L’étendue du contrôle de l’ordre public dans le cadre du recours en annulation des sentences arbitrales

La convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales (1958)

Cette convention constitue un élément essentiel de l’essor de l’arbitrage international. Son objectif est de rapprocher les systèmes législatifs pour la reconnaissance des conventions d’arbitrage ainsi que la reconnaissance et l’exécution par les tribunaux étatiques des sentences étrangères et des sentences non nationales.
L’article V, 1., e) de la Convention prévoit que la reconnaissance et l’exécution de la sentence seront refusées si la sentence a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d’après la loi duquel, la sentence a été rendue. Le juge de l’État dans lequel la sentence a été rendue, conserve un rôle prééminent. On relève également que la demande de reconnaissance ou d’exécution de la sentence sera refusée si l’autorité compétente du pays où cette demande est formée constate que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre public de ce pays. La convention parle « de l’ordre public de ce pays ». Le Guide du secrétariat de la CNUDCI sur le Convention de New York nous enseigne que la notion d’ordre public dont il est question est celle de l’État du for mais aussi : «s’agissant d’apprécier le caractère international ou interne de l’ordre public, la plupart des juridictions reconnaissent qu’il est peu probable qu’une simple violation du droit interne soit susceptible de constituer un motif de refus de reconnaissance ou d’exécution sur le fondement de l’ordre public.». Il est en tout cas certain qu’il ne s’agit pas d’une ordre public transnational.

La Convention de Genève sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961

Ce texte était destiné à réglementer l’arbitrage dans les relations commerciales Est-Ouest. Il améliore la Convention de New York. Le premier paragraphe de l’article IX reprend les causes d’annulations prévues à l’article V, 1, a) à d) de la Convention de New York. Le deuxième paragraphe énonce : « Dans les rapports entre États contractants également parties à la Convention de New York (…), le paragraphe 1 du présent article a pour effet de limiter aux seules causes d’annulation qu’il énumère l’application de l’article 5, paragraphe 1 e) de la Convention de New York ».De la sorte, la Convention de Genève limite les effets internationaux de l’annulation. Il est intéressant de constater qu’elle ne reprend pas la contrariété à l’ordre public comme motif d’annulation justifiant le refus de reconnaissance ou d’exécution.
Néanmoins, le juge, saisi d’une demande d’exequatur pourra tout de même refuser celle-ci si la sentence viole son ordre public.

La loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international de 1985 (amendée en 2006)

La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a adopté la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (la « Loi type ») le 21 juin 1985. Cette dernière sera amendée par une résolution 61/33 du 4 décembre 2006. Lors de la création de la Loi type, la CNUDCI recommandait que tous les États la prennent dûment en considération en raison de l’intérêt que présente l’uniformité du droit relatif aux procédures arbitrales et des besoins spécifiques de la pratique de l’arbitrage commercial international.
La Loi type prévoit des motifs d’annulation uniformes et des délais de recours contre une sentence arbitrale. Ainsi, le premier paragraphe de l’article 34 énonce clairement que la demande d’annulation est le seul recours possible et qu’il doit être exercé dans un délai de trois mois à compter de la réception de la communication de la sentence.
Les motifs d’annulation contenus à l’article 34 de la Loi type sont listés de manière exhaustive. Cette liste s’inspire très fortement de l’article V de la Convention de New York. Les motifs d’annulation sont ainsi répartis en deux catégories, ceux dont la partie qui les invoque doit en apporter la preuve et ceux pouvant être envisagés par le tribunal de sa propre initiative « à savoir l’inarbitrabilité de l’objet du différend et la contrariété à l’ordre public, (qui doivent être considérés comme des manquements graves aux notions fondamentales d’équité procédurale) ».
La note explicative de la Loi type mentionne également « Aussi les motifs relatifs à l’ordre public et à l’inarbitrabilité peuvent-ils varier quant au fond, en fonction de la loi appliquée par les juges étatiques (dans l’État d’annulation ou l’État d’exécution) ».
On peut le voir, les États sont soucieux d’assurer une certaine efficacité à l’arbitrage en limitant les refus d’exequatur mais aussi ceux d’annulation via la Loi type. L’ordre public reste néanmoins un facteur important à prendre en compte puisqu’il peut fonder une telle annulation ou un refus d’exequatur.

Le motif de contrariété à l’ordre public

L’article 1717, §3, b), ii), du CJ stipule que le tribunal peut prononcer l’annulation de la sentence s’il constate « que la sentence est contraire à l’ordre public ». Comme le relève Madame Grégoire, une tentative de délimitation du concept d’ordre public passe inévitablement par la définition proposée par De Page et consacrée depuis plus de septante ans par un arrêt du 9 décembre 1948 de la Cour de cassation : « n’est d’ordre public proprement dit que la loi qui touche aux intérêts essentiels de l’État ou de la collectivité ou qui fixe dans le droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose l’ordre économique ou moral de la société ».
G. Keutgen relève à son tour qu’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 6 décembre 2000 ajoute que les dispositions constitutionnelles et issues des traités internationaux ratifiés par la Belgique font également partie de l’ordre public. Il conclut qu’« en fait, il faut chaque fois pour déterminer la disposition d’ordre public analyser l’esprit de l’institution et rechercher en quoi elle est en rapport avec les exigences essentielles de la collectivité ou du droit privé. Il en découle que ce sont les tribunaux qui, dans chaque cas particulier, ont pour mission de qualifier une disposition comme étant ou non d’ordre public. ».
A côté des dispositions d’ordre public, on retrouve les dispositions impératives. La distinction entre ces deux types de normes s’illustre en trois points.
Tout d’abord, en ce qui concerne le régime des nullités, on parle de nullité absolue pour la violation d’une norme d’ordre public et de nullité relative lorsqu’une norme impérative est transgressée. Ensuite, en ce qui concerne l’office du juge, celui qui constate une violation de l’ordre public doit la soulever d’office tandis que la norme impérative doit être soulevée par la partie protégée. Enfin, quant à la possibilité de déroger ou non à la règle, on admet cette faculté à la norme impérative et non à celle qui est d’ordre public.
En matière d’arbitrage, le concept d’ordre public englobe le droit impératif. En effet, bien que l’article 1717 soit d’interprétation stricte, l’interprétation téléologique n’est pour autant par exclue. Selon Paul Lefebvre et Magali Servais qui s’appuient sur une doctrine fournie « en matière d’annulation de sentences arbitrales, le concept d’ordre public est, en effet, interprété de façon large comme englobant le droit impératif ».

L’existence d’un ordre public européen

On l’a vu la notion d’ordre public est fortement attachée aux valeurs des ordres juridiques internes. Même lorsque l’on parle d’ordre public international, cette notion est toujours rattachée à un état de sorte que l’on parle d’ordre public international belge ou français.
Par conséquent, étant donné l’importance exponentielle que le droit européen prend dans nos ordres juridiques, la question d’un ordre public européen mérite d’être posée. J-B. Racine relève que l’ordre public européen agit en fonction des objectifs de l’Union. Il ajoute également « Le droit européen est donc un droit porteur d’ordre public, ce au service des finalités affichées par l’Union elle-même. C’est pourquoi cet ordre public est conçu comme exigeant ».
Olivier Caprasse plaide en faveur d’un ordre public européen, il estime que les normes européennes ont pris une place tellement grande dans nos ordres juridiques que l’intensité de certaines d’entre elles devraient être qualifiées comme étant d’ordre public. D’une part, le tribunal de première instance de Bruxelles a jugé, dans l’affaire SNF/CYTEC qu’ « il n’est pas contesté que les articles 81 et 92 du Traité CE constituent des dispositions d’ordre public au sein des Etats membres ». D’autre part, la Cour de justice de Luxembourg dans l’arrêt Eco Swiss a jugé que le droit européen devait être considéré comme faisant partie de l’ordre juridique des états membres et même qu’il constitue une norme d’ordre public au sens de la convention de New York de 1958.
La Cour de Justice, si elle ne consacre pas formellement un ordre public européen, confère néanmoins aux normes de l’Union un rang équivalent à l’ordre public. On retrouve cette affirmation dans l’arrêt Asturm par lequel la Cour juge « étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs, il y a lieu de constater que l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public ».
Vu la taille limitée de cette étude et sans rentrer dans une analyse plus approfondie de la question, le droit de l’Union européenne par sa spécificité constitue à proprement parler un ordre juridique. Néanmoins, les normes européennes sont incorporées aux ordres juridiques des États qui en sont membres. Par conséquent, l’ordre public européen se traduit dans l’ordre public de chacun de ses États membres, ceux-ci ayant l’obligation d’adopter des législations conformes au droit de l’Union.

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Table des matières

Introduction
Titre 1 : Le recours en annulation dans l’arbitrage
Chapitre 1 : Historique de l’arbitrage
Chapitre 2 : Effets des instruments internationaux sur le recours en annulation 
Section 1 : La Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales (1958)
Section 2 : La Convention de Genève sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961
Section 3 : La loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international de 1985 (amendée en 2006)
Titre 2 : Le recours en annulation pour contrariété de la sentence à l’ordre public 
Chapitre 1 : Le recours en annulation en droit belge
Section 1 : Généralités
Section 2 : Le motif de contrariété à l’ordre public
Sous-section 1 : Ordre public interne ou international ?
Sous-section 2 : L’ordre public, une notion mouvante
Chapitre 2 : Le recours en annulation en droit français
Section 1 : Généralités
Section 2 : Le motif de contrariété à l’ordre public
Sous-section 1 : L’ordre public en droit français
Sous-section 2 : L’ordre public international français
Chapitre 3 : L’existence d’un ordre public européen 
Titre 3 : L’étendue du contrôle de l’ordre public dans le cadre du recours en annulation des sentences arbitrales
Chapitre 1 : Position du problème
Chapitre 2 : Conception belge de l’étendue du contrôle de l’ordre public dans le cadre du recours en annulation
Section 1 : L’affaire SNF/CYTEC
Section 2 : Jurisprudence ultérieure
Sous-section 1 : Arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2014
Sous-section 2 : Arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 13 février 2018
Section 3 : Un système de sanction systématique des sentences arbitrales
Section 4 : Rôle des acteurs face aux normes d’ordre public
Section 5 : Synthèse
Chapitre 3 : Conception française de l’étendue du contrôle de l’ordre public dans le cadre du recours en annulation
Section 1 : Jurisprudence THALES et CYTEC
Section 2 : Le cas particulier de la fraude, du blanchiment et autres infractions. Vers une évolution de la jurisprudence ?
Sous-section 1 : Un changement de vocabulaire
Sous-section 2 : Un changement à l’égard des pouvoirs du juge ?
Sous-section 3 : Justification d’une telle différence de traitement ?
Section 3 : Proposition d’une solution équilibrée
Section 4 : Rôle des acteurs face aux normes d’ordre public
Section 5 : Synthèse
Conclusion
Bibliographie

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