L’évolution politique de la Guinée de 1939 à 1963

Le choix d’étudier l’évolution politique en Guinée de 1939 à 1963 n’est pas fortuit. Il se justifie d’abord par le rôle croissant que la Guinée a joué dans la libération de la France pendant la Deuxième Guerre mondiale, ensuite par l’attitude singulière de la Guinée à dire « NON » au général de Gaulle en 1958 qui consacre de surcroit son indépendance. Mais ce choix réside surtout dans un constat: Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des milliers de guinéens furent recrutés dans toutes les régions et enrôlés dans l’armée française. La Guinée n’a pas seulement participé à l’effort de guerre en envoyant des soldats au front pour libérer la France, elle a aussi mobilisé ses ressources économiques et productives pour nourrir des combattants. Cet apport économique de la Guinée à l’effort de guerre des alliés constitue donc une contribution non négligeable en ressources agricoles et industrielles souvent méconnue.

Si l’on considère l’ensemble des souscriptions soit 125.000.000 de francs environ, on doit admettre que l’effort réalisé par la Guinée est intéressant. Pour sa part, ce pays en a fait le cinquième alors que cette colonie ne figurait pas, à ce moment, parmi les mastodontes de l’économie de l’Afrique Occidentale Française. Donc, on peut dire sans risque de se tromper, que la Guinée est en bonne place dans l’AOF. Ainsi, le succès a répondu aux efforts. Jamais, en effet, de tels résultats n’avaient été enregistrés. Ils sont le fruit d’une volonté « concentrée à l’extrême », d’une tension exceptionnelle et épuisante. Ils n’ont d’ailleurs pas coûté que des efforts, ils ont aussi coûté des sacrifices.

Au demeurant, il n’est pas sans intérêt de connaître le point de vue des nationalistes guinéens sur la façon dont la presse étrangère a jugé leur pays. Tout ce qui concerne les critiques de Sékou Touré, chef de file du PDG, à l’encontre des journalistes français également, notamment leur « incapacité à comprendre» et leur « inaptitude à l’objectivité », vaut d’être médité. Ce contexte caractérisé par le développement du nationalisme, a favorisé dans les masses la prise de conscience de l’égalité de tous face aux nouvelles conditions créées par la présence française, mais aussi et surtout la détermination de celles-ci, à mettre fin à l’humiliation et à l’exploitation. L’objectif pour le leader du PDG Sékou Touré etait de réhabiliter le peuple guinéen ayant été soumis à l’humiliante domination étrangère et de favoriser son intégration pleine et entière au sein de la société universelle. Il s’agit pour celui ci, de prouver que « l’intelligence, le courage, la conscience politique et patriotique ne sont l’apanage d’aucun homme ni d’aucun peuple, mais relèvent indistinctement, des capacités, des vertus de tous les peuples quel que soit, par ailleurs leur degré de développement économique et d’évolution technique» . Le PDG et le peuple guinéen tout entier restèrent présents sur le grand chantier de la transformation qualitative de la Guinée et pour l’avènement d’un monde de sincère fraternité. Il s’agissait pour la Guinée, après avoir participé activement à la libération de la France et à lui réclamer son indépendance en 1958, de rétablir des relations diplomatiques avec elle en 1963. C’est ce qui explique le fait que notre étude débute en 1939, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, pour prendre fin le 22 mai 1963, date de la signature de l’accord franco-guinéen au Quai d’Orsay, mettant ainsi fin à la longue séparation de la Guinée et des Etats de ce qui fut la communauté franco africaine.

Ainsi, notre problématique consiste à comprendre comment la Guinée a vécu ces moments, et pourquoi le « NON » l’a largement remporté malgré les manœuvres de l’administration coloniale à déjouer le choix des guinéens. Elle consiste également à comprendre pourquoi parle-t-on tant de l’ «expérience guinéenne». La réponse à cette question requiert nécessairement la description de la vie politique de la Guinée de 1939 à 1963, en passant par la contribution du pays à l’effort de guerre, la conquête de l’indépendance en 1958 et les choix politiques du PDG au lendemain du référendum.

ATMOSPHERE POLITIQUE DE LA GUINEE DE 1939 à 1954 

Contexte de guerre (1939-1945)

La Seconde Guerre mondiale commence comme un conflit franco-allemand traditionnel, provoqué par la volonté d’Hitler de supprimer les frontières que le traité de Versailles avait imposées à l’Allemagne. 1939-1945. Ses théâtres d’opérations. Europe. Afrique du Nord. Pacifique. Du côté de l’Afrique française, les colonies africaines se sont mobilisées dans un conflit qui ne les concernait pas directement et ont permis à la France d’enregistrer de grands succès. Ainsi les colonies se sont épuisées pour la victoire française.

Etat d’esprit des populations

Dans cette réflexion, nous nous intéresserons singulièrement à l’état d’esprit des populations sous Vichy et sous de Gaulle.

Sous Vichy
La Seconde Guerre mondiale découle des initiatives belliqueuses de l’Allemagne nazie et de l’impuissance des démocraties occidentales à juguler la montée des périls. Les accords de Munich (septembre 1938), puis l’occupation de la Bohème et la vassalisation par le Reich de la Slovaquie (mars 1939), ont démantelé le système d’alliances édifié par la diplomatie française ; les autres Etats de la petite entente (Roumanie Yougoslavie) ont pratiquement adopté une attitude de neutralité. La France ne peut compter que sur ses colonies, dont l’éloignement constitue un sérieux obstacle.

Quelles sont les conséquences pschychiques de la guerre sur les sociétés indigènes, impliquées à leur insu, dans un conflit, qui ne les concernait pas directement ? Nous nous focaliserons sur la Guinée qui fait l’objet de notre étude. En effet, depuis le début du conflit, les Guinéens ont fait preuve d’un excellent état d’esprit et d’un parfait loyalisme. Aucun incident grave n’est venu troubler la vie politique du pays-sans doute, l’action des chefs de circonscription a continué à s’employer à surveiller et à déjouer quelques « intrigues » locales, « mais ces intrigues ne sont jamais dirigées contre notre autorité. Elles présentent un caractère strictement local et éphémère » précise bien le Gouverneur de la Guinée française Félix Giacobi au début de 1941. A cette époque, la Grande Bretagne se rallia à la France et met toute sa puissance à ses côtés. Et le Commonwealth l’a suivi – l’Afrique du sud avec des réserves. Toutefois, il est important de signaler qu’une intense campagne a été menée par certains dissidents anglais dans le but de saboter l’union francoanglaise. En ce qui concerne cette propagande anglo dissidente, celle-ci plus intense et efficace a été accueillie avec indifférence par les populations. Car, à l’occasion des nombreuses manifestations qui se sont déroulées dans les circonscriptions au cours de l’année 1941, les Guinéens de tous les milieux, ont donné des marques de confiance et de sympathie aux autorités coloniales. Par exemple, le 19 octobre 1941, la population de Conakry recevait avec enthousiasme le Haut Commissaire de l’Afrique française accompagné du Haut Commandant supérieur des troupes. Peu de jour après le 20 novembre, c’est au tour du Secrétaire d’Etat l’Amiral Platon, accompagné du Gouverneur Général Boisson qui faisait son entrée dans la ville au milieu des acclamations générales.

Cette situation perdura jusqu’en 1942. A cette date, aucune modification n’est à signaler dans la situation politique du pays pendant les trois premiers trimestres. Toutefois, le déséquilibre s’accentuait entre les besoins de la population en produit de premières nécessités, tant pour la consommation que pour le fonctionnement des organismes de production de les satisfaire. Il fut donc nécessaire de fournir un très gros effort sur le plan économique, et il en résulta un certain détachement des questions politiques pour la majorité de la population européennes. C’est ce qui fit dire, avec une apparence de vérité, que la Guinée était indifférente à la marche des événements.

En réalité, les Européens suivaient avec un intérêt croissant l’évolution de la guerre mondiale dont les conséquences matérielles atteignaient presque tous, en particulier, soit dans leurs affections familiales, soit dans leurs intérêts matériels. Et, ainsi que l’observe en 1942 Horace Groccichia, Gouverneur de la Guinée française (1942-1944), dans le rapport politique annuel, « si chacun s’efforçait d’alléger les souffrances de ses proches, tous apportaient largement leurs concours aux œuvres en faveur des victimes de la guerre » . Et cette communauté de pensée se retrouvait encore dans l’intérêt que l’on apportait à suivre les opérations militaires se déroulant en Russie et en Asie, intérêt qui s’intensifia lorsque l’action des alliés à Madagascar fit apparaitre comme devant être l’AOF ou l’Afrique du Nord.

La Guinée était considérée comme un point de débarquement probable et les mesures de défense intenses fortifiaient cette opinion, aussi les idées évoluaient – elles peu à peu. C’est dans cette atmosphère que parvient la nouvelle du débarquement des alliés en Afrique du Nord. L’expulsion des armées de l’Axe du sol tunisien, le déroulement favorable des opérations militaires conduites méthodiquement en Méditerranée par les armées alliées, la vigueur de la poussée russe sur le front continental, affermissent, parmi les populations européennes et l’élément indigène évolué l’espoir d’une issue du conflit victorieuse et prochaine. Plus tard en août 1943, E. Berthet, Directeur des Affaires politiques, administratives et sociales fait cette remarque : « une commission de pensée s’affirme contre l’occupant allemand, et l’on souhaite avec impatience de voir la métropole échapper à l’emprise ennemie» . Dans l’ensemble, on peut résumer l’état d’esprit des populations indigènes vis-à-vis des évènements extérieurs que nous venons de relater ci-dessus dans les termes suivants :
– La masse indigène ignore ces évènements et ne cherche pas à les connaitre ;
– Parmi les évolués, quelques éléments suivent les bouleversements mondiaux sans grande compréhension.

Il en résulta une courte période d’incertitude, sinon d’inquiétude qui se transforma en un véritable soulagement lorsque l’AOF se rallia à l’Afrique du Nord. Le plus grand nombre attendait impatiemment cette décision. Certains l’a jugèrent même tardive. Mais comme la conséquence immédiate pour la France était la reprise des hostilités contre l’Allemagne, les préoccupations de tous se groupèrent sur les questions relatives à la mobilisation et ses répercussions sur la situation économique. C’est cet effort économique qui fait naître l’espoir qui devait se fortifier de jour en jour, espoir d’une libération prochaine de la France, et de la fin des souffrances qui depuis trois ans accablent les populations des pays occupés.

Ce malaise politique persiste jusqu’en fin 1942 date à laquelle la France entraina immédiatement l’Afrique du Nord et l’Afrique Occidentale française dans la guerre qui, jusqu’à présent n’étaient pas engagées directement dans le conflit. Cette situation plongea l’AOF dans une atmosphère particulière. En Guinée, la situation est confuse Les relations trop voilées et ambigües de l’action du haut commandement civil et militaire suscitent l’embarras et troublent au même degré les partisans et les adversaires du Régime du général de Gaulle qui s’annonce. Les uns trouvent trop lents l’avènement du général de Gaulle qu’ils espèrent depuis si longtemps et ils appréhendent de voir consacrer les lois et les procédés d’un gouvernement insuffisamment aboli. Les autres espèrent un statu quo ou le seul changement serait la reprise des hostilités, le maintien des gens en place semble leur donner raison.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : Atmosphère politique de la Guinée de1939 à 1954
Chapitre I : Contexte de guerre (1939-1945)
A / Etat d’esprit des populations
1) Sous vichy
2) Sous de Gaulle
B/ La participation de la Guinée à l’effort de guerre
1) L’effort de guerre
2) Les résultats de l’effort de guerre
Chapitre II: L’Union française et la reconnaissance de la dignité africaine (1946-1954)
A/ Les droits acquis
1) La liberté politique
2) La liberté du travail
3) Droit à la citoyenneté
B/ Naissance des mouvements associatifs
1) Les associations ethniques
2) Les partis politiques africains
a) Le Parti démocratique de Guinée (PDG)
1) La naissance
2) Les moments pénibles du PDG : le combat administration-PDG
3) La politique de massification
b) Le Bloc africain de Guinée (BAG)
1) Contexte de naissance
2) Les relations entre le PDG et le BAG
3) Les partis politiques d’origine « métropolitaine »
C) Les compétitions entre associations politiques
1) Obstacle ou atout : la mainmise au jeu électoral par l’administration
2) Les compétitions électorales
DEUXIEME PARTIE : Loi-cadre, Référendum et dynamisme politique (1956-1958)
Chapitre III: La Loi-cadre (1956-1957)
A/ Adoption de la Loi- cadre
B/ La conquête du pouvoir
1) Succès des candidats progressistes
2) Efficacité de l’action du PDG
C/ La lutte contre la chefferie et les raisons du succès du PDG
D/ Bilan des actions du gouvernement du PDG
Chapitre IV: Le référendum et ses enjeux (1957-1958)
A/ Contexte d’élaboration de la Constitution de 1958
B/ La question de l’indépendance
C/ Tournée africaine du générale de Gaulle : présentation de la Constitution
D/ Le déroulement du référendum
TROISIEME PARTIE: La politique du PDG après l’indépendance (1958-1963)
Chapitre V : L’édification de l’Etat guinéen (1958-1963)
A / Un régime présidentialiste
1) Les trois pouvoirs
a) L’exécutif
b) Le législatf
c) Les rapports entre exécutif et législatif
d) Le judiciaire
e) Les marques du présidentialisme : démocratie nationale et démocratie populaire
2) Au cœur du régime présidentialiste : le parti-Etat
a) Un parti unique et tentaculaire
b) Les « bras armés » du parti ou les mouvements de jeunes et de femmes
B/ Un Etat qui oriente et encadre l’économie
1) Les objectifs et moyens
2) Atouts et handicaps
3) Les réalisations
ChapitreVI: La diplomatie de l’Etat-PDG (1958-1963)
A/ La Guinée et ses voisins
B / La Guinée et la France
C/ Les alliés extérieurs
1) Alliés de l’Ouest
2) Alliés de l’Est
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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