Les tendances de consommation et la nouvelle génération de parents 

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La construction de la figure : l’imaginaire de Metz

Finalement, je vais m’intéresser sur le travail développé par Christian Metz sur la sémiologie du cinéma. Il me paraît important de l’inclure dans ma recherche puisque le sémiologue s’intéresse aux questions de l’esthétisme et de l’imaginaire lié au signe et son importance dans l’histoire (le message). D’abord il se questionne sur la sérendipité du signe en lui-même, puis il fait de celui-ci un objet d’études, indiquant que le signe est, donc, un phénomène recherché dans le discours pour lui donner du sens sémantique. Metz établit que le signifiant dans le cinéma24 (ou publicitairement parlant dans la vidéo) est beaucoup plus perceptif que les signifiants d’autres domaines (dans la musique on trouve qu’une perception auditive, dans la photographie une perception visuelle etc.), mais il détache la vidéo cinématographique des autres arts interprétatifs comme le théâtre et l’opéra puisque ceux-ci se basent sur un sens mimique alors que le caractère photographique du cinéma situe l’interprétant final dans un contexte réaliste et donc parle d’une réalité inexistante dont l’interprète ne peut avoir pleinement conscience. Les objets Metziens sont des reflets, ils se présentent dans le film mais au moment du visionnage disparaissent et donc emportent sur eux un nuage de fiction : une comédienne dans film est un personnage incarné, le spectateur sait que le personnage existe parce que le discours est construit autour du film mais il sait aussi que le personnage n’existe pas dans le monde réel (comme dans la littérature les mots représentent des objets absents). Le signifiant est donc entièrement fictif et dépend totalement de la perception de l’interprète « Davantage que les autres arts, ou de façon plus régulière, le cinéma nous engage dans l’imaginaire : il fait lever en masse la perception, mais pour la basculer aussitôt dans sa propre absence, qui est néanmoins le seul signifiant présent ».
Pour Metz le cinéma est une espèce de miroir qui permet au spectateur de se refléter sans se voir dans le reflet, il reprend le travail de Jacques Lacan, psychiatre et psychanalyste Français, sur la formation du Moi qui est liée à la « l’identification d’un objet semblable à soi-même » et donc déclare que le spectateur se voit dans le film sur un non-Moi qui lui permet de s’y repérer et de comprendre l’histoire sans être littéralement présent. Cette identification (selon Metz) est liée alors à un exercice social décrit par Freud et repris par Lacan26 où le spectateur à besoin d’un objet semblable à lui (un humain) pour s’identifier et suivre l’histoire, Metz appelle cette identification du spectateur au signe le «le savoir du sujet» il explique il est constitué de deux phénomènes : la compréhension de l’imaginaire et la reconnaissance de perception sensorielle qui rend ou «fait entrer» l’imaginaire chez le spectateur, il appelle ce spectateur le tout-percevant et lui alloue l’importance de la construction du discours « parce que je suis du côté de l’instance percevant : absent de l’écran mais bien présent dans la salle, grand œil et grande oreille sans lesquels le perçu n’aurait personne pour le voir, en somme signifiant du cinéma » en résumé selon Metz c’est grâce au spectateur que le film réjouit dans discours compréhensible. Finalement, Metz parle de l’importance de la caméra dans l’exercice de l’identification du voyeur, il est en quelque sorte, lui-même la caméra qui filme en même temps et qui construit l’histoire. Le spectateur constitue le signifié du signifiant (les acteurs, objects etc.) et sa signification -entendons signification comme le processus par lequel le spectateur construit le signe27- est le résultat des effets miroirs qui s’enclenchent à la chaine.
A la différence de Barthes et Peirce, Metz ne développe pas un schéma systématique qui fait synthèse des composantes de ce pour lui constitue le signe, il explique que le signe dans le cinéma – dû à son caractère sensoriel et fictif- est un carrefour de codes qui constituent le signe en lui-même mais il s’intéresse aux valeurs et à la symbologie de celui-ci. Comme il explique dans Les Sémiotiques ou Sémies28 tout comme le langage le cinéma est forme et substance à la fois, faisant de sa signification (le langage cinématographique) une entreprise complexe à comprendre et à décoder, le cinéma structure le discours et le délivre faisant de lui un langage et une image sémantiquement riche qui dépend au départ de l’intention du réalisateur et de l’incarnation du personnage par le comédien : un langage diégétique qui se confronte au langage verbale pour créer du sens29. Et donc dans le domaine sémiologique (Metz 1966) le signe dans le cinéma fait l’inverse à l’exercice Barthésien il part de la connotation vers la dénotation.

Le stéréotype dans la figure publicitaire

Il y a un quatrième aspect qui forme la figure et qui ne dépend pas (en soit) d’un système de genèse de sens mais plutôt de la perception et de sa fonction dans le discours publicitaire : le stéréotype. Selon Goffman30 les stéréotypes servent à donner un rôle à une construction sociale31 inscrite dans l’imaginaire collectif : par exemple le stéréotype dicte qu’une femme doit avoir des enfants. Il est constitué des images (Lippmann, 1965) connotées dans la tête de l’individu et c’est un vécu personnel projeté sur un personnage social construit, Lipmann32 à ce sujet explique « qu’ils représentent le cœur même de notre tradition personnelle. Ils sont une image ordonnée et consistante du monde, à laquelle se sont ajustés nos habitudes, nos goûts, nos compétences, nos plaisirs et nos espoirs » (Lippmann, 1965) Ou encore selon Amossy, « le stéréotype relève d’un processus de catégorisation et de généralisation » (Amossy & Herschberg, 2011). Dans le cadre de ce mémoire les éléments qui constituent les stéréotypes sont très importants pour définir et évaluer la maternité. La figure sociale de la mère, qui reste attaché au système du signe décrits avant faisant d’elles des objets figés dans le temps, alors que le stéréotype qui permet à l’individu de porter jugement et d’allouer de la valeur au sujet en face de lui, change selon les mœurs de la société. On ne juge pas une mère par elle-même mais par sa maternité. Comme le souligne Montserrat Lòpez Diaz, « le stéréotype rend les choses naturelles, les innocente en désamorçant les éventuelles remises en cause et tentatives correctrices. Il sert de cadre et de balisage du message choisi le situant dans les prévisions du récepteur »33. Toutefois le stéréotype reste une notion très vague qui s’adapte à son domaine d’études comme explique Ruth Amossy, on y trouve une notion de fixité sur un objet donné mais « il ne cesse d’être redéfini en fonction des domaines de réflexion qui l’adoptent, et des intérêts qu’il y sert » (Amossy, 1989). Et comme peut être perçu dans l’analyse fait auparavant il se rapproche de la définition de la métaphore ou de la représentation. Mais à différence de la métaphore qui est plus austère, le stéréotype est plus flexible, c’est une image construite et aboutie d’une croyance et il peut être perçu comme mauvais ou bon selon des normes ethno-socioculturelles bien établies34. C’est la médiatisation d’un ensemble de stéréotypes véhiculés sous une même image avec un but de consommation qui bâtit la figure publicitaire. Il faut noter que l’essence même de la figure repose sur de stéréotypes implicites, puisqu’ils ont pour but de l’idéalisation et non de la caricaturisation.

L’ethos : la construction de l’identité de marque

Le stéréotype alors n’a pas une incidence très émotionnelle quant à la construction de la relation marque – public, mais il peut avoir un effet dans l’ethos de la marque, c’est-à-dire dans toutes les composantes qui renvoient vers l’identité de la marque et qui font référence à elle dans son discours. Dans ce cas j’utilise deux définitions pour définir la notion d’identité : la définition fonctionnaliste de l’identité (Parsons 1937)43 qui la définit comme « robuste, intégrée, stable. L’identité serait le référent absolu à partir duquel les individus s’orientent avec certitude ». Tout ce qui indique au spectateur de reconnaître que c’est une marque qui parle : de la mise en place du logo dans l’image, à la signature de marque mais aussi à son ton de prise de parole, à son univers pictural, ou au choix des égéries (on pourrait même dire que le choix des égéries est un raccourci qui permet aux marques de gagner de l’attribution avec peu de répétition44 (Jourdain, 2013)). Et la deuxième définition est la définition linguistique de Charaudeau (2009)45 : « l’identité est ce qui permet au sujet de prendre conscience de son existence qui se constitue à travers la prise de conscience de son corps (un être-là dans l’espace et le temps), de son savoir (ses connaissances sur le monde), de ses jugements (ses croyances), de ses actions (son pouvoir de faire) ». Selon Charaudeau (2009) l’ensemble identitaire est constitué de deux composantes, l’identité discursive et l’identité sociale, l’identité sociale permet à la marque de s’encadrer dans la société et d’avoir un rôle dans la vie du consommateur, elle permet la construction de la légitimité d’une marque ou d’un individu à délivrer son discours et être perçu comme vraisemblable, le linguiste appelle cette légitimité le « droit de la parole » (Charaudeau, 2009). Puisque c’est l’identité sociale qui permet à l’émetteur d’avoir un rôle et de s’exprimer sur un domaine donné. L’identité discursive (selon la rhétorique) est à son tour la notion d’image de soi créé dans le discours de l’émetteur (Aristote, Ed 1998)46. Cette notion rhétorique de l’ethos est spécialement liée à la publicité qui crée un lien d’identification avec ses consommateurs par son discours, sa construction n’est pas directe ni ouverte mais indirecte et dépendante de plusieurs facteurs, comme O. Ducrot (1984) explique « Il ne s’agit pas des affirmations flatteuses que l’orateur peut faire sur sa propre personne dans le contenu de son discours, affirmations qui risquent au contraire de heurter l’auditeur, mais de l’apparence que lui confère le débit, l’intonation, chaleureuse ou sévère, le choix des mots, des arguments…». Il explique que la marque peut prendre deux types de locution selon son ethos : se placer en tant qu’auteur, où la figure se rend moins présente pour laisser la marque parler, ou en tant que narrateur, ou la marque situe la figure dans le discours pour la laisser interagir avec son contexte, comme l’explique aussi Barthes « l’orateur énonce une information, et en même temps il dit : je suis ceci, je ne suis pas cela » (1964). L’identité de marque dépend alors de la fonction performative du discours.

Construction de la figure de la bonne-mère.

Pour commencer à construire la figure de la bonne mère je vais faire une analyse sémiotique des différents supports en ordre chronologique commençant par les premiers encarts publicitaires apparus au XIXème, ce pour démontrer que la figure de la bonne mère toujours installé dans les valeurs sociales contemporains. Cette analyse d’image suit le modèle d’analyse fait par Barthes (1964) dans sur l’encart publicitaire de Panzani.
Comme on peut le voir dans la figure 2, la mère est au centre de cette affiche, elle décide que le chocolat Masson est un bon produit pour son enfant, à la fin du XIXe les premières recherches sur la dentition et la consommation du sucre ont été publiés, et la bourgeoise consomme moins de chocolat qu’avant. Le petit qui a l’air hésitant est rassuré par la main de sa mère qui le prend par la taille, affirmative. La mère à son tour a une expression tranquille et rassurée, ils se trouvent en ce qui paraît être le plan de travail dans une cuisine. De plus la mention «Peu sucré. Le plus digestif» vient valider le choix de la mère comme le meilleur choix. Cette image de mère qui tout peut et qui tout le sait à peu changée jusqu’aujourd’hui, surtout avec la diminution démographique après les guerres comme on peut voir dans l’affiche publicitaire de Blédine (figure 3) paru en 1950 ci-dessous :Blédine (maintenant Blédina) est la marque leader de la catégorie du baby-food en France. Fondée en 1880 par Joseph Jacquemaire, la marque vendait à l’origine du lait en poudre synthétique pour les nourrissons qui ne toléraient pas le lactose, puis en 1950 les premiers petits pots seront vendus sillonnant le succès de la marque en France. Dans cette affiche on voit des points un commun qui laissent découvrir la figure de bonne mère : une femme jeune qui porte son enfant, on peut voir dans la tête de l’enfant un regard curieux vers le produit, le visage de la mère est calme et à la fois attendrissant. La signature « la seconde maman» vient aussi renforcer l’omnipotence de la bonne mère qui peut tout et qui est complètement sûre de son choix, et donc donne à la marque la légitimité de prendre rôle de mère. Tout comme dans l’image 2, la mère rassure son enfant et le laisse interagir avec le produit. De plus le produit se pose comme facilitateur des tâches que la mère n’est pas capable d’assumer toute seule, avec la mention «prépare et facilite le sevrage» le produit se pose comme intermédiaire pour que la mère puisse accomplir le sevrage sans inconvénient. Finalement, à différence de l’image 1, on voit dans cet encart publicitaire que le produit est en premier plan et se donne a lui-même un objectif précis dans le quotidien de la mère en tant que facilitateur. Dans un exemple plus récent, je vais analyser le beauty shot du premier spot télévisé de Blédina paru en 2008 produit par l’agence BETC : Ce beauty shot appartient au film Baby Love (2008). On peut constater que à différence des images 2 et 3, le produit s’absente complètement pour laisser le spectateur apprécier la scène de maternité. On y retrouve toujours une mère qui porte son enfant, elle est heureuse et rassurée alors que l’enfant est calme. La signature « Blédina fait grandir vos enfants et vous simplifie la vie» se positionne toujours comme facilitateur mais elle élève la promesse de marque, indiquant que le produit a un rôle important aussi dans la vie de la mère et non seulement dans celle de l’enfant. Dans son cours au CELSA, intitulé, Les Tours et Contours de la Ménagère (2017) Caroline Marti creuse le sujet de la figure sociale. Pour elle, la figure sociale de la ménagère est une idéalisation de ce que la femme au foyer du milieu de siècle représente. Elle est au même temps une image métaphorique que situe la marque dans le contexte de la consommatrice et de l’autre invite la spectatrice à devenir à imiter la figure. La construction de cette figure est entre les appropriations culturelles et une figure religieuse (d’où l’idéalisation). C’est un processus de mobilisation / déplacement de savoirs et révolutions sociétales qui constituent la figure dans la publicité. En effet la vie économique s’approprie des aspects culturels pour générer du sens. Comme expliqué par Jeanneret dans Penser la Trivialité (2008) tous les êtres culturels : les idées, les objets, images etc. « ne peuvent se transmettre, dans leur « cheminement à travers les carrefours de la vie sociale », sans se métamorphoser, sans produire du nouveau, sans se charger de valeur » (2008). Il appelle ce processus la trivialité, il utilisé le mot avec un sens péjoratif puisque l’objet doit circuler et subir des transformation pour devenir culturel et être dans la conscience collective celui-ci du a sa circulation perd son mauvais sens avec le temps, comme explique Marti (2017), la figure perd sa valeur initiale pour devenir un stéréotype, dans le cas de la ménagère en parler de ses attributs stigmatisent et renferment sa condition auprès du spectateur : les regards individuels se conditionnent selon les règles préexistantes de la représentation de l’image. L’altération d’un objet par sa circulation culturelle est pour Jeanneret (2008) une réalité structurelle incontournable. C’est-à-dire que la construction économique de la figure par la marque dépend de la circulation culturelle de l’image sociale de la mère. (Marti, 2017).

L’autorité de la marque à travers la figure de la bonne mère

La définition de l’autorité est très hétéroclite, dans le dictionnaire Larousse58 on peut trouver plus de huit définitions dont deux me paraissent adaptées pour mon analyse : « Ensemble de qualités par lesquelles quelqu’un impose à autrui sa personnalité, ascendant grâce auquel quelqu’un se fait respecter, obéir, écouter » et « crédit, influence, pouvoir dont jouit quelqu’un ou un groupe dans le domaine de la connaissance ou d’une activité quelconque, du fait de sa valeur, de son expérience, de sa position dans la société, etc. ; caractère de quelque chose dont la valeur, le sérieux, communément reconnus, lui permettent de servir de référence ». L’autorité des marques vient alors d’une imposition de la marque sur le sujet qui dicte le message qu’elle véhicule. Au même temps l’autorité elle est conférée selon un contexte social, c’est un statut prédéfini par différentes composantes, c’est une puissance reconnue sans qu’elle ait besoin de s’exercer. L’autorité peut se construire sillonnant une légitimité et elle ordonne une obéissance C’est une force en marche qui circule dans la société et qui n’e peut être reconnue que par une communauté. La quête d’autorité se joue dans la culture et dans les médiations culturelles (Jeanneret. 2008). Selon Michel de Certau59 elle permet de désigner des médiations symboliques, de l’appartenance et qui vont utiliser des formes de la communication et de la représentation. On s’adresse à des publics, sans faire allusions a des transactions sémantiques explicites. Comme explique Foucault60 (1976) il existe deux types d’autorité, par le pouvoir et par le savoir. La marque dans la plupart des cas affirme son autorité intellectuelle par la relation du savoir, le seul cas dans lequel une marque impose son autorité par la puissance, est dans le cas des marques de luxe et les marques qui ont un fort driver d’achat sur le prix (compagnies low-cost, grandes enseignes). Les marques ont l’intérêt de créer du consensus par la construction d’un discours cohérent, ce consensus crée des normes qui s’intègrent chez le consommateur. Le consensus crée de la légitimité pour la marque dans le cadre économique et culturelle sur lequel elle communique « Les marques font croire qu’elles prennent soin de la société » (Baudrillard, 1970)61. La marque est donc experte dans son domaine grâce à la médiatisation du savoir et à l’acceptabilité du public de du savoir transmis, elle apprend aux gens à consommer et au même temps à appréhender la culture. La légitimité de marque va s’adosser à une figure sociale : la mère, la ménagère, le père etc. (Marti. 2017). Et elle tourne son discours autour de normes sociales qui entourent la figure pour travailler l’acceptation de l’expertise de la marque autour du sujet, d’un produit ou d’un phénomène. La marque ne peut qu’imposer des conventions sociales sur un stéréotype (Cialdini, 1984) que si elle est experte dans son domaine (Baudrillard, 1970). Mais pour être reconnue comme autorité, il faut communiquer cette autorité, la médiatisation de cette légitimité et sa circulation culturelle dans la société est nécessaire (Marti, 2017).
L’importance de la figure dans l’autorité de la marque est qu’elle permet à la marque de circuler culturellement (Jeanneret, 2008) en s’appropriant de codes culturels existants et identifiables (Marti, 2017). Elle (la figure) lui attribue sa légitimité puisqu’elle permet à la marque de s’appuyer sur de valeurs sociales acceptées. Entraînant une porosité entre l’univers culturel et l’univers économique. La bonne mère se traduit alors comme une image métaphorique (Barthes, 1973) qui donne à la marque le pouvoir de parler sur la maternité, et de s’en servir des conventions sociales qui circulent dans le milieu culturel pour acquérir de l’autorité auprès du public. Si la bonne mère choisit Blédina est parce que son instinct maternel62 lui dicte que c’est le bon choix, l’instinct maternel étant une construction culturelle présente chez le consommateur. Il accepte ce choix comme un choix valide et la marque commence à circuler culturellement comme signe de l’exercice d’une bonne maternité.

La rêverie : le poids de la bonne mère sur la femme

Selon la psychologue et professeure espagnole Neus Garcia (2010)64, la circulation culturelle (Jeanneret, 2008), de la figure de la bonne mère a une charge psychologique dans la définition sociale de la maternité. Elle dicte ce que la maternité devrait représenter pour la mère. Garcia explique que le stéréotype dégagé par la figure sociale installe un sentiment de fausse idéalisation appelé la rêverie. Le concept de la rêverie a été expliqué pour la première fois par le psychanalyste Wilfred Bion (1898-1979), il donne comme définition à ce phénomène : « l’état de songe éveillé créatif qui nait de la pression sociale auto infligée par la mère où elle met en question ses ressources, capacités et investissement vers l’enfant et se caractérise par la répression des frustrations, questionnements et doutes »65 (Bion, 1962).
Garcia (2010) explique que l’état de rêverie n’est pas une conséquence directe de l’exposition à la figure de la bonne mère, mais qu’il existe une corrélation. En effet, la figure montre un idéal que les mères ne peuvent pas être tout à fait capables d’assumer. C’est aux marques selon Garcia (2008) de créer un environnement enveloppant ou safety zone qui permette à la mère de se sentir en sécurité et d’adopter cette représentation comme un idéal. Le stéréotype est en même temps efficace pour aider les mères à se projeter, mais psychologiquement dangereux pour celles qui n’arrivent pas, selon Garcia cette une différence entre l’image idéalisé et l’image projeté est ce que la société perçoit comme une mauvaise maternité. Garcia explique que ce terme n’est pas nouveau pour les marques, elles s’en servent pour créer à leur tour le type de bonne mère qu’ils veulent vendre. Comme vu dans les visuels de Blédina, l’image montrée est très neutre, on montre à peine l’endroit où les personnages sont situés. Comme on peut voir dans le reste du corpus66 on devine à peine que la mère et son enfant sont pour la plupart dans la cuisine ou dans la salle à manger, ce qui rejoint ce qu’explique Garcia sur l’image que les marques veulent donner sur la maternité. L’étendu socioculturel de la cible de Blédina est très hétéroclite67 et la marque doit éviter de montrer des signaux qui laissent deviner un milieu socioculturel défini. L’image de la maternité que Blédina montre doit être inclusive et éviter des repères visuels qui pourraient signifier une catégorie socio-professionnelle spécifique. On peut prendre comme exemple contraire Alpina, la marque leader du baby-food en Colombie. Cette marque très populaire parmi la classe moyenne essaye de créer une image haute de gamme pour attirer une catégorie socioprofessionnelle plus élevée. Dans les publicités68 Alpina on est tout le temps situé à l’intérieur d’une maison ou appartement bourgeois avec des grands espaces et des finitions à l’américaine. Quand je parle de perception elle est évidemment liée au contexte social du pays et ne pourrait pas être perçue ainsi par le public français. Cette mise en scène est encore plus marquée quand l’histoire se passe devant la maison, des grands manoirs en brique qui rappellent les zones privilégiées de certaines villes colombiennes. De plus les personnages, caucasiens et blonds interpellent la cible versus les classes moyennes qui sont pour la plupart métissées. Le langage employé69, aide à identifier la cible visée par la marque, avec l’utilisation du vouvoiement et l’emploi des pronoms avant le verbe qui est stéréotypique de la bourgeoisie de la ville de Bogota. Cet exercice sémantique (Barthes, 1964) utilise la rêverie pour permettre à la marque de montrer et de faire circuler la figure sociale (Garcia, 2008) de la bonne mère comme référence de la bonne maternité parmi la bourgeoisie colombienne et pourrait influencer aussi les catégories plus basses pour prendre la figure de bonne mère comme un stéréotype de la mère bourgeoise.
Le nouveau modèle de maternité instauré pendant le XIXème siècle, où les mères s’occupent de leurs propres enfants est toujours ancré dans notre société, ce modèle circule encore pour être source de d’études, de remise en question et du débat au cours du XXème siècle pour être banalisé comme modèle de figure sociale à la fin du siècle (Jeanneret, 2008). La création de la bonne mère n’a rien de novateur, elle reprend la construction sociale d’occident et l’exploite sous le modèle de la rêverie (Garcia, 2008) pour créer une illusion de bonne maternité et d’exemple à suivre. Pour comprendre ce qui a poussé a Blédina pour changer de plateforme de marque, j’ai fait un interview avec Alexandra Evan70, directrice générale dans le pôle du planning à l’agence BETC, qui a construit les plateformes de marque pour Blédina, Bledilait et Laboratoire Gallia. Elle m’explique lors de notre entretien : « la maternité, la mort et le voyage sont des périodes transitoires dans lesquelles la personne en tant que consommateur est complètement déboussolée, d’une part de son absence d’expérience et de l’autre de la charge émotionnelle que ces événements entraînent ». Vu d’un point de vue communicationnel la maternité d’aujourd’hui est particulière puisqu’elle demande à l’acheteur final de se désintéresser complètement de soi-même pour assister autrui, c’est ce désintérêt de soi dont les marques profitent, on ne sait pas vivre dans une société où l’intérêt commun passe en-dessus de l’intérêt individuel et donc les mères demandent un modèle aux marques, un modèle à suivre pour sentir que leur maternité est pleine. Pour Evan la figure de la bonne mère répond à cette inexpérience de la mère primipare71: à différence des mères multipares, les mères primipares répondent plus facilement aux stéréotypes conventionnels, surtout celles de la génération72 précédente qui montrent un attachement vers une organisation précise, presque structurale de la maternité. La figure de la bonne mère, qui représente une mère complètement dédiée et pleine de vigueur et jeunesse, entouré par son enfant, toujours en train de l’assister. Les marques du marché de l’alimentation infantile utilisent leur propre construction pour se positionner comme le référent absolu de la maternité, « chaque marque du baby-food, montre la manière idéale d’être mère, elles dictent la loi sur la maternité » (Evan, 2018). C’est à travers la figure qu’elles réussissent à trouver leur place quotidienne dans la vie des consommateurs, avec la surabondance des messages finissent par posséder le consommateur. C’est grâce au produit que la figure peut exister dans le conte. (Baudrillard, 1996)73.

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Table des matières

Introduction 
La mère dans la société
Le métier d’être mère
La figure dans la publicité
La figure et la mère : interet du sujet et territoire d’investigation
Problématique et hypothèses
Méthodologie et corpus
Plan détaillé
Partie I : La figure dans la publicité 
1.1.1 La construction de la figure : L’image et le corps de Barthes
1.1.2 La construction de la figure : le modèle triadique de Peirce
1.1.3 La construction de la figure : l’imaginaire de Metz
1.1.4 Le stéréotype dans la figure publicitaire
1.1.5 La figure dans le discours publicitaire
1.2.1 La figure à l’aide de la construction du discours de la marque
1.2.2 Le logos et le pathos
1.2.3 L’ethos : la construction de l’identité de marque
1.2.4 L’ethos : L’identification de la cible avec la marque
1.3.1 En guise de conclusion
Partie II : la figure de la mère dans la publicité 
2.1.1 l’évolution de la maternité
2.1.2 La figure de la bonne-mère : féminité versus maternité
2.2.1 Construction de la figure de la bonne-mère.
2.2.2 L’autorité de la marque à travers la figure de la bonne mère
2.3.1 La rêverie : le poids de la bonne mère sur la femme
Partie III : Une nouvelle figure sociale de la maternité 
3.1.1 Les questions de génération dans le marché du baby-food
3.2.1 Les tendances de consommation et la figure publicitaire
3.2.2 Les tendances de consommation et la nouvelle génération de parents
3.2.3 Blédina et les nouvelles tendances de consommation
3.3.1 Blédina : la nouvelle figure de la mère
3.3.2 La mère curieuse dans le récit publicitaire
3.3.4 Le père : le nouvel arrivant
Section III : Conclusion 
Bibliographie

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