L’évolution du marais

L’évolution du marais

Photographies aériennes

Afin de pouvoir identifier les changements du marais de la baie de Kamouraska dans les temps modernes, l’obtention des photographies aériennes de la baie a été nécessaire, soit celles de 1929, 1948, 1974, 1980, 1985 et 2009. Les photographies ont été numérisées à une résolution de 1200 dpi afin de conserver tous les détails lors du transfert dans le logiciel ArcGIS. Le géoréférencement des photographies aériennes de 1929, 1948, 1974, 1980 et 2009 s’est fait à partir de l’orthophotographie de 1985, dont la projection cartographique est NAD 83 MTM 7 dans ArcGIS. Ce choix s’est fait en vertu de la facilité à identifier des points de repère, en plus d’avoir une meilleure clarté que la photographie de 2009, prise sur Google Earth. Le géoréférencement s’est fait à partir de points de repère identifiables (routes, bâtiments, affleurement rocheux, etc.) sur chacune des photographies, ce qui le rend fiable. Les différentes zones de végétation ont été identifiées grâce aux couleurs, teintes et formes qui caractérisent chacune d’elles. Entre autres, les mares et marelles qui correspondent à la zone à Spartinapatens, ou encore la gradation de gris qui indique le niveau de drainage du sol : plus le sol est pâle, mieux le drainage se fait. On peut de cette manière dire que les zones les plus pâles correspondent à l’herbaçaie salée, la zone un peu plus foncée ponctuée de mares et marelles correspond à la zone de Spartina patens et enfin, la zone la plus foncée correspond à la Spartina alterniflora. De plus, les zones de végétation ont la caractéristique d’être parallèles l’une à l’autre

Le milieu physique

Le marais de la baie de Kamouraska est situé dans le moyen estuaire du Saint-Laurent, soit la zone de mélange des eaux salées du golfe du Saint-Laurent et des eaux douces provenant des Grands Lacs. « L’estuaire est donc caractérisé par des conditions de salinité qui varient selon le brassage des eaux de surface ainsi que par la présence de marées quotidiennes semi-diurnes » (d’Anglejan, 1981 : 85). Le moyen estuaire du Saint-Laurent a la caractéristique d’être un endroit idéal pour la formation d’un « bouchon vaseux ». Ce « bouchon vaseux » est créé par la rencontre d’eaux douces et salées qui entraîne des courants résiduels dont la charge sédimentaire est élevée. Sur une photographie thermique Landsat-5 TM de 2001 (Figure 5), on distingue très bien les eaux fortement chargées en sédiments qui caractérisent le « bouchon vaseux » se mêlant aux eaux plus claires du fleuve Saint-Laurent. On peut facilement identifier la baie de Kamouraska sur cette photographie et constater que le marais est bien situé dans le « bouchon vaseux », ce qui lui assure un apport important en sédiments (Sérodes et Dubé, 1983 : 19).  es marais sont des écosystèmes côtiers qui se forment à l’abri des vagues, sur des reliefs relativement peu accidentés dont la pente est faible. Ceci permet aux sédiments contenus dans l’eau de s’accumuler de manière successive, sous l’action des marées. Les plantes halophytes présentes, telle la Spartinaalterniflora, retiennent les sédiments, ce qui permet leur accumulation. Ce nouvel apport permet ainsi à la Spartinaalterniflora de se densifier et de s’accroître (Bertness, 1998 : 315). On décrit les marais intertidaux comme la zone de végétation qui est soumise aux inondations des marées. Selon Dionne (2004 : 74), « Il s’agit d’un tapis végétal continu et relativement dense, bien que parfois caractérisé par des mares, des chenaux de marée ou des espaces dénudés ». Mais bien que le marais semble une étendue uniforme, il est au XBaie de Kamouraska contraire divisé en deux parties principales selon l’altitude : la slikke et le schorre (Figure 6). Ces deux mots proviennent du néerlandais et ont été adoptés dans la langue française puisque ce sont ceux qui correspondent le mieux aux attributs du terrain (Dionne, 2004 : 75)

La dynamique sédimentaire

La dynamique sédimentaire sur le marais de la baie de Kamouraska est un phénomène complexe régi par plusieurs processus dont les taux de sédimentation disponibles dans l’eau à différentes saisons de l’année, l’amplitude des marées, les vagues, le vent, la glace, la végétation, le climat et les activités anthropiques (d’Anglejan, 1981; Sérodes et Dubé, 1983; Drapeau, 1992). Le processus d’échange de sédiments opéré entre la zone littorale et le large contribuent à la formation d’une zone de turbidité maximale dans le moyen estuaire. Les sédiments disponibles à la fin de l’hiver et au printemps sont retenus sur les marais intertidaux pendant l’été, où la sédimentation est favorisée par la croissance de végétation (Drapeau, 1992 : 235, Lucotte et d’Anglejan, 1986 : 88).

La dynamique de succession de la végétation

Les marais intertidaux sont un milieu qui s’autorégule et fonctionne en relation avec le régime des marées, qui apporte des nutriments nécessaires à la croissance de la végétation qui va fixer le sol, créant ainsi une chaîne alimentaire qui servira à nourrir autant les microorganismes que les plus gros prédateurs comme les crabes ou les canards. La végétation est au cœur de cet écosystème que l’on dit être l’un des plus productifs au monde. Il est donc ironique que les marais intertidaux soient reconnus comme milieu difficile pour la végétation qui doit s’y adapter. La salinité de l’eau, l’inondation par les marées, les caractéristiques de chacune des saisons, ainsi que les évènements ponctuels comme les tempêtes sont autant des facteurs auxquels doivent s’adapter les espèces végétales, et chacune d’entre elles y trouve sa zone de prédilection (Bertness, 1998 : 344-347 ) Sur le marais de Kamouraska, les zones de végétation sont distribuées de manière parallèle à la côte : cela correspond au gradient d’inondation auquel la végétation est soumise. Le temps de submersion de la végétation imposé par les marées et la salinité de l’eau sont des facteurs majeurs qui expliquent la zonation distincte de la végétation. Sur le marais de la baie de Kamouraska, selon Hatvany (2009 : 21), on peut observer trois grandes zones de végétation bien distinctes.

L’effet de coincement

Selon l’étude de Hatvany (2014 : 187), en 1826, le marais de la baie de Kamouraska avait une longueur de 6,7 km, une largeur de 535 m et une aire de 309,8 hectares. Ces mesures représentent la superficie du marais avant les transformations anthropiques qui commencèrent plus tard dans le XIXe siècle. À ce moment le marais avait une pente de 1,6 % sur laquelle se répartissaient les trois zones de végétation principales (Sérodes et Dubé, 1983 : 17). Dans le cas de la baie de Kamouraska, une barrière artificielle, un aboiteau, sera érigée en 1937. Celle-ci vient modifier la dynamique du marais, qui se trouve ainsi coincé entre la digue et la mer, ne pouvant plus s’étendre sur sa pleine largeur. La mobilité du marais vers l’intérieur des terres se retrouve contrôlée de part et d’autre par la présence de la mer et de l’aboiteau (Mathieu, 2008 : 38). Cela entraîne deux principales conséquences : la première est l’accumulation de « laisses de mer » au pied de la digue. Les débris venant de la mer qui sont normalement répandus sur la pleine largeur du marais grâce aux marées n’ont que peu d’impact sur un marais n’ayant pas de barrière naturelle ou anthropique. Mais sur un marais comme celui de Kamouraska, l’aboiteau empêche cet épandage de débris et ceux-ci s’accumulent à son pied. Cette accumulation de débris rend l’endroit anoxique, donc difficile pour les végétaux (Gauthier, 2011 : 17). La décomposition de ces débris émet une forte odeur de soufre. La deuxième conséquence est la disparition de certaines zones de végétation. Les espèces moins tolérantes au temps d’immersion se trouvent ainsi à occuper un espace très restreint puisque, dans le cas de la baie de Kamouraska, l’érection de l’aboiteau s’est fait pratiquement sur la ligne de pleines mers de vives-eaux.

Le milieu culturel

Aujourd’hui le marais de la baie de Kamouraska semble un lieu oublié, caché derrière l’aboiteau, sans intérêt. Pourtant, les gens qui y habitent n’ont pas toujours tourné le dos au marais. À l’origine, lorsque le territoire de Kamouraska était occupé par les Autochtones, le marais était exploité de manière saisonnière, l’été, par ceux-ci. « À l’intérieur des terres, les Amérindiens chassaient des animaux de toutes tailles (porcs-épics, castors, chevreuils, orignaux), tandis que les marais et les eaux de l’estuaire du Saint-Laurent leur apportaient poissons, coquillages, sauvagine et mammifères marins.» (Hatvany, 2009 : 56) Lors de la colonisation européenne, les Français qui s’installèrent à Kamouraska firent relativement la même exploitation du marais que ce qu’en faisaient déjà les Autochtones. Comme ces derniers, les Français pêchaient les anguilles à l’aide de fascines, chassaient la sauvagine et les mammifères marins. Les premiers colons comptaient particulièrement sur les marais pour subvenir à leurs besoins : en plus de donner de quoi manger, le marais fournissait le foin de mer. Sans compter son utilisation dans la fabrication d’objets usuels pour la maisonnée, le foin de mer (Spartina sp.) était un élément essentiel de la colonisation. Il servait à nourrir le bétail, ainsi que les animaux de trait utilisés pour défricher la terre (Hatvany, 2009 : 65). Plus tard, cela deviendra l’aliment donné aux animaux en supplément. Ayant une bonne valeur nutritive, le foin de mer venait pallier une mauvaise récolte, assurant ainsi un apport nutritionnel suffisant au bétail.

L’évolution du marais

Afin de mieux comprendre l’évolution du marais de la baie de Kamouraska à la suite des changements naturels et anthropiques qu’il a subis, nous avons analysé des cartes anciennes de 1781 et de 1826 ainsi que des photographies aériennes prises à travers le temps, soit celles de 1929, 1948, 1974, 1980, 1985 et 2009. En ce qui concerne les cartes anciennes, il est possible de noter qu’elles ont été produites sans les instruments technologiques de grande précision disponibles aujourd’hui. Par contre, suite à leur géoréférencement à l’aide d’ArcGIS, elles s’avèrent assez précises et donnent une idée générale du portrait du marais à chacune des époques concernées. Elles permettent également de déterminer les limites supérieure et inférieure du marais avant les perturbations radicales causées par l’endiguement et l’assèchement du marais dans le XIXesiècle. Pour chaque photographie aérienne, les trois zones principales de végétation ont été délimitées, soit la zone à Spartina alterniflora, celle à Spartina patens et celle à herbaçaie salée. De plus, des éléments comme la vase, la salicorne, ainsi que les accumulations de débris marins ont été identifiés lorsqu’il était possible de le faire. Les aires occupées par chacune des zones principales de végétation ont été calculées en hectares afin de fournir une idée de l’évolution du paysage avant et après les changements anthropiques et naturels.

 

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Table des matières

Chapitre 1 : Mise en contexte
Introduction
Justification de l’étude
Localisation
Problématique
L’incertitude
Objectifs
Revue de littérature
Organisation du mémoire
Chapitre 2 : Les outils et les moyens d’analyse
Revue de littérature
Transects biogéographiques
Cartes anciennes
Photographies aériennes
Chapitre 3 : Le milieu naturel et culturel
3.1 Le milieu physique
3.1.1 La dynamique sédimentaire
3.1.2 La dynamique de succession de la végétation
3.1.3 L’effet de coincement
3.2 Le milieu culturel
Chapitre 4 – L’évolution du marais
4.1 Le marais en 1781
4.2 Le marais en 1826
4.3 Le marais en 1929
4.4 Le marais en 1948
4.5 Le marais en 1974
4.6 Le marais en 1980
4.7 Le marais en 1985
4.8 Le marais en 2009
4.9 Le marais aujourd’hui
4.10 Retour sur les résultats
Chapitre 5 – Discussion
5.1 Les marais intertidaux et le développement durable
5.1.1 L’environnement
5.1.2 L’économie
5.1.3 La société .
5.2 Kamouraska : une question de renaturalisation
Conclusion

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