Les processus et dynamiques d’émergence des jardins collectifs

Les processus et dynamiques d’émergence des jardins collectifs

Pour mieux comprendre les processus à l’œuvre dans l’émergence d’un jardin partagé nous nous sommes appuyés sur un travail de recherche qui propose un schéma synthétisant les grandes étapes de la vie des jardins collectifs. Trouver un modèle de ce type concernant directement les jardins partagés s’est avéré plus difficile. Nous avons préféré un schéma ayant plus de hauteur sur notre thématique afin de le confronter, plus tard, à nos cas d’études. En effet, la charte des jardins partagés de Bordeaux nous suggère que la diversité de la formalisation de ces jardins peut constituer un obstacle à la production de tel documents et remet en cause, dans une certaine mesure, leur pertinence : « Ils sont tous différents dans leurs aménagements et leurs fonctionnements car ils sont construits collectivement, en fonction des potentialités, des opportunités et des attentes des habitants d’un lieu. Ils peuvent être réalisés de manière temporaire sur des terrains en attente de leur destination finale, de manière pérenne, sur des espaces publics, dans des cœurs d’îlots, dans des quartiers plus ou moins populaires… »
Nous utiliserons donc ce schéma, plus général, comme d’une base théorique pour continuer de développer nos questionnements et également pour élaborer une approche des cas d’étude qui seront présentés.
Le schéma est le résultat d’une recherche menée sur plusieurs jardins collectifs. Il propose une frise linéaire qui organise chronologiquement les différents temps de ces projets :
– le temps de la conception commence dès l’idée originelle et va jusqu’au dessin plus ou moins fini du projet de jardin. C’est durant cette phase que les acteurs (habitants, associations, institutions) procèdent aux premières concertations qui permettent de définir l’espace dédié au projet , les financements ainsi que les règles qui régiront le jardin. Les paysagistes peuvent êtres mobilisés dès cette étape (Vanderbroucke & Al, 2017, p27-28).
– le temps de l’aménagement correspond à la concrétisation matérielle du projet. De l’arrivée d’eau au terrassement et jusqu’à la réalisation de l’équipement du jardin, cette phase peut aussi bien faire appel à des professionnels qu’aux habitant-jardiniers à travers des chantiers collectifs (Ibid.). – le temps de stabilisation est décrit comme un moment « souvent ignoré ou peu lisible » (Ibid.).
Il correspond au temps nécessaire au projet pour harmoniser les attentes de tous les acteurs autour d’un jardin qui existe matériellement ainsi que pour atteindre une stabilité financière. Le degré d’implication des habitant-jardiniers dans le projet fera varier la durée de cette phase qui peut se compter en mois si le degré d’implication est important, ou en années si le degré d’implication est faible. On notera par ailleurs que cette étape n’est pas citée dans la charte des jardins partagés de la ville de Bordeaux, contrairement aux trois autres : « Durant ses trois phases de conception, de réalisation et d’animation, tout projet devra […]»- enfin le temps de la gestion correspondrait dans la charte à la phase d’animation. Elle serait un processus dynamique en perpétuelle redéfinition en fonction de l’évolution du groupe d’habitant-jardiniers et des institutions en charge (Ibid.).
Le mot « stabilisation » utilisé dans ce schéma ne nous paraît pas vraiment correspondre à la description d’un projet de jardin collectif qui serait au contraire plutôt instable, en constante recherche d’équilibre. Cette remarque fera donc partie des questions qui guideront notre approche des cas d’études analysés dans la deuxième partie du mémoire. Nous faisons également le constat que les acteurs institutionnels qui ont le plus d’emprise sur les projets de jardins semblent être les municipalités : « Les municipalités sont l’acteur prédominant puisqu’elles sont généralement détentrices du foncier. » (Demailly K.-A., 2014). Comme nous le verrons au cours de ce travail, le constat dans cette citation est discutable dans certains cas. Cependant, il est clair qu’aujourd’hui les municipalités sont des acteurs prédominants non pas seulement parce qu’elles possèdent le foncier, mais aussi parce qu’elles accompagnent et encadrent les projets. Les chartes officielles de la ville de Bordeaux et de la métropole indiquent par exemple que la municipalité aide à la création de jardins collectifs. Elle garantit notamment un accès à l’eau et fournit des matériaux de base comme du bois et de la terre végétale, qui sont des éléments essentiels au démarrage d’un projet de jardin (Letourneux, 2013) : « Accompagnement par la ville : Après concertation interne des différents services de la ville concernés et de la mairie de quartier dans laquelle le projet se situe, plusieurs types d’accompagnements peuvent être mis en place par la ville en fonction des caractéristiques du projet :
– Mise à disposition du terrain par le biais d’une convention (quand propriété ville).
– Aides pour la préparation du terrain : apport de terre, de plantes, arrivées d’eau….
– Possibilités d’aides à la mise en place et à l’animation du projet (aides directes des services pour le montage du projet et pour son équipement, financement d’associations professionnelles pour le montage et /ou l’animation du projet…). »
Par ailleurs, la ville de Bordeaux a mis en ligne une carte (Annexe 4) qui divise en trois parties le territoire de la métropole et le répartit entre trois prestataires (différents organismes comme des associations ou des agences ) qui sont officiellement mandatés pour l’accompagnement à la création de jardins collectifs.
Enfin, il semblerait que les habitant-jardiniers puissent potentiellement s’impliquer dans chaque phases d’émergence d’un jardin collectif. La dimension participative de ces projets serait même essentielle puisque l’implication des habitant-jardiniers influencerait le temps nécessaire à un jardin pour se « stabiliser ».

Quelles réalités pour les jardins partagés aujourd’hui ? Approfondissement des questionnements au regard de l’état de l’art

L’objectif final de ce mémoire est, nous le rappelons, de proposer un document de synthèse sur la thématique des jardins partagés à destination des paysagistes, mais aussi de tous les acteurs susceptibles d’être impliqués dans de tels projets, afin de leur permettre de se positionner. Cette synthèse s’appuiera sur une base théorique et sur des études de cas concrets. D’abord, l’état de l’art nous a permis de poser un certain nombre de définitions sur notre objet d’étude et de ce fait d’éclaircir ce que nous entendions par « jardin partagé ». Ensuite, l’analyse des phases d’émergences des jardins collectifs nous donne les matériaux pour approfondir et préciser nos questionnements. Il s’agit ici de mieux construire, problématiser et finalement reformuler les hypothèses de recherche annoncées en introduction. Si la question de l’émergence des jardins collectifs a déjà été traitée et théorisée (Vanderbroucke & Al, 2017), celle des jardins partagés a seulement été évoquée sans faire l’objet d’une étude spécifique (André & Al, 2015). De plus, même si c’était le cas, le caractère apparemment très varié des formalisations de ces projets pourrait justifier à lui seul de continuer ce travail avec de nouveaux cas d’étude. L’état de l’art nous montre également un double discours concernant les institutions, notamment les municipalités qui d’une part, constituent un obstacle envers ces projets et d’autre part, peuvent les encourager. « L’arrivée des institutions dans le développement des jardins partagés prépare-t-il un nouveau type de jardin ? Un jardin partagé mis en place par la municipalité est-il tout autant approprié par un groupe d’habitants que lorsque le phénomène est spontané ? Les avis divergent sur cette question qui mériterait d’être creusée.» (Den Hartigh, 2013, p20). Le corpus de ce mémoire sera composé d’un échantillon de plusieurs jardins partagés et aura pour objectif de répondre concrètement, bien que partiellement, à ces questions : comment émergent les jardins partagés de nos jours ? Quels objectifs spécifiques peuvent-il avoir ? Quels sont les acteurs impliqués ? Au delà de leur émergence, comment fonctionnent t-ils aujourd’hui ? Et enfin, dans quelle mesure leur institutionnalisation les impacte ?
Enfin, un jardin partagé est censé être un projet paysager qui participe à la trame verte de la ville de Bordeaux, protège la biodiversité et plus globalement fait du volet environnemental l’une de ses priorités.
Il est intéressant de se demander comment différentes formalisations de jardins partagés peuvent réussir à répondre à ces exigences. Autrement dit, dans quelle mesure les jardins partagés peuvent ils vraiment incarner le « « faire » de lance de la transition » (Den Hartigh, 2013) ? Si ce questionnement semble se démarquer des autres, quand bien même l’état de l’art en a apporté certains fondements, nous verrons comment les cas d’étude sélectionnés nous ont amenés à considérer ce sujet dans ce mémoire. Ces réflexions ainsi que la première partie dans son ensemble nous permettent de formuler les hypothèses suivantes :
1 : L’émergence des jardins partagés a pu être un sujet de désaccord, de manque d’écoute et de concertation entre élus et habitants. Cependant, au fil des années la situation a évolué et les projets de jardins partagés sont maintenant acceptés et accompagnés par les municipalités. Nous pensons donc qu’un « tournant » a eu lieu au cours des années 2000 et que ce double discours n’est plus nécessairement vrai aujourd’hui.
2 : Les jardins partagés sont, à l’origine, des jardins qui sont produits spontanément par les habitants d’un quartier ou plus largement par une mobilisation citoyenne. Leur institutionnalisation implique cependant qu’ils sont parfois aussi à l’initiative des instituions. Nous pensons qu’ils auraient tendance à atteindre un équilibre plus facilement lorsque l’idée initiale part des habitants.
3. Le schéma des phases d’émergence parle de « stabilité ». Elle est cependant relative car les projets de jardins partagés ont une fragilité liée à leur fonctionnement, qui repose essentiellement sur une implication bénévole des habitants. Nous pensons que plus les habitant-jardiniers sont impliqués dans chaque phase d’émergence d’un jardin, plus le projet atteint un « équilibre » durable.
4. L’approche des paysagistes et autres concepteurs pour la conception et/ou réalisation des jardins partagés tend à impliquer les futurs habitant-jardiniers afin de construire le projet et de leur permettre une meilleure appropriation de ce dernier.
5. Cette dernière hypothèse se démarque des précédentes puisqu’elle porte plus largement sur les enjeux contemporains des jardins partagés. Alors que ces projets se démocratisent dans les villes, nous pensons qu’ils s’inscrivent aujourd’hui dans le mouvement de la transition écologique. Non seulement à travers leur objectifs, mais aussi à travers leurs formalisations et leurs fonctionnements variés.
Les quatre premières hypothèses seront essentiellement étudiées dans la deuxième partie de ce mémoire.
La dernière fera l’objet d’une partie à part entière car son émergence a eu lieu un peu plus tard au cours du travail de terrain et convoque un ensemble de notions qu’il sera nécessaire d’éclaircir et de mettre en lien entres-elles ainsi qu’avec les parties précédentes.
Dans cette partie nous avons formulé une base théorique sur la thématique des jardins partagés et plus largement des jardins collectifs. Ces premières considérations ont rendu manifeste la pluralité des objectifs de ce type de projet ainsi que leur complexité. Aborder leurs origines et les étapes qui leur permettent d’émerger nous a permis de construire des questionnements plus précis qui ont mené à formuler cinq hypothèses de recherche. Ces dernières orientent la démarche de recherche qui va suivre et amèneront par la suite à des réflexions plus larges.

Étude de cas dans la métropole Bordelaise. Derrière une étiquette commune, quatre histoires différentes de jardins partagés

Afin d’explorer, de nuancer et de préciser un peu plus ce qui se cache derrière l’étiquette de « jardin partagé », nous allons analyser quatre cas d’études. Dans cette partie nous introduirons la méthodologie de recherche employée pour approcher ces quatre jardins partagés et tester les hypothèses de recherche. Nous avons tenté pour chaque jardin de reconstituer son histoire, de détailler son émergence, son évolution ainsi que son état et fonctionnement actuel. Pour ce faire, le travail effectué s’est articulé autour de visites de terrain, d’entretiens avec des acteurs clés de chaque projet et de recherches documentaires complémentaires. Les raisons qui ont mené à la constitution de ce corpus seront expliquées, mais la présentation des jardins, quant à elle, sera détaillée dans des documents de synthèse monographiques disponibles en annexe. Nous recommandons cependant aux lecteurs et aux lectrices de consulter les fiches d’identités I à IV de l’Annexe 1 avant de continuer cette partie.Ainsi, nous présenterons ici directement les résultats et interprétations du travail de terrain effectué. Nous tenterons de dégager ce qui rassemble ces jardins sous la même étiquette, mais aussi ce qui en fait des projets uniques. Ces interprétations seront transversales aux quatre projets et permettront de faire émerger les premiers éléments de réponses à nos questionnements.

Méthodologie de recherche et présentation du corpus : un travail de terrain mêlant entretiens et recherche documentaire

Pour répondre aux hypothèses de recherche nous avons choisi de faire l’étude de quatre cas de jardins partagés dans la métropole bordelaise.
Les entretiens ont cherché à recueillir le discours d’acteurs ayant joué un rôle central dans l’émergence de chaque jardin. Il s’agissait généralement d’accompagnateurs impliqués dans les projets. Ces acteurs pouvaient aussi bien être architectes, urbanistes et paysagistes que jardiniers (Annexe 2). La grille d’entretien (Annexe 3) réalisée pour approcher ces rencontres s’est appuyée sur le schéma des phases d’émergence des jardins collectifs présenté précédemment. L’idée était de pouvoir éclairer chaque étape dans son déroulement grâce aux discours recueillis, mais également en les croisant avec une recherche documentaire. En effet, la plupart de ces projets sont plus ou moins détaillés sur des sites internet qui leur sont dédiés. Cela va de quelques lignes qui résument le projet jusqu’à de véritables archives qui rendent compte des évolutions du jardin chaque mois depuis l’inauguration du projet. Les visites de terrain ont permis d’effectuer des observations ainsi qu’un travail photographique complémentaires pour rendre compte au mieux de l’état actuel des chaque jardin.
La synthèse de ce travail de terrain est présentée sous la forme de quatre fiches d’identité (Annexe 1). Elles sont organisées en trois parties. D’abord, une présentation concise du jardin, de son organisation spatiale et de ses objectifs tout en le localisant à l’échelle de la métropole et de son quartier. Ensuite, une reconstitution écrite de l’histoire de ce jardin est proposée. Enfin, les fiches se terminent par une présentation de l’état actuel du jardin et de son fonctionnement. Ces documents de synthèse mêlent des textes qui mobilisent les informations provenant des entretiens et de la recherche documentaire, illustrés par des photographies prises au cours des visites de terrain. Ces fiches servent donc de base aux interprétations qui suivront et permettront d’apprécier la fonctionnalité des jardins selon des critères définis au cours des entretiens car exprimé fréquemment :
– l’implication des habitant-jardiniers dans la vie du jardin.
– l’organisation fréquente d’événements, qu’ils soient des ateliers pédagogiques et de sensibilisation sur l’environnement et le jardinage, ou bien des rencontres festives entre les habitants.
– l’aspect esthétique du jardin, témoignant de l’entretien du jardin ou bien de son délaissement.
– l’accès à l’eau, critère qui peut sembler évident, reste un point de départ essentiel.
La métropole de Bordeaux est un territoire d’étude qui compte une grande diversité de jardins collectifs et partagés, ainsi que de nombreux acteurs compétents sur le sujet. Pour constituer notre échantillon nous avons souhaité sélectionner des jardins partagés qui ont émergé à différents moments des années 2000.
L’idée était de pouvoir suivre l’éventuelle évolution de l’institutionnalisation des jardins et leur manière d’émerger. Il s’agissait aussi de pouvoir rencontrer des acteurs différents pour chaque projets. Dans cet esprit, nous avons sélectionné les quatre jardins partagés suivant : le jardin partagé « Carrés de Cultures ».

Interprétation des résultats : quatre cas révélant la diversité des jardins partagés et l’évolution de leur accompagnement

L’évolution de la relation entre municipalité et jardins partagés

La question institutionnelle a été particulièrement éclairée par l’un des jardins étudiés.
L’histoire du Jardin de ta sœur s’est révélée d’une importance cardinale pour comprendre l’évolution de l’institutionnalisation des jardins partagés, notamment à Bordeaux. En effet, ce projet a obligé la municipalité de Bordeaux à considérer pleinement cette question. La mobilisation du collectif Le jardin de ta sœurpour réussir à faire naître un projet de jardin sur une friche, qui devait être vendue à un promoteur immobilier, a généré un clivage politique fort au sein de la mairie. Les négociations ont duré presque deux ans avant d’aboutir. À cette époque les questions de « participation habitante », de « projet de participatif » étaient assez nouvelles et la capacité des citoyens à pouvoir créer des biens communs dans la ville faisait débat au sein la mairie (Fiche II), (Entretiens 2 et 6). À la suite du projet du Jardin de ta sœur (2006), un basculement à eu lieu dans l’approche institutionnelle vis-à-vis des jardins partagés à Bordeaux, mais cette histoire a également eu des échos ailleurs. Des étudiants, des chercheurs, des journalistes et d’autres professionnels ont étudié ce cas qui a eu des répercussions à l’échelle de la France. (Entretiens 2, 5), (Montero, 2015), (D’Andrea & Tozzi, 2014).
Cependant, le cas du Jardin d’Adèles, inauguré deux ans plus tôt, nous montre que la municipalité de Pessac a apporté un appui financier assez rapidement au projet. Bien que les tensions foncières ne soient pas comparables dans ces deux cas, on peut penser que la métropole de Bordeaux a vu chacune de ses communes construire un rapport singulier aux projets de jardins partagés. L’échantillon très restreint de notre corpus ne nous permet cependant pas de l’affirmer.
Ensuite, le jardin partagé Carrés de Cultures, inauguré plus tard en 2011, montre à travers son histoire que l’idée initiale du projet part de la marie de quartier (Entretien 3), (Fiche I). En étant situé dans le parc Rivière , ce jardin répond bien sûr à contexte particulier qui lui aussi traite la question foncière d’une manière spécifique, il n’en reste pas moins que le projet de jardin est lancé par la ville puis rapidement pris en mains par des accompagnateurs et futurs habitant-jardiniers.
Enfin, le cas de la Ferme Niel inaugurée en 2012, nous montre que les jardins partagés peuvent aujourd’hui encore faire l’objet de conflit entre collectifs et municipalité, dans ce cas au sujet d’un projet immobilier (Entretiens 1, 5, 8), (Fiche III).
Dans cinq entretiens réalisés, les acteurs interrogés font tous part d’un « travail de fond » mené depuis plus de vingt ans auprès des services techniques des villes de la métropole pour mettre en place un réel accompagnement pour les jardins collectifs. Ce travail aurait été initié assez tôt dans les années 90 par l’association Les Jardins d’Aujourd’huiet se serait poursuivit plus tard avec d’autres organismes comme Place aux Jardinset Les Possibilistes, aujourd’hui tous deux mandatés par la ville de Bordeaux pour accompagner la création de jardins collectifs (Entretiens 1,3,4,5,8), (Annexe 4).

L’accompagnement des jardins collectifs dans la métropole

L’accompagnement à la création des jardins collectifs est le principal vecteur de leur institutionnalisation. L’existence même des chartes et de la carte des accompagnateurs de la métropole (Annexe 4) suggèrent déjà un degré d’encadrement assez élaboré. Les entretiens ont permis de conforter cette idée et de comprendre à quel point les accompagnateurs étaient de véritables interfaces entre élus et habitants, institutions et jardins. Ils font le lien avec les services techniques, interviennent concrètement dans la création du jardin avec l’appui financier de la ville et en même temps, œuvrent pour l’appropriation du jardin par les habitants jardiniers. Dans l’accompagnement, on distingue la notion d’accompagnateur de celle d’animateur.Les accompagnateurs sont les personnes (associations ou autres organismes) qui aident à créer le jardin et à mettre en place les modalités de gouvernance qui seront utilisées par les habitantsjardiniers. Les animateurs sont les personnes qui sont là pour aider à faire fonctionner et évoluer le jardin une fois qu’il est lancé. Ils peuvent aussi bien être un membre de l’association en charge du jardin (un habitant s’il en a les compétences) ou encore un membre de l’équipe d’accompagnement. Cette personne pourra intervenir aussi bien du point de vue du jardinage que de la gestion des événements et cela pendant une durée indéterminée. Les entretiens et les cas d’études révèlent cependant des difficultés financières dans la mise en place de ce rôle dans les jardins. En effet, rémunérer ces personnes n’est pas toujours possible pour la ville (Entretiens 3, 4). C’est un rôle qui peut cependant s’avérer très important et favoriser grandement l’implication des habitant-jardiniers et plus globalement la vie du jardin (Entretien 1). Parmi quatre jardins partagés étudiés, seul le jardin d’Adèles possède une personne salariée qui assume, entre autres, ce rôle.
Aujourd’hui trois prestataires sont officiellement mandatés par la ville de Bordeaux et interviennent souvent, avec d’autres professionnels ou organismes, tels que les centres sociaux, dans les différentes phases de l’accompagnement (Annexe 2), (Entretiens 3, 4, 8). Le cas du Jardin de ta sœur met d’ailleurs en lumière le caractère fédérateur que les centres sociaux représentent en mobilisant des habitants sur la durée, en fournissant des espaces et du temps pour accueillir des réunions et en communiquant avec la municipalité au nom d’un quartier (Entretiens 2, 6). La carte (Annexe 4) représente la répartition des aires de la métropole entres ces trois organismes qui guident la création de jardins collectifs : Le Bocal Localrive droite, Les Possibilistesau centre et sud de la métropole et Place aux Jardinsà l’ouest. Ces trois acteurs ont répondu à un appel d’offre lancé entre 2017 et 2018 par la ville de Bordeaux qui engage sur un contrat quatre ans. Pour chaque projet de jardin, les accompagnateurs disposent de quatre-vingts-dix heures réparties sur deux ans. Environ soixante heures doivent être utilisées lors de la première année et trente heures lors de la deuxième. Cet appel d’offre fait suite à la liquidation de l’association Les Jardinsd’Aujourd’huien 2017, qui jouait déjà ce rôle d’accompagnement auparavant avec Place aux Jardins(Entretien 8, 4). En rendant identifiable de tels acteurs, la métropole de Bordeaux affirme la volonté de développer ces espaces en encourageant et en cadrant leur naissance. Ce marché public renouvelé tous les quatre ans permettra à de nouveaux acteurs intéressés par l’accompagnement de jardins de répondre.

Perspectives et limites des impacts de l’institutionnalisation

Il ressort des entretiens et des cas d’étude que la ville de Bordeaux ne finance pas l’accompagnement des jardins au-delà de deux ans et notamment la rémunération d’animateurs ponctuels ou non. Ce manque de moyens a pour conséquence de provoquer une déprise dans certains projets qui demanderaient plus d’accompagnement (Entretiens 1,4). En effet, le nombre d’heures attribuées par la ville aux accompagnateurs peut s’avérer suffisant ou insuffisant selon les jardins partagés. Cela dépendrait pour beaucoup du groupe d’habitants-jardiniers et de leur niveau de compétences et d’engagement en terme de temps. Le jardinage est une activité chronophage et demande une présence régulière, ce que certains habitants mesurent mal (Entretiens 1,3,8). Pour donner deux exemples extrêmes, il est possible pour les accompagnateurs de commencer un projet avec un groupe de personnes qui ont déjà dessiné le jardin, chiffré une partie des travaux, commencé à élaborer les règles du jardin et qui par ailleurs possèdent déjà des compétences en matière de jardinage. À l’inverse on peut avoir un groupe de personnes qui n’ont jamais vraiment jardiné, qui n’ont aucune idée du fonctionnement d’un jardin partagé et du temps que cela demande, mais qui sont motivés pour apprendre. « En plus d’une vingtaine de jardins accompagnés, j’ai eu au moins vingt groupes différents, qui ont produit vingt jardins différents » (Entretiens 8). Le constat de cette grande diversité de cas remet en question le contrat des quatre-vingts-dix heures d’accompagnement qui sont fixes. Il semblerait que certains projets nécessitent plus ou moins d’accompagnement que d’autres. Le problème reste difficile à équilibrer puisque l’objectif final consiste à permettre l’appropriation du jardin par les habitant-jardiniers et à les rendre autonomes. Il ne s’agit pas pour les accompagnateurs de « faire à la place de » (Entretiens 1, 3, 5).

L’équilibre dynamique des jardins partagés : mise en lumière de la complexité des projets à travers un travail de terrain et d’entretiens avec les acteurs clés (Hypothèses 2 et 3)

Pour l’ensemble des acteurs rencontrés, il serait préférable, voire nécessaire, qu’il y ait un besoin ou une initiative partant des habitants pour qu’un projet de jardin partagé ait des chances de fonctionner.
Cependant, plusieurs contre-exemples existent. C’est notamment le cas du jardin Carrés de Cultures qui a été initié par la mairie de quartier avant toute forme d’enquête sociale formelle. Le cas du Jardin de ta sœur montre aussi que la déprise peut survenir quand bien même le projet est une initiative citoyenne (Fiche II), (Entretiens 3, 4, 5). Si la tendance semble plutôt confirmer l’hypothèse n°2, la question de la dynamique sociale du groupe dans un jardin ne permet pas d’en faire une règle absolue. Plus que de « stabilité » ou de « durabilité » il s’agit dans un jardin de trouver un équilibre dynamique. Ce terme nous semble mieux prendre en compte les évolutions potentielles des dynamiques sociales dans un groupe, c’est-à-dire de leur instabilité. L’implication habitante reste la variable essentielle d’un jardin partagé qui fonctionne. La concertation avec des habitants et leur participation à l’émergence du jardin semblent être des conditions inévitables pour atteindre un équilibre dynamique dans le jardin partagé. Le cas de la Ferme Niel nous montre notamment les difficultés que peut éprouver un projet qui n’a pas fait de l’implication habitante sa priorité (Entretien 1) (Fiche III). Ainsi l’hypothèse 3 semble être confirmée à la fois par les discours recueillis et les histoires des jardins reconstituées.

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Table des matières

Introduction générale
Partie I. Les jardins partagés : histoire et processus d’émergence de projets participatifs
I. A. Les jardins partagés dans la famille des jardins collectifs
I. B. Les processus et dynamiques d’émergence des jardins collectifs
I. C. Quelles réalités pour les jardins partagés aujourd’hui ? Approfondissement des questionnements au regard de l’état de l’art
Partie II. Étude de cas dans la métropole Bordelaise. Derrière une étiquette commune, quatre histoires différentes de jardins partagés
II. A. Méthodologie de recherche et présentation du corpus : un travail de terrain mêlant entretiens et recherche documentaire
II. B. Interprétation des résultats : quatre cas révélant la diversité des jardins partagés et l’évolution de leur accompagnement
Partie III. L’influence des jardins partagés sur la fabrique de la ville : la transition écologique en question 
III. A. L’urbanisme remis en question par les jardins partagés à travers la mobilisation citoyenne
III. B. Jardins partagés et agriculture urbaine, positionnement d’un enjeu de la transition écologique
III. C. Les jardins partagés comme vecteurs de résilience : quels apports dans la ville en transition ?
Conclusion générale
Références 

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