Les protéines de résistance aux médicaments

Détoxication des xénobiotiques

Certains organismes peuvent vivre dans des environnements fortement pollués où se retrouve une grande variété de contaminants. Pour conserver leur homéostasie, ils doivent détoxiquer et éliminer des toxiques ayant des cibles cellulaires et des propriétés physicochimiques diverses. Bien que certains organismes soient beaucoup plus résistants aux stress toxiques que d’autres, ils expriment tous des protéines pouvant métaboliser les toxiques (Nebert et Dieter, 2000). Cette omniprésence des mécanismes de détoxication chez les procaryotes et les eucaryotes s’explique tant par le rôle essentiel de certaines des protéines de détoxication dans les processus vitaux que par le besoin de protection contre les toxiques présents depuis les origines de la vie (Nebert et Dieter, 2000). En effet, les organismes vivants ont toujours été exposés à des composés toxiques, que ce soit dû à leur présence naturelle dans de nombreux environnements ou à la production de métabolites toxiques par les cellules (Sheehan et al. , 2001 ).

La guerre chimique que livrent les plantes contre les herbivores et les parasites n ‘a fait qu ‘augmenter la diversité des xénobiotiques présents dans l’environnement et la diversité des protéines de détoxication (Ames et al. , 1990). Dans le milieu marin , cela se traduit par la présence de nombreux composés sécrétés par les algues et bactéries auxquels les organismes marins doivent pouvoir résister afin de maintenir leur homéostasie. Dans les milieux côtiers et estuariens, les composés générés par les activités humaines s’ajoutent aux xénobiotiques naturels. Afin de prédire l’effet potentiel de nouveaux composés introduits dans un milieu, il est primordial de comprendre comment les toxiques peuvent interagir entre eux. Une bonne portion des interactions ayant lieu au niveau du métabolisme des xénobiotiques (Padr6s et al. , 2004) , une bonne compréhension de celui-ci est des plus importantes.

Dans le cas des xénobiotiques hydrophobes, la capacité d ‘un organisme à éliminer le composé dépend de sa capacité à rendre celui-ci plus hydrosoluble, permet tant ainsi son excrétion. Pour ce faire, les composés sont métabolisés par une voie générale de détoxication qui est séparée en trois ou quatre phases (Luedeking et Koehler, 2004). La première consiste en la fonctionnalisation du composé par les enzymes de phase 1. La fonctionnalisation, souvent une oxydation, va rendre plus réactif le xénobiotique facilitant ainsi sa conjugaison à des molécules hydrosolubles endogènes. Cette conjugaison d’un composé (intact ou fonctionnalisé) à des molécules endogènes comme le glut hation, le glucuronate, le sulfate ou la glycine est la phase II du mét abolisme des xénobiotiques. Elle rend le composé plus soluble, permettant son export final hors de la cellule ou de l’organisme par les protéines de phase III. Celles-ci sont des transporteurs membranaires qui , en plus des composés transformés, peuvent transporter certains xénobiotiques non métabolisés. Elles agissent alors comme première ligne de défense contre les contaminants et forment la phase 0 de détoxication (Luedeking et Koehler, 2004).

L’origine évolutive ancienne des protéines de détoxication et la grande diversité des xénobiotiques et toxiques endogènes expliquent la grande diversité des protéines de détoxication. En effet, chacune des phases du mét abolisme des xénobiotiques est effectuée par une ou plusieurs superfamilles de protéines. Ainsi, l’origine des principales protéines de phase l , les membres de la superfamille des cytochromes P450 (CYP ), précède la séparation des eucaryotes et procaryotes (Omura, 1999). De même, la superfamille des glutathion transférases (GST) trouverait son origine chez les procaryotes (Vuilleumier, 1997). Les GST catalysent la conjugaison du glutathion à divers xénobiotiques. Dans de nombreuses espèces, ce sont les principales enzymes de phase II (Sheehan et al., 2001 ). Bien que la découverte initiale de membres de ces deux superfamilles remonte à plus de 40 ans (1961 pour les GST (Vuilleumier, 1997) et 1958 pour les CYP (Omura, 1999)), la première découverte d ‘une protéine de la superfamille des transporteurs ATP-binding cassette (ABC), principales protéines de phase III, remonte à 1976 (Bard , 2000). De façon analogue, les protéines de phases 1 et II ont été beaucoup plus étudiées que celles de phase III. Par contre, l’importance des protéines de phase III est maintenant reconnue et un nombre croissant d’études en toxicologie et écotoxicologie s’intéresse à ces protéines. Comme de nombreux domaines de l’écotoxicologie, l’étude des protéines de phase III a trouvé son origine dans le domaine biomédical.

L’histoire des protéines de phase III remonte au développement en laboratoire d’une résistance pléiotropique, de source unique mais affectant plusieurs phénotypes, chez des souches de cellules tumorales sélectionnées pour la résistance à l’actinomycine D ou à la colchicine (Biedler et Riehm, 1970 ; Kurelec, 1992). Ces cellules étaient résistantes à une vaste gamme de composés cytotoxiques utilisés en chimiothérapie, bien qu ‘elles n’aient été sélectionnées que pour la résistance à un seul composé. Cette résistance est associée à une diminution de l’accumulation intracellulaire des composés auxquels la cellule est résistante. Ce phénomène, nommé résistance aux médicaments (MultiDrug Resistance, MDR) a ensuite été associé à la surexpression d ‘une glycoprotéine de 170 kDa impliquée dans la perméabilité cellulaire, la glycoprotéine P (Pgp) (Juliano et Ling, 1976). Le niveau d ‘expression de cette protéine est corrélé au niveau de résistance des cellules tumorales et la transfection du gène de la protéine (mdr1 chez l’homme) dans des cellules sensibles est suffisante pour les rendre résistantes (Kurelec, 1992).

D’importance primordiale dans le milieu médical, la MDR, acquise ou innée, est responsable de la majorité des échecs des traitements chimiothérapeutiques, l’expression de la Pgp par les cellules t umorales compliquant grandement le traitement (Haimeur et al. , 2004). La MDR est aussi importante dans le traitement de conditions médicales non liées au cancer, les protéines de MDR se retrouvant chez de nombreux parasites et bactéries (Annilo et al., 2006). Les études sur la MDR ont mené à la découverte d ‘autres protéines responsables d ‘un phénotype semblable à celui associé à la Pgp. Les MRPs (Multidrug Resistance Proteins) représentent la principale classe de protéines responsables de la MDR après la Pgp (Haimeur et al. , 2004) . À l’image de la Pgp , elles confèrent une résistance pléiotropique à de nombreux composés cytotoxiques en diminuant leur accumulation intracell ulaire.

Bien que la majorité des recherches concernant le phénomène de MDR provienne du milieu médical, il y a maintenant un nombre grandissant de travaux s’intéressant à l’impact que peuvent avoir les protéines responsables de la MDR sur la toxicité et les interactions entre contaminants dans l’environnement. Les premières études visant à démontrer la présence de la MDR chez des organismes aquatiques furent effectuées par l’équipe de Branko Kurelec. Il proposa, dans sa première revue du suj et, le terme de multixeno biotic resistance (MXR) pour référer au mécanisme de MDR dans un contexte environnemental (Kurelec, 1992). Depuis ces premiers travaux sur le suj et, de nombreuses autres études ont été effectuées et l’importance de la MXR en tant que mécanisme de résistance aux contaminants est acceptée. Les protéines de MXR servent maintenant de biomarqueur (ex.: Downs et Downs, 2007) et l’existence de polluants agissant comme inhibiteurs de la MXR est démontrée (ex.: Luckenbach et al., 2004).

MXR en écotoxicologie

Depuis la première utilisation du terme, la résistance aux xénobiotiques est présentée comme un site d’interaction entre contaminants pouvant avoir une grande importance en écotoxicologie (Kurelec, 1992). Ce mécanisme de défense est généré par l’activité de protéines utilisant l’énergie provenant de l’hydrolyse de l’ATP pour extraire une vaste gamme de composés hors des cellules ou organismes (Bard , 2000 ; Zaja et al., 2007). Ces protéines fournissent une résist ance pléiotropique à des toxines de structures variées, pouvant aller de molécules organiques modérément hydrophobes à des ions métalliques (Haimeur et al., 2004). Ce large spectre de spécificité les rend par contre sensibles à une inhibition, compétitive ou non, par des composés de structures toutes aussi variées. L’existence de composés pouvant inhiber la MXR est préoccupante pour l’environnement , leur action menant à une sensibilisation des organismes vis-à-vis d’une panoplie de composés (Kurelec, 1997 ; Smital et al., 2004) . L’existence de composés peu ou pas toxiques mais pouvant inhiber la MXR, nommées chimiosensibilisateurs, est particulièrement inquiétante. Ces composés paraissant inoffensifs au regard des tests toxicologiques actuels pourraient ne pas être régulés (Smital et al., 2004).

Pourtant , leur présence dans l’environnement mènerait à la sensibilisation de nombreux organismes , potentialisant la toxicité des autres composés toxiques (anthropiques ou naturels) présents dans le milieu (Kurelec, 1997 ; Smital et al. , 2004) . La présence de tels inhibiteurs dans le milieu naturel a déjà été documentée. Des extraits d’eau de rivière peuvent inhiber la MXR (Kurelec et al. , 1995) , de même que des extraits de différentes algues et espèces phytoplanctoniques (Schr6der et al., 1998 ; Eufemia et al. , 2002). En plus de ces études qui ne traitent que d ‘extraits dont la composit ion n ‘est pas connue, certaines études ont directement déterminé le potent iel de contaminants en tant que chimiosensibilisateurs. Ainsi, des muscs, des pesticides (ex. : dachtal, chlorbenside, pentachlorophénol et sulfallate) et des toxines d’algues présentent un potentiel comme inhibiteur de MXR chez des organismes bioindicat eurs (Cornwall et al. , 1995 ; Schrôder et al. , 1998 ; Luckenbach et al., 2004). Des études sur des cellules en culture ont aussi démontré le potentiel de certaines toxines comme inhibiteurs de la MXR. En plus d’une panoplie de composés pharmaceutiques (Hollo et al. , 1996 ; Kurelec, 1997), des toxiques classiques comme certains hydrocarbures aromatiques polycycliques sont des substrats ou inhibiteurs de la MXR (Bamdad et al. , 1997).

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Table des matières

Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des figures
Liste des abbréviations
1 Introduction
1.1 La résistance aux xénobiotiques
1.1.1 Détoxication des xénobiotiques
1.1.2 Historique
1.1.3 MXR en écotoxicologie
1.2 Les protéines de MXR
1.2.1 La glycoprotéine P
1.2.2 Les protéines de résistance aux médicaments
1.2.3 Mesure de l’activité MXR
1.2.4 Répartition des protéines de MXR
1.3 Les micro algues en écotoxicologie
1.3.1 Présence de la MXR chez les microalgues marines
1.4 Objectifs
2 Evidence of a multixenobiotic resistance mechanism in marine microalgae
2.1 Introduction .
2.2 Materials and methods
2.2.1 Reagents .
2.2.2 Algal cultures
2.2.3 MXR assay
2.2.4 Flow cytometry
2.2.5 Toxicity of compounds used
2.2.6 Statistical analysis
2.3 Results .
2.3.1 Prorocentrum cf micans
2.3.2 Isochrysis galbana .
2.3.3 Tetraselmis suecica
2.4 Discussion
2.4.1 Prorocentrum cf micans
2.4.2 Isochrysis galbana .
2.4.3 Tetraselmis suecica
2.5 Conclusion.
3 Discussion
3.1 Prorocentrum cf micans
3.2 Isochrysis galbana .
3.3 T etraselmis suecica
3.4 Conclusion.
Références

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