Les thérapies ciblées anti-angiogéniques en cancérologie

Les thérapies ciblées anti-angiogéniques en cancérologie

Le cancer touche environ 13 millions de personnes dans le monde entier en 2010 et est aujourd’hui la première cause de mortalité chez les hommes et la deuxième chez les femmes après les maladies cardiovasculaires en France. Il y a 357 700 nouveaux cas de cancers estimés en 2010. Environ 150 000 personnes meurent chaque année d’un cancer en France soit plus de 400 décès par jour. Chez l’homme, le cancer du poumon est la principale cause de décès, suivi par les cancers colorectal et de la prostate. Par contre, chez la femme, le cancer du sein est la principale cause de décès suivi par les cancers colorectal et du poumon. Le traitement du cancer repose principalement sur la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Cependant, la lutte contre le cancer est loin d’être achevée avec les traitements anticancéreux standard présentant des effets secondaires parfois sévères. Le développement de molécules plus spécifiques est donc nécessaire pour améliorer l’efficacité et réduire la toxicité des traitements. Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes intéressés aux nouvelles thérapies anti-angiogéniques pour le traitement des tumeurs solides.

L’angiogenèse physiologique et tumorale

L’angiogenèse est le processus de formation de nouveaux vaisseaux sanguins (néovascularisation) à partir de vaisseaux préexistants. Ce phénomène est indispensable au cours de nombreux processus physiologiques tels que le développement embryonnaire, l’implantation du placenta, mais aussi pathologiques tels que la croissance des tumeurs malignes ou le développement des métastases.

Angiogenèse physiologique
Il s’agit d’un constituant fondamental du développement embryonnaire qui est le résultat de deux processus distincts : la vasculogenèse et l’angiogenèse. Lors de la vasculogenèse, les cellules précurseurs indifférenciées (angioblastes) chez l’embryon se différencient en cellules endothéliales, qui prolifèrent et s’assemblent pour donner un réseau de vaisseaux primitifs et peu fonctionnels. Ensuite, lors de l’angiogenèse, ce dernier est remodelé en un réseau vasculaire mature comprenant les artères, les veines et les capillaires (Carmeliet, 2000; Couffinhal et al., 2001). Le terme “angiogenèse” a été introduit pour la première fois par Hunter en 1787.

Chez l’adulte, le réseau vasculaire est quiescent. Cependant, l’angiogenèse s’observe physiologiquement dans certaines conditions, par exemple lors du cycle menstruel féminin, pendant la gestation au niveau de la glande mammaire et du placenta, au cours de l’inflammation, des processus de réparation tissulaire et lors d’adaptation des tissus à une hypoxie.

Trois mécanismes sont à l’origine de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (Conway et al., 2001) : le bourgeonnement des vaisseaux préexistants vers des stimuli angiogéniques (sprouting), la division en vaisseaux secondaires par invagination des parois ou l’intussusception (splitting), et la division des vaisseaux préexistants par insertion de colonnes interstitielles dans leur lumière (bridging). L’angiogenèse par bourgeonnement (Figure 1.1) est le mécanisme le mieux défini. Dans ce processus, des cellules endothéliales (CE) sont d’abord activées par les facteurs de croissance liés à leurs récepteurs, ce qui conduit à la dégradation de la matrice extracellulaire (MEC) et de la membrane basale entourant les CE. Cela permet aux CE d’envahir la matrice environnante et, par la suite, de proliférer et de migrer à travers la matrice. Enfin, par polarisation, les CE s’organisent en structures tubulaires avec une nouvelle lame basale, des germes (sprouts) se connectent aux vaisseaux voisins, et forment un vaisseau sanguin immature. La stabilisation des ces vaisseaux immatures est établie par le recrutement de cellules murales et la mise en place de la MEC (Hillen et Griffioen, 2007).

L’angiogenèse n’est pas contrôlée par un seul facteur mais par un équilibre entre facteurs pro-angiogéniques (activateurs) et facteurs anti-angiogéniques (inhibiteurs). Les activateurs angiogéniques sont les enzymes protéolytiques qui interviennent dans la dégradation de la membrane basale telles que les métalloprotéases matricielles (MMPs), les facteurs de croissance qui stimulent la migration et la prolifération des CE tels que le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor ) qui est le facteur le plus important, l’EGF (Epidermal Growth Factor ), le PDGF (Platelet Derived Growth Factor ), l’IGF (Insulin Growth Factor ), le TNF (Transforming Growth Factor ), le FGF (Fibroblast Growth Factor ) et les molécules d’adhésion cellulaire telles que les intégrines, E-sélectine. Les inhibiteurs angiogéniques sont les inhibiteurs des enzymes protéolytiques tels que l’α2M (α-2-macroglobuline), les TIMPs (Tissue Inhibitors of Metalloproteinases), le TFPI-2 (Tissue Factor Pathway Inhibitor-2 ) et les inhibiteurs de l’activation des CE tels que le TSP-1 (thromospondine-1), l’angiostatine, l’endostatine, le PF-4 (Platelet Factor 4 ), l’IFN-α (Interferon-α).

Angiogenèse tumorale
Le rôle crucial de l’angiogenèse dans la croissance tumorale a été proposé pour la première fois par Folkman en 1971. L’angiogénèse tumorale correspond à l’apparition de nouveaux vaisseaux destinés à répondre aux besoins métaboliques (oxygène et nutriments) des cellules tumorales et contribue également à leur survie (Folkman, 1971). En effet, la croissance d’une tumeur solide est fortement dépendante de ce processus (Folkman, 1972). Contrairement à l’angiogénèse physiologique, l’angiogenèse tumorale est désorganisée puisqu’elle est constituée de néovaisseaux de constitution anormale (dilatés, tortueux, et borgnes), immatures (absence de péricytes), responsables d’une densité vasculaire hétérogène.

L’étape la plus importante du phénomène d’angiogenèse tumorale est le “switch angiogénique”, le passage de l’état “dormant” à une lésion vascularisée, caractérisé par un déséquilibre entre les facteurs pro-angiogéniques et les facteurs anti-angiogéniques. Cette angiogenèse résulte de l’interaction entre le cancer et le stroma lorsque la tumeur atteint la taille critique de 1-2 mm³ . Au delà de cette taille, une tumeur solide ne peut croître sans développer des nouveaux vaisseaux sanguins pour éviter l’hypoxie et l’apoptose des cellules tumorales.

Dans le cas des tumeurs solides, l’angiogenèse fait intervenir tous les acteurs de l’angiogenèse physiologiques et aussi des acteurs spécifiques comme les fibroblastes associés au cancer (CAFs) et les précurseurs endothéliaux circulants issus de la moelle osseuse (bone-marrow-devried angiogenic cells, BMC).

Les cellules tumorales (a) libèrent le VEGF-A et d’autres agents pro-angiogéniques qui stimulent la prolifération et la migration des CE adjacentes. Les cellules tumorales libèrent également les facteurs de recrutement des cellules stromales comme le PDGF-A, le PDGF-C ou le TGF-β. Les cellules du stroma (b) constituent une source supplémentaire de facteurs pro-angiogéniques, y compris le VEGF-A et le SDF-1 (Stromal Cell-derived Factor-1 ) qui induisent le recrutement des BMC. Les CE (c) libèrent le PDGF-β permettant de recruter des péricytes dans la micro-vascularisation.

Le rôle du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) dans la croissance tumorale 

La famille du VEGF comprend 6 facteurs de croissance impliqués dans l’angiogenèse : le VEGF-A dont il existe 6 isoformes, le VEGF-B, le VEGF-C, le VEGF-D, le VEGFE et le PlGF (Placenta Growth Factor ). Parmi ces facteurs, le VEGF-A est le facteur le plus important. Il est surexprimé dans la plupart des tumeurs solides et son rôle clé dans l’angiogenèse tumorale a été démontré dans plusieurs études (Ferrara, 2007). L’invalidation d’un seul allèle du VEGF-A est associée à une mortalité embryonnaire provoquée par une vascularisation défectueuse (Ferrara, 2004; Yancopoulos et al., 2000).

Pour exercer ses propriétés angiogéniques, le VEGF se lie principalement à trois récepteurs à activité tyrosine kinase : le VEGFR-1 dont le rôle précis reste inconnu et le VEGFR-2 qui est impliqué dans la majorité des effets angiogéniques, le VEGFR-3 qui joue un rôle uniquement dans la lymphangiogenèse. Le VEGFR-1 et le VEGFR-2 sont essentiellement exprimés au niveau des cellules endothéliales vasculaires, alors que le VEGFR-3 est localisé principalement au niveau des cellules endothéliales lymphatiques. La fixation du VEGF sur la partie extracellulaire de son récepteur induit la dimérisation et l’activation de l’activité tyrosine kinase intracellulaire, conduisant à la prolifération et à la survie cellulaire. Cette activation des CE conduit aussi à la sécrétion de différents facteurs et enzymes qui sont très utiles à la dégradation de la matrice extracellulaire indispensable à la prolifération des tubes endothéliaux (Hicklin et Ellis, 2005). L’ensemble de ces actions biologiques favorise l’angiogenèse et la formation d’un microenvironnement favorable à la croissance des cellules tumorales.

Les agents anti-angiogéniques

La découverte du VEGF dans l’angiogenèse tumorale en 1989 (Leung et al., 1989) a conduit au développement d’une nouvelle approche pour le traitement du cancer dite la thérapie anti-angiogénique. Cette thérapie a attiré l’intérêt de nombreux chercheurs grâce à des avantages théoriques : (i) elle agit sur les CE de l’environnement péri-tumoral et non pas sur la cellule tumorale elle-même comme les agents cytotoxiques, (ii) son spectre d’activité est potentiellement large car l’angiogenèse est un processus rencontré dans la plupart des tumeurs solides, (iii) sa bonne tolérance car l’angiogenèse physiologique est un phénomène limité chez l’adulte. A ce jour, l’approche anti-angiogénique la plus prometteuse est celle ciblant la cascade du VEGF/VEGFR (Holash et al., 2002). Il existe plusieurs voies d’inhibition de cette cascade : inhibition du ligand (VEGF) (e.g les anticorps anti VEGF ou les récepteurs du VEGF soluble), inhibition de ses récepteurs (e.g les anticorps anti-VEGFR-1 et anti-VEGFR-2) et inhibition du domaine tyrosine kinase des récepteurs (e.g les inhibiteurs de tyrosine kinase) .

Au cours de la dernière décennie, la FDA (Food and Drug Administration, Etats-Unis) a approuvé huit agents anti-angiogéniques pour le traitement du cancer dont le premier a été le bévacizumab, un anticorps anti-VEGF qui bloque le VEGF-A, en 2004 . Un grand nombre d’autres agents anti-angiogéniques sont actuellement en phase III de développement clinique. Tous les médicaments anti-angiogéniques approuvés sont les agents anti-VEGF. Le bévacizumab et l’aflibercept bloquent le ligand alors que d’autres molécules sont des petites molécules qui agissent par inhibition de l’activité de la tyrosine kinase des récepteurs du VEGF.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Les thérapies ciblées anti-angiogéniques en cancérologie
1.1.1 L’angiogenèse physiologique et tumorale
1.1.2 Le rôle du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) dans la croissance tumorale
1.1.3 Les agents anti-angiogéniques
1.2 La modélisation pharmacocinétique (PK) et pharmacodynamique (PD)
1.2.1 Les relations dose-concentration-effet
1.2.2 Les modèles PK
1.2.3 Les modèles PD
1.3 L’analyse PK/PD de population
1.3.1 Les modèles non linéaires à effets mixtes
1.3.2 Les méthodes d’estimation
1.3.3 Le calcul de l’incertitude des paramètres
1.4 L’approche bootstrap pour l’estimation de l’incertitude
1.4.1 Le principe du bootstrap
1.4.2 Les méthodes du bootstrap en régression linéaire
1.4.3 Les méthodes du bootstrap dans les modèles non linéaires à effets mixtes
1.5 Objectifs de la thèse
2 Développement des modèles mécanistiques pour la PK et la PD d’aflibercept dans le traitement du cancer
2.1 Développement d’un modèle mécanistique pour la pharmacocinétique d’aflibercept libre et lié chez les volontaires sains
2.1.1 Résumé
2.1.2 Article 1 (publié)
2.2 Analyse de pharmacocinétique de population d’aflibercept chez les patients atteints de cancer
2.2.1 Résumé
2.2.2 Article 2 (accepté)
2.3 Modélisation des données longitudinales de réponse tumorale et de l’exposition à l’aflibercept chez les patients atteints de cancer du côlon
2.3.1 Résumé
2.3.2 Rapport technique
3 L’approche bootstrap pour l’estimation d’incertitude des paramètres dans le cadre des modèles non linéaires à effets mixtes
3.1 Développement et comparaison de différentes approches bootstrap dans les modèles linéaires à effets mixtes
3.1.1 Résumé
3.1.2 Article 3 (publié)
3.2 Evaluation des approches bootstrap dans les modèles non linéaires à effets mixtes
3.2.1 Résumé
3.2.2 Article 4 (soumis)
3.2.3 Application du bootstrap aux données réelles
4 Conclusion générale

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