L’EXEMPLE DU CENTRE DES ARCHIVES DU FEMINISME D’ANGERS

L’EXEMPLE DU CENTRE DES ARCHIVES DU FEMINISME D’ANGERS

Le développement d’une documentation

Le développement naissant des études féministes avait besoin de ressources documentaires. C’est donc pour alimenter la recherche et les études sur les femmes et le féminisme que des centres de documentation spécialisés voient le jour au sein des universités pionnières de ces études en France. Par ailleurs, devant la « pauvreté des sources documentaires », 42 le milieu associatif et militant s’attache tout particulièrement à la collecte et à la conservation des sources et montre dès lors que celles-ci ne manquent pas.

Les centres de documentation au sein des universités pionnières des études féministes

Les études féministes ont porté le développement d’une documentation sur les femmes et le féminisme. Après avoir accueilli le séminaire de Michelle Perrot « Les femmes ont-elles une histoire ? » en 1973 et la création deux ans plus tard du Centre d’études féministes fondé par cette dernière, l’Université Paris 7 accompagne la recherche en abritant dès 1984 le Centre d’Enseignement, de Documentation et de Recherches pour les Etudes Féministes (CEDREF). Devenu « un pôle de référence pluridisciplinaire pour les enseignements et les recherches portant sur les femmes, les rapports sociaux de sexe et le féminisme »,43 le CEDREF présentait un fonds documentaire consacré aux femmes et au genre avec une forte orientation en histoire et en sociologie. Cependant, son centre de documentation est aujourd’hui fermé et ses documents ont migré vers la bibliothèque centrale de l’Université Paris 7. En 1976, c’est le Centre lyonnais d’études féministes (CLEF) qui voit le jour à l’Université Lyon 2, à l’initiative d’enseignantes féministes. À la fois centre de recherche et centre de documentation, le CLEF devient le Centre Louise Labé en 2003 et se consacre aux questions de genre et d’égalité hommes-femmes à travers un fonds documentaire plutôt orienté vers l’histoire, la sociologie et la psychologie. L’Université Toulouse 2, une autre pionnière des études féministes en France, abrite depuis 1986 une unité de recherche interdisciplinaire sur le genre et les rapports sociaux de sexe : l’équipe SimoneSAGESSE (SAvoirs, GEnre et rapports Sociaux de SExe). Le groupe Simone-SAGESSE développe alors un véritable centre de documentation plutôt orienté vers la sociologie et abordant plusieurs thématiques telles que les femmes, le féminisme, l’égalité hommes-femmes, le genre, les rapports sociaux de sexe, etc. Ainsi, le développement des études féministes dans les universités a conduit au développement de centres de documentation féministe. Il faut souligner l’originalité de ces initiatives car elles ne sont pas systématiques. En effet, tous les groupes de recherche sur les femmes, le féminisme ou le genre n’ont pas constitué un centre de documentation, comme le confirme le Groupement De Recherche Européen MAGE, premier groupement de recherche du CNRS dédié à la question du genre et créé en 1995.
Impulsés par les études féministes, ces centres de documentation sont avant tout le résultat des initiatives d’enseignantes et de chercheuses qui sont également des militantes féministes. En dehors des universités, le militantisme joue aussi un grand rôle dans le développement d’une documentation car des personnalités et des associations militantes se sont engagées dans la sauvegarde mémorielle des femmes et du féminisme.

Le rôle des associations et du milieu militant

Dès la première vague, des féministes ont collecté des archives et réuni une documentation importante comme Hélène Brion (1882-1962) pour la réalisation de son Encyclopédie féministe, Jeanne Bouvier (1865- 1964) qui collectait les notices du Dictionnaire des femmes célèbres conservé à la BnF et Gabrielle Duchêne (1870-1954) qui a conservé les témoignages de ses activités militantes.La BMD atteste également de l’importance du milieu militant dans la collecte des archives féministes car elle est le fruit d’une démarche militante de Marguerite Durand. Par ailleurs, les associations soutiennent aussi le développement de cette documentation féministe, une documentation au service de la recherche, mais aussi au service des femmes.
Citons les exemples de la bibliothèque féministe de la Maison des Femmes de Paris et du centre de documentation du Mouvement français pour le Planning familial (MFPF). Ces associations se constituent donc une documentation pour conserver leur histoire, documenter les femmes et leur livrer une aide pratique sur les questions qu’elles visent telles que la contraception dans le cas du MFPF. Ce souci de conserver une mémoire fut aussi celui de l’association Documentation Femmes composée de nombreuses documentalistes qui ont réuni et classé leurs archives « dans le désir de participer aux luttes des femmes et d’en garder la mémoire en classant et analysant tout ce qui se dit, s’écrit, s’invente sur les femmes, et particulièrement de ce qui émane d’elles ».
Ainsi, les archives féministes ont surtout été collectées par le milieu associatif et militant soucieux de conserver son passé et de documenter les femmes. Cependant, ce milieu est souvent d’une « grande précarité ».
Fragiles et éphémères, des associations disparaissent avec leur centre de documentation comme le Centre Européen de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Sexualités Plurielles et les Interculturalités de Lille fermé après cinq ans d’existence (2000-2005), faute d’aides publiques.47 Mais, ce milieu reste aujourd’hui indispensable aux fonds sur les femmes et le féminisme car il constitue une de leurs sources principales, en témoignent les dons de Documentation Femmes à la BMD. Par ailleurs, une association travaille depuis 16 ans à la sauvegarde des archives féministes en France : c’est l’association Archives du féminisme.

L’association Archives du féminisme

« Une urgence : préserver les sources de l’histoire des féminismes ».
L’association Archives du féminisme a été fondée le 24 juin 2000 pour sauvegarder la mémoire du féminisme dans sa pluralité. Présidée par Christine Bard,49 son noyau dur est composé d’historiennes du féminisme, de bibliothécaires et d’archivistes, mais elle s’enrichit également des adhésions de militantes et d’étudiantes, par exemple. Son principal objectif est d’encourager les recherches sur l’histoire du féminisme à travers la collecte, le classement, la conservation et la mise à disposition des archives féministes. Par ailleurs, l’association ne conserve pas elle-même les fonds car elle n’a pas de lieu pour le faire. En accord avec la BMD, son rôle est en réalité d’inciter les dépôts ou les dons d’archives féministes dans des institutions adaptées telles que le CAF. Archives du féminisme effectue donc un travail de contact et de conseil auprès des militantes et des associations féministes qui souhaitent déposer leurs archives. L’association veut faire prendre conscience de l’urgence de la situation, en s’attachant notamment à sauver les archives féministes orales. De plus, elle veut également mettre en valeur ces archives féministes et la recherche sur le féminisme en s’adonnant à diverses activités telles que les colloques et les journées d’études. D’autant plus qu’elle publie un bulletin et possède son site Internet et sa propre collection intitulée « Archives du féminisme » qui est éditée par les Presses universitaires de Rennes et qui compte aujourd’hui de nombreux titres dont le Guide des sources de l’histoire du féminisme.
Ainsi, les études féministes ont accompagné la collecte d’archives, à la fois traditionnelles et originales, et le développement d’une documentation spécialisée sur les femmes et le féminisme. Les bibliothèques sont également touchées par cette thématique, en témoigne l’existence de la BMD. Par ailleurs, des bibliothèques généralistes constituent aussi des fonds spécialisés sur les femmes et/ou le féminisme afin de répondre à une demande scientifique et sociale. Toutefois, ces initiatives ne sont pas sans conséquences bibliothéconomiques.

Les femmes et le féminisme en bibliothèques

Pour répondre à l’intérêt fécond de la recherche sur les femmes et le féminisme, des bibliothèques ont développé des fonds spécialisés sur ces thématiques. La BMD est, de ce point de vue, la bibliothèque de référence car elle est entièrement spécialisée sur l’histoire des femmes et du féminisme. Or, des bibliothèques généralistes se sont aussi engagées dans la constitution d’une documentation spécialisée sur les femmes, le féminisme ou le genre. Cependant, intégrer de tels fonds n’est pas sans conséquences pour ces bibliothèques.
Les bibliothécaires se retrouvent en effet au cœur d’enjeux documentaires, voire d’enjeux sociaux. Alors, comment traiter ces fonds et, surtout, les outils bibliothéconomiques sont-ils suffisants pour répondre aux problèmes particuliers laissés par ces fonds ? Certes, les bibliothèques assurent une structure pérenne à ces fonds mais ces derniers sont-ils réellement intégrés ? Quels sont les outils offerts aux bibliothécaires pour le traitement, la conservation, la communication et la valorisation de ces fonds ? Ces collections spécialisées sur les femmes et le féminisme sont nécessaires et des bibliothèques l’ont bien compris, mais elles sont aussi de nouveaux défis pour les bibliothécaires.

Typologie des bibliothèques

En France, il n’y a qu’une bibliothèque spécialisée sur les femmes et le féminisme et il s’agit de l’héritage que nous a laissé la militante Marguerite Durand. Or, des fonds thématiques spécialisés sur les femmes et le féminisme s’insèrent également dans les collections généralistes de bibliothèques publiques et de bibliothèques universitaires. N’oublions pas les associations qui constituent leur bibliothèque et mettent à disposition leur documentation sur ces thématiques.

Une bibliothèque spécialisée : la Bibliothèque Marguerite Durand

« La BMD est clairement identifiée comme la bibliothèque historique sur les femmes en France. »

Des collections d’exception

« L’histoire du fonds reflète bien l’histoire de la bibliothèque elle-même. »
Les collections de la BMD se sont constituées à partir de la documentation collectée au temps de La Fronde et de la documentation personnelle de Marguerite Durand qu’elle a rassemblée tout au long de sa vie. Il s’agit alors de rassembler un ensemble de documents « se rapportant à l’action intellectuelle de la femme et à sa situation légale, politique et sociale, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours ».
La BMD doit donc répondre à une vocation encyclopédique sur tout ce qui se rapporte aux femmes, dans tous les domaines.
Pour Marguerite Durand, ces collections devaient rendre les femmes visibles dans toutes leurs activités, leurs créations et leurs réalisations. Cette volonté se traduit par une diversification des documents. On y trouve des livres et des brochures, des périodiques féministes et féminins dont La Fronde, La Citoyenne, Le Droit des femmes, le Journal des Dames, La Femme libre et des titres étrangers tels que Die Frau. Le fonds de périodiques de la BMD est donc exceptionnel car il contient des titres introuvables dans les autres bibliothèques de France. Les collections sont également constituées de manuscrits, de textes de fiction, de documentaires, de lettres autographes (lettres de femmes et d’hommes écrivains, d’artistes, d’actrices, de femmes et d’hommes politiques, de féministes, de scientifiques, …) et de fonds spéciaux d’archives concernant des personnalités, des groupes et des revues. Par ailleurs, la BMD conserve un précieux fonds iconographique ancien et moderne fait de cartes postales, d’affiches, de photographies, de journaux illustrés, de gravures, de lithographies, de dessins, de timbres, etc. Enfin, « les dossiers constituent l’une des richesses les plus originales de la Bibliothèque ».Ces dossiers documentaires sont le résultat des talents de documentaliste de Marguerite Durand. Thématiques ou biographiques, ils sont constitués de coupures de presse, de dossiers d’associations féministes et de femmes, etc.
Depuis sa création et malgré des périodes difficiles, la BMD n’a cessé de s’enrichir tout en essayant de perpétuer l’ambition encyclopédique de sa fondatrice. Cependant, la politique d’acquisition évolue comme évoluent les thèmes. Au début des années 1990, on abandonne les thèmes de l’enfance et de l’économie domestique mais on acquiert des documents sur de nouveaux sujets comme la sexologie. À cette même époque, l’augmentation du budget permet d’élargir les collections vers une production éditoriale étrangère, en particulier anglo-saxonne avec les éditions Scarlett Press, Onlywomen Press en Grande Bretagne, Attic Press en Irlande, ou encore The Feminist Press aux États-Unis. On s’attache aussi à se procurer de la littérature grise, connue pour être difficile à repérer. Des modifications ont été faites concernant la fiction : désormais, on acquiert uniquement les livres sur les femmes et non produits par les femmes car c’est impossible au vu du nombre foisonnant d’écrivaines de nos jours. Par ailleurs, la BMD tente de perpétuer ces héritages d’exception que sont les dossiers documentaires. On constitue des dossiers pour tous les domaines (voyageuses, sportives, …) même si les bibliothécaires ne pratiquent plus les coupures de presse qui demandent trop de temps. De plus, certains thèmes ne sont pas abordés dans ces dossiers tels que les actrices, étant donné qu’il existe déjà une bibliothèque spécialisée sur le cinéma à Paris.56 Pour finir, cette bibliothèque de lecture publique est également constituée d’un fonds d’ouvrages et de revues en accès libre.
Ainsi, la collection de la BMD est totalement dédiée aux femmes et au féminisme. C’est une collection unique en France en raison de la rareté, l’originalité, la diversité et la richesse de ses documents. Cette exhaustivité thématique répond aux missions de la BMD, en tant que bibliothèque spécialisée.

Caractéristiques de la BMD

La BMD présente des caractéristiques en raison de son statut, ses missions et son public. Ces particularités lui donnent un caractère exceptionnel mais elles l’entrainent également à faire face à des enjeux et des difficultés.

Une bibliothèque spécialisée

« L’oblitération de la mémoire des femmes vient aussi de la dissémination des sources et de l’occultation de leurs œuvres, dispersées ou « englouties » dans des fonds généraux. »
La BMD est une bibliothèque spécialisée, c’est-à-dire que ce n’est pas seulement une bibliothèque mais aussi un centre de ressources, de documentation. Plus précisément, « une bibliothèque spécialisée » est une bibliothèque où le spécifique est devenu le général, où la spécificité (disciplinaire, thématique) a remplacé l’offre généraliste ».58 La BMD se différencie donc d’une bibliothèque généraliste car elle est entièrement spécialisée sur la thématique « femmes et féminisme ». Sa spécialisation lui permet donc d’être exhaustive sur le sujet même si des sélections sont faites, notamment sur les documents étrangers.

Ses missions

« Ses missions sont multiples, et ressortissent à la fois à une bibliothèque, à un centre de documentation (dossiers documentaires, actualité des activités militantes et de recherche, etc.), à un centre d’archives (nom La BMD doit répondre à deux fonctions : conserver et documenter. En effet, c’est une bibliothèque de lecture publique qui a aussi un important caractère patrimonial du fait de sa mission de conservation. Ainsi, elle conserve toute sa documentation. Mais, elle est aussi un centre de documentation car « sa vocation est celle d’une bibliothèque d’étude et de recherche, ouverte à tous les publics désirant consulter sur place ses collections ».60 Ainsi, les bibliothécaires de la BMD offrent des services pour accueillir et informer le public tels que la constitution de bibliographies sur des thèmes et des personnalités et la mise à disposition d’une photocopieuse.

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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : DES FONDS POUR SOUTENIR LA RECHERCHE SUR LES FEMMES
1. L’émergence des femmes en tant que sujet d’études
2. Les archives en question
3. Le développement d’une documentation
DEUXIEME PARTIE : LES FEMMES ET LE FEMINISME EN BIBLIOTHEQUES
1. Typologie des bibliothèques
2. Les défis bibliothéconomiques
3. Valorisation et visibilité des fonds
BIBLIOGRAPHIE
SOURCES
TROISIEME PARTIE : L’EXEMPLE DU CENTRE DES ARCHIVES DU FEMINISME D’ANGERS
1. La création du centre : objectifs et originalités
2. Les adaptations bibliothéconomiques
3. Valoriser et rendre visible le CAF
CONCLUSION
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
ANNEXES

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