Les représentations du changement climatique, peu étudiées à l’échelle d’une collectivité

Au-delà d’une définition scientifique du changement climatique

Ce premier niveau de définition a permis de s’intéresser au changement climatique d’un point de vue scientifique. En effet, il s’agit d’un phénomène d’abord prouvé scientifiquement.
Cependant, aborder le changement climatique comme objet scientifique uniquement serait l’aborder de manière biaisée. Ainsi, comme le montrent Stefan Aykut et Amy Dahan dans leur ouvrage Gouverner le climat : 20 ans de négociations climatique, « Le changement climatique est à la fois un objet de science, un problème politique, voire un enjeu de civilisation» (p.13). Il est donc investi de plusieurs dimensions. La dimension politique du changement climatique est fondamentale. En effet, une préoccupation croissante pour ce phénomène a été observée sur la scène internationale ces dernières années. Pourtant, nos sociétés ne sont pas parvenues, jusqu’à présent, à lutter contre le changement climatique. Il s’agit donc là d’un paradoxe fondamental qui souligne encore davantage le caractère politique du changement climatique. Si celui-ci n’était qu’un objet scientifique, la solution serait simple et scientifique elle aussi : il suffirait de réduire les émissions de GES. Cependant, l’expertise scientifique ne suffit pas à engendrer des mesures significatives de lutte contre le changement climatique, car celles-ci relèvent du domaine politique, bien plus complexe. En étudiant ce paradoxe, Amy Dahan et Stefan Aykut ont montré qu’il résulte d’un cadrage spécifique à l’intérieur duquel le changement climatique a été abordé sur la scène politique internationale.
Avant de préciser la nature de ce cadrage, il convient de définir cette notion. Elle implique tout d’abord une idée de délimitation. Elle est liée à la manière dont toute personne choisit de se représenter quelque chose. Le GIS Climat-Environnement-Société définit la notion de cadrage de la manière suivante :
« La notion de cadrage est liée aux façons qu’ont les individus et les groupes de se représenter et de communiquer sur le monde. Dans la sphère médiatique, le cadrage se réfère aux choix de points de vue – conscients ou non- effectués par les journalistes. Ces choix impliquent de sélectionner des aspects spécifiques du sujet traité pour les rendre saillants au lecteur. Dans cette perspective, le cadrage a à voir avec la persuasion. »
S’il s’agit ici d’une définition appliquée au traitement du changement climatique dans la sphère médiatique, elle permet de mettre en avant l’idée qu’un cadrage est nécessairement orienté et peut ne pas être le reflet de la réalité. Parler de cadrage politique au sujet du changement climatique, c’est donc dire que la gouvernance onusienne a choisi de se représenter le changement climatique d’une manière spécifique, mais qui n’est pas nécessairement conforme à la réalité de ce phénomène. Il s’agit d’une représentation spécifique, mais qui a acquis un caractère de vérité étant donné la légitimité accordée à l’institution qu’est l’Organisation des Nations Unies (ONU).
S’il s’agit d’un cadrage politique, celui-ci a été directement influencé par les sciences du climat, comme le montrent Amy Dahan et Stefan Aykut en s’intéressant aux relations entre science et politique dans le régime climatique. En effet, les scientifiques ont lancé l’alerte climatique dès les années 1960, bien avant qu’on puisse mesurer les effets du changement climatique et en 1979, il y avait déjà consensus dans le milieu scientifique par rapport à la réalité de ce phénomène. Cependant, Amy Dahan souligne que « le rôle des sciences du climat ne se borne pas à l’alerte, au diagnostic et à l’expertise : il est allé jusqu’à guider l’élaboration des politiques climatiques. »
Dès que le changement climatique est devenu un enjeu politique majeur dans les années 2000, le problème climatique a donc été construit selon un cadrage « science first» , considérant la science comme porteuse d’une vérité absolue. Ce cadrage spécifique se caractérise par la définition du changement climatique comme un problème isolé, qui ne concernerait que le climat ou au mieux ce qui se réfère au domaine de l’environnement en général. Une lecture environnementale a donc été privilégiée, conduisant à assimiler le changement climatique à un problème de pollution globale :
« Depuis son émergence sur la scène politique mondiale, le changement climatique anthropogénique a été principalement appréhendé comme un problème de pollution globale, dont la solution allait passer par la réduction des émissions des gaz à effet de serre, selon un calendrier et des objectifs assignés aux États dans un traité négocié sous l’égide des Nations unies. » Assimiler ainsi le changement climatique à un problème de pollution globale a conduit à isoler le changement climatique dans une case climat – environnement, qui serait indépendante d’autres sphères, sociale, économique… Ce cadrage a aussi consisté en la globalisation du phénomène, conduisant à penser que le changement climatique concerne toute l’humanité de manière indifférenciée.
L’exemple de la définition de l’objectif des 2°C de réchauffement à ne pas dépasser d’ici à 2100 est significatif de la dimension politique du changement climatique, de ce cadrage spécifique qui a été forgé. Si l’on pouvait croire que la définition de cet objectif s’était seulement basée sur des faits scientifiques prouvant que ces 2°C ne sont pas à dépasser d’un point de vue seulement de perturbation climatique, il s’agit en fait également d’un « choix politique, issu initialement de réflexions du Conseil européen au milieu des années 1990, puis affirmé lors de la conférence de Copenhague en 2009, sur la base des éléments scientifiques disponibles il y a 20 ans» . Cet objectif relève donc davantage d’un compromis politique que d’un objectif issu de l’expertise scientifique uniquement.
Mettre en avant le cadrage politique du changement climatique est fondamental pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que ce cadrage conditionne ensuite les solutions proposées pour lutter contre ce phénomène. Un cadrage erroné du problème climatique explique donc l’échec des politiques climatiques car celles-ci sont conditionnées par le cadrage premier du problème, qui a été construit selon l’idée que le consensus scientifique autour du changement climatique conduirait automatiquement à un consensus politique. Or, le changement climatique est un phénomène bien plus complexe que pourrait le laisser penser ce cadrage politique « science first». De ce fait, un tel cadrage a eu pour conséquence la formation d’un « schisme avec le réel», c’est-à-dire « […] une disjonction fondamentale entre d’une part, le processus de gouvernance mondiale du climat et son imaginaire de régulateur central apte à définir et distribuer les droits d’émissions, et d’autre part, la réalité du monde complexe, multiforme, en pleines crises et mutations – globalisation, concurrence économique des États accrochés à leur souveraineté, exploitation effrénée des énergies et ressources fossiles, etc., – une réalité sur laquelle la gouvernance n’a pas de prise. »
Finalement, la gouvernance onusienne a forgé une représentation du changement climatique non conforme à la réalité mais qui correspondait à un objectif spécifique : faire du changement climatique un objet consensuel. Cependant, ce cadrage s’est révélé trop simpliste par rapport à une réalité qui elle, est fondamentalement complexe. Le cadrage actuel ne reflète donc pas toute la complexité du problème climatique.

Vers une définition du concept de représentation

Ce premier travail de définition a permis de montrer que parler du changement climatique revêt des significations différentes et multiples, selon la sphère à laquelle on s’intéresse (scientifique, politique), selon les acteurs. Si l’on parle communément de changement climatique, déconstruire cette expression permet pourtant de révéler une multitude de significations différentes selon la manière dont il est représenté. Il revêt donc un caractère multiple : scientifique, politique mais également social. Dans cette perspective, Yann Bérard et Daniel Compagnon (en s’appuyant sur les travaux du sociologue britannique Steve Yearley), définissent le changement climatique comme « pouvant être envisagé comme une construction sociale à trois niveaux, soit un ensemble de projections sur le futur produites par les sciences du climat ; un complexe d’institutions politiques et sociales à travers lesquelles circulent ces projections et ces connaissances, tantôt légitimées, tantôt fortement controversées, et un ensemble de présupposés ou « visions du monde » concernant l’action des États, des entreprises et des citoyens face à un risque présenté comme global ».
Si les deux premiers niveaux évoqués dans cette définition réfèrent à ce qui a été développé précédemment, un troisième niveau est mis en avant, celui des « visions du monde ». Cette idée renvoie à celles des représentations, qui a déjà été évoquée en rapport avec la notion de cadrage mais qu’il convient désormais de définir afin de montrer l’intérêt de les étudier concernant la thématique du changement climatique.
Il convient dans un premier temps de préciser une différence importante entre la notion de représentation et celle de perception, souvent évoquées indissociablement pour parler du changement climatique. Pourtant, ces deux notions, bien que très liées, ne sont pas synonymes.
Afin de bien comprendre ce qu’est une représentation, il est donc nécessaire de s’intéresser à la définition de la perception, afin de bien saisir la distinction entre ces deux notions. Jean Piaget souligne cette distinction, essentielle selon lui : « […] ces deux concepts sont bien distincts, car la perception tient du domaine « des cinq sens », du physiologique, alors que la représentation sociale appartient au monde psychologique. La perception s’élabore en présence de l’objet qui la déclenche, contrairement à la représentation sociale, qui n’est pas liée à l’immédiat».
La perception réfère donc aux sens, même si elle va au-delà de la simple sensation, qui relève de ce qu’il y a de plus instantané et qui ne provoque pas de quelconque processus intellectuel. La perception se distingue de cette sensation par une première étape d’intellectualisation qu’elle opère. Le mot perception vient d’ailleurs du latin percipere (« s’emparer de ») et perceptio (« récolte »). L’étymologie permet donc de voir que la perception engendre une première saisie du réel : il n’est pas seulement ressenti, il l’est dans un terrain non neutre qu’est la subjectivité de tout individu. Si la perception est nourrie par la sensation, elle implique aussi un jugement. Il ne s’agit pas d’une réception passive de ce que les sens captent du réel, mais davantage d’une première mise en forme du réel. Il s’agit donc d’une première prise de connaissance du monde.
Cependant, la perception reste quelque chose de profondément ancré dans le réel avec lequel elle ne fonde aucune distance. Elle relève ainsi du domaine de l’expérience, du vécu, d’où son caractère immédiat. De ce fait, la perception reste quelque chose d’assez limité, car il n’est pas possible de tout percevoir, seulement ce qui se présente sous nos yeux à un moment donné.
Ainsi, au sujet du changement climatique, la perception de ce phénomène relève de l’expérience directe de chacun, là où la représentation crée davantage de distance avec le réel, voire même s’en détache totalement pour mener à une construction du changement climatique non conforme avec la réalité de ce phénomène.

CADRE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE DES REPRÉSENTATIONS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Présentation de la commande : une enquête dans le cadre de l’élaboration du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) de l’agglomération paloise

Une enquête réalisée au sein de la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées

L’étude des représentations du changement climatique s’est réalisée sur un terrain particulier : l’agglomération paloise qui s’étend sur 31 communes depuis janvier 2017. Ce travail s’inscrivait dans un cadre précis, celui de la réalisation d’un stage de trois mois à la Direction Développement durable et Déchets de la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées (CDAPBP).
L’objectif de ce stage était de réaliser une enquête au sujet des représentations du changement climatique, principalement auprès des décideurs de la collectivité. En effet, le changement climatique impactant diverses politiques publiques, il était intéressant d’évaluer le niveau d’appropriation de ce phénomène par les acteurs de la collectivité.

Une enquête s’inscrivant dans le processus d’élaboration du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET)

Ce stage s’inscrivait dans le cadre du processus d’élaboration du Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET) lancé en mai 2016 par la Communauté d’agglomération. Il s’agit d’un outil de planification dont l’objectif est notamment d’inscrire les collectivités dans une démarche de lutte contre le changement climatique. Ce PCAET se compose de deux volets principaux : l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. Son élaboration consiste en la mise en place d’un plan d’action se déployant dans toutes les sphères de la collectivité (transports, développement économique…). Il s’agit donc d’une politique très transversale.
Le PCAET se déploie dans un contexte national réglementaire particulier, celui de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) , instaurée en 2015. Celle-ci s’inscrit dans une perspective de lutte efficace contre le changement climatique, de préservation de l’environnement et d’amélioration de l’indépendance énergétique de la France. Le PCAET est donc la déclinaison locale de cette politique mise en place à l’échelle nationale.
Dans le cadre de ce PCAET, un diagnostic de vulnérabilité à été élaboré au sein de l’agglomération paloise afin de voir quel était le degré d’impact du changement climatique sur le territoire. Celui-ci a révélé que des impacts sont déjà visibles. Par exemple, la température a augmenté de 1°C entre 1961 et 2010. À l’avenir, une constante augmentation des températures est donc à prévoir. Le territoire est également concerné par un second impact, celui de la baisse de l’enneigement en montagne, déjà visible actuellement.
Mener un travail d’enquête sur le changement climatique auprès des décideurs de l’agglomération paloise était donc intéressant à deux niveaux : tout d’abord, il permettait de voir si une conscience des impacts du changement climatique sur le territoire existait. L’intérêt était également de s’inscrire dans le caractère transversal du PCAET en ciblant des acteurs issus de sphères d’activités différentes, ce qui sera détaillé par la suite.

Technique d’enquête au sujet des représentations du changement climatique

Les représentations du changement climatique, peu étudiées à l’échelle d’une collectivité

En amont de la réalisation de l’enquête, le travail a commencé par un état de l’art des différents travaux menés au sujet des représentations du changement climatique. Tout d’abord, il s’agissait de recherches théoriques sur les différents thèmes abordés, parmi lesquels le changement climatique, les cadrages dont il fait l’objet, et le concept de représentation. Ce premier travail de recherche a permis de conceptualiser ces différents thèmes, ce qui a été présenté dans l’introduction. Parallèlement à cela, un travail de recherche bibliographique a été conduit afin de recenser les différents travaux qui avaient été menés, en rapport avec les différents termes évoqués et dont la méthodologie d’entretien pouvait apporter des pistes pour la préparation de l’enquête.
Cet inventaire a permis de tirer plusieurs conclusions des travaux qui ont été menés. Tout d’abord, si le changement climatique est un objet de plus en plus étudié par les sciences sociales, les représentations du changement climatique sont pour l’instant moins traitées que la perception de ce phénomène. D’autre part, les travaux menés l’ont souvent été sur des territoires où l’impact du changement climatique est déjà fortement visible. Parmi les plus fréquents, on peut citer le littoral, avec par exemple le travail de Salvador Juan sur le cas du littoral normand. La montagne est aussi un territoire propice à ce type d’enquête. Par exemple, dans les Pyrénées Orientales, un travail a été mené par Mihaela Marc sur l’analyse des représentations et pratiques du dérèglement climatique dans les stations de sports d’hiver.
Enfin, les acteurs ciblés pour ce type d’enquête étaient souvent issus des mêmes catégories. Il s’agissait par exemple des habitants d’un territoire spécifique : c’est le cas du travail d’Anouk Bonnemains, sur les Perceptions et représentations du changement climatique auprès des populations dans leur cadre de vie. Dans d’autres cas, il s’agissait d’acteurs issus d’activités économiques spécifiques, impactées par le changement climatique (les agriculteurs, les acteurs du tourisme balnéaire ou de montagne…). Au sujet des agriculteurs, Philippe Mérot a par exemple travaillé sur leur perception du changement climatique. Finalement, la majorité des travaux menés jusqu’à présent l’étaient sur des terrains où le changement climatique a déjà un impact fortement visible, que cet impact soit environnemental (recul visible du trait de côte) ou économique (baisse de la production agricole à cause du changement climatique). Dans tous les cas, peu importe les personnes ciblées, elles appartenaient donc quasiment toutes à des territoires où le changement climatique peut déjà avoir une implication quotidienne, et donc où il se révèle être le plus concret.

QUATRE LOGIQUES D’ACTION PORTEUSES DE DIFFÉRENTES VISIONS DU MONDE

Au-delà de premiers éléments clés qui ont émergé suite à l’analyse des entretiens, une analyse plus approfondie a été menée afin d’élaborer une typologie s’inspirant notamment des travaux de Max Weber sur le processus de rationalisation. Ainsi, quatre logiques d’action dominantes ont été dégagées, chacune étant porteuse d’une manière différente d’envisager le changement climatique et au-delà, d’envisager le monde. Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas de catégories cloisonnées prétendant classer chacun des discours entendus dans des cases prédéterminées. Au contraire, induite de l’analyse de ces discours, cette typologie permet de comprendre qu’il existe différentes manières de concevoir le changement climatique et donc d’y répondre. Il est à noter que chacune de ces rationalités est cohérente dans le monde dans lequel elle évolue. Il ne s’agit donc pas de juger laquelle serait plus propice ou non à la lutte contre le changement climatique, mais plutôt de mettre en avant la complexité de chacune d’entre-elles afin de montrer qu’elles apportent toutes des éléments de réflexion, de réponse. Les quatre logiques d’actions dégagées sont les suivantes : la rationalité en finalité, la rationalité circonstancielle, la rationalité en valeur et la rationalité réflexive.

La rationalité en finalité : une lutte conditionnelle contre le changement climatique

Définition théorique et caractéristiques générales

La rationalité en finalité est l’une des logiques d’action élaborée par Max Weber lorsqu’il s’intéresse au processus de rationalisation du monde. Ce type de rationalité suppose d’agir en mettant en place les moyens qui permettront d’atteindre un objectif spécifique. L’action doit alors conduire à un résultat immédiat, mesurable, qui sert l’intérêt de celui qui agit. L’action est donc toujours intéressée, dans le sens où c’est l’intérêt qui la guide : ce que l’on veut conditionne la manière dont on va agir, ce qui signifie que l’action s’adapte au résultat souhaité. Ce résultat ou cette fin prend dans le cas présent la forme d’un gain que l’action contre le changement climatique doit générer et cela sur un temps court. Ce gain est souvent mesuré en termes d’argent, mais pas seulement : il peut s’agir d’un gain de liberté, de temps, de bien-être, de confort, de praticité… Ainsi, pour chaque action menée, l’individu procède à un calcul rationnel mettant en balance les efforts que cette action lui demande par rapport au gain final qu’elle peut lui apporter. S’agissant du changement climatique, mettre en œuvre une action de lutte doit générer plus de bienfaits que d’efforts qu’elle implique. La lutte contre le changement climatique est donc conditionnelle : l’action est admise à condition qu’elle génère quelque chose en retour.
Cette logique d’action s’inscrit donc dans un monde où le principe de référence de l’action est la liberté individuelle : chaque individu est libre de ses choix qu’il détermine en fonction de son propre intérêt.
Cette première définition théorique permet de s’intéresser ensuite plus précisément à la manière dont le changement climatique est appréhendé à travers cette rationalité en finalité. S’il s’agit d’un monde complexe, où la même démarche de pensée n’aboutit pas nécessairement à des représentations identiques du changement climatique, il est tout de même possible d’en dégager quelques caractéristiques générales.
Les personnes dont la logique d’action s’apparente le plus à ce type de rationalité ont souvent une faible perception du changement climatique et ne sont pas les plus sensibilisées à cette question. Ainsi, en réponse à la question, « Que voyez-vous, que sentez-vous du changement climatique ?», les propos illustrent une perception faible d’un point de vue personnel. Cela se manifeste par des réponses relayant des impacts généraux du changement climatique. En insistant par une question de relance (« Vous, qu’est-ce que vous ressentez personnellement à Pau ?»), les personnes interrogées estiment pour la plupart ne rien ressentir. Il est également intéressant de constater que dans la majorité des cas, les personnes évoluant dans ce monde envisagent presque seulement le changement climatique par le prisme de leur activité professionnelle. Si cela s’observe également dans d’autres mondes, la rationalité en finalité est celle qui semble sélectionner le plus les informations à communiquer. Ainsi, dans leurs entretiens, ces personnes font généralement peu référence à leur expérience personnelle, qu’elles y soient incitées ou non au cours de l’échange.
L’activité professionnelle sert ainsi de véritable angle de vision (et donc de cadrage) à la question du changement climatique, ce qui influence directement la perception des personnes interrogées : si leur activité professionnelle n’est pas touchée par le changement climatique, alors leur perception personnelle du phénomène demeure quasi nulle, comme s’il leur était impossible de sortir de cet angle de vue pour se demander si personnellement, elles ressentent ou non des impacts. Cette activité professionnelle fait souvent partie de la sphère économique, ce qui conduit alors les personnes à appliquer le vocabulaire du domaine économique au changement climatique. Par exemple, les termes de « gain» ou de « plus-value» (E4) sont souvent utilisés, de même que l’expression de « l’offre et de la demande» (E3). Lorsque la nature est évoquée, celle-ci est abordée comme une ressource que l’individu « consomme» (E3). Les personnes évoluant professionnellement dans la sphère économique appliquent ainsi le même cadre de pensée dans les autres domaines de la vie. D’autre part, si l’activité professionnelle n’est pas forcément issue de la sphère économique, certaines personnes véhiculent une vision du monde similaire qui les mène à parler avec les mêmes mots. De même, les actants du discours appartiennent souvent à un nombre limité de catégories spécifiques, empruntées elles aussi pour la plupart au monde économique (« les entreprises», « les donneurs d’ordres», E20). Cette manière de cadrer sa pensée mène alors à se représenter le changement climatique proportionnellement à l’ampleur économique de l’impact et donc à se représenter seulement les conséquences économiques, non pas les conséquences environnementales.
De ce fait, le seul moyen de mesurer le caractère majeur et urgent du changement climatique (en dehors de l’impact sur leur activité) est de se référer à d’autres acteurs, jugés de confiance. Il s’agit principalement des médias, puis des scientifiques et des « experts» qui « nous alertent sur des phénomènes un peu plus alarmistes» (E12). Ces acteurs servent de caution au changement climatique : « Y’a des vrais enjeux, graves, importants, avec les médias on le voit bien, ces reportages, sur la banquise qui fond, etc. » (E12). Le changement climatique est donc une préoccupation parce qu’il le devient à travers « le retentissement médiatique» (E12) voire même le « le matraquage médiatique» (E4) dont il est l’objet : « […] aujourd’hui on en parle tellement que je considère que c’est une réalité». Finalement, sans ces deux cautions que représentent les médias et les scientifiques, il semble que rien ne pourrait laisser penser qu’il y a bien un changement climatique : « J’en ai plus conscience parce que je le lis, parce que j’en entends parler» (E4).
L’action contre le changement climatique est alors envisagée d’une manière spécifique. Les petites actions menées aux échelles locale et individuelle sont dévalorisées.
En effet, celles-ci sont considérées comme étant « une goutte d’eau» (E3) dans l’océan que représente la lutte contre le changement climatique. Celle-ci n’a donc de sens que si elle est collective et menée à échelle globale ou au moins nationale :
« Les décisions doivent être prises collectivement et de manière massive» (E3).
Ce type de rationalité est donc très influencé par la prise en compte globale du changement climatique : cette échelle étant jugée comme la plus pertinente pour le traitement de ce problème, si elle ne prend pas en compte le changement climatique de manière crédible, alors les personnes issues de la rationalité en finalité ne verrons aucune raison de le prendre en compte elles aussi, estimant que ce n’est pas leur rôle et que leur action serait inefficace.
Cette dévalorisation des petites actions est associée à une dénonciation de la culpabilisation individuelle jugée comme non productive voire « mortifère» (E3). Accabler l’individu, le contraindre d’agir à son échelle serait se tromper de cible car celui-ci n’a pas de pouvoir sur le climat.

La lutte contre le changement climatique est une opportunité

Une première représentation se caractérise par une issue favorable : lutter contre le changement climatique peut être une opportunité. Cela s’explique par le résultat positif du calcul rationnel auquel l’individu procède, qui incite donc à agir contre le changement climatique. Dans ce cas, le changement climatique est alors considéré comme ayant une implication « majeure» (E20) dans l’activité où la lutte est instituée. En effet, elle peut générer un bénéfice, notamment économique. La contrainte qu’aurait pu représenter l’action de lutte contre le changement climatique est donc contrebalancée par l’opportunité économique qu’elle représente. Cette opportunité s’observe notamment dans le domaine énergétique : « […] y’a des modèles assez vertueux, où euh…l’efficacité énergétique, se traduit par une efficacité financière. C’est pour ça que ça fonctionne.» (E20)
Dans le cas d’une lutte contre le changement climatique qui représente une opportunité, il n’est donc plus question de se demander s’il faut lutter ou non contre ce phénomène. Aucun jugement de valeur n’est émis sur le bien-fondé ou non de la cause, ce qui montre bien que la sensibilité ou non à la question du changement climatique n’est pas ce qui détermine ici.

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Table des matières
REMERCIEMENTS 
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS 
SOMMAIRE 
INTRODUCTION 
PARTIE 1 : CADRE ET MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE DES REPRÉSENTATIONS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
PARTIE 2 : LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, DES LIEUX COMMUNS AUX PARADOXES QU’IL IMPLIQUE
PARTIE 3 : QUATRE LOGIQUES D’ACTION PORTEUSES DE DIFFÉRENTES VISIONS DU MONDE
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
SITOGRAPHIE 
ANNEXES 
TABLE DES MATIÈRES 
DÉCLARATION ANTI-PLAGIAT 
ABSTRACT 
KEYWORDS 
RESUMÉ 
MOTS-CLÉS

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