Les répercussions de ses actions sur la paroisse : état au moment de l’arrivée de Claude-Marie Marduel 

Les travaux d’aménagement sous Jean-Baptiste Marduel

Biographie de Jean-Baptiste et état du clergé au moment de son accession à la cure en 1749

« C’est un tribu que les arts lui devoient »

Décédé le 18 mars 1787, Jean-Baptiste Marduel [Fig. 3] naquit le 10 novembre 1699 à Crouix, hameau proche de Theizé, entre Villefranche-sur-Saône et Lyon. Fils du négociant lyonnais Benoit Marduel et de sa femme, Françoise Charmetton, il se destinait à une carrière d’ecclésiastique et monta à Paris suivre ses études, de maître es arts en 1726 à docteur de Sorbonne en 1736. Là, il obtint la charge de premier vicaire de l’église paroissiale de Saint- Louis-en-L’Isle qu’il occupa jusqu’en 1749, année qui marqua son accession à la cure de l’église Saint-Roch par suite du décès du curé Pierre Badoire, le 21 mai 1749.
Au moment de sa prise de possession de cure le 10 juin 1749 et de son établissement le 1er juillet suivant13, le clergé et en particulier le clergé parisien émergeait avec peine d’une crise ayant eu pour fondement la promulgation par le pape Clément XI de la Bulle Unigenitus Dei filius14, le 8 septembre 1713.
Le 13 juillet 1708, Clément XI réprouva et condamna par décret l’ouvrage du père Pasquier Quesnel (1634-1719) intitulé Le Nouveau Testament en français avec des réflexions morales…15 et en particulier cent une de ses « propositions » ou notes explicatives propres à aider à la méditation sur les Évangiles, qualifiées de « fausses, captieuses, malsonnantes, capables de blesser des oreilles pieuses, scandaleuses, pernicieuses, téméraires, injurieuses à l’Église et à ses usages »16. Voulant faire appliquer ce décret immédiatement, Clément XI l’imposa en France sans délibérations préalables du pouvoir, remettant ainsi en cause les privilèges de l’Église de France et allant à l’encontre de la tradition de l’Église gallicane17. À la demande pressante de Louis XIV, Clément XI accepta de promulguer le 8 septembre 1713 une seconde bulle qui, cette fois-ci, serait soumise à l’approbation du gouvernement français avant publication, la bulle Unigenitus Dei filius, aussi appelée Constitution apostolique Unigenitus. Arrivée à Versailles, elle fut immédiatement soumise à l’examen du cardinal de Rohan qui s’efforcera de la faire recevoir tant par l’assemblée du Clergé que par le Parlement.
Ceci va faire « l’effet d’un séisme »18. Très vite, une fracture se fit sentir au sein du clergé, se cristallisant en deux courants diamétralement opposés : l’un composé des « bullistes » se ralliant à la Constitution, l’autre dit des « appelants »19 majoritairement jansénistes et refusant de se soumettre à Rome. C’est à ce second courant qu’appartenait le prédécesseur de Jean- Baptiste Marduel à Saint-Roch. Il est essentiel de souligner qu’outre de raviver les querelles théologiques que la naissance du jansénisme avait suscité au XVIIe siècle, la bulle ranima les tensions entre clergé d’obédience ultramontaine20 et celui attaché aux principes du gallicanisme. Les jansénistes se posaient en défenseurs des principes gallicans face aux ultramontains, ce mouvement prenant dès lors une forte teinte politique, diffusant ses idées dans le public par une avalanche de productions éditoriales21. L’exemple le plus connu est certainement une revue dont le titre fait explicitement référence à la bulle, Nouvelles ecclésiastiques ou mémoires pour servir à l’histoire de la constitution Unigenitus22, qui circulé en manuscrit depuis 1713 ou publiées dans différentes gazettes des Provinces-Unies ont été réunies au sein d’un même volume couvrant les années 1713 à 1728 paru rétrospectivement sous le titre : Nouvelles ecclésiastiques, depuis l’arrivée de la Constitution en France jusqu’au vingt-trois février 1728, que les dites débutait son numéro de l’année 1713 en considérant que « Pour ne rien dire de plus fort, jamais il n’a paru de piece plus indigne du Siege Apostolique ».
Au moment de l’examen de la constitution à Versailles, le cardinal de Noailles, bien disposé à l’égard de Port-Royal, tenta vainement de faire empêcher son approbation sans conditions par l’assemblée du Clergé, pour finir par publier une instruction interdisant à ses prêtres d’accepter la bulle sans son autorisation. Clément XI, voyant par là son autorité discutée, nota son intention de le convoquer devant la Curie. Devant cette nouvelle intrusion aux libertés gallicanes, Louis XIV et ses conseillers proposèrent la réunion d’un concile national afin de trancher le cas du cardinal, idée réprouvée une nouvelle fois par le pouvoir pontifical comme signe de remise en cause de son autorité.
La mort de Louis XIV, survenue en 1715, mit un terme à l’idée de convocation d’un concile.
Le régent Philippe II d’Orléans, qui ne cachait pas son penchant pour le camp des refusant d’Unigenitus, demanda au pape des éclaircissements au sujet de la bulle. Ce dernier refusa envoyant pour réponse deux brefs. Le premier reprochait au Régent de favoriser les adversaires de la Bulle, le second menaçait de priver Noailles de son poste de cardinal. À nouveau en adéquation avec le respect des libertés gallicanes, ces brefs restèrent sans réponse de la part de la France.
Les négociations entre les différentes parties semblaient dès lors vouées à l’échec. Le 5 mars 1717, les évêques de Senez, Mirepoix, Boulogne et Montpellier déposèrent un acte notarié à la Sorbonne par lequel ils faisaient appel de la bulle et réclamaient la convocation d’un concile général. Ils s’appuyaient pour cela sur la Déclaration des libertés de l’Église gallicane, dite Déclaration des Quatre Articles, adoptée le 19 mars 1682 par l’assemblée extraordinaire du clergé de France et érigée en loi d’État par Louis XIV le 20 mars suivant.
Considérée comme la déclaration fondamentale du gallicanisme, elle proclamait notamment l’indépendance absolue du roi de France vis-à-vis de la papauté en matière temporelle et la supériorité du concile oecuménique sur le pape. Un an plus tard, le 8 mars 1718, un décret de l’Inquisition, approuvé par Clément XI, condamna cet appel ainsi que la conduite de Noailles comme schismatique et hérétique. Une nouvelle étape fut franchie le 18 août 1718 avec la publication de Bulle Pastoralis officii déclarant l’excommunication de tous ceux s’élevant contre l’Unigenitus.
Las de cette situation, bien qu’à l’origine favorable aux « appelants », Philippe II d’Orléans décida de clore le débat par la fermeté à la fois en sévissant contre ceux-ci et en élevant en 1730 la bulle Unigenitus au statut de loi d’État. Le siège apostolique et le gouvernement amenèrent les appelants à se soumettre les uns après les autres et la controverse janséniste semblait s’être enfin éteinte.
Les curés étant inamovibles, le renouvellement du clergé parisien s’effectua au gré des nominations, ceci trouvant son apogée avec celle de Christophe de Beaumont élevé à la fonction d’archevêque de Paris en 1746 [Fig. 4]. Ce dernier s’efforcera de nommer à la tête des grandes paroisses parisiennes des curés fidèles à la fois à Rome et à Unigenitus. Jean- Baptiste Marduel, alors âgé d’une cinquantaine d’années, vicaire de la paroisse Saint-Louis en l’Isle dont le curé participait des « bullistes », constituait pour la cure de l’église Saint-Roch un candidat idéal.
Désormais à la tête de Saint-Roch, Jean-Baptiste Marduel va devoir gérer la nouvelle crise dite l’affaire des billets de confession.
La pratique du billet de confession instituée au XVIIe siècle consistait à sommer les protestants convertis au catholicisme et souhaitant accéder aux derniers sacrements de présenter un billet attestant qu’ils s’étaient confessés.
Archevêque de Paris depuis 1746, Monseigneur Christophe de Beaumont persévérait en 1752 dans son entreprise visant à éradiquer le mouvement janséniste. Il déclara exiger des mourants qu’ils produisent un billet, cette fois-ci signé d’un confesseur « constitutionnaire », c’est à dire adhérent à la bulle Unigenitus et admettant sa valeur de Constitution de l’Église.
L’archevêque demanda aux curés des paroisses de Paris de contresigner sa déclaration par l’intermédiaire de trois d’entre eux, au nombre desquels figurait Jean-Baptiste Marduel.
Cet événement, largement relayé par Les Nouvelles Ecclésiastiques, réveilla le Parlement de Paris majoritairement pro janséniste qui, criant à l’abus de pouvoir, se saisit de l’affaire et entendit instruire un procès contre l’archevêque et condamner pour refus de sacrements les curés ayant laissé mourir les fidèles sans viatique. Tandis qu’ils dénonçaient la tyrannie épiscopale, les partisans de l’archevêque affirmaient que le Parlement n’avait aucune compétence dans le domaine spirituel. Excédés, les parlementaires parisiens arrêtèrent en avril 1753 des remontrances au Roi27, affirmant que l’ « on a vu des Ecclésiastiques passer de l’indépendance jusqu’à l’usurpation, devenir […] les Juges des Magistrats, les Souverains des Souverains mêmes »28 et suppliant Louis XV de ne pas « laisser triompher un schisme si fatal à la Religion, & porter le coup le plus funeste à votre Souveraineté & à l’État »29. Sans réponse de sa part, les magistrats décidèrent de cesser leur service tant qu’il maintiendrait son silence.
Impuissant devant les passions exacerbées des parties, Louis XV ordonna par lettre de cachet dans la nuit du 8 au 9 mai 1753 l’exil hors de Paris de messieurs des Enquêtes et des Requêtes et le 10 mai suivant, le déplacement des membres de la Grand’ Chambre vers Pontoise.
Seize mois s’écoulèrent avant leur rappel le 2 septembre 1754, en échange d’un silence imposé sur les affaires religieuses « après avoir puni son Parlement de sa résistance et de son refus de rendre la justice, il avait, à la fin, cru devoir écouter sa clémence, espérant que le Parlement remplirait ses vues par une soumission et une fidélité entières ». Beaumont, refusant toute conciliation, fut contraint à l’exil le 3 décembre 1754. Quant au pape, il donna le 16 octobre 1756 une encyclique instaurant une solution moyenne puisqu’elle maintenait le refus des sacrements pour les jansénistes qui s’afficheraient publiquement comme tels.
Les enjeux de cette affaire des billets de confessions sont de deux ordres. Elle montre tout d’abord que la lutte contre le jansénisme se poursuivait dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ensuite, la crise parlementaire qui en découla soulève la question des liens entre pouvoirs spirituel et temporel. D’une part, les oppositions des parlementaires au Roi sous forme de remontrances traduisent certes leur ralliement à l’idéologie religieuse janséniste, mais au-delà les posent comme porte-paroles du peuple, leurs oppositions juridiques devenant une opposition politique à l’absolutisme de la monarchie. D’autre part, « limitation du pouvoir, autonomie du politique et du religieux, tels étaient les grands axes de la pensée de l’archevêque. Il s’agissait bien d’un argument essentiel des revendications des Lumières ».
Ayant aidé sans faiblir Beaumont dans son combat, nous pouvons avancer que Jean-Baptiste Marduel était un homme ouvert aux réflexions de son siècle. Il était toutefois un homme de consensus puisque Chantal Valere Chochod ne dénombre aucun cas de refus de sacrements à Saint-Roch alors qu’au moment de son arrivée, la moitié de la population paroissiale était d’obédience janséniste33. Une tolérance dont il fit également preuve lors de l’enterrement religieux de Diderot, et surtout de son inhumation dans la chapelle de la Vierge le dimanche 1er août 1784, lui qui pourtant, faute de temps, n’avait pas reçu les derniers sacrements.

Grandes étapes des aménagements

Au regard des différentes publications, nous pouvons affirmer que l’arrivée de Jean- Baptiste Marduel à Saint-Roch en 1749 marqua un véritable tournant dans l’histoire de l’église, point de départ d’une vague d’aménagements et d’embellissements qui vont s’échelonner durant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle. Afin de saisir pleinement à la fois l’ampleur, mais également les enjeux des réalisations artistiques qu’il mit en oeuvre, la méthode la plus simple consiste à retracer dans un premier temps de manière chronologique les différentes phases de travaux.
Suivant ce principe, il nous faut débuter notre étude par le réaménagement du Choeur en 1752 ainsi que des deux autels latéraux qui l’encadrent34. Avant 1710 et l’érection de la chapelle de la Vierge, l’autel majeur du Choeur de Saint-Roch était surmonté du Christ en croix de grandeur naturelle exécuté en bois par Michel Anguier (1612-1686) et légué par lui à sa paroisse en 1686. Il était alors flanqué d’un Christ tenant sa croix et d’un Saint Roch, par le même. La présence de ces deux figures s’explique de manière aisée, « allusion à la double dédicace de l’église à Saint Roch et aux Cinq Plaies du Christ ».
Le Christ tenant sa croix rappelle l’ancienne titulature de l’église, tandis que Saint Roch en pendant fait référence à la nouvelle. En 1710, l’autel fut transféré vers le fond de l’abside. Le Christ en croix qui le surmontait fut alors déplacé dans le bas-côté droit et remplacé par un tabernacle encadré de deux anges. Quant aux deux autres statues de Anguier, elles furent placées dans la chapelle de la Vierge36. En 1730, par souci de pourvoir au service des fidèles, deux autels latéraux furent installés, tout deux « décorés de retables chantournés »37. Jean-Baptiste Marduel fit remplacer les deux autels latéraux par deux autres, de marbre bleu turquin ornés d’urnes et de bas-reliefs dorés38, sous la conduite de Guillaume II Coustou, dit Coustou le Jeune (1716-1777)39 [Fig. 5]. Ne pouvant laisser une place vide à l’endroit où se dressaient les anciens retables, il les fit surmonter en 1757 de deux statues. Sur l’autel de droite s’élevait une statue de Saint Roch par Guillaume II Coustou. De cette statue ne nous reste que le modeste témoignage d’un lavis de Charles Norry (1756-1832), sur lequel nous discernons le saint tenant de ses mains son bâton de pèlerin [Fig. 6]. À gauche prit place celle réalisée par Étienne-Maurice Falconet (1716-1791) et représentant Jésus au Jardin des Oliviers [Fig. 7]. Jean-Baptiste respectait ainsi le rappel de la double dédicace de son église.
« Les nouveaux embellissements de l’Eglise de Saint Roch s’étendent jusqu’aux grilles du Choeur. La réforme qu’on y a faite en les rabaissant, semble l’agrandir ; elles ne cachent plus les cérémonies qui s’y font, comme elles les cachoient autrefois. […] Le Sieur Doré, Maître Serrurier, a su varier dans ces grilles le fer & le cuivre avec un tel art, qu’il en résulte un trèsbel accord »40. Jules Cousin donne une description précise de cette oeuvre de Doré, « formée de panneaux de cuivre ciselé, chargées de feuillages, de fleurs et de fruits ; le panneau principal était orné d’un médaillon de fer poli avec un chiffre de cuivre attaché par un noeud de rubans à une guirlande de laurier »41. Se basant sur celle-ci, nous pensons en avoir retrouvé le dessin au cabinet des arts graphiques du musée Carnavalet [Fig. 8].
L’année 1752 correspond également à l’achèvement du buffet de l’orgue.
L’instrument fut commandé en 1750 à François-Henri Lesclop (1694-1752), achevé par Louis-Alexandre Cliquot (1684-1760) et reçu en 1755. La partie inférieure de la travée était occupée par deux anges jouant de la flûte et de l’orgue, sculptés par Claude Francin [Fig. 9, Fig. 10].
Avant de détailler la teneur des aménagements qui concernèrent les chapelles dites de la Vierge et de la Communion, entre 1754 et 1755, nous souhaitons souligner que la création de ces deux chapelles au début du XVIIIe siècle répondait à une double volonté, à la fois cultuelle et funéraire.
Remis à l’honneur par la Contre-Réforme, le culte marial connaît son plein épanouissement au milieu du XVIIe siècle. « Le culte ardent de la Vierge professé par les reines de France de la famille d’Autriche, la consécration du royaume à Marie expliquent la reprise très nette d’une pratique médiévale. »42, trouvant un écho particulier dans les églises parisiennes de Saint-Sulpice en 1643 ou de Saint-Étienne du Mont en 1661.
Au-delà de cette dédicace, le projet répondait au désir de créer un lieu dédié à la communion des fidèles. Selon Françoise Hamon, les chapelles de la Communion sont fréquentes dans les églises parisiennes, comme celle de Saint-Severin, oeuvre de jeunesse de Jules Hardoin- Mansart, s’expliquant par l’évolution de la pratique religieuse et répondant au désir d’affirmation de la foi des paroissiens au moment de la lutte contre le jansénisme, par la pratique de la pénitence et de l’eucharistie. Le projet de l’église Saint-Roch s’avère prendre une forme toute particulière. La paroi externe du déambulatoire prolongeant la chapelle de la Communion et entourant celle de la Vierge était ainsi destinée à accueillir une table de communion.
Pour finir, le projet d’extension de l’église sous-entendait l’annexion d’une partie de l’ancien cimetière situé derrière le Choeur. Dans le cadre de la création de la rotonde, Mansart aménagea le soubassement du déambulatoire servant à la communion en ossuaire destiné à recueillir les restes des défunts déplacés au moment du nivellement du sol du cimetière. Par cet ingénieux système, l’architecte résolvait le souci de l’exiguïté du terrain en créant trois espaces distincts au coeur d’un même volume architectural.

Les répercussions de ses actions sur la paroisse : état au moment de l’arrivée de Claude-Marie Marduel

Si la cure de Jean-Baptiste Marduel fut marquée par son souhait de donner un nouveau visage à l’église, il ne faut pas négliger les autres répercussions qu’elle engendra, au delà de ses murs.
Les Tuileries dépendaient de l’église de Saint-Germain-L’Auxerrois, le Palais Royal de Saint-Eustache et à la rue Royale commençait la circonscription de la Madeleine [Doc. 5]. De l’église Saint-Roch dépendaient au nord Montmartre et le quartier naissant de la chaussée d’Antin, qui ne comptait alors que « quelques maisons égarées au milieu de terrains vagues »95, pour devenir sous le Directoire le centre préféré de l’aristocratie financière et politique. En revanche, la paroisse pouvait compter sur le quartier à la mode compris entre la rue de Richelieu, les boulevards et la rue Saint-Honoré. Jean-Baptiste Marduel avait bien saisi l’enjeu de pouvoir compter parmi ses ouailles les riches habitants du quartier Saint-Honoré et de la Place Vendôme, concentrant de nombreux fermiers généraux, qu’il associa financièrement à ses embellissements. Citons à titre d’exemple François de Beaumont, marguillier de la paroisse, dont le portrait par Nicolas Largillière (1656-1746) nous est toujours conservé [Fig. 39], resté célèbre pour le don qu’il fit en 1761 d’un diamant estimé alors à trois mille livres. S’il fallait ne retenir qu’une chose, ce serait assurément que Saint Roch, qui selon la déclaration des revenus des paroisses ne figurait pas en 1730 à la liste des dix plus riches de Paris96, en prit la huitième place en 175797.
« Grâce à cette population de grands seigneurs, la paroisse était riche et dotée d’un noyau de fervents chrétiens avec le concours desquels le curé pouvait donner beaucoup de bien ».
Administrateur méticuleux, il eut le souci d’employer les deniers de sa paroisse à de nobles fins. Son engagement auprès des pauvres en fit l’une des figures incontournables du clergé parisien, un engagement visible sur un portrait posthume de 1819 sur lequel il désigne le registre des pauvres de la paroisse Saint Roch de 1785 [Fig. 40].
« Le curé de Saint-Roch ne négligeait pas d’autres moyens d’assurer l’éducation utile des adolescents et de favoriser leur établissement »99. Ainsi, il encouragea et organisa l’enseignement des Catéchismes. À son arrivée en 1749 existaient deux écoles, une pour les filles et une autre pour les garçons, qu’il valorisa si bien que l’on compta bientôt près de quatre cents garçons chez les Frères et sans doute autant de filles chez les Soeurs100. Il fonda également une maîtrise d’enfants de choeur en 1762, grâce aux dons de la veuve de François de Beaumont [Fig. 41].
À la fin de la vie de Jean-Baptiste, la paroisse ne « cédait en importance qu’à Saint-Sulpice et Saint-Eustache »101. Si elle comptait dix-neuf mille paroissiens selon Chantal Valere- Chochod au moment de la prise de possession de la cure en 1749, le chanoine Pisano avance qu’elle pouvait en posséder vingt-huit mille en 1790 en comptant les enfants et les religieux.
En guise de conclusion, nous ne résistons pas à la tentation d’offrir à notre lecteur un extrait d’un panégyrique dédié à saint Roch, démontrant qu’après la mort de Jean-Baptiste survenue le 18 mars 1787, son souvenir restait ancré dans le coeur de ses anciens fidèles.
« Quand, dans tout le cours d’une vie longue, consacrée au bien public, M. Marduel, qui a rendu tant de services à l’humanité et à la religion, n’auroit fait que donner le plan de l’église de saint Roch, présider à son érection, et conduire cette vaste entreprise à son couronnement, il auroit acquis par cela seul des droits à l’immortalité. On n’oubliera jamais que ce grand monument est l’ouvrage de son zele. Les peres le diront à leurs enfants, les meres à leurs filles, la ville aux campagnes, la capitale aux provinces, le citoyen à l’étranger, les siecles entre eux ; et si, par impossible, le coupable silence de l’ingratitude venoit à étouffer dans cette paroisse le juste langage de la reconnoissance, de toutes les parties du temple une vois s’éleveroit pour venger son illustre fondateur. Tous ces admirables chefs-d’oeuvre que l’art prodigue sema dans son enceinte, ces autels si imposants qui la décorent, ces marbres animés, ces bronzes, ces colonnes, les pierres du sanctuaire, tout, jusqu’à cette tribune sainte où la renommée elle-même, embouchant la
trompette, semble concourir avec les hommes apostoliques pour publier les oracles de l’évangile, crieroit hautement en faveur de sa gloire ; et tant de voix et leurs échos retentiroient au loin, comme pour le dénoncer solennellement à toutes les générations ».

L’arrivée de Claude-Marie Marduel à la veille de la Révolution

Point généalogie de la famille Marduel

Les liens familiaux qui unissent Jean-Baptiste à Claude-Marie Marduel nous semblent aujourd’hui très clairs. Si au terme de nos recherches il nous paraît aisé d’affirmer que Claude-Marie est bien le neveu de Jean-Baptiste, il n’en a pas toujours été ainsi. Il arriva qu’il y ait confusion entre ces deux personnages, à l’exemple du chanoine Pisano qui en 1912 nomme Claude-Marie « Jean-Baptiste » dans le cadre de l’une de ses conférences105. Au regard des publications, nous devons souligner les nombreuses méprises entre les différents membres de la famille Marduel, pouvant se justifier par l’exercice ecclésiastique de pas moins de cinq membres de cette lignée en France, simultanément et ce sous le même patronyme.
Afin de remédier à toute confusion dans l’esprit du lecteur, il convient de se pencher sur la généalogie de cette famille lyonnaise avant de développer la carrière de Claude-Marie Marduel [Doc. 6].
Le premier membre de la famille Marduel est tout naturellement Jean-Baptiste, curé de Saint-Roch et prédécesseur de Claude-Marie, dont nous avons déjà abordé les éléments biographiques, né le 10 novembre 1699 et décédé le 18 mars 1787. Il est le fils de Benoit Marduel, né en 1666 et décédé le 24 avril 1741 et de Françoise Charmetton, née le 22 novembre 1662108. Jean Baptiste est précédé dans la lignée par une soeur, Marguerite, qui décède à l’âge de cinq ans et suivi par deux frères, Benoit né en 1702, mort en 1750 et Claude, né 1703 et mort 1771. Ce second frère, donna à son épouse Elisabeth Bertrand une dizaine d’enfants, dont Claude-Marie, François, et un dernier dont le prénom et les dates de naissance et de mort nous restent inconnus. Ce dernier, qui à la différence de Claude-Marie et de François ne se tourna pas vers une carrière ecclésiastique, eut deux fils, tous deux rentrés dans les ordres, Humbert et Jean-Baptiste II.

Début de la carrière de Claude-Marie Marduel, une succession à la cure de Saint-Roch marquée par un procès

Claude-Marie Marduel, fils de Claude Marduel et d’Elisabeth Bertrand naquit à Lyon, le 30 septembre 1747. Baptisé le 1er octobre 1747 dans la paroisse de Saint Nizier de Lyon, il eut pour parrain Claude-Benoit Marduel et pour marraine Marie Anne Bertrand [Doc. 7].
Il se destina à l’état ecclésiastique à l’âge de quatorze ans. Attiré à Paris par son oncle Jean- Baptiste en 1761, il poursuivit ses études sous la surveillance de ce dernier. Docteur en théologie, il reçut dans la chapelle supérieure du Palais archiépiscopal parisien, le 23 juin 1764, la première tonsure par Monseigneur Henri Hachette-Desportes, évêque titulaire de Cydonia, vicaire général du même archevêque parisien. Le 19 décembre 1767, il reçut les quatre ordres mineurs par Monseigneur Louis François Marc Hilaire de Conzié, évêque de Saint-Omer. Nommé sous-diacre le 17 décembre 1768 par Monseigneur Charles-Gilbert de May de Termont, évêque de Blois, il fut reçu diacre par Monseigneur Christophe de Beaumont le 23 décembre 1769125. En 1772, peu de temps après son ordination le 18 juin 1771126, il fut attaché comme vicaire à Saint-Roch aux côtés de son oncle.
Claude-Marie était destiné à prendre la place de Jean-Baptiste à sa disparition. Il avait d’ailleurs obtenu, avant sa mort advenue le 17 mars 1787, sa promesse de l’avoir pour successeur à la cure de Saint-Roch. Après agrément de l’archevêque, il résigna sa cure en faveur de son neveu par un acte du 5 février 1787, procuration reçue par les notaires Margantin et Havard. « On avoit bien lu que M. Marduel, […] avoit long-temps refusé de résigner sa cure à ce neveu, & l’on présumait qu’il avoit de fortes raisons pour ne pas vouloir se reposer dans un âge aussi avancé, en favorisant un proche parent. Quoiqu’il en soit, le neveu sembloit avoir vaincu la répugnance de son oncle ».
La cession semblait réglée, mais c’était sans compter sur une nouvelle affaire qui allait toucher la famille Marduel, une proie décidément appréciée de ses contemporains. La mort de Jean-Baptiste « pouvoit faire vaquer un bénéfice important, beaucoup plus par la considération qu’il donne, lorsqu’on est exact à remplir les grands devoirs qu’il impose, que par les revenus qu’il produit. Il ne manque pas de personnes qui aspirent à de pareilles places » et « des vues ambitieuses firent d’abord semer de ces bruits qui n’ont pas même l’apparence du vrai, & qu’on n’accueille que parce qu’il s’accordent avec les dispositions trop communes de former d’injustes soupçons ».
Si le testament olographe de Jean-Baptiste Marduel daté du 11 janvier 1780 et déposé le 18 mars 1787 chez Maître Margantin, notaire à Paris, ne nous donne aucun indice quant à la possible cession de la cure de Saint-Roch à Claude-Marie130, il faut nous tourner vers l’acte de résignation du 5 février 1787. Le document, normalement déposé dans les minutes du notaire Michel Havard des Archives Nationales s’avère introuvable131. Par un heureux hasard, une copie de l’original réalisée le 15 novembre 1826 est conservée aux Archives Historiques du diocèse de Paris. Dans ce document, plusieurs éléments éveillent notre curiosité. Tout d’abord, il y est signifié que Jean-Baptiste, « malade de corps » est « toute fois sain d’Esprit, ainsi qu’il est apparu aux notaires ». Il est intéressant de noter que la Gazette des tribunaux annonce qu’au moment de sa mort, d’aucuns disaient que « le Curé n’avoit pas été en état de résigner à cause de l’état d’imbécillité où l’âge l’avoit réduit » alors que la résignation « avoit été faite le même jour où le Curé de Saint-Roch avoit été administré publiquement, en présence de la Communauté ». De plus, il y est précisé que Jean-Baptiste « a déclaré ne pouvoir signer à cause de la paralysie dont il est attaqué et qui lui est survenue sur la main droite ». Nous pouvons avancer que ces deux éléments vont certainement être à l’origine d’un procès intenté par le sieur F… dont voici les faits.
Bientôt « s’élève contre le curé de Saint-Roch actuel une affaire criminelle très fâcheuse pour lui ». Ayant obtenu en Cour de Rome la cure de Saint-Roch comme vacante à cause de mort avec la clause de dévolu accidentel permettant d’attaquer les titres de possesseur paisible, le sieur F… fit contestation en déposant plainte au Châtelet. Il y avançait l’argument par nous sus-cité, à savoir que Jean-Baptiste n’était pas en pleine possession de ses moyens au moment de la résignation à son neveu.

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Table des matières

Sommaire 
Remerciements 
Avant-Propos
Avertissement au lecteure
Introduction 
I. L’église Saint-Roch au XVIIIe siècle
A. Les travaux d’aménagement sous Jean-Baptiste Marduel
1. Biographie de Jean-Baptiste et état du clergé au moment de son accession à la cure en 1749
2. Grandes étapes des aménagements
3. Les répercussions de ses actions sur la paroisse : état au moment de l’arrivée de Claude-Marie Marduel
B. L’arrivée de Claude-Marie Marduel à la veille de la Révolution
1. Point généalogie de la famille Marduel
2. Début de la carrière de Claude-Marie Marduel, une succession à la cure de Saint- Roch marquée par un procès
C. L’église dans la tourmente révolutionnaire
1. Claude-Marie Marduel et la constitution civile du clergé
2. La période révolutionnaire, après le départ de Marduel
II. Reconstruire après la Révolution 
A. Le tournant de 1801
1. La reprise officielle de la direction de la paroisse
2. L’état de l’église
Les pertes d’oeuvres
B. Réhabilitation de l’église : un mobilier liturgique
C. Les oeuvres peintes et sculptées
3 1. De l’intérêt du musée des Monuments français dans la préservation des oeuvres
d’art appartenant aux églises
2. Processus de ré-acquisitions et d’acquisitions
a. L’attachement de Claude-Marie Marduel au retour des oeuvres préservées
b. L’arrivée d’oeuvres venant d’ailleurs
c. Les éventuels achats et nouvelles commandes
3. Étude de l’emplacement d’oeuvres qui participent à la restitution du programme iconographique et artistique antérieur à la Révolution
III. La renaissance du culte catholique et la diffusion de la pensée chrétienne
A. Le réaménagement de la façade, une église décomplexée
B. Les nouveaux concepts
1. L’église comme lieu commémoratif, un conservatoire de mémoire
2. Le chemin de croix, un outil militant
a. De la restauration de la chapelle du Calvaire au chemin de croix, le couple Marduel- Deseine
b. Étude de ce chemin de croix particulier
c. Le Calvaire, nouveau Mont-Valérien
C. Claude-Marie Marduel, une pensée combattante
1. Un engagement que l’on ne peut qualifier de politique
2. Le militantisme religieux
Conclusion 
Bibliographie
Sources 
Littérature secondaire 

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