Les troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer

Les troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer

Selon les critères diagnostiques du DSM IV et du NINCDS-ADRDA, la maladie d’Alzheimer s’exprime par une altération de la mémoire, associée à d’autres perturbations cognitives sur le plan du langage, des praxies, des gnosies et/ou des fonctions exécutives. Les activités de vie quotidienne sont également altérées. Les troubles s’installent de manière progressive et insidieuse et évoluent graduellement, jusqu’à parvenir à un stade final démentiel. Nous ajouterons qu’un diagnostic de démence de type Alzheimer est posé si et seulement si les altérations ne peuvent être expliquées par d’autres troubles (comme par exemple un trouble dépressif majeur ou une schizophrénie). Enfin, nous préciserons que malgré les critères diagnostiques standardisés, nous ne pouvons parler que de « maladie d’Alzheimer probable » car seules une biopsie cérébrale ou une autopsie permettraient de confirmer le diagnostic et le rendre certain. Sur le plan organique, on retrouve dans la maladie d’Alzheimer une atrophie corticale, notamment au niveau de l’hippocampe, la formation de plaques séniles (à l’extérieur des cellules) et des dégénérescences neurofibrillaires (à l’intérieur des cellules) qui entraînent la mort des neurones (Giffard et al., 2008).

Atteintes cognitives principales et leur évolution

Parmi les atteintes cognitives principales, on retrouve dès le stade prédémentiel de la maladie (ou MCI) une altération mnésique. Le patient présente des difficultés d’acquisition des informations nouvelles (perturbations des capacités d’encodage de la mémoire épisodique antérograde) entraînant des oublis d’évènements vécus récemment, des conversations, de l’emplacement des objets, par exemple. Avec l’évolution de la maladie au stade démentiel, la capacité à retenir des évènements s’appauvrit. Ces troubles sont associés à une désorientation temporelle et spatiale. De manière générale, les souvenirs anciens et les connaissances sur le monde sont mieux conservés, même si des perturbations de la mémoire sémantique sont observées (Giffard et al., 2008 ; Ivanoiu, 2014). Les troubles du langage semblent être plus hétérogènes dans la maladie d’Alzheimer, parfois absents au début de l’atteinte, parfois prédominants pendant une longue période. De manière générale, les troubles touchent le versant oral avec, aux premiers stades, des manques du mot puis une aggravation des perturbations apparaît avec des troubles de la compréhension. Même si le langage tend à être fluent au début de l’atteinte, une baisse du débit de parole et des phrases inachevées peuvent s’observer avec l’évolution de la maladie. Le versant écrit du langage peut également être perturbé (dyslexie de surface, dysorthographie et/ou agraphie) (Giffard et al., 2008 ; Ivanoiu, 2014).

Les troubles praxiques sont difficiles à investiguer car la notion d’apraxie même est compliquée à définir. De plus, les usages sociaux des objets sont dictés par nos connaissances sémantiques, qui sont fragilisées dans le cadre de la maladie. On notera toutefois une difficulté pour les patients dans la réalisation de gestes intransitifs bimanuels sans signification (Lesourd et al., 2013). Par ailleurs, des difficultés d’habillage sont également observées (Ivanoiu, 2014). Les troubles gnosiques sont peu étudiés dans la maladie d’Alzheimer. Il semblerait que l’agnosie visuelle soit la plus fréquente, bien que très discrète en début d’affection. En ce qui concerne l’anosognosie, il arrive fréquemment, mais ce n’est pas toujours le cas, qu’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer ne soit pas conscient de ses propres troubles et exprime peu de plainte, d’où l’importance de l’étayage apporté par les proches (Giffard et al., 2008).

Le trouble des fonctions exécutives dans la maladie d’Alzheimer Auparavant, les études concluaient que dans la maladie d’Alzheimer typique, les fonctions exécutives étaient relativement préservées durant les premiers stades de la maladie. Certaines études, telle que celle de Pillon et al. (1986) affirmaient qu’un déficit exécutif signait un détérioration cognitive modérée ou sévère (Allain et al., 2013). Plus récemment, on remarque dans la littérature que les patients sont perturbés relativement tôt dans l’évolution de la maladie par différentes tâches qui mesurent les fonctions exécutives d’un point de vue cognitif. En effet, dès 1988, Grady et collaborateurs (Allain et al., 2013) sont les premiers à démontrer que des patients avec une maladie d’Alzheimer à un stade léger ont des performances plus basses aux tests des fonctions exécutives comparativement à une population contrôle. Ils remarquent que pour certains patients, les troubles de la mémoire et des fonctions exécutives apparaîssent tôt dans la maladie d’Alzheimer, et précèdent les déficits langagiers et visuospatiaux. Ces résultats sont confirmés par l’étude de Lafleche & Albert en 1995, dans laquelle « les déficits des fonctions exécutives observés chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer n’apparaîssent pas comme étant secondaires aux troubles mnésiques » mais bien comme une altération majeure, notamment aux tâches mesurant l’autocontrôle et la planification.

De même, Baudic et collaborateurs, en 2006, évaluent les performances des patients sur des tâches exécutives au début de la maladie d’Alzheimer. Ils différencient les patients atteints de la maladie d’Alzheimer au stade très léger (MMS compris entre 24 et 30) et ceux au stade léger (MMS compris entre 20 et 23). Ils utilisent le Trail Making Test, le Modified Card Sorting Test et d’autres évaluations neuropsychologiques qui permettent d’explorer diverses fonctions : mémoire, attention, langage, praxies et efficience cognitive globale. Ils montrent que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent, dès le stade très léger, des déficits en mémoire épisodique et des perturbations des fonctions exécutives, ceux-ci précédant les troubles praxiques, langagiers et attentionnels.

L’implication des troubles exécutifs au quotidien

Lors d’un précédent travail, nous avons pu montrer grâce à l’utilisation du questionnaire BRIEF-A (Behavior Rating Inventory of Executive Function – Adult version ; Roth et al., 2005), qu’il existait des perturbations exécutives qui retentissaient dans le quotidien des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, distinctes des déficits observés dans les tests exécutifs purs. Pour rappel, la BRIEF-A est un questionnaire en cours d’adaptation et de normalisation pour la population française. Il a été mis au point en 2005 par Roth, Isquith et Gioia. Destiné aux adultes, il est composé de deux versions parallèles : une auto-évaluation, qui doit être remplie par le patient concerné, et une hétéro-évaluation, destinée à un proche, aidant ou soignant, qui le remplit à l’égard du patient. Ces deux éléments, permettent une évaluation écologique du fonctionnement exécutif, accédant ainsi à l’impact des déficits dans les activités de vie quotidienne. Les auteurs (Roth et al., 2005) ont défini différentes échelles, parmi lesquelles on retrouve l’échelle d’inhibition (contrôle des pulsions, arrêt de son propre comportement de manière appropriée, au bon moment), l’échelle de flexibilité (se déplacer librement d’une situation ou d’un problème à l’autre selon les besoins, résoudre les problèmes de manière flexible), l’échelle de contrôle émotionnel (moduler les réponses émotionnelles de manière appropriée), l’échelle d’autocontrôle (garder une trace de l’effet de son propre comportement sur les autres, s’occuper de son propre comportement dans le contexte social), l’échelle d’initiation (commencer une tâche ou une activité, générer des idées de manière fluide),

l’échelle de mémoire de travail (retenir en mémoire une information dans le but d’accomplir une tâche), l’échelle de planification/organisation (anticiper des événements futurs, fixer des objectifs, développer des mesures appropriées pour mener une action à bien, effectuer des tâches de façon systématique, comprendre les idées principales), l’échelle de contrôle de la tâche (vérifier le travail, évaluer la performance pendant ou après avoir terminé une tâche pour s’assurer de la réalisation de l’objectif) et l’échelle d’organisation du matériel (garder l’espace de travail, les lieux de vie et le matériel d’une manière ordonnée). Dans notre précédente étude, l’hétéro-questionnaire rempli par les proches des patients montrait des scores significativement plus élevés dans une majorité d’échelles, comparativement à l’hétéro-évaluation remplie par les proches du groupe contrôle. Ainsi, même si les patients ne semblaient pas avoir une conscience aiguë de ces perturbations (du fait de la probable anosognosie), les proches notaient une franche dégradation, notamment sur le plan de l’autocontrôle, de l’initiation, de la mémoire de travail, de la planification, du contrôle de la tâche ou de l’organisation du matériel. Par ailleurs, on ne notait aucune corrélation entre le score obtenu à la BRIEF-A (que ce soit en auto ou en hétéro-évaluation) et les différents tests exécutifs cognitifs proposés, suggérant ainsi un regard différent de la mise en oeuvre des processus exécutifs engagés selon l’outil utilisé. Cette étude, bien que l’échantillon de patients soit restreint, suggère que le questionnaire BRIEF-A est un outil pertinent dans le cadre de la maladie d’Alzheimer car il permet d’objectiver les désagréments d’ordre exécutifs rencontrés dans leur quotidien. La question de leur lien avec les troubles du comportement se pose alors, puisque selon les malades et leurs proches, les altérations comportementales représentent les désagréments les plus ressentis dans leur vie quotidienne.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
1.La maladie d’Alzheimer
1.1. La maladie d’Alzheimer : généralités
1.1.1. Définition
1.1.2. Atteintes cognitives principales et leur évolution
1.2. Une dégradation exécutive qui s’exprime au quotidien
1.2.1. Les fonctions exécutives cognitives
a) Définition
b) Le trouble des fonctions exécutives dans la maladie d’Alzheimer
1.2.2. L’implication des troubles exécutifs au quotidien
2.Troubles comportementaux
2.1. Tentative de définition
2.2. Classification des troubles comportementaux et tentative de modélisation.
2.2.1. Les troubles comportementaux du syndrome dysexécutif
2.2.2. Le modèle des marqueurs somatiques de Damasio (2006)
2.3. L’évaluation des troubles comportementaux
3.Les troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer
3.1. Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence
3.2. Les perturbations les plus fréquentes dans la maladie d’Alzheimer
3.2.1. Apathie
3.2.2. Irritabilité
3.2.3. Agitation
3.2.4. Données anatomiques et neurobiologiques
4.Problématique
METHODOLOGIE
1.Participants
1.1. Population atteinte de la maladie d’Alzheimer
1.1.1. Critères d’inclusion
1.1.2. Critères d’exclusion
1.1.3. Caractéristiques des patients
1.2. Sujets témoins
1.3. Caractéristiques statistiques des participants
Selon l’étude des profils individuels, seuls deux patients diffèrent du groupe contrôle au niveau de leur âge (tableau 2.).
2.Protocole
2.1. Matériel
2.1.1. Questionnaire BRIEF-A
2.1.2. Inventaire neuropsychiatrique
2.1.3. L’échelle d’apathie de Lille
2.1.4. Echelle d’agitation Cohen-Mansfield
2.2. Procédure
RESULTATS
1.Résultats des participants aux questionnaires
1.1. Inventaire neuropsychiatrique
1.1.1. Description des résultats
1.1.2. Différences statistiques entre les groupes de sujets
1.2. Echelles d’apathie et d’agitation
1.3. BRIEF-A
1.3.1. Scores obtenus en auto-évaluation
1.3.2. Scores obtenus en hétéro-évaluation
2.Etude des profils individuels
3.Etude des corrélations
3.1. Relations entre la BRIEF-A et l’inventaire neuropsychiatrique
3.2. Relations entre la BRIEF-A et la LARS
3.3. Relations entre la BRIEF-A et la CMAI
DISCUSSION
1.Vérification des hypothèses de départ
1.1. Supériorité du score composite exécutif global de la BRIEF-A chez les patients.
1.2. Supériorité du score total au NPI chez les patients
1.3. Fréquence des troubles comportementaux au NPI
1.4. Supériorité des scores à la LARS chez les patients
1.5. Supériorité des scores à la CMAI chez les patients
1.6. Corrélations inter-questionnaires
2.Un élément déterminant dans l’évaluation des troubles du comportement : l’avis du proche.
2.1. La notion de fardeau
2.1.1. Définition
2.1.2. Facteurs associés à un fardeau élevé
2.2. La notion de déni
Conclusion et ouverture
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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