Les violences conjugales à l’Institut Médico-Légal de Marseille

Introduction

   Les violences envers les femmes constituent l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues dans le monde. Les violences conjugales (VC) correspondent à plusieurs types de violences : psychologiques, physiques, sexuelles, ou économiques. La notion de VC est définie lorsque la victime et l’auteur sont, (ou ont été) dans une relation sentimentale. Ils peuvent être concubins, mariés ou pacsés mais les faits sont également punis, si le couple est séparé, divorcé ou a rompu son PACS [1]. En France, 219 000 femmes subiraient chaque année des violences au sein de leur couple [2] . Les VC ont des impacts négatifs sur le bien-être physique et psychologique des personnes qui la subissent ou des enfants qui y sont exposés. Elles entrainent des conséquences graves sur la santé et l’économie d’une population, faisant de cette réalité un problème de santé publique important [3] . Ces VC peuvent aboutir à un décès, on parle alors de « féminicides ». Une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex conjoint [4] . En 2019, 173 personnes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire de vie, contre 149 en 2018[5] . Devant cette recrudescence des cas de victimes de VC, un grenelle a été organisé en urgence en 2019 pour la mise en place de mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes [6] . L’une des mesures phare de ce grenelle concerne la levée du secret médical en cas de VC. Elle permet à tout médecin ayant l’intime conviction que sa patiente est en danger vital immédiat et qu’elle se trouve sous l’emprise de l’auteur des violences, d’en informer le procureur de la République. Le médecin est tenu de s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime à un signalement ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République [7]. Cette mesure révise les textes préexistants à ce sujet [8], en introduisant les notions d’emprise et de « danger vital immédiat » dans le but de faciliter le signalement du praticien. La complexité des situations, ainsi que le fort sentiment d’isolement du professionnel de santé expliquent la nécessité de mise à disposition des professionnels d’informations actualisées, claires et précises pour les aider dans le repérage des violences. En effet les médecins sont peu sensibilisés à ce sujet, notamment sur la méconnaissance de la prévalence de certaines situations à risques (périnatalité) et de la gravité des répercussions (décès peu évoqués) [9]. Le dépistage des VC reste très peu spécifique en France. Il doit concerner l’ensemble des professionnels de santé (généraliste ou spécialiste) et plus particulièrement ceux s’intéressant aux femmes. Un questionnaire de dépistage existe : The Women Abuse Screening Tools (WAST) traduit de l’anglais, mais reste peu utilisé en pratique et ne fait pas partie actuellement des recommandations de bonne pratique de l’Haute Autorité de Santé (HAS) (Annexe 1). Ces dernières actualisées en 2019, proposent d’effectuer un repérage systématique même en l’absence de signes d’alerte, en posant des questionsassez larges telles que : « comment vous sentez vous à la maison ? Comment votre conjoint se comportet-il avec vous ? … » [10] (Annexe 2). Malgré l’existence de multiples questionnaires évaluant le risque de danger vital dans le contexte des VC dans le monde, aucun n’est pratiqué et validé en France [11-15]. Cette étude a pour objectif d’apporter des informations clés afin d’améliorer le dépistage des VC, de mettre en évidence certains facteurs de gravité et de proposer un questionnaire simple d’évaluation du danger vital immédiat.

La victime

   Au cours de l’enquête, 2,8% (N=5) des victimes étaient enceintes.  Près d’un tiers des victimes, (27.3 % (N=53)), déclarent présenter des antécédents médicaux, 19.6% (N=37) des victimes déclarent avoir vécu des violences intra familiales dans leur enfance et 21.1% (N= 40) déclarent avoir déjà subi des VC au cours de leurs précédentes relations. On note que 8.3 % (N= 15) des victimes avaient consulté à l’UMJ de Marseille pour ces mêmes faits.

Discussion

   L’épidémiologie des VC est basée essentiellement sur les données judiciaires, peu d’études locales ont été réalisées au sein d’UMJ. Afin d’en améliorer le dépistage, la définition de la bonne population concernée par ce fléau est primordiale. Dans le cas des VC, le débat entre un dépistage systématique ou un dépistage ciblé persiste. L’HAS préconise un dépistage systématique même sans signe d’alerte [10], alors que l’OMS ne recommande la pratique du dépistage uniquement pendant la grossesse [16] . Un des obstacles au dépistage systématique des VC réside dans le préjugé qu’on se fait du profil de la femme battue limité à un groupe socioéconomique faible [17] . Notre étude confirme les données actuelles de la littérature montrant une très large prédominance féminine quels que soient leur âge et leur catégorie socio-professionnelle [18, 19]. De nombreuses études observent une prévalence importante (43 à 45%) des violences durant la grossesse [18, 20, 21] confirmée par notre travail où près de 60% de femmes les déclarent. Ce phénomène peut être expliqué par la période de vulnérabilité que représente la périnatalité vis à vis des VC. La grossesse constitue un changement d’état dans la relation de couple : les exigences et les besoins tant au niveau physique et émotionnel que social et économique évoluent [22] . Or ces violences au cours de la grossesse, pouvant entrainer de lourdes conséquences telles que le décès maternel et néonatal [21] doivent être dépistées notamment par les praticiens généralistes et spécialistes de la femme, comme recommandé actuellement par l’HAS [10].Les VC sont commises majoritairement par des hommes. Ce phénomène touche une large catégorie d’âge. Cependant, l’absence d’un niveau d’étude supérieur est retrouvée dans plusieurs études [18,23]. Nous retrouvons cette tendance avec une grande proportion d’auteurs présentant des emplois de catégorie C (qualifications professionnelles spécialisées de type BEP/ CAP, avec ou sans brevet). Les auteurs de ces violences sont également violents en dehors du couple. C’est le cas dans notre étude où la proportion d’individu de nature violente représente près de la moitié (53%) des auteurs, l’étude de Delbreil et al, relate que près de 80% des auteurs des faits sont connus pour être impulsifs, et 70% d’entre- eux auraient des antécédents de VC [24]. Les couples concernés semblent stables et durables, mariés ou en concubinage [19, 25, 26] avec une durée moyenne de relation de couple d’environ 11 ans [25] comme retrouvé dans nos travaux. En concordance avec cette notion de couple engagé, la présence d’enfant est fréquente dans ces couples, évaluée comme un facteur de risque de VC [27] , d’autant que le nombre soit élevé (> 3 ou 4 enfants) [28, 29] . Dans notre étude, plus de la moitié des couples ont au moins un enfant en commun. La présence d’un enfant au sein d’un couple où règne cette violence, doit faire partie des signes de gravité nécessaires à l’alerte du praticien voire au signalement, non seulement pour la mère mais également pour les enfants présents au domicile. Les enfants vivants dans des foyers où subsiste la violence domestique, sont plus susceptibles d’être maltraités et négligés [30] et sont à risque de violence dans les périodes de développement ultérieures [31] . Ces violences peuvent avoir un impact fort tant sur le plan scolaire, que développement personnel de l’enfant [32] . Il aurait été intéressant de connaitre l’enfance possiblement violente des auteurs des faits dans notre étude. En parallèle, près de 20 % des victimes de notre étude, déclarent avoir subi des violences intra familiale dans leur enfance. La violence s’inscrit alors dans un cercle vicieux et se perpétue dans le temps, le dépistage semble donc indispensable dans les familles. Il s’inscrit alors dans un plan de prévention de violence intrafamiliale future. La place des ex-partenaires dans ce contexte de VC, diffère dans la littérature. Selon de nombreuses études, la prévalence des VC exercées par des ex-partenaires avoisine les 15% en général [17, 24, 33] . Cependant lorsque les études sont réalisées auprès d’une population spécifique de victime de VC, cette proportion augmente considérablement, jusqu’à 40% [34] . Ces données confortent nos résultats qui retrouvent que 35% des VC totales sont exercées par des ex-partenaires. Les 3 à 6 mois suivant la séparation représentent la période la plus à risque de VC [35, 36] . L’HAS recommande actuellement d’accentuer le dépistage chez les femmes qui ont subi une rupture récente (moins de 6 mois)[10] , ce qui corrobore nos données.

Conclusion

   Les VC représentent un problème de santé publique important, touchant l’ensemble de la gente féminine. Ce fléau doit être recherché systématiquement, notamment chez les femmes en âge de procréer. Les lésions les plus fréquemment retrouvées sont superficielles essentiellement au niveau des membres supérieurs correspondant aux zones de défense et de prise. Cependant le caractère fréquemment bénin des lésions n’est pas prédictif du danger vital immédiat. L’approfondissement de l’interrogatoire est alors essentiel afin d’évaluer les circonstances annexes qui participent à la gravité du contexte. La mesure du grenelle concernant la levée du secret médical, simplifie le signalement du médecin par l’introduction de la notion d’emprise. Cependant elle insère le principe de danger vital immédiat qui est difficilement évaluable par le professionnel de santé en l’absence d’outils nationaux validés. L’étude des questionnaires internationaux d’évaluation de dangerosité des VC associés aux facteurs de risque connus de féminicides, nous ont permis d’élaborer un questionnaire simple destiné aux professionnels de santé. Cet outil met en évidence une situation de danger vital immédiat. Un score élevé appuiera la décision du praticien à réaliser un signalement.

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthode
Résultats
I. Questionnaire
A. La victime
B. L’auteur des faits
C. La relation
D. Les enfants du couple
E. Les violences subies
F. L’environnement de la victime
II. Examen clinique
III. Corrélation entre la gravité des faits et certains facteurs
Discussion
Conclusion
Bibliographie

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