Les stratégies publiques en faveur du développement des thérapies cellulaires en France

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Les conséquences de la qualification juridique

Les progrès scientifiques réalisés en biotechnologie cellulaire et moléculaire ont conduit à la mise au point de thérapies innovantes comme la thérapie cellulaire somatique ou la thérapie génique visant à utiliser des composants du corps humain afin de traiter des maladies et des dysfonctionnements du corps humain. Pour des raisons de clarté, ces nouvelles possibilités de traitement devaient avoir une définition juridique précise. De plus, en raison de leur nouveauté et de la complexité de ces produits, des règles harmonisées étaient nécessaires afin de faciliter leur mise sur le marché. A cet égard, le règlement (CE) n°1394/2007 est une lex specialis introduisant des dispositions visant à « réglementer les médicaments de thérapie innovante »48 destinés à être sur le marché dans les Etats membres.
Avant l’adoption du règlement (CE) n°1394/2007, des produits thérapeutiques étant aujourd’hui classés comme MTI, dépendaient de la législation pharmaceutique. Ils étaient considérés comme des médicaments « traditionnels » et étaient produits et distribués à petite échelle par des infrastructures hébergées au sein des établissements de santé, des hôpitaux, de sites de l’Etablissement français du sang (EFS), des unités de thérapie cellulaire (UTC) et des banques de tissus49. Les UTC et les banques de tissus sont des laboratoires visant à assurer une ingénierie cellulaire ou tissulaire et à assurer la conservation de ces éléments du corps humain. Ce sont des infrastructures devant être autorisées à effectuer leur travail par l’octroi d’une autorisation d’établissement délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)50.
En créant la nouvelle classe de médicaments des MTI, des procédures spécifiques leur ont été adossées afin de les mettre sur le marché. Ces MTI entrent dans la catégorie des médicaments innovants51 et font donc l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) centralisée délivrée par la Commission européenne, après évaluation de l’Agence européenne des médicaments (EMA) et sont produits et distribués par des établissements pharmaceutiques selon un processus industriel. Aujourd’hui, plus de douze ans après son entrée en vigueur, les AMM accordées sont peu nombreuses et peu de MTI sont réellement commercialisés. Il convient dans ce cadre, d’examiner les causes et les problématiques posées par l’application du règlement (CE) n° 1394/2007 concernant les MTI.
Premièrement, la création de cette catégorie juridique de MTI met à mal le travail des UTC et des banques de tissus. En effet, si le produit tombe sous la qualification de MTI, de nombreuses exigences doivent être respectées. Par exemple, la fabrication des MTI n’est possible que pour les établissements ayant reçu le statut d’établissement pharmaceutique. De plus, ces établissements pharmaceutiques doivent respecter de nombreuses règles rigoureuses visant à assurer la sécurité, l’efficacité et la qualité du MTI n’étant pas forcément à la portée de petites structures à l’image des UTC ou des banques de tissus. Ainsi, des contraintes et des difficultés s’ajoutent à l’activité de ces structures alors que ce sont les acteurs historiques du développement de ces thérapies.

L’organisation du système de santé

Il convient tout d’abord de présenter l’administration du système de santé (A) avant de s’apercevoir que cette administration doit composer avec d’autres acteurs présentant des intérêts divergents dans le développement des thérapies cellulaires (B).

L’administration du système de santé

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le système de santé est défini comme « l’ensemble des organisations, des institutions et des ressources dont le but est d’améliorer la santé
(…). Les systèmes de santé remplissent principalement quatre fonctions essentielles : la prestation de services, la création de ressources, le financement et la gestion administrative »56. Le système de santé regroupe l’ensemble des moyens et des activités mis en œuvre afin de prévenir l’apparition des maladies ou d’en réduire les conséquences, de traiter la maladie et faire en sorte que chaque personne puisse acquérir des compétences et des moyens lui permettant de promouvoir sa santé et sa qualité de vie. Ainsi, le système de santé a une visée préventive, curative et éducative et est organisé par les pouvoirs publics (en l’occurrence organes de l’Etat et collectivités territoriales, agences et autorités administratives).

L’appréhension du caractère innovant par le système de santé

Lors de mes recherches, il est apparu que les produits de thérapie innovante sont considérés comme des innovations en santé et l’ensemble des acteurs mentionnés ci-dessus semble s’accorder sur cette qualification. Ainsi, pour le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM), la thérapie cellulaire est qualifiée d’innovation étant susceptible « d’avoir un impact sensible sur le système de soins dans un avenir proche »84. Le LEEM quant à lui évoque la thérapie cellulaire comme un « vecteur d’innovation » dans une étude qu’il a réalisée visant à exposer « une analyse prospective de l’innovation en santé »85. De plus, l’Association Française contre les Myopathies (AFM), dans sa stratégie de développement des produits de thérapie innovante évoque « l’innovation thérapeutique pour vaincre la maladie »86. Enfin, il convient de souligner que l’innovation est présentée comme une priorité des pouvoirs publics français87. Il s’agit alors dans le cadre de cette thèse, d’étudier la notion et les contours de l’innovation thérapeutique qui sont retenus dans les stratégies menées par les pouvoirs publics car ces stratégies se traduisent dans l’ensemble des instruments utilisés (politiques, plans, acte législatif ou réglementaire…).
Il faut souligner tout d’abord, que le processus de développement de l’innovation thérapeutique et même l’innovation en général, se déroule en plusieurs phases : la recherche fondamentale, la recherche appliquée, le développement et la diffusion88 impliquant alors l’ensemble des acteurs du système de santé mentionné ci-dessus. Cette étude contribuera ainsi à évoquer l’ensemble de ces phases afin d’avoir une vision d’ensemble du développement de la thérapie cellulaire.
Ce cadre d’étude étant posé, il convient dès lors de s’interroger sur la manière dont sont appréhendées les thérapies cellulaires en tant que produit innovant (A). Cette appréhension peut engendrer de nombreux enjeux (B).

L’appréhension du médicament innovant

Dans un premier temps, il convient de définir ce qu’est l’innovation. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans son Manuel d’Oslo s’intéresse à ce terme. Il est précisé que « Les innovations technologiques de produit et de procédé (TPP) couvrent les produits et procédés technologiquement nouveaux ainsi que les améliorations technologiques importantes de produits et de procédés qui ont été accomplis. Une innovation TPP a été accomplie dès lors qu’elle a été introduite sur le marché (innovation de produit) ou utilisée dans un procédé de production (innovation de procédé). Les innovations TPP font intervenir toutes sortes d’activités scientifiques, technologiques, organisationnelles, financières et commerciales »89. Dans cette définition, est exprimée la notion de nouveauté. Autrement dit, le produit doit être différent d’un produit actuellement sur le marché. De plus, il est évoqué que le produit doit être sur le marché ou utilisé dans un procédé de production, c’est-à-dire que le produit doit faire l’objet d’une appropriation par les potentiels utilisateurs. Ceci induit, dans le processus d’évaluation du médicament, que celui-ci doit avoir un rapport coût/bénéfice positif. Ceci permet de distinguer l’innovation de l’invention car l’innovation thérapeutique vient apporter un progrès par rapport aux autres produits sur le marché. Toutefois, ce terme ne fait pas l’objet de consensus.
Il s’agit désormais de définir un médicament innovant. Il faut souligner qu’il existe une définition juridique du médicament qui a été mentionnée ci-dessus. Un produit répondant à cette définition est encadré strictement par une réglementation spécifique qui sera décrite dans cette thèse90. Toutefois il n’existe pas de réel consensus sur la notion d’innovation91. Le règlement (CE) n° 1394/2007 définit la notion de médicament de thérapie innovante mais cette notion est différente de la notion de médicament innovant92. En effet, tout médicament de thérapie innovante est un médicament innovant ; toutefois un médicament innovant n’est pas forcément un médicament de thérapie innovante. Le médicament innovant recoupe plusieurs types de médicaments qui seront d’ailleurs évoqués dans cette thèse à l’image des anticancéreux. Ainsi, l’emploi de cette notion (médicament innovant) dans la thèse concernera les médicaments de thérapie innovante mais également d’autres médicaments. Afin de définir le médicament innovant, il s’agit de s’intéresser au caractère innovant et de savoir comment ce caractère s’apprécie et s’évalue. L’accord-cadre régissant les relations entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le LEEM précise dans son article 8 que les médicaments innovants sont « des spécialités s’étant vues reconnaitre par la Commission de la Transparence une « Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) de niveau I à III »93. Selon la définition de la HAS, concernant cette ASMR, il s’agirait de produits étant reconnus comme apportant un progrès thérapeutique majeur, important ou modéré94. Toutefois, il faut préciser que le caractère innovant du produit ne sera pas apprécié de la même manière selon qu’il s’agisse du laboratoire pharmaceutique ou d’une autorité de santé95. En 2018, l’Institut national du Cancer (INCa) s’est penché sur la définition d’une innovation médicamenteuse en cancérologie. L’INCa a ainsi recherché s’il existait une définition de l’innovation en cancérologie en se basant sur la doctrine de plusieurs pays en fonction de leur dynamisme industriel dans le domaine du médicament, d’activité de mise sur le marché et des systèmes de santé mis en place. L’étude s’est portée sur l’Australie, l’Allemagne, la Belgique, le Canada, les Etats-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Suisse et l’Union européenne96. De cette étude, l’INCa a recensé 17 critères de définition du médicament innovant. « Un médicament en cancérologie est considéré comme innovant : s’il répond à un besoin médical non ou mal couvert ; s’il n’est pas susceptible d’induire des effets sévères pour le patient ; s’il est le premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique (nouveau mécanisme d’action) ; s’il existe des biomarqueurs permettant d’identifier les populations les plus susceptibles de bénéficier de traitement ; s’il améliore la survie globale par rapport à l’existant ; s’il améliore la survie sans progression par rapport à l’existant ; si les résultats d’efficacité du médicament observés dans les essais sont confirmés en vie réelle ; s’il augmente la durée de rémission post-traitement pour le patient ; s’il améliore la qualité de vie du patient (amélioration de l’autonomie, diminution du trajet et des hospitalisations…) ; s’il diminue la durée de traitement pour une performance thérapeutique équivalente ou supérieure ; s’il diminue les effets indésirables rencontrés par le patient par rapport aux traitements existants ; si, pour un médicament déjà commercialisé, sa place dans la stratégie thérapeutique évolue ; s’il s’ajoute à un traitement déjà existant permettant ainsi un gain thérapeutique supérieur ; s’il propose une utilisation simplifiée pour le patient grâce à une nouvelle modalité d’administration ; s’il s’insère dans une stratégie thérapeutique et offre une ligne de traitement supplémentaire ; s’il est coût/efficace »97. De plus, l’INCa a tenté de hiérarchiser ces critères. Dans ce cadre, il est apparu que la réponse à un besoin médical non ou mal couvert ainsi que l’amélioration de la survie globale semblaient plus correspondre à la définition de l’innovation thérapeutique. Toutefois, l’étude menée a conclu qu’il n’existait aucun consensus officiel sur la définition. L’INCa a envisagé trois appréhensions différentes de l’innovation influençant de ce fait la définition retenue du médicament innovant : soit l’organisme met en avant une définition de l’innovation dans le cycle de vie du médicament, soit il ne met pas en avant de définition explicite, soit l’organisme rejette l’innovation comme un critère d’évaluation des médicaments (comme le ‘National Institute for Health and Care Excellence’ (NICE) au Royaume-Uni98). De plus, il semble complexe d’élaborer une définition commune du traitement innovant à l’ensemble des pathologies. En effet, chaque pathologie possède sa spécificité. C’est ainsi que par exemple, l’Italie a mis en place un algorithme d’identification et de valorisation de l’innovation. Le système compétent italien évalue en parallèle du dépôt de dossier visant à fixer le prix et les conditions de remboursement du produit, le degré d’innovation de ce dernier. Le degré obtenu influencera la négociation des conditions d’accès au marché. Le Royaume-Uni quant à lui, a mis en place le ‘Promising Innovative Médecine’ (PIM) lors du développement de l’ ‘Early Access to Medicine Scheme’ (EAMS). Cet EAMS, lancé en 2014, vise à permettre aux patients atteints de pathologies graves ou mortelles d’accéder aux médicaments n’ayant pas encore obtenu l’autorisation de mise sur le marché. La qualification de PIM à un médicament, à la suite des données cliniques obtenues de phase I et II, apporte une aide dans le développement du produit car l’industriel peut dans ce cadre, bénéficier de contacts précoces avec les autorités compétentes dans le développement des produits. Suite à l’efficacité de cette étude menée par l’INCa visant à définir l’innovation médicamenteuse en cancérologie, il a été choisi dans la réalisation de cette thèse, de poursuivre une méthode similaire visant à effectuer une analyse comparative entre les politiques déployées par plusieurs Etats membres de l’Union européenne et la France concernant le développement et l’accès aux thérapies cellulaires afin d’en mesurer l’impact pour la filière de la thérapie cellulaire. A cet égard, l’appréciation retenue de l’innovation thérapeutique et donc des thérapies cellulaires n’aura pas le même impact sur leur développement et leurs accès aux patients.

Les conséquences de l’appréciation de l’innovation thérapeutique

Suite à l’appréciation hétérogène de l’innovation thérapeutique selon les Etats, il convient dorénavant de se demander comment sont favorisés le développement et la mise à disposition des thérapies cellulaires aux patients. En dépit des spécificités nationales d’appréciation de l’innovation thérapeutique, des tendances communes apparaissent afin de développer les médicaments innovants et de permettre l’accès au marché des produits de thérapie innovantes. C’est en effet, un enjeu partagé par de nombreux Etats. Ainsi lors de la pré-mise sur le marché, des Etats ont pu développer des approches visant à anticiper l’impact des médicaments sur leur système de santé. Lors de l’AMM et lors de la phase de la fixation du prix et du remboursement, des Etats ont pu mettre en place des processus d’accélération et d’anticipation de la mise à disposition des médicaments en attribuant une autorisation précoce de mise sur le marché ou en attribuant un remboursement temporaire par exemple. Lors de la période de distribution du produit, des registres de suivi en vie réelle sont mis en place.
Toutefois, alors que la procédure d’autorisation de mise sur le marché des médicaments est centralisée, les Etats ont fait des choix assez différents en matière d’accès aux innovations thérapeutiques. Ceci entraine une hétérogénéité dans l’accès des citoyens des différents Etats aux produits de thérapie innovante. De plus, l’accès des patients dépend également des moyens requis afin d’administrer le produit au patient. S’agit-il d’une administration à l’hôpital ou en ambulatoire ? Nécessite-t-il une hospitalisation, des ressources médicales importantes ? Nécessite-t-il un suivi à long terme ? Ainsi, administrer, suivre, évaluer le produit, recueillir les données et les traiter, représentent des étapes indispensables concernant le produit de thérapie innovante mais représentent également un coût s’ajoutant à celui du produit.
Ainsi, en fonction de la manière dont le système de santé appréciera l’innovation thérapeutique, il sera mieux adapté et répondra aux attentes des différentes parties prenantes, tout en plaçant le patient au centre du dispositif.
Dès lors, nous avons choisi d’étudier les réglementations en vigueur, française et européenne, encadrant l’ensemble de la chaîne de la thérapie cellulaire afin d’analyser leur impact sur le développement et sur l’accès des thérapies cellulaires, sur le système de santé en général et de s’inspirer de quelques réglementations en vigueur dans des Etats membres de l’UE favorables à la chaîne de la thérapie cellulaire. Ainsi, l’analyse portera autant sur la recherche fondamentale que sur la recherche appliquée, en passant par les procédures d’évaluation des thérapies cellulaires, jusqu’à l’accès effectif des thérapies cellulaires aux patients. Nous étudierons également l’ensemble des actions des acteurs de la filière de la thérapie cellulaire afin de mettre en exergue les différents besoins exprimés et les solutions actuellement offertes. Cette démarche d’analyse longitudinale de la filière de la thérapie cellulaire et de sa gouvernance implique que l’on s’interroge tout d’abord, sur l’encadrement de l’utilisation des cellules (PARTIE 1) puis sur leur valorisation (PARTIE 2).

La création du statut juridique du corps humain

En créant un statut juridique du corps humain, le législateur démontre clairement qu’il différencie le corps, de ses éléments et produits (1). Toutefois, il n’apporte pas de précision sur la qualification des éléments et produits du corps humain. D’ailleurs, la frontière entre les éléments et produits est assez vague (2).

La distinction du corps, des éléments et produits

Auparavant, il a été souligné que le législateur traitait de l’utilisation du corps humain en général, comme nous avons pu le constater au travers de la loi Caillavet. A la suite de la publication d’un nombre important d’études sur la bioéthique, le Gouvernement déposa en 1992, trois projets de loi visant à reconnaitre un statut du corps humain tout en autorisant certaines interventions pour autrui et dans l’intérêt de la recherche. De ce fait, nous étudierons principalement deux des trois lois adoptées : premièrement, la loi n°1994-653 du 29 juillet 1994 intitulée « loi relative au respect du corps humain »128 institua un véritable statut du corps humain visant à sa protection et deuxièmement, la loi n°1994-054 du 29 juillet 1994 « relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal »129 visa à encadrer les pratiques médicales et bioéthiques portant sur le corps humain et apporta de ce fait des exceptions légales à la protection du corps humain déterminée par le Code civil. Cette loi n°1994-054 affirma l’utilisation thérapeutique des cellules humaines et créa le Livre VI dans le Code de la santé publique intitulé « Don et utilisation des éléments et produits du corps humain ». De cet ensemble de lois deux catégories d’intérêts sont mélangés : ceux de la personne grâce aux droits leur étant reconnus dans le Code civil au titre « du statut du corps humain » et ceux du patient dont les soins nécessitent des éléments biologiques du corps humain. Ces lois ont affirmé les principes régissant le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain130.
Ces deux lois distinguent clairement le corps humain, de ses éléments et produits. La protection du corps humain semble être organisée au sein du Code civil. L’utilisation des éléments et produits du corps humain est prévue par le Code de la santé publique (CSP). De la loi relative au respect du corps humain découle le Chapitre II du Code civil intitulé « du respect du corps humain ». De ce chapitre, il ressort que le corps humain est identifié à la personne. Toutefois, il peut apparaitre regrettable que le législateur ne donne pas de définition du corps humain. Il a pu être défini comme un ensemble composé d’organes, de tissus et de cellules visant à permettre l’existence de l’être131. Du Code civil, il peut être déduit que tant que les composants du corps humain à savoir les organes, les tissus et les cellules sont incorporés au corps, ces matériaux composent également la personne et bénéficient de ce fait de sa protection. En effet, il est d’ailleurs prévu par le CSP que « le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur »132. D’ailleurs, le Code civil, dans les articles 16 à 16-9, traite le corps humain de façon globale et ne distingue pas les éléments et les produits. Ainsi, l’ensemble des éléments et produits étant rattachés au corps humain concourt bien à la formation de la personne. Toutefois, une fois détachés du corps humain, les éléments et produits sont régis par le Code de la santé publique. En effet, dans le CSP est inséré un Livre II « du don et de l’utilisation des éléments et produits du corps humain ». Ainsi, le CSP traite le corps comme étant composé d’éléments et produits « dissociables et utilisables, et non en tant que tout »133. De ce fait, le CSP appréhende davantage scientifiquement ces parties du corps humain. Dorénavant, il apparaît intéressant de se pencher sur la terminologie des produits et des éléments établie par les lois de 1994.

L’évolution des connaissances scientifiques impliquant un changement de qualification juridique

La connaissance plus précise du fonctionnement des cellules a pu entrainer un changement de qualification à leur égard comme en témoigne l’évolution de la qualification des cellules souches hématopoïétiques (CSH) étant à l’origine des cellules sanguines143.
Avant l’adoption de la loi du 6 août 2004, les CSH étaient considérées comme des organes. La loi du 6 août 2004144 a changé le régime des CSH pour réglementer leur utilisation au titre des « tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés » figurant dans la partie IV du livre II « Don et utilisation des éléments et produits du corps humain » du CSP. En effet, il s’agissait d’une part, d’adapter les règles à l’évolution de nouvelles pratiques médicales. En ce sens, les CSH étaient de plus en plus prélevées à partir du sang périphérique ou du cordon ombilical. Afin de recueillir les cellules souches, il n’apparaissait plus nécessaire de prélever la moelle osseuse qui était auparavant la seule technique de prélèvement des CSH. D’autre part, il est apparu nécessaire de simplifier la loi qui réservait un traitement différent aux CSH selon qu’elles provenaient de la moelle osseuse ou du sang périphérique. Ainsi, il fallait soumettre le régime des CSH à celui des cellules ou des organes sachant que ce choix emportait de sérieuses conséquences car les règles de consentement différaient selon que l’on a affaire à un prélèvement d’organe ou à un prélèvement de tissus et de cellules. Le choix s’est dirigé vers le régime des cellules. Toutefois, le régime mis en place pour les CSH issues de la moelle osseuse était dérogatoire par rapport au régime général institué et marquait alors une différence entre les cellules prélevées dans la moelle osseuse et celles provenant du sang périphérique. Ceci contribua à complexifier davantage le régime institué. La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique145 a finalement unifié le régime juridique de ces CSH quelle que soit leur origine (moelle osseuse, sang périphérique, sang de cordon). Enfin, il faut remarquer que l’encadrement des CSH est spécifique car ces CSH peuvent faire l’objet de don intrafamilial depuis l’adoption de la loi relative à la bioéthique de 2011.
Ainsi, il apparaît que l’établissement d’une distinction entre les différents éléments du corps humain est difficile. Ceci semble d’autant plus compliqué pour qualifier la cellule.

Les critères de qualification de la cellule

L’opération de qualification de la cellule entraine des enjeux étant spécifiques à la nature même de la cellule (1). Le législateur semble appréhender la cellule à la suite des opérations menées sur elles et non en tant qu’élément du corps humain (2).

Les enjeux de qualification de la cellule

La cellule est une « masse de protoplasme limitée par une membrane et renfermant un noyau, correspondant à la plus petite quantité de matière vivante structurée, douée de vie autonome et susceptible de se reproduire »146. Les cellules présentent la spécificité de se retrouver dans tous les éléments du corps puisque le corps est un ensemble de cellules se regroupant et s’organisant afin de remplir des fonctions. En effet, elles sont présentes dans les organes, dans les tissus et dans les produits du corps humain. C’est ainsi que le CCNE considère que « les cellules provenant du corps humain ne peuvent être considérées différemment de tout autre élément de ce corps » 147. Toutefois, le CSP distingue les cellules puisqu’elles peuvent être prélevées et utilisées en tant que telles « à l’unité »148.
La cellule démontre toute sa spécificité dans le processus de classification juridique compte tenu de sa nature humaine mais aussi puisqu’elle est amenée à évoluer tout au long de son utilisation. Lorsqu’elle n’est pas prélevée, elle fait partie de la personne et elle est donc soumise au même régime juridique. Lorsqu’elle est prélevée et hors de la personne, elle se retrouve dans diverses catégories entre la chose et la personne variant selon son usage. Mais une fois qu’elle est suffisamment transformée, elle devient une chose voire un produit. Toutefois, lorsqu’elle est administrée au patient, elle devient de nouveau un élément. Ainsi, les possibilités de prélèvement des matériaux biologiques humains étant aujourd’hui possibles créent une multitude de catégories entre les personnes et les choses brouillant l’identification de leur régime juridique. Elle peut devenir un tissu ou un organe. Elle perd de ce fait sa nature de cellule pour être traitée comme un organe ou un produit de thérapie cellulaire.

Une qualification basée sur les résultats des opérations menées sur la cellule

La qualification juridique des résultats des opérations menées sur la cellule témoigne de la reconnaissance du potentiel thérapeutique de la cellule humaine. Le CCNE a d’ailleurs reconnu que la cellule pouvait être transformée149. La loi du 28 mai 1996 a effectué une première distinction entre les « préparations cellulaires » et les « produits de thérapie cellulaire »150. Ceci visait à distinguer les cellules destinées aux thérapies cellulaires et celles qui ne le sont pas. A chaque classe correspond des modalités différentes d’encadrement du prélèvement, de la préparation et de l’administration des cellules. Ceci semble toutefois complexifier le régime juridique comme en témoigne le rapport du Conseil d’Etat relatif à l’étude des lois de bioéthique151. De plus, cette distinction semble inefficace car elle ne peut être fondée sur des critères objectifs. De ce fait, à ces notions mentionnées ci-dessus (« préparations cellulaires », « produits de thérapie cellulaire »), a été substituée la notion de « produits cellulaires à finalité thérapeutique ». Ils sont définis dans le CSP par la loi du 1er juillet 1998152. L’article L1243-1 du CSP prévoit que ces produits cellulaires à finalité thérapeutique sont « des cellules humaines utilisées à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, quel que soit leur niveau de transformation, y compris leurs dérivés ». Le régime est alors unifié. Les activités de prélèvement et les opérations de préparation, d’administration des cellules et la mise en oeuvre des essais cliniques sont concernées par cette réglementation. Toutefois, en 1998, le régime juridique de ces produits était incomplet. Très peu de textes réglementaires encadraient ces pratiques153. En effet, ce régime s’est construit progressivement.

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Table des matières

PARTIE 1 : L’ENCADREMENT DE L’UTILISATION DES CELLULES
TITRE 1 : La protection des cellules au titre de la protection du corps et de ses éléments
CHAPITRE 1 : La qualification de la cellule
CHAPITRE 2 : L’affirmation des principes de protection
TITRE 2 : Les principes de protection de la cellule au regard des produits de santé
CHAPITRE 1 : La transformation des éléments du corps humain en produits de santé
CHAPITRE 2 : Les processus d’évaluation
PARTIE 2 : LA VALORISATION DE L’UTILISATION DES CELLULES
TITRE 1 : Le soutien au développement des thérapies cellulaires
CHAPITRE 1 : Les stratégies publiques en faveur du développement des thérapies cellulaires en France
CHAPITRE 2 : L’organisation de la chaine de la thérapie cellulaire
TITRE 2 : L’accès aux thérapies cellulaires
CHAPITRE 1 : La définition d’un prix raisonnable de la thérapie cellulaire
CHAPITRE 2 : Favoriser l’accès des patients aux thérapies cellulaires
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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