales » (ZPR). Nous disposons désormais de plus d’informations sur cette notion : le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR) serait responsable de ces zones en y apportant notamment une protection et un support humanitaire, relativement à l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme . Leur gestion serait partagée entre « les États financeurs, les États d’accueil et une organisation internationale de protection des réfugiés » . Ces Zones de Protection Régionales varieraient en fonction des pays d’accueil. Dans certains cas le placement pourrait être effectué dans le pays d’origine, dans les autres cas, ce serait dans une zone proche de ce pays. Un point d’honneur est mis sur le bon traitement des réfugiés et la facilité pour ces derniers à accéder à leurs droits. Ainsi, si les demandeurs sont en danger sur tout leur territoire de résidence, ils seraient placés en dehors de ce dernier. Toutefois, la question d’un éventuel appel d’air de migrants, sous-entendus économiques, est toujours mis en avant.
Ce chapitre sur les mesures de protection évoque un point supplémentaire qui questionne véritablement la participation des États membres à l’accueil de réfugiés. En effet, le gouvernement britannique évoque le fait de déplacer les demandeurs d’asile déjà sur son territoire, dans ces Zones de Protection Régionales. Sur place, ils pourraient effectuer leurs démarches et être rapatriés en Grande-Bretagne si ils obtiennent le statut de réfugié. Dans le cas contraire, deux options se présentent : leur demande est rejetée et le juré estime qu’ils sont en sécurité dans leur pays d’origine, auquel cas ils y sont renvoyés ou bien leur demande est rejetée mais le juré estime que la situation dans leur pays d’origine est à risque, auquel cas ils restent dans ces zones qui deviennent des zones d’attente. Cela questionne réellement la question du principe de non-refoulement exprimé par la Convention 1951 et le Protocole de New-York de 1967. Ce principe est détaillé comme suit : « l’élément essentiel du statut des réfugiés et de l’asile est la protection contre le retour dans un pays où l’intéressé a des raisons de craindre la persécution » . Peut-on considérer que les réfugiés irakiens soient en sécurité en Iran ou dans le Kurdistan irakien ? De même, qu’en est-il des réfugiés somaliens du sud en Somalie du Nord ? Autant de questions qui méritent d’être développées. Nous nous retrouvons donc face à une double logique de l’asile : l’asile territorial accordé par un État sur son propre territoire et l’asile extraterritorial, asile accordé par un État en dehors de son territoire national. C’est le cas des pratiques expérimentées pour les haïtiens sur la base de Guantánamo ainsi que dans le cadre de la Solution du Pacifique. Pour qualifier cette politique, Claire Rodier n’hésitera pas à parler de « stratégie de contournement des obligations internationales des États ».
Les ébauches de ce projet seront rendues officielles le 10 mars 2003, date à laquelle Tony Blair propose au président de l’Union Européenne Costas Simitis d’inscrire à l’ordre du jour du Conseil européen de printemps 2003 une discussion sur ce projet. Ce courrier sera accompagné d’un document intitulé « Nouvelles approches internationales du traitement des demandes d’asile et de la protection » qui reprend les arguments du projet transmis aux ONG. Dès lors, il devient objet de discussion au sein de différentes instances : conseils européens, conférences intergouvernementales, sommet européen, Haut-Commissariat des Nations Unies, Organisation Internationale des Migrations ou encore Commission européenne. Suite au courrier de Tony Blair à Costas Simitis, un Conseil informel des ministres de l’Intérieur a lieu les 27 et 28 mars 2003 à Véria en Grèce pour débattre de la proposition britannique. Ressortent de ces débats quatre avis favorables de la part de l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie. De son côté, l’Allemagne s’y oppose tandis que la France et la Grèce s’abstiennent. Le Portugal, la Finlande et la Suède subordonnent leurs positions à celle du HCR Ce dernier a, au-delà d’avoir participé aux discussions, publié un rapport intitulé « Projet en trois volets » qui vise à compléter le projet britannique. Nous n’avons à ce jour pas trouvé trace de ce projet mais d’après Sophie Huguenet dans son ouvrage « Le projet britannique d’externalisation », il tendrait à apporter de « nouvelles approches multilatérales » aux systèmes d’asile nationaux. La collaboration du HCR sera vivement critiquée par différentes associations et intellectuels qui lui reprochent notamment d’avoir contribué à l’approbation de cette politique pourtant controversée . Cependant, le HCR n’est pas le seul à appuyer ce projet puisqu’en mars 2003, la Commission européenne avait déjà évoqué le fait que la notion de « protection dans la région d’origine pourrait s’intégrer dans une architecture globale de solutions  et qu’une « implication beaucoup plus forte des pays tiers de premier accueil et de transit » serait nécessaire. Cela retraduit tout à fait la logique dans laquelle l’Union Européenne se place depuis plusieurs années, à savoir un traitement plus efficace et plus rapide des demandes d’asile.

L’externalisation en pratique

La question du respect des droits de l’Homme est au cœur de la problématique de l’externalisation de l’asile. Les expériences américaine et australienne avaient alerté les différents réseaux humanitaires sur les limites d’une telle politique. L’utilisation de la base navale de Guantánamo notamment aura été très controversée : surpopulation, militarisation, restriction des libertés individuelles. Au vu de ces faits, il est légitime de s’interroger : l’externalisation de l’asile ne mettrait t-elle pas à mal le respect par l’Union Européenne de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ? Les 47 États parties à la Convention qui sont également les 47 pays du Conseil de l’Europe sont censées « [reconnaître]et [garantir]les droits fondamentaux, civils et politiques non seulement à leurs ressortissants, mais également à toute personne relevant de leur juridiction ».
Seulement, les critiques observées sur les expérimentations états-unienne et australienne semble aller à l’encontre de l’article 5 relatif au Droit à la liberté et à la sûreté . Il se développe comme suit : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté » . Des contre-indications sont énoncées en cas de condamnation par un tribunal compétent, d’arrestation ou de détention pour non-respect des lois, d’infraction, de séjour irrégulier sur un territoire. Dans le cas d’une demande d’asile, la prétendant n’est pas considéré comme irrégulier tant que la demande n’a pas été rejetée. Ainsi, l’enfermement n’est pas justifié tant qu’un refus des instructeurs des demandes n’a pas été formulé.
Au vu de cet article et des leçons tirées des expériences outre-Atlantique, nous pouvons penser que l’Union Européenne prévoit les conditions de séjour nécessaires pour qu’aucune infraction ne soit observée dans les zones de transit. La gestion de ces zones est censée être prise en main par le HCR mais nous avons pu observer dans les cas états-unien et australien que sa présence n’est pas un gage de sécurité. De plus, nous pouvons nous interroger sur la portée de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Si les Zones de Protection Régionale se situent hors-Union Européenne, par quelle législation sont-elles encadrées ? Celle des régimes en place dans les pays qui l’accueillent ou celle de l’Union Européenne qui en a la responsabilité ? L »Union Européenne ne communique pas sur ses pratiques. A partir de la signature du programme de La Haye et au-delà du fait que le terme ne soit pas employé officiellement, il est difficile de trouver des traces de la politique d’externalisation. Nous avons donc choisi de nous baser sur des analyses de sociologues et de juristes, pour la plupart engagés dans des réseaux militants tels que Migreurop ou le GISTI, qui se sont rendus dans ces Zones de Protection Régionales, ainsi que sur des communications d’organismes humanitaires principalement français et marocains. Leur travail est primordial pour juger de la situation réelle. Avant cela, nous détaillerons dans un premier chapitre le contenu réel de l’article 5 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Détention des étrangers

La détention des étrangers se divise en deux cadres : la détention d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire et la détention d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Dans le premier cas, la restriction de la liberté des étrangers par les États est autorisée dans le cadre du contrôle de l’immigration. Cette restriction peut s’appliquer avant l’obtention d’une autorisation de séjour tant qu’elle respecte les conditions du droit à la liberté, à savoir la justification de la détention, l’accès pour le détenu aux informations concernant sa situation, de bons traitements et des conditions adaptées et appropriées. Si la Cour EDH n’a pas les pleins pouvoirs pour interpréter une décision nationale, elle fournit tout de même un cadre normatif aux États parties. La souveraineté nationale domine l’application mais le rejet de l’arbitraire est toujours présent. Ainsi, toute détention doit être effectuée dans un lieu adapté et dans un délai raisonnable de traitement de la demande d’asile. Le reste est à l’appréciation des souverainetés nationales.
Dans le second cas, la Cour ne considère pas que cette décision soit nécessaire pour empêcher l’intéresser de « commettre une infraction ou de s’enfuir ». La décision doit être en accord avec les législations internes et ne peut être contestée que si les conditions de détention ne sont pas « menées avec la diligence requise », soit décemment.
Finalement, le contenu de cet article est assez difficile à appréhender car l’État partie reste principal juge et acteur des décisions de mise en détention. La Convention Européenne des Droits de l’Homme agit comme un support pour les législations nationales mais la Cour ne dispose que de peu de marge d’interprétation. Elle occupe une position de conseillère pour les États. Pour analyser les conditions des demandeurs d’asile au sein des zones de transit, il est donc nécessaire de passer directement aux rapports publiés par les associations humanitaires et par les différents chercheurs.

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Table des matières
Introduction
Partie 1 : L’externalisation de l’asile : historique et mise en place
Chapitre 1 : Un héritage controversé
Chapitre 2 : La perspective européenne
Partie 2 : L’externalisation en pratique
Chapitre 1 : Droit à la Liberté et à la Sûreté
Chapitre 2 : Regards croisés sur la pratique de l’externalisation
Conclusion
Lexique
Table des annexes
Bibliographie
Table des matières
Résumé

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