Les processus hydrologiques en zone cotiere

Contexte général 

Les zones côtières se situent à l’interface des domaines continentaux et océaniques. Ce sont des écosystèmes fragiles soumis à de fortes pressions naturelles et anthropiques pouvant mettre en péril leur équilibre. La population côtière y est en expansion constante avec, de nos jours, environ deux tiers de la population mondiale vivant sur une étroite bande de zone côtière de 60 km (Vitousek et al., 1997; Small and Nicholls, 2003). Cette croissance démographique n’est pas sans conséquence sur l’état environnemental de ces zones. En effet, la concentration d’activités humaines agricoles, industrielles, domestiques et touristiques a fortement intensifié la demande locale pour tout type d’énergies, et tout particulièrement pour l’eau, la plus vitale d’entre elles. Les réservoirs de surface étant de plus en plus touchés par des problèmes de pollution, l’exploitation d’eau souterraine des aquifères côtiers comme apport d’eau douce est devenue de plus en plus intense. L’usage de ce réservoir d’eau de manière souvent excessif a engendré de nombreux problèmes au niveau de la qualité de ces eaux, posant ainsi souvent des déséquilibres écologiques conséquents. Les pompages intensifs dans les nappes par exemple ont induit dans beaucoup d’aquifères côtiers du monde une salinisation des nappes d’eau (Oude Essink, 2001; Custodio, 2005). Or, un simple mélange avec 3% d’eau de mer est suffisant pour rendre l’eau inutilisable pour la plupart des activités humaines. D’autre part, l’aménagement des espaces et les rejets de natures diverses sont souvent sources de dégradation ou de pollution de l’environnement côtier et de dégradation des réservoirs d’eaux de surface et souterrains (Appelo and Postma, 2005). Cette dégradation des eaux côtières peut avoir un impact important sur le statut écologique des eaux côtières lorsqu’elles s’y déversent (Valiela et al., 1990; Zektser and Loaiciga, 1993). De nombreux programmes de recherche sur l’environnement côtier, motivé par la conférence de Rio en 1992, ont émergé avec la volonté d’élargir les connaissances concernant la biodiversité côtière et les particularités physiques et hydrologiques du milieu littoral, afin de préserver et gérer durablement les ressources.

D’un point de vue hydrologique, les processus dynamiques d’interaction entre les réservoirs d’eau continentale et les eaux côtières sont étudiés depuis des années. L’eau des nappes continentales s’écoule vers la mer, poussée par le gradient hydraulique, et se mélange avec la nappe salée issue de l’eau de mer. Le contact entre eau douce continentale et eau marine est défini par une zone de transition ou dispersion, dont les caractéristiques dépendent des propriétés de l’aquifère. L’équilibre de cette interface peut être parfois rompu en cas de surexploitation des nappes côtières, déplaçant le biseau salé à l’intérieur des terres, souvent sur des dizaines de kilomètres. D’autre part, l’exutoire dans la mer des eaux souterraines ne comprend pas seulement un terme d’eau douce continentale, mais également un terme de recyclage d’eau marine infiltrée. L’étude des échanges souterrains d’eau entre terre et mer s’est concentrée pendant longtemps sur l’intrusion d’eau de mer dans les aquifères côtiers, mais s’est accentuée depuis une dizaine d’années sur le processus de décharge d’eau souterraine dans les zones côtières. L’étude couplée de ces deux processus permet alors de mieux comprendre le rôle des eaux souterraines au niveau du cycle hydrologique ainsi que de mieux contraindre les bilans des composés chimiques, naturels ou anthropiques.

Les apports d’eau souterraine en zone côtière 

Des romains jusqu’à l’actuel 

Les apports d’eau souterraine sont connus depuis longtemps. Ainsi Pausanius, au 2ème siècle avant J.-C., décrit la présence de sources en Grèce et en Italie utilisées par la population comme eaux thermales. Pline l’ancien fait lui référence au 1er siècle avant J.-C. de sources artésiennes le long de la Mer Noire, en Italie, Espagne et Syrie. Des écrits de l’époque romaine décrivent également la présence de sources d’eaux sous-marines utilisées par la population comme ressource en eau potable ou comme source thermale (Kohout, 1966; SCOR-LOICZ, 2004). Le géographe romain Strabo qui vécut entre 63 avant J.-C. et 21 après J.-C., fait mention d’une source d’eau douce sous marine en Syrie, près de l’île d’Aradus, collectée et transportée ensuite jusqu’à la ville comme source d’eau potable. D’autres récits mentionnent la présence à Bahrain, dans le golfe Persique, de marchands d’eau collectée à partir d’une source sous marine au large. Bien que ces sources soient connues et utilisées depuis des siècles, les connaissances scientifiques à leur sujet sont restées anecdotiques jusqu’à très récemment. De par ce fait, les apports d’eau souterraine ont souvent été négligés dans le bilan hydrologique des zones côtières ainsi que dans le bilan géochimique marin. Or, depuis les années 1970, une prise de conscience sur leur potentielle importance hydrologique et/ou écologique a émergé (Valiela et al., 1978; Johannes, 1980; Zektser and Loaiciga, 1993). En effet, ces scientifiques ont posé la question de l’impact potentiel écologique de ces apports d’eau souterraine en zone marine, du fait qu’elles peuvent constituer des voies de transports de nutriments et autres composés dissous potentiellement toxiques pour l’environnement. Toutes ces études convergent vers le fait que ce flux peut être très significatif, voire dominant dans certains systèmes côtiers aux apports d’eaux surfaciques restreints. De nombreuses études ont depuis été menées dans le monde afin de quantifier ce flux et d’estimer son importance dans le cycle hydrologique ainsi que son éventuel impact écologique sur les écosystèmes côtiers. Toutes convergent vers le fait que ce flux ne peut pas être négligé de manière systématique. Spécialement, en 1996, Moore a montré lors d’une étude en Caroline du Sud, dans la zone sud de la Baie Atlantique, que ce flux pouvait représenter jusqu’à 40% du flux des eaux de surface. De manière générale, les flux que l’on trouve dans la littérature représentent entre 0.2 et 40% du flux des eaux de surface. La gamme d’oscillations observées rend les études locales de ce processus primordiales, et les programmes de recherches sur les décharges d’eau souterraine ne cessent de croître (Figure I.1), avec une volonté de la communauté scientifique d’augmenter les sites d’études locaux et les intercomparaisons. Les méthodes peuvent alors être comparées afin de développer une approche rigoureuse pour la quantification des décharges d’eau souterraine en zone côtière, l’objectif étant d’intégrer dans la compréhension du processus général des facteurs liés aux paramètres géomorphologiques, lithologiques, physiques, biologiques et météorologiques locaux.

Signification hydrologique d’une décharge d’eau souterraine en zone côtière 

Les nombreuses études ont mis en avant la complexité hydrologique des décharges d’eau souterraine. Dans son sens le plus général, celles-ci sont désignées dans la littérature sous le terme de SGD, pour ‘Submarine Groundwater Discharge’. La décharge totale d’eau souterraine SGD est définie comme tout flux d’eau à travers le plancher océanique, sans distinction entre sa composition, origine ou mécanisme de transport (Burnett et al., 2003). Le flux de SGD est la somme de deux processus physiquement distincts : la décharge d’eau douce continentale issue d’un aquifère côtier (FSGD pour ‘fresh submarine groundwater discharge’), et l’eau de mer recyclée au sein de l’aquifère (RSGD pour ‘recirculated submarine groundwater discharge’), (Figure I.3). Les forces physiques responsables de cette décharge diffèrent pour les deux termes. La décharge d’eau douce souterraine continentale est induite par le gradient piézométrique terrestre. La recirculation d’eau marine dans les sédiments côtiers est elle induite par plusieurs mécanismes océaniques, tels que la marée, les phénomènes de convection, la houle, ainsi que par les forçages atmosphériques (montée du niveau marin). La décharge d’eau souterraine est spatialement diffuse et discontinue, et peut mettre en jeu plusieurs aquifères, confinés ou phréatiques. Un simple bilan hydrologique sur la zone considérée présente des incertitudes importantes.

Des études de modélisation ont montré que, de manière générale, le terme de SGD relatif à l’eau recyclée représentait entre 60 et 99% du terme global SGD (Li et al., 1999; Kaleris et al., 2002; Destouni and Prieto, 2003). Cette importance du terme d’eau recyclée dans le bilan du flux de SGD rend délicate à l’utilisation les méthodes hydrologiques conventionnelles. En effet, une estimation de la capacité de la décharge d’eau souterraine par la loi de Darcy, basée sur les paramètres du bassin versant et le gradient hydraulique, présenterait l’inconvénient de n’intégrer que le flux net d’eau douce (FSGD). Elle peut constituer tout au mieux un outil de comparaison lorsque l’on cherche à distinguer les deux composantes FSGD et RSGD (Corbett et al., 1999; Kroeger et al., 2007). Depuis une dizaine d’années, de nombreuses méthodes physiques, et chimiques ont alors été développées et appliquées pour quantifier la décharge « SGD » totale.

Outils pour la quantification des flux d’eau souterraine

Trois approches principales sont utilisées pour la mesure des SGD : les mesures directes, les techniques avec traceurs isotopiques et les modélisations hydrologiques. Les premiers travaux sur la quantification des flux de SGD ont été effectués à l’aide de mesures directes par détecteurs d’infiltration (Bokuniewicz, 1980; Simmons Jr, 1992). Cette méthode permet de quantifier le phénomène de manière continue, et d’acquérir des données sur la variation temporelle à courte échelle. Elle présente cependant le désavantage de ne fournir qu’une information spatialement ponctuelle. Or, en dehors des sources artésiennes localisées, les décharges d’eau souterraine sont souvent un phénomène diffus sur toute une étendue de zone côtière, ou sur tout un bassin d’eau. Pour palier à cela, l’utilisation des traceurs naturels a été développé et permet d’estimer un flux intégré sur toute la zone d’étude. Ces méthodes reposent principalement sur l’utilisation des traceurs isotopiques naturels, et notamment des radioéléments du radium (Rama and Moore, 1996; Krest and Moore, 1999; Charette et al., 2003; Krest and Harvey, 2003; Hwang et al., 2005; Kim et al., 2005; Lee et al., 2005; Boehm et al., 2006; Breier and Edmonds, 2007) et du radon (Cable et al., 1996; Corbett et al., 1997; Burnett and Dulaiova, 2003; Lambert and Burnett, 2003; Schwartz, 2003; Burnett and Dulaiova, 2006). Depuis quelques années, les études d’intercomparaisons se multiplient afin de mieux contraindre la représentativité du flux mesuré par les différentes techniques (Burnett et al., 2001; Burnett et al., 2006; Mulligan and Charette, 2006). Les travaux de modélisation sont de plus en plus développés, permettant de mieux contraindre et comprendre les processus effectivement mesurés en prenant en compte des paramètres hydrologiques et écologiques (Kaleris et al., 2002; Destouni and Prieto, 2003; Oberdorfer, 2003; Smith and Zawadzki, 2003). Il est important de connaître la signification hydrologique des flux estimés car les deux composantes FSDG et RSGD peuvent avoir des impacts environnementaux différents, en raison de leurs différences géochimiques.

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Table des matières

NTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : LES PROCESSUS HYDROLOGIQUES EN ZONE COTIERE
I.1. Les apports d’eaux souterraines en zone côtière
I.2. Utilisation des isotopes du radium et du radon comme traceurs spécifiques de SGD
I.3. Estimation des flux diffusifs de radium et radon
CHAPITRE II : PRESENTATION DE L’AIRE D’ETUDE – LA LAGUNE DE VENISE
II.1. Introduction
II.2. Formation de la lagune de Venise
II.3. Contexte géologique
II.4. Contexte hydrologique
CHAPITRE III : MATERIEL ET METHODOLOGIE – ANALYSE DU RADIUM PAR SPECTROMETRIE A THERMO-IONISATION
III.1. Introduction
III.2. Principe théorique de la dilution isotopique
III.3. Les traceurs isotopiques (« spike ») enrichis en 228Ra
III.4. Séparation chimique et purification du radium
III.5. Mesure des teneurs en 226Ra par TIMS
CHAPITRE IV : ETUDE DE SALINISATION DANS LES AQUIFERES COTIERS
IV.1. Introduction
IV.2. Résultats et interprétations
Article accepté à Journal of Hydrology : “Isotopic and geochemical
characterization of salinization in the shallow aquifers of a reclaimed
subsiding zone: the Southern Venice lagoon coastland.”
IV.3. Conclusion
CHAPITRE V : QUANTIFICATION DU FLUX D’EAU SOUTERRAINE A L’AIDE DES TRACEURS ISOTOPIQUES NATURELS DU RADIUM (226Ra) ET DU RADON (222Rn)
V.1. Quantification du flux d’eau souterraine
Présentation d’un article en vue de soumission: “Submarine
groundwater discharge in a depressed subsiding lowland coastal zone: a 226Ra and 222Rn investigation in the Southern Venice lagoon.”
V.2. Modélisation de la distribution des traceurs au sein de la lagune
CONCLUSIONS GENERALES
ANNEXE I
ANNEXE II

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