L’exploration pétrolière dans les systèmes compressifs

L’exploration pétrolière dans les systèmes compressifs

Les systèmes orogéniques ont été le lieu d’importantes découvertes d’hydrocarbures dès les prémices de l’exploration pétrolière: les découvertes des champs géants du Zagros en Irak et en Iran datent ainsi des premières décennies du 20ème siècle. Ces découvertes ont d’abord été les structures anticlinales les plus simples, qui pouvaient être identifiées en cartographiant la géologie de surface et les indices de suintement d’huiles des roches. L’évolution des technologies et la compréhension géologique de la formation des chaînes plissées ont été déterminantes dans l’exploration de ces zones structuralement complexes: 80% des découvertes de champs géants l’ont été après 1950 [Cooper, 2007]. Depuis, un grand nombre de chaînes montagneuses ont été explorées avec plus ou moins de succès: les chaînes plissées associées aux frontières de plaques convergentes représentent 14% des ressources découvertes d’hydrocarbures [Cooper, 2007]. Une carte mondiale de la localisation des chaînes où se concentrent la plupart des ressources pétrolières montre bien que la plupart des chaînes orogéniques possèdent un système pétrolier exploitable (Figure 1.1). Selon Cooper [2007], qui se base sur les estimations de l’USGS [2000], les chaînes plissées associées aux frontières de plaques convergentes représentent 15% des ressources en hydrocarbures qu’il resterait à découvrir; depuis le « boom » de l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels, ces estimations pourraient même être revues à la hausse. L’exploration des régions plissées en tectonique compressive reste donc aujourd’hui un sujet d’actualité pour l’industrie pétrolière.

Toutefois l’histoire complexe de structuration dans les régions montagneuses rendent l’exploration et les découvertes plus difficiles que dans les bassins sédimentaires en extension (rifts et marges passives). Dans ces chaînes plissées, le calendrier de la génération des hydrocarbures et de leurs migrations en relation avec le développement des pièges structuraux doit se faire dans un « timing » très restreint [Roure et Sassi, 1995]. Du point de vue du géologue explorateur, deux points supplémentaires expliquent les difficultés de l’exploration des chaînes plissées: (1) les incertitudes apportées par la faible qualité du jeu de données amènent souvent à des idées fausses sur l’histoire d’enfouissement des sédiments, (2) prédire la mise en place des gisements pétroliers nécessite de bien comprendre les processus guidant la structuration de ces chaînes. Ces zones de prospections pétrolières apparaissent donc comme plus risquées et surtout plus chères à explorer.

Contrairement aux bassins en extension, les bassins compressifs se caractérisent par des édifices complexes, marqués par des failles et des plis accommodants de grands raccourcissements et déformations. La difficulté de l’acquisition et du traitement des données sismiques à terre rend l’imagerie de profondeur peu précise dans les régions montagneuses; il est nécessaire de coupler l’information sismique avec d’autres observables tels que les données de terrains et les données de puits. Très coûteuses, ces implémentations limitées réduisent la capacité de contraindre la géométrie des structures en 3 dimensions. Par conséquent, l’extrapolation en profondeur de la géométrie des bassins compressifs à partir des données disponibles est très difficile car souvent plusieurs solutions de géométries structurales peuvent être proposées à partir des mêmes données éparses (Figure 1.2); le système pétrolier qui est recherché pour chaque cas varie fondamentalement [Sassi et al., 2007].

Les déformations typiques reconnues à l’affleurement ont stimulé la compréhension des failles et des associations de plis et failles, et ont permis d’introduire en géologie structurale les notions de la théorie des déformations des solides [Goguel, 1948; Ramsay, 1967 ; Dahlstrom, 1969; Mattauer, 1973; McClay, 1992 ; Merle, 1994 ; Fossen, 2010]. Les géologues structuralistes ont décrit et utilisé ces observations comme des expériences de mécanique des roches servant d’analogues pour expliquer les interprétations des grands systèmes de déformations crustaux [Boyer, 1986; Mitra, 1986; Price, 1988 ; Gratier et Gamont, 1990; Epard et Groshong, 1993; Cook et Varsek, 1994]. Ces observations du mm au km ont servi de références pour discuter de la validité des interprétations des profils sismiques et des coupes géologiques [e.g Suppe et al., 1983]. Les techniques quantitatives d’équilibrages de coupes permettent en appliquant des règles géométriques et cinématiques simples de proposer des géométries cohérentes des structures en subsurfaces [Dahlstrom, 1969 ; Gibbs, 1983 ; Mugnier, 1987 ; De Paor, 1988 ; Gratier, 1988 ; Moretti, 1989]. Plusieurs études de cas montrent ainsi comment l’évolution des technologies et des paradigmes, associée à une meilleure compréhension des phénomènes physiques entourant la mise en place des structures tectoniques, conditionne le succès de l’exploration dans les chaînes de montagne [Cooper et Warren, 2010 ; Roeder, 2010 ; Roure, 2014]. L’exemple en Figure 1.3 illustre bien cet état de fait : le style structural d’une même coupe géologique au Venezuela change drastiquement avec dix années d’écart et de nouvelles données de puits.

Paraphrasant R. Graham, Goffey [2010] décrit les hydrocarbures piégés dans les chaînes de montagnes comme des accumulations « Boucle-d’Or » : elles requièrent des conditions spécifiques (« ni trop chaudes, ni trop froides ») pour permettre le développement des pièges avant la migration des hydrocarbures et ensuite maintenir l’intégrité du piège et des accumulations à mesure que la chaîne évolue. Deux conséquences peuvent être données : d’une part, les ressources « yet-to-find » (« encore à trouver ») dans les chaînes de montagnes sont probablement concentrées au sein d’accumulations de moyennes tailles, plus difficile à trouver et moins rentables pour les entreprises [Goffey, 2010]. D’autre part, pour limiter les risques, il est nécessaire d’intégrer dans un modèle cohérent les données provenant de diverses disciplines des sciences de la terre (géologie, géochimie, géophysique) afin de pouvoir cibler les zones à fort potentiel pétrolier: c’est le rôle de la modélisation de bassin.

L’importance et les problématiques de la modélisation cinématique en tectonique complexe

La modélisation de bassin a pour objectif d’accroître les chances de réussite dans le domaine de l’exploration pétrolière. Le but est de synthétiser et de regrouper les résultats et les progrès accomplis en géologie structurale et sédimentaire et de proposer un modèle du système pétrolier en s’appuyant sur les acquis de la géochimie et de la mécanique des fluides. Plus précisément, la modélisation de bassin reconstitue les phénomènes de compaction et de transferts de fluides et de chaleur durant l’évolution d’un bassin sédimentaire, en y associant l’évolution de la matière organique (maturation, génération, expulsion, migration et dégradation) [Doligez et al., 1987 ; Ungerer et al., 1990 ; Burrus et al., 1991 ; Schneider, 2003 ; Hantschel et Kauerauf, 2009]. La modélisation permet donc l’étude des phénomènes menant à la mise en place des gisements pétroliers, de la génération des hydrocarbures dans la roche-mère à leurs accumulations dans les pièges des bassins sédimentaires.

L’approche historique de la modélisation de bassin consiste, à partir de l’état final, à décompacter et retirer les couches sédimentaires de manière séquentielle : c’est ce qu’on appelle le « backstripping » [Sleep, 1971 ; Perrier et Quibliet, 1974 ; Watts et Ryan, 1976 ; Ungerer et al., 1990]. On sait maintenant que cette approche n’est pas suffisante dans les zones structuralement complexes [Roure et Sassi, 1995 ; Schneider, 2003 ; Sciamana et al., 2004 ; Sassi et al., 2007 ; Thibaut et al., 2014 ; Neumaier et al., 2014], telles que les chaînes plissées retrouvées aux pieds des prismes deltaïques, au front des prismes d’accrétions ou sur les fronts des chaînes de montagnes. Les grands mouvements latéraux imposés par le jeu des failles chevauchantes jouent un rôle considérable dans l’histoire thermique et l’enfouissement des sédiments [Shi et Wang, 1987 ; Endignoux et Wolf, 1990 ; Roure et Sassi, 1995 ; Husson et Moretti, 2002 ; Sassi et al., 2007] (Figure 1.4). Le changement de profondeur de la roche mère est alors contrôlé par la compétition entre érosion, sédimentation et déplacement des unités chevauchantes. Ainsi, la complexité structurale des prospects sous chevauchement résulte de l’interaction entre la subsidence lithosphérique, les jeux des failles et les plissements, et les processus syn-tectoniques d’érosion et de sédimentation, qui doivent donc tous être pris en compte dans la modélisation cinématique.

La démarche méthodologique qui est utilisée pour la modélisation de bassin en zone complexe se décompose en général en trois étapes [Roure et Sassi, 1995 ; Schneider, 2003 ; Roure et al., 2005 ; Baur et al., 2009 ; Faille et al., 2014 ; Thibaut et al., 2014 ; Neumaier et al., 2014]: La première étape consiste à construire une coupe géologique (en profondeur) à partir de l’interprétation sismique, des données de puits et des observations d’affleurements [voir notamment Mugnier, 1987 ; De Paor, 1988]. La seconde étape consiste à déplier ou restaurer la coupe géologique dans sa position antéchevauchement, en utilisant des modèles conceptuels de déformation géologique (on parle alors de « restauration »): les techniques d’équilibrages de coupes [Dahlstrom, 1969 ; Gibbs, 1983 ; De Paor, 1988 ; Moretti et Larrère, 1989 ; Moretti et al., 1990 ; Maerten et Maerten, 2006 ; Moretti, 2008 ; Gibergues et al., 2009 ; Durand-Riard et al., 2013]. L’objectif est de contraindre des sections intermédiaires cohérentes d’un point de vue géologique, afin d’obtenir une chronologie cohérente des événements. Enfin dans une troisième étape, des simulations directes sont effectuées à partir des scénarios structuraux proposés, qui permettent le calcul de la compaction, des transferts de chaleur, de la génération des hydrocarbures et de la circulation des fluides [Sassi et Rudkiewicz, 1998 ; Schneider et al., 2003 ; Hantschel et Kauerauf, 2009 ; Faille et al., 2014].

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – PROBLEMATIQUES ET OBJECTIFS
1.1- L’exploration pétrolière dans les systèmes compressifs
1.2- L’importance et les problématiques de la modélisation cinématique en tectonique complexe
1.3- Les modélisations cinématiques mécaniques
1.4- Plan de la thèse
CHAPITRE 2 – LES PROBLEMES DE MECANIQUE POSES PAR L’ETUDE DES CHAÎNES PLISSEES
2.1 – Principes mécaniques élémentaires expliquant la déformation des roches sédimentaires en contexte de compression
2.1.1- Notions de mécanique des roches et de rhéologie
2.1.2- Evolutions cinématiques des structures plissées par l’approche géométrique
2.2- Article BSGF : A discussion on the validation of structural interpretation: the mechanics of North Western Mediterranean Fold and Thrust Belts
A discussion on the validation of structural interpretation based on the mechanics of sedimentary basins in the North Western Mediterranean Fold and Thrust Belts
2.2.1- The Fold and Thrust Belts of North Western Mediterranean
2.2.2- The architecture of the selected examples of FTB cross sections
2.2.3- The geometric coherency of the structural cross-sections
2.2.4- Burial history and mechanical stratigraphy in 2D cross-sections
2.2.5- Scenario of evolution and the mechanical issue of each cross-section
2.2.6- Conclusion
CHAPITRE 3 – LA MIGRATION NATURELLE DES FLUIDES DANS LES CHAÎNES PLISSEES
3.1- La dynamique des fluides dans les chaînes plissées
3.2- Les paramètres essentiels décrivant les roches-mères
3.3- Les régimes de pressions
3.3.1- Pressions de pores, régimes de pression et circulations de fluides
3.3.2- Mécanisme de génération des surpressions
3.2.2.1 – Diminution du volume des pores
3.2.2.2 – Augmentation et expansion du volume des fluides
3.3.3- Lois de comportements poro-mécaniques des roches-mères
3.3.4- Effets des surpressions sur le modèle rhéologique des roches-mère
3.4- Décollements et fluides
3.4.1- Evidence de fluides au sein des décollements
3.4.2- Surpressions de fluides et activation de décollement dans les roches-mères
3.5- Conclusions
CHAPITRE 4 – CARACTERISATION DU CADRE STRUCTURAL ET SEDIMENTAIRE D’UN DECOLLEMENT ROCHE-MERE
4.1 – Le décollement roche-mère liassique au front de la Chartreuse
4.2 – Caractérisation géochimique, pétrophysique et mécanique d’un horizon de décollement roche-mère à son état initial : Le Toarcien du Mali i Gjerë, Albanie
4.2.1- Contexte géologique
4.2.2- Structures tectoniques et stratigraphie du Mali i Gjerë et de la région de Delvina
4.2.2.1- Cadre structural de la zone d’étude
4.2.2.2- Cadre sédimentaire de la zone d’étude
4.2.2.3- Zone d’échantillonage des Posidonia Schist
4.2.3- Coupe lithologique du Toarcien Posidonia Schist
4.2.3.1- Affleurement MGj-VR
4.2.3.2- Affleurement MGj
4.2.4- Caractérisation des hétérogénéités géochimiques, minéralogiques et pétrophysiques
4.2.4.1- Géochimie organique
4.2.4.2- Minéralogie
4.2.4.3- Pétrophysique
4.2.4.4- Mécanique
4.2.5- Implications : caractérisation d’un horizon roche-mère décollement
4.3 – Conclusion sur l’étude stratigraphique des horizons de décollements roches-mères
CHAPITRE 5 – MODELISATION DE L’HISTOIRE D’ENFOUISSEMENT D’UNE ROCHE MERE ET THERMO-MECANIQUE DES BASSINS SEDIMENTAIRES
5.1- Génération d’une surpression dans une roche-mère par enfouissement tectonique : modélisations de bassin Arctem
5.1.1- Approche utilisée : Modélisation TemisFlow Arctem
5.1.1.1 – Méthodologie du simulateur de bassin Arctem
5.1.1.2 – Approche utilisée : modélisation des surpressions sous chevauchement
5.1.2- Modélisation de la mise en place d’une rampe homogène
5.1.3- Le pli de cintrage sur rampe au sein d’une stratigraphie complexe
5.1.4- Discussion
CONCLUSION

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