L’extension lithospherique

Le terme de « marge » est utilisé pour définir la région de transition entre une croûte continentale et une croûte océanique. Les marges passives résultent d’un rifting de la lithosphère continentale ayant conduit à sa déchirure et à la formation de croûte océanique. Quantitativement, ces marges sont très représentées puisqu’elles bordent la grande majorité des masses continentales entourant les océans actuels : Atlantique, Indien, Antarctique, et Arctique. Qualitativement, elles représentent le stade ultime d’évolution d’une zone de rift : elles conservent donc l’histoire des déformations subies par la lithosphère étirée. Par conséquent, l’étude de leur structure et de leur formation est essentielle pour améliorer les conceptions actuelles de l’extension lithosphérique. En effet, malgré l’abondance des données disponibles le long des marges passives et la complexification croissante des modèles numériques, certaines questions concernant le comportement de la lithosphère en extension demeurent encore sans réponse précise.

LES MOUVEMENTS VERTICAUX DE LA LITHOSPHERE CONTINENTALE DANS UN CONTEXTE GEODYNAMIQUE EN EXTENSION RIFT – MARGE PASSIVE

Malgré l’abondance et la qualité des données obtenues le long de certaines marges continentales, un certain nombre de questions relatives aux mécanismes de la rupture continentale ainsi qu’à la genèse des marges passives demeurent sans réponse précise. Dès les premiers modèles d’amincissement, les mouvements verticaux résultants de l’extension lithosphérique se sont avérés déterminants pour appréhender les mécanismes de rifting. Afin d’améliorer des modèles d’extension de plus en plus complexes, l’analyse précise des mouvements verticaux de la lithosphère (amplitude, durée) ainsi que la détermination de leur origine apparaissent  donc essentielles. Dans ce chapitre, nous reviendrons dans un premier temps (paragraphe 1.1.) sur les mécanismes de l’extension lithosphérique  dégagés à partir des modèles conceptuels de rifting  paragraphe 1.1.1.). Nous décrirons ensuite succinctement les différents types de marges créées lorsque le rifting conduit à la déchirure continentale et à l’accrétion océanique (paragraphe 1.1.2.). La deuxième partie du chapitre (paragraphe 1.2.) sera consacrée aux principaux paramètres déterminant les mouvements verticaux de la lithosphère à partir des modèles numériques d’extension. Dans le cadre de cette étude, nous nous limiterons aux modèles testant les paramètres contrôlant les mouvements verticaux. Enfin (paragraphe 1.3.), nous envisagerons la façon dont les mouvements verticaux de la lithosphère s’impriment dans les systèmes sédimentaires et comment ces derniers peuvent être les témoins de l’évolution verticale des marges passives.

L’EXTENSION LITHOSPHERIQUE

Modèles conceptuels du rifting continental

Les marges continentales passives (1.1.2.) naissent de la divergence de deux plaques portant de la croûte continentale. Les deux étapes de cette divergence sont le stade « rifting » (la déchirure) suivi éventuellement du stade « spreading » (l’expansion océanique). Le rift continental est donc le véritable « embryon » d’une marge continentale passive. Il est par conséquent essentiel, pour interpréter les phénomènes géodynamiques associés aux marges, de comprendre les processus régissant le rifting. L’évolution des concepts liés au rifting sont décrits dans le paragraphe suivant.

Les modèles « historiques » de rifting continental

Les modèles de cisaillement liés à l’extension

De nombreux modèles de rifting ont été proposés pour expliquer la formation des marges passives non volcaniques. Parmi eux, deux modèles fondamentaux : le modèle par cisaillement pur de McKenzie (1978) et celui par cisaillement simple de Wernicke (1985).

En 1978, McKenzie propose un modèle d’évolution et de développement des bassins sédimentaires qualifié de « cisaillement pur » (pure shear) (McKenzie, 1978). Le gradient géothermique est supposé constant et la température nulle en surface. La base de la lithosphère est définie par l’isotherme 1300°C (Figure 1-1). Deux phases se succèdent :
➤ Une phase d’étirement, supposée instantanée et adiabatique, provoque l’amincissement de la lithosphère (stade A). L’étirement entraîne immédiatement une subsidence de la lithosphère, qualifiée de « tectonique », réaction isostatique consécutive à l’amincissement. Le déséquilibre induit par l’étirement provoque également une remontée asthénosphérique par compensation isostatique.
➤ Cette remontée de matériel chaud entraîne une augmentation du gradient thermique dans la lithosphère (stade B). Au cours du refroidissement, la plaque s’épaissit jusqu’à ce que la limite lithosphère – asthénosphère retrouve sa profondeur d’origine (stade C). La densité et l’épaisseur de la plaque étant plus élevées, un nouvel enfoncement se produit : on parle de subsidence « thermique ». C’est une étape post-rift .

Dans cette configuration, les subsidences initiale et thermique ont lieu à l’aplomb du rift. Le modèle de McKenzie insiste davantage sur l’évolution thermique de la lithosphère lors de l’extension que sur la nature des déformations provoquées par l’étirement. Le Pichon et Sibuet (1981) ont appliqué ce modèle à la formation des marges continentales passives. D’après leur étude de certaines marges conjuguées, des dissymétries apparaissent entre les deux marges de même que des différences entre les subsidences calculée et mesurée, ou entre les valeurs de l’amincissement et de l’extension.

C’est dans l’optique notamment d’expliquer l’asymétrie des marges qu’une nouvelle catégorie de modèles faisant intervenir des failles de détachements ou des zones de cisaillement faiblement pentées s’est développée. Wernicke (1985) présente un modèle de « cisaillement simple » (simple shear) dans lequel il suppose que l’amincissement lithosphérique s’opère à travers le fonctionnement d’une zone de cisaillement qui traverse la totalité de la lithosphère et s’enracine dans l’asthénosphère (Figure 1-2). Les deux marges passives ainsi créées sont dissymétriques (Figure 1-2) :
➤ l’un des côtés (situé au-dessus du dôme asthénosphérique) est principalement constitué de croûte continentale supérieure, découpée en blocs et reposant sur le manteau par l’intermédiaire du détachement ;
➤ l’autre bord (le plus éloigné du dôme) est formé d’une série de blocs de croûte continentale fragile, détachés et reposant sur la croûte inférieure.

Ce modèle prévoit une zone d’amincissement crustal décalée de la zone d’amincissement lithosphérique et, par conséquent, un décalage entre les subsidences initiale et thermique. Il rend également compte du soulèvement des épaules du rift. Divers auteurs ont par la suite extrapolé ce modèle à des exemples de marges passives actuelles (e.g. Lister et al., 1986; Reston et al., 1996) ou à des marges passives fossiles (e.g. Froitzheim et Manatschal, 1996). Dans de nombreux cas, des modèles mixtes (cisaillement pur/cisaillement simple) semblent plus appropriés pour décrire la morphologie des marges étudiées. Cette idée repose également sur le fait qu’une zone de cisaillement traversant la totalité de la lithosphère n’est pas très réaliste.

Les modèles d’extension liés au concept de faille de détachement 

C’est à la suite de l’étude de la province des Basin et Range aux Etats-Unis que sont nés les modèles conceptuels appliquant la notion de faille de détachement aux marges passives (Lister et al., 1986). Le modèle de rifting de Lister et al. (1986) est fondé sur l’existence de deux types de marges passives : les « upper-plate margins» et les « lower-plate margins » (marges à plaque supérieure et inférieure) (Figure 1-3). Les upper-plate margins correspondent au toit du système de détachement dirigeant le rifting : elles sont constituées de roches crustales qui se situaient à l’origine au-dessus du détachement. Les lower-plate margins sont formées des roches situées dans le mur de détachement avec, à l’interface, des restes hautement faillés de la plaque supérieure.

Ces deux types de marges diffèrent par leurs structures syn-rift, leurs histoires thermiques et leurs caractéristiques de subsidence et de soulèvement. Lister et al. proposent l’existence de failles de transfert permettant aux marges de changer de « statut », c’est-à-dire de passer de plaque supérieure à inférieure et vice versa. Ce modèle de rifting conduit à une asymétrie qualifiée de « complémentaire » des marges conjuguées après la rupture continentale. En 1991, Lister et al. complètent leur étude et proposent cinq modèles d’extension censés représenter les principales structures observées sur les marges passives (Figure 1-4). Ces modèles s’appuient toujours sur le concept de failles de détachement liées à des zones de cisaillement ductiles de faibles pendages. Les modélisations numériques des mouvements verticaux (soulèvements crustaux et subsidence) montrent que leurs variations peuvent être liées à des changements de géométrie des détachements et à des variations d’étirement lithosphérique. Des sous-plaquages importants sont prédits si une remontée asthénosphérique a lieu, provoquant un soulèvement accru des structures sus-jacentes. La rupture continentale se situerait à l’aplomb de la zone maximale de remontée asthénosphérique, c’est-à-dire là où la quantité de matériaux issus de la fusion partielle est la plus importante. Les modèles d’extension proposés par Lister et al. (1991) sont les suivants : (1) le « Lithospheric Wedge Model » (modèle de Wernicke) (Figure 1-4 A) : l’extension s’opère par le biais de déplacements le long d’une zone unique de détachement ; (2) le « Delamination Model » (Figure 1-4 B) correspond au modèle en délamination décrit dans l’article de Lister et al. de 1986. Le détachement s’enracine à des profondeurs intracrustales au niveau de zones de changements rhéologiques : des zones de cisaillement plates se forment en réponse à des variations de rigidité, les couches à rigidité plus importantes jouant le rôle de « guide », contrôlant la trajectoire des zones de détachement à travers la lithosphère ; (3) les « Detachment Plus Pure Shear Models» (Figure 1-4 C et D). Ces modèles combinent le concept de détachement (et de zones de cisaillement plates) avec une extension en cisaillement pur de la croûte et/ou du manteau supérieur. L’extension lithosphérique se transmet par l’intermédiraire du détachement conduisant à une séparation latérale des zones étirées dans la croûte supérieure et la lithosphère plus profonde.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 CHAPITRE 1
1.1 L’EXTENSION LITHOSPHERIQUE
1.1.1 Modèles conceptuels du rifting continental
1.1.1.1 Les modèles « historiques » de rifting continental
1.1.1.2 Le concept de rifting polyphasé
1.1.1.3 Serpentinisation du manteau
1.1.2 Typologie des marges continentales passives
1.2 MODELISATION DES MOUVEMENTS VERTICAUX ASSOCIES A L’EXTENSION
1.2.1 Les modèles « thermiques »
1.2.2 Les modèles « thermo-mécaniques » : vers une rhéologie plus réaliste de la lithosphère
1.2.3 Cas des modèles thermomécaniques considérant le couplage rétroactif entre phénomènes de surface et phénomènes profonds
1.3 ENREGISTREMENT DES MOUVEMENTS VERTICAUX PAR LES SYSTEMES SEDIMENTAIRES ASSOCIES A LA MARGE
1.3.1 Enregistrement à terre des mouvements verticaux associés à l’extension
1.3.1.1 L’incision des marges passives
1.3.1.2 La présence de plages soulevées
1.3.1.3 La modification des réseaux de drainage
1.3.2 Enregistrement en mer des mouvements verticaux associés à l’extension
1.3.2.1 Influence du soulèvement de la marge sur la quantité d’apport sédimentaire dans le bassin offshore
1.3.2.2 Enregistrement stratigraphique de la subsidence au niveau des marges passives
1.4 PROBLEMATIQUE
2 CHAPITRE 2
2.1 CINEMATIQUE DE LA REGION AFRO-ARABE
2.2 EVOLUTION GEODYNAMIQUE DES FRONTIERES DE PLAQUES
2.2.1 La zone de suture au Nord de la plaque Arabe
2.2.2 Le point chaud des Afars et le magmatisme associé
2.2.3 Les frontières divergentes au Sud de la plaque Arabe
2.2.3.2 La Mer Rouge
2.2.3.3 Le golfe d’Aden
2.3 HISTOIRE GEOLOGIQUE ET GEODYNAMIQUE DU GOLFE D’ADEN
2.3.1 Les structures héritées du Protérozoïque
2.3.2 La fragmentation mésozoïque du Gondwana
2.3.3 La tectonique Tertiaire
2.3.4 La chronologie relative de l’ouverture Mer Rouge/golfe d’Aden
2.4 LES MODELES D’OUVERTURE ET DE PROPAGATION DU GOLFE D’ADEN
2.4.1 Ouverture par rifting oblique
2.4.1.1 Rôle de l’héritage tectonique
2.4.1.2 Importance du point chaud des Afars dans le contrôle de la direction de propagation du rift
2.4.2 Les modèles de propagation de la dorsale de Carlsberg dans le golfe d’Aden
2.4.2.1 Les modèles de propagation continue
2.4.2.2 Les modèles de propagation avec « pauses » le long des discontinuités principales
3 CHAPITRE 3
3.1 CADRE STRUCTURAL
3.2 LES UNITES LITHOSTRATIGRAPHIQUES DU DHOFAR
3.2.1 Les formations anté-crétacées
3.2.1.1 Le socle cristallin et métamorphique (roches cristallines de Marbat)
3.2.1.2 Formation d’El Hota-Ain sarit
3.2.1.3 Les grès de Marbat
3.2.2 Les groupes et formations crétacées
3.2.2.1 La Formation de Qishn
3.2.2.2 Le groupe de Qamar
3.2.2.3 La Formation de Qitqawt
3.2.2.4 Le groupe d’Aruma
3.2.3 Les unités lithostratigraphiques tertiaires
3.2.3.1 Le cycle Paléocène-Eocène inférieur : le groupe d’Hadramaut
3.2.3.2 Le cycle Eocène terminal-Miocène moyen : le groupe du Dhofar
3.2.3.3 Le cycle Miocène moyen-Pliocène : le groupe Fars
3.2.4 Les dépôts quaternaires
3.3 ENREGISTREMENT SEDIMENTAIRE DES MOUVEMENTS VERTICAUX DE LA MARGE NORD DU DHOFAR
3.3.1 Enregistrement du soulèvement pre-rift
3.3.2 Episode de subsidence maximale : le dépôt de la formation de Mughsayl
3.3.3 L’évolution « post-rift »
3.3.3.1 Le soulèvement burdigalien-langhien
3.3.3.2 Le soulèvement plio-quaternaire
3.4 ENREGISTREMENT SEDIMENTAIRE DE MOUVEMENTS VERTICAUX LE LONG DE LA MARGE, D’UN SEGMENT A L’AUTRE DE LA MARGE (D’OUEST EN EST)
3.4.1 Enregistrement d’une pente régionale du Rupélien au Serravalien dans l’ensemble plaine de Salalah-graben d’Ashawq
3.4.2 Mise en évidence de zones de subsidence d’amplitudes différentes
3.5 LIEN TERRE-MER
CONCLUSION

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