L’étude des différentes filières de l’eau

Problématiques liées à la gestion de l’eau dans le bassin-versant

   Nous nous sommes donc intéressées aux menaces pouvant impacter le bassin-versant d’Ousteri. En effet, l’eau est une ressource globale et transversale, qui doit être pensée avec une certaine continuité. C’est dans cette perspective que les villages voisins et les affluents du tank ne doivent pas être négligés. Baduri (2011) a montré que les objectifs soulevés par l’urbanisation et la protection du tank sont multiples : évaluer l’état de l’environnement aux environs d’Ousteri, examiner les menaces probables pour l’écologie du tank, développer un plan d’actions et de management pour la conservation du lac et de ses environs en établissant une relation entre le réservoir et les aquifères… Il s’agit donc de comprendre les différents enjeux et usages de l’eau à l’échelle d’une zone périurbaine qui puise forcément dans la nappe située en dessous d’Ousteri. De plus, Aubriot (2010) a annoncé que dans les années 1990, il y avait plus de 7000 puits à ciel ouvert dans la région de Pondichéry, ce qui a entraîné une chute rapide du niveau de la nappe phréatique (on estime qu’aujourd’hui 15% des nappes superficielles sont considérées comme surexploitées et leur niveau d’eau ne fait que diminuer, en 2018 la nappe est considérée comme exploitée à 135%). Cette surexploitation conduit également à une intrusion d’eau de mer dans l’aquifère souterrain et à une baisse des rendements. Marsh (1999) ajoute que la situation a été aggravée par l’augmentation rapide des prélèvements d’eau dans la nappe à des fins industrielles et domestiques dans un territoire déjà vulnérable, suite au développement démographique et économique ces dernières décennies.C’est pourquoi nous nous sommes intéressées à la quantité et à la qualité de l’eau prélevée dans et aux alentours du lac d’Ousteri. Pour cela, notre objet de recherche a été divisé en trois thématiques : les usages industriels, les usages d’eau potable et les usages agricoles. Nous avons cherché à savoir si la gestion de l’eau dans les industries à proximité d’Ousteri, notamment celles présentes dans la zone industrielle de Sedarapet, pouvaient être soutenable écologiquement et socialement. Nous avons aussi voulu définir la filière de l’eau potable, du producteur au consommateur, afin d’en comprendre les enjeux. Et finalement, nous avons cherché à comprendre les usages de l’eau par les agriculteurs. Effectuer cet état de l’art nous a permis de mieux comprendre les enjeux de notre territoire d’étude et d’élaborer des questionnaires pertinents en fonction des usages que les différents acteurs de l’eau pouvaient avoir. En effet, nos rencontres préliminaires nous ont permis de nous rendre compte que ni les industriels, ni les agriculteurs, ni les populations n’utilisaient directement l’eau d’Ousteri. Chacun de ces utilisateurs utilise des systèmes secondaires d’approvisionnement en eau ou ils puisent dans les nappes phréatiques grâce à des forages. L’objectif est donc de reconstituer les différentes filières de l’eau, du fournisseur au consommateur en fonction des cas.

Approvisionnement interne par la PIPDIC

   La société para-publique de développement et d’investissement pour la valorisation industrielle de Pondichéry, PIPDIC, est un organisme public du Territoire de Pondichéry, qui a pour rôle de fournir de l’eau aux entreprises. En effet, les forages individuels sont interdits dans la zone industrielle. Ainsi, pour avoir de l’eau, toutes les industries sont reliées à un réseau géré par la PIPDIC. Mr Jothi, un responsable des travaux au bureau situé dans la zone industrielle de Sedarapet nous a indiqué que la PIPDIC peut fournir de l’eau aux 87 entreprises installées en fonction de leur demande qui dépend de leur type de production. Les tarifs varient en fonction des quantités fournies. Jusqu’à 100 m3 par mois, l’unité de 1 m3 coûte 15 RS soit moins de 0,20€/m3 selon le taux de change actuel. Pour les industries consommant entre 100 et 300 m3 par mois, le forfait est de 1500 RS + 20 RS l’unité soit minimum 20€. Enfin, pour les entreprises ayant besoin de plus de 300 m3 par mois, le taux est de 5 500 RS + 25 RS l’unité soit minimum 70€. Par exemple, sur la période de Janvier à Mars 2019, la PIPDIC a fourni plus de 21 000 m3 d’eau aux 87 entreprises (soit 84 000 m3 par an) en fonction de leur demande qui est très hétérogène (comme on peut le voir sur l’Annexe VI). Certaines industries reliées au réseau n’ont pas demandé de l’eau alors qu’une autre a consommé à elle seule plus de 1 000 m3. L’eau fournie provient de 3 forages, 2 à 120 m construits en 1972 et en 1985, et le dernier construit en 2004 est situé à 150 m de profondeur. Cependant, au vu du niveau des nappes de plus en plus bas, la PIPDIC est dans l’obligation d’approfondir ses forages pour avoir accès à l’eau. Elle a mis en place des restrictions sur la quantité d’eau qu’elle fournit à chaque entreprise. Ainsi, par jour, une entreprise ne peut recevoir que 6 m3 d’eau de leur part. C’est pourquoi, comme l’eau n’est disponible que de 6 à 21h et pendant les jours travaillés, les entreprises disposent de réservoir d’eau d’une capacité de 20 m3 afin d’avoir toujours de l’eau disponible. Les entreprises ayant besoin de plus d’eau pour leur production doivent en acheter auprès d’entreprises privées.

Les nombreux intermédiaires de la filière de l’eau potable

Les grossistes Nous avons pu obtenir des adresses de grossistes (appelés “dealers”) auprès de l’entreprise d’eau potable Aqua Green. Ce sont ces grossistes qui sont chargés de revendre la production de l’usine principale. Sri Sakthi Ganapathi agencies, située dans le quartier de Venkata, est un des revendeurs principaux de cette industrie. Le propriétaire s’est installé ici en 2017 car l’eau provenant du réseau public n’est pas de bonne qualité, ce qui fait que, pour reprendre ses mots, il y avait et qu’il y a toujours des clients tant que la qualité du réseau ne s’améliore pas. De plus, contrairement à d’autres quartiers de la ville de Pondichéry, il n’y a pas de concurrence ici car il est le seul, ce qui facilite les affaires. Ainsi, il revend donc des bouteilles de 1, 2 et 20 L d’eau, soit environ 1250 L d’eau par jour, à des consommateurs directs ou à des dealers secondaires. Les consommateurs viennent directement au magasin acheter de l’eau pour leur propre consommation tandis que les dealers secondaires viennent en acheter pour pouvoir les revendre par la suite.
Les détaillants Les semi-grossistes ou détaillants (appelés “dealers secondaires”) s’approvisionnent soit chez un dealer principal soit directement à une entreprise de production d’eau potable. Suivant les quantités dont ils ont besoin (souvent faibles car ils ne possèdent pas d’espaces de stockages), les entreprises les livrent directement à domicile. Ensuite, ils vendent cette eau directement aux consommateurs dans leur boutique s’ils en ont une ou directement en passant dans les villages en fonction de la demande. Ce réseau d’eau potable semble relativement développé et soulève des questions sociétales importantes. En effet, à chaque étape du réseau, cette eau prend de la valeur. Ainsi, les personnes possédant un accès exclusif et direct à l’eau (robinets) paient l’eau moins chère (car celle-ci est fournie directement par la municipalité, Figure 6) que les personnes souvent plus pauvres qui ne peuvent faire venir l’eau chez eux, se déplacer jusqu’à l’usine de production ou jusqu’au “dealer” principal, qui se retrouvent à payer une eau plus chère, passée par au moins 3 vendeurs.

Des différences de qualité d’eau entre les fournisseurs

  D’autres disparités sociales peuvent être observées dans le choix direct des fournisseurs d’eau. Même si, qu’importe le fournisseur d’eau, les eaux correspondent aux critères imposés de potabilité, elles n’ont pas pour autant les mêmes qualités et donc apports nutritifs. En effet, nous avons entendu que l’eau fournie par la PIPDIC était de meilleure qualité que l’eau fournie par d’autres fournisseurs extérieurs, qui coûtaient cependant moins cher. Ainsi, comme dans les pays européens, la qualité des produits consommés peut servir de marqueur social. Ce qui est déroutant c’est que pour un pays pauvre comme l’Inde, l’eau minérale naturelle représente actuellement 15% de l’eau potable conditionnée vendue dans le pays. Si certaines marques indiennes (Vedica de Bisleri, Himalayan de Tata) ont le monopole du marché (avec près de 60% des parts), d’autres marques importées se font petit-à-petit une place (Coca-Cola, Pepsi, Nestlé) comme le révèle Caroline (2006). Ces marques affirment leurprésence sur le marché indien de l’eau embouteillée. Cette eau n’est cependant pas toujours de source minérale. La plupart du temps elle est pompée dans la nappe souterraine puis traitée. Le consommateur pense boire une eau de qualité mais les normes de qualité imposéesne sont pas systématiquement respectées par manque de contrôle. Cette consommation est dangereuse pour la santé quand on sait que les taux de pollution notamment par les nitrates (liés aux intrants agricoles) ne cessent d’augmenter dans les nappes. Si la consommation d’eau embouteillée est vouée à augmenter en Inde, sa qualité risque de se dégrader et son prix risque d’augmenter à cause de la baisse du niveau des nappes. Cette augmentation risque donc d’éloigner encore les moins aisés du bien vital que constitue l’eau.

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Table des matières

1 Présentation de la structure et du cadre d’étude 
2 Un contexte de pénurie d’eau et problématiques liées 
2.1 Les tanks d’irrigation à la recherche de nouvelles fonctions 
2.2 Cadre d’étude : le bassin-versant d’un lac périurbain 
2.3 Problématiques liées à la gestion de l’eau dans le bassin-versant 
3 Production des données d’étude : matériels et méthodes 
3.1. Des acteurs variés pour des enjeux variés 
3.2 Méthodes de réalisation de questionnaires adaptés 
4 Analyse socio-écologique des filières de l’eau et ouverture vers de nouveaux concepts 
4.1 Cas de la zone industrielle de Sedarapet : une gestion commune de l’eau 
4.1.1 Approvisionnements en eau dans la zone industrielle de Sedarapet
4.1.1.1 Approvisionnement interne par la PIPDIC
4.1.1.2 Autres approvisionnements externes
4.1.2 Un traitement des eaux usées lacunaires
4.1.2.1 Des eaux usées non traitées
4.1.2.2 Des innovations au sein des industries
4.2 La filière complexe de l’eau potable du “producteur” au consommateur
4.2.1 L’approvisionnement en eaux potables
4.2.1.1 Réseau municipal et PIPDIC
4.2.1.2 Entreprises privées
4.2.2 Les nombreux intermédiaires de la filière de l’eau potable
4.2.2.1 Les grossistes
4.2.2.2 Les détaillants
4.2.3 Les consommateurs de l’eau : tous concernés
4.2.3.1 Des distinctions sociales liés à la disparité des approvisionnements
4.2.3.2 Des différences de qualité d’eau entre les fournisseurs
4.3 Les prélèvements incontrôlés d’eau souterraine pour un usage agricole le long du canal
4.3.1 Abandon du canal au profit du pompage
4.3.2 Prélèvements de l’eau en fonction des cultures
4.3.2.1 Étude des forages dans les villages aux alentours d’Ousteri
4.3.2.2 Absence de conscience environnementale
4.4 Des constats pour aller vers de nouveaux concepts et systèmes afin de préserver la ressource en eau ? 
4.4.1 Risques sur la ressource en eau
4.4.1.1 Prise de conscience des risques
4.4.1.2 Une vision sur l’avenir de la ressource
4.4.2 Systèmes de régulation directe
4.4.2.1 Aspect réglementaire des régulations directes
4.4.2.2 Aspect technique de ces régulations
4.4.3 Systèmes de régulations indirectes
4.4.3.1 Aspect réglementaire de ces régulations
4.4.3.2 Aspect technique de ces régulations
Conclusion

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