Les procédés de narration : le jeu avec le lecteur et la prise de recul 

L’humour chez Jon Scieszka : de l’inversion des rôles à l’inversion du schéma narratif

L’inversion culturelle, ou le jeu sur les stéréotypes

Les albums de jeunesse de notre corpus reprennent des contes traditionnels et patrimoniaux, desquels Jon Scieszka extrait les éléments caractéristiques, afin de les déconstruire et d’amener le lecteur à en rire. L’un des premiers leviers d’écriture de l’auteur est le jeu opéré autour des traits caractéristiques des contes et de la littérature de jeunesse, comme par exemple le jeu sur les figures stéréotypiques, que Jon Scieszka nous fait découvrir sous un angle différent.

Du conte de fée à une banale réalité

Dans l’album Le Prince Grenouille suite… , on perçoit dès le début que nous n’allons pas avoir affaire à une histoire d’amour classique, comme on en rencontre couramment dans les contes de fées : l’histoire débute sur la fin du conte Le Prince Grenouille, et nous découvrons ce qu’il advient une fois que la princesse a délivré le prince de son maléfice en lui donnant un baiser. Le texte et l’image donnent immédiatement le ton : dès la première page, nous avons la fameuse mention « Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps… », à laquelle est associée une illustration du prince et de la princesse, se tenant la main amoureusement. Cette image est cernée de roses entremêlées, formant un cœur autour d’eux.
Dès cette première page, le lecteur est plongé dans un univers amoureux, idyllique, féerique, comme on en rencontre dans de nombreux contes de fées. C’est sur cet aspect caractéristique de personnages filant le parfait amour que Jon Scieszka joue dans un premier temps : traditionnellement, les contes de fées finissent dans un amour et un bonheur complet, ce qui peut être en soi une situation stéréotypique propre à une très grande majorité de contes.
Cependant, dans Le Prince Grenouille suite… , il n’en est rien. Preuve en est lorsque le lecteur tourne cette première page et découvre la suite : la mention « Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps… » s’achève sur des points de suspension, ce qui suscite chez le lecteur l’envie de tourner rapidement la page. Cette fin heureuse est alors immédiatement nuancée, « Eh bien disons que, d’une certaine façon, ils vécurent heureux pendant longtemps » , puis même réfutée « À dire vrai, ils n’étaient pas si heureux que ça. En fait ils étaient même franchement malheureux » . Ainsi, dès les trois premières lignes de cette histoire, on passe du conte de fée à une réalité banale. La fin heureuse que présagent les contes habituellement est modifiée, inversée, et l’on découvre ici une vie amoureuse banale et chaotique, entre un prince et une princesse multipliant les querelles. À ce sujet, le lecteur peut alors s’amuser de la situation : la princesse ne supporte plus son prince grenouille aux vieilles habitudes tenaces, qui ne cesse de sauter sur les meubles, ou encore d’égarer des nénuphars dans le lit conjugal. Ces situations improbables amènent le lecteur à sourire, depar leur aspect inédit, original.

Des figures stéréotypiques remises en cause

L’album La vérité sur l’affaire des trois petits cochons porte principalement sur cette inversion et cette réflexion quant à la figure du loup. Étant traditionnellement un personnage incarnant la menace, la fourberie, la cruauté, il est ici placé en position de victime, et nous raconte lui-même l’histoire des trois petits cochons, en s’expliquant sur les raisons de sa mauvaise réputation. Bien entendu, en tant que victime, il nous explique que cette histoire n’est qu’un malentendu, un complot, un piège dans lequel on a voulu le faire tomber, afin de lui attribuer tous les torts. On passe ainsi d’une figure stéréotypique du mal, de la méchanceté, à un personnage de loup se justifiant, amusant son lecteur, le prenant à parti, afin de le rallier à sa cause. Le loup apparaît comme un personnage tout à fait aimable, faisant un gâteau pour l’anniversaire de sa grand-maman, tout à fait courtois, puisqu’il se rend poliment chez ses voisins les cochons pour demander du sucre afin de terminer sa préparation. Dans cette histoire, ce sont les proies, les cochons, qui semblent tenir le rôle des méchants, selon les dires du loup. Ainsi, jusqu’à la dernière page de l’album le doute est entretenu, et le lecteur ne parvient pas vraiment à prendre position, à croire ou non le récit que le loup lui fait.
De la même manière, ce jeu autour de la figure du loup est entretenu dans Le petit homme de fromage et autres contes trop faits , où il est une nouvelle fois perçu comme un personnage tout à fait normal, dépourvu de cruauté : dans l’histoire du Petit Jogging Rouge, on le voit même s’en aller de la page, discutant avec le Petit Jogging Rouge, comme de vieilles connaissances pourraient le faire. Une nouvelle fois, le loup n’apparaît pas comme le personnage cruel que l’on nous décrit souvent, et cette surprenante attitude amène le lecteur à sourire.
À plusieurs reprises dans Le petit homme de fromage et autres contes trop faits nous rencontrons également la figure du renard rusé, malin, parvenant à ses fins grâce à ses stratégies toujours rondement menées. Dans cet ouvrage où Jon Scieszka s’est amusé de tout, il est évident que la figure du renard est tout autant malmenée : incarnant traditionnellement la malice, la ruse, l’intelligence au service de son intérêt personnel, le renard ne parvient pas toujours à ses fins dans cet album, et va même jusqu’à se faire piéger à son tour. Dans l’histoire de Poule Maboule, où la poule va à la rencontre de tous ses amis, comme dans le conte Poule Plumette, afin de les avertir que le ciel leur tombe sur la tête, on assiste à cette décrédibilisation du renard. Au moment où il fait son entrée, et où dans le conte-source il piège tous les animaux afin de les dévorer, il se fait ici piéger, malgré sa ruse. Il tente pourtant bien d’amener les animaux jusqu’à sa tanière, mais lorsque du ciel tombe la table des matières, venant écraser tous les personnages, le renard n’est pas épargné, et se fait écraser par la même occasion. Ainsi se termine l’histoire. Nous assistons ici à une ruse du renard qui s’est avérée insuffisante, puisque même lui se fait piéger dans cet album où tout n’est que moquerie et déconstruction, et où la mise en page du livre se mêle aux histoires, avec une table des matières atterrissant au milieu d’une histoire, et y mettant fin sur le champ.
Le renard rusé se fait également prendre à son propre piège dans l’histoire du Petit homme de fromage: dans le conte initial, le renard propose au petit bonhomme de pain d’épice de l’aider à traverser la rivière, pour ensuite le dévorer. Il procède de la même manière avec le petit homme de fromage. Cependant, une fois le petit homme de fromage embarqué sur son dos pour traverser la rivière, et une fois arrivés au milieu de cette rivière, le renard perçoit l’odeur du petit homme, et réalise qu’il ne s’agit pas d’un appétissant petit bonhomme de pain d’épice, mais de son substitut peu ragoûtant. Pris par l’odeur, le renard s’étouffe, tousse, et se retrouve piégé dans l’eau, tandis que le petit homme de fromage s’y désagrège.
Une nouvelle fois, la malice du renard ne lui a pas suffi, et malgré tous ses efforts il s’est lui aussi fait piéger, dans cet album où tout a été conçu pour n’être que farce. Le lecteur est alors amené à rire de la situation, puisque pas même la figure stéréotypique de la malice n’a su parvenir à ses fins.

L’inversion des rôles : des frontières floues entre personnage, narrateur et auteur

Compte tenu du bouleversement des codes narratifs caractéristiques des contes, nous pouvons constater un impact sur la perception que le lecteur se fait des personnages. Au-delà même d’un changement de perception, nous pouvons observer ces inversions comme des mécanismes de brouillage des pistes, visant à interroger le lecteur et à flouter les limites entre personnage, narrateur et auteur. En effet, la présence d’un narrateur interne, s’exprimant à la première personne, dans La vérité sur l’affaire des trois petits cochons ouvre un champ de questionnements. A-t-on toujours affaire à un conte ? Ce récit n’est-il pas plutôt un témoignage, comme l’indique la première de couverture donnant l’impression au lecteur qu’il s’apprête à ouvrir la page des faits divers d’un journal ?
Lors de la séance d’expérimentation de découverte de cet album, qui a porté sur l’étude de la première et de la quatrième de couverture, nous nous sommes penchée sur ce point : l’objectif était de repérer des indices de lecture grâce à la première de couverture. La première de couverture a été montrée aux élèves. Ils l’ont observée en silence dans un premier temps. Après cela, quatre questions leur ont été posées. Pour chacune des questions, l’enseignante a pris le soin de demander aux élèves quelles étaient les raisons de leurs réponses, quels avaient été les indices leur permettant de répondre. Nous nous sommes d’abord attachée à repérer les personnages que nous allions rencontrer dans cet album : un loup et trois cochons, que l’on voit s’envoler lorsque le loup leur souffle dessus.
Nous nous sommes ensuite intéressée à la question « Qui va raconter l’histoire ?
Comment le sais-tu ? », qui visait à percevoir que nous allions assister à un témoignage du loup, racontant sa version de l’histoire. Cette question a posé quelques difficultés aux élèves et a demandé un peu plus de réflexion : certains élèves ont répondu que « Nathan » allait nous raconter cette histoire. Nous avons remarqué une confusion avec l’éditeur du livre.
Certains élèves ont perçu cela et ont répondu qu’il s’agissait de la collection de l’album. Bien que la réponse ne soit pas exacte et que la confusion entre éditeur et collection demeure, on peut tout de même souligner le fait que les élèves aient rapidement éliminé cet indice.
Beaucoup d’élèves ne semblaient pas trouver de réponse à la question, ou étaient hésitants.
La quatrième de couverture a permis aux élèves de comprendre que la première de couverture représentait la Une d’un journal. Cet élément n’avait pas été identifié, et la quatrième de couverture étant constituée de paragraphes de journaux assemblés pêle-mêle, cela a permis à la classe de comprendre cet aspect important. Les élèves se sont alors constitués un horizon d’attente, et ont imaginé que l’on allait avoir la vérité sur cette histoire que le loup nous raconte ici, comme un reporter, qui se revendiquera même par la suite victime de cette histoire.

Les procédés de narration : le jeu avec le lecteur et la prise de recul

La narration à la première personne et l’adresse au lecteur

Un plaidoyer très orchestré…

La narration à la première personne dans La vérité sur l’affaire des trois petits cochons et ce changement de focalisation, au-delà de la transgression vis-à-vis des conventions narratives du conte, ouvre au lecteur de nouvelles perspectives : le loup est un personnage, mais aussi le narrateur. De cette manière, Jon Scieszka tente d’amener le lecteur à saisir la psychologie du personnage, ses pensées, ses opinions propres. Nous nous retrouvons alors dans une situation de proximité avec le personnage, qui nous invite à entrer dans sa version des faits et à le croire.
On remarque à de très nombreuses reprises que cette narration à la première personne permet au loup de s’adresser directement au lecteur : il commence son récit en nous invitant : « Personne ne connaît la vérité, parce que personne ne connaît ma version de l’histoire » , avec « ma » en italique dans le texte, ce qui donne à la lecture un effet d’accentuation, d’insistance. Le loup prétend détenir la vérité, et dès la première page le lecteur est alors incité à croire ce qu’il s’apprête à lire. À la page suivante, le conte des Trois Petits Cochons est immédiatement remis en cause, de manière explicite, et avec un langage qui fait à nouveau sourire le lecteur, avec une formulation qui amuse et qui se met à la portée d’un jeune public : « Je ne sais pas comment cette affaire de Grand Méchant Loup a démarré, mais c’est des salades » . Le loup se justifie ensuite, en excusant sa nature de loup, de prédateur, qui lui confère cette image monstrueuse, qu’il réfute. L’exercice de plaidoirie du loup est parfaitement orchestré, et à la page suivante il en vient même à exhiber son tableau noir et sa baguette de professeur, afin de nous faire la démonstration très argumentée de son innocence. Il nous annonce alors, sur la page suivante, avec une illustration occupant tout l’espace : « VOICI LA VÉRITÉ » . Cette mise en page et le rôle de cette illustration agissent sur le lecteur comme une annonce solennelle invitant à la lecture de la suite, et l’on s’empresse alors de tourner la page afin de découvrir cette fameuse vérité que détiendrait le loup.
La stratégie employée par le loup ne s’arrête pas seulement à ce plaidoyer parfaitement élaboré : on remarque à de nombreuses reprises que le loup s’adresse directement au lecteur, avec des formulations telles que « Je vous le demande, qui aurait l’idée de construire une maison en paille ? » , « Et vous savez quoi ? Toute cette sacrée maison de paille s’est écroulée » ou encore« Eh bien, croyez-moi si vous le voulez, mais la maison de ce type s’est écroulée » . Ces nombreuses adresses au lecteur visent à créer un lien de proximité avec le lecteur. En effet, pris à parti de cette manière, le lecteur est très fortement incité à se rallier à la cause du loup, il est amené à comprendre la logique de la situation comme le loup la perçoit, afin de comprendre qu’il n’est pas coupable des crimes qui lui sont reprochés. Le lecteur est alors pris dans ce mécanisme, Jon Scieszka réussit à faire entrer le lecteur dans son univers, où l’on prend le stéréotype du loup tel qu’on le connaît à contresens. On assiste à un espèce de piège, qui se referme lentement sur le lecteur, qui croit au récit justifié et amusant que le loup lui fait. Le loup parviendrait presque à faire croire à son innocence.

Une connivence où le personnage se moque de son créateur et de son lecteur

Le lien de connivence est un aspect clé de l’univers de Jon Scieszka. Dans Le petit homme de fromage et autres contes trop fait , nous découvrons avec surprise, après lecture de quelques histoires saugrenues, que Jack, notre narrateur-perturbateur est également un personnage de conte trop fait lui aussi, avec sa propre histoire. Le rôle de Jack prend alors  un tout autre sens, et achève de troubler le lecteur : Jack est à la fois le narrateur de toutes les histoires, le personnage d’une des histoires, et le concepteur-régisseur de l’album, veillant à sa bonne organisation. Il apparaît alors comme une entité ayant en quelques sortes les pleins pouvoirs sur cet album, qui semble être son terrain de jeu.
En premier lieu, nous pouvons constater que Jack joue sur les conventions d’écriture, ce qui confère à l’album cet aspect amusant et déroutant : comme nous l’avions expliqué, la petite poule rousse raconte son histoire avant même que l’on ait lu la page de titre, puis Jack intervient et la renvoie car cette fameuse page de titre « rapplique » . On remarque d’autres jeux de la sorte sur la paratextualité et tout ce qui est lié aux conventions de présentation et de mise en page du livre : la page de dédicace est, de la même manière, tournée en ridicule, puisqu’elle est placée à l’envers, et Jack explique au lecteur qu’il l’a « fait exprès pour vous embêter » . Enfin, il achève sa critique en nous demandant « Vous vous intéressez aux dédicaces ? Que voulez-vous que ça me fasse ? » , en nous faisant bien comprendre que, selon lui, cette page de dédicace n’est jamais regardée par les lecteurs, elle est donc inutile, et c’est pourquoi Jack peut se permettre d’en faire n’importe quoi. Pour couronner le tout, la dédicace, à l’envers sur la page, est rédigée ainsi : « Ce livre est dédié à notre très cher ami : (inscrivez votre nom ici) » . Jusqu’au bout, cette dédicace n’est que moquerie, et l’on fait un petit clin d’œil humoristique au lecteur, qui qu’il soit, en lui dédicaçant l’ouvrage. On peut ainsi se demander si c’est bien Jack qui se moque de ces conventions, ou s’il se moque de Jon Scieszka en s’amusant à mettre à mal la présentation du livre. De fait, le lecteur adulte comprend bien que l’auteur prend un malin plaisir à brouiller les pistes et se délecte de toutes ces transgressions, tandis que le jeune lecteur se questionne, et se doit de prendre une nouvelle fois du recul afin d’apprécier ces jeux sur la narration et les conventions d’écriture.
Les conventions d’écriture sont également tournées en ridicule à la fin de plusieurs conte trop faits, où il est écrit « Fin. » . Cette indication peut porter le lecteur, adulte et enfant, à sourire, puisque l’on constate très régulièrement en classe qu’à l’issue d’une production d’écrit, les élèves ont tendance eux aussi à écrire le mot « fin »à la fin de leur récit. Au sein de notre classe, ce point a été constaté, et très régulièrement en rédaction nous rappelons aux élèves que cette mention n’est pas nécessaire à la clôture d’un écrit. Ainsi, le fait de voir dans un livre le mot « fin »a fait sourire les élèves, qui ont été interpellés par le fait que ce mot apparaisse dans un album de jeunesse, alors que nous leur demandons de ne plus le faire apparaître dans les productions. Cette moquerie très enfantine sur les règles d’écriture n’a pas manqué de distraire les élèves, qui ont alors saisi le caractère transgressif en tous points du Petit homme de fromage et autres contes trop faits.

La distanciation de l’élève-lecteur face aux actes d’écriture et de lecture

L’intratextualité : percevoir les clins d’œils, prendre de la distance et construire des ponts

La connaissance du conte-source est-elle un pré-requis à l’étude des contes détournés ?

À la lecture des contes détournés de Jon Scieszka, de nombreuses références rappellent aux lecteurs certains contes traditionnels et patrimoniaux que tout le monde connaît. Cependant, la connaissance de ces contes-sources est-elle nécessaire à l’étude de contes détournés ? L’enjeu véhiculé par cette étude est très ambitieux, et comme Christiane Connan-Pintado le rappelle, les contes détournés sont des « objets littéraires complexes qui font appel à la culture du lecteur et à son aptitude à tisser des liens entre texte second et texte premier » , c’est également la raison pour laquelle Gérard Genette désigne les contes détournés comme une « littérature au second degré » . Le fait de solliciter les références des élèves à propos des œuvres qu’ils connaissent participe à leur inscription dans une communauté de lecteurs, où nous avons tous les mêmes références, auxquelles nous pouvons nous reporter, nous rattacher, comme ici avec les contes traditionnels et patrimoniaux que l’on rattache aux détournements contemporains. Nous pouvons rattacher cela au concept de bibliothèque intérieure, comme le définit Catherine Tauveron : « la bibliothèque du lecteur, c’est-à-dire toutes les histoires lues qui viennent converger, se bousculer, se chevaucher, se multiplier dans la rencontre ».
Compte tenu de ces remarques, nous constatons que les contes détournés visent à solliciter le lecteur d’une autre manière, par l’appel à ses connaissances antérieures des textes littéraires, et notamment des contes, qui sont la « première nourriture littéraire des enfants » , visant à leur ouvrir « les sentiers et les routes de la lecture littéraire » . Dans cette optique, il semble évident pour Christiane Connan-Pintado que la connaissance des contes originaux dont les contes détournés s’inspirent soit un pré-requis, c’est une étude préalable à celle des œuvres contemporaines de notre corpus. Dans le cadre de notre étude, les contes-sources n’ont pas été revus au préalable, puisque nous nous sommes basée sur l’idée selon laquelle les élèves avaient déjà rencontré ces histoires dans leur scolarité antérieure, les contes étant des objets littéraires fréquentés soit dans le cadre familial, soit dans le cadre de la scolarité pré-élémentaire et en début de cycle 2, comme le rappelle Christiane Connan-Pintado , qui affirme que l’école se doit d’initier les élèves le plus tôt possible aux textes patrimoniaux, et donc aux contes. De plus, cela nous a permis de faire des constats sur les contes détournés que nous avons choisi d’étudier dans le cadre de notre recherche, afin de voir si ces contes que nous considérons comme connus de tous l’étaient vraiment en réalité, ou non.
Le recueil de données et les séances réalisées en classe ont montré que les élèves étaient familiarisés à l’histoire des Trois Petits Cochons, qu’ils ont tout de suite reconnu lors de l’étude de La vérité sur l’affaire des trois petits cochons . En revanche, l’histoire du Prince Grenouille leur était inconnue, et les élèves ont, de manière récurrente, émis des confusions entre ce conte et le dessin animé réalisé par les studios Disney : La Princesse et la Grenouille, qui met en scène les mêmes personnages. Ainsi, l’étude de l’œuvre originale n’a pu être réalisée longuement en classe, mais nous avons tout de même pris le soin de raconter à la classe l’histoire du Prince Grenouille, afin de pouvoir ensuite étudier les variations proposées dans Le Prince Grenouille suite… , et afin de ne pas véhiculer de contresens.

Une ouverture au niveau de lecture le plus complexe

Ainsi, par toute la complexité inhérente aux œuvres de Jon Scieszka, les élèves développent des compétences littéraires très précises et également complexes. Comme nous l’avons expliqué, les albums de Jon Scieszka tendent tous les trois à susciter la distanciation chez le lecteur. Cette distanciation, cette prise de recul, ouvre l’accès à un niveau de sens supérieur, puisqu’elle permet à l’élève de percevoir les clins d’œil, les références, et lui offre la possibilité de comprendre les procédés littéraires inhérents au détournement et à la parodie, afin de mieux les apprécier et d’en rire pleinement.
De plus, cette distanciation éveille également l’esprit critique de l’élève, qui doit ici sans cesse remettre en question la véracité de ce qu’il est en train de lire. Ceci constitue un aspect majeur de la formation de l’élève qui se doit, dans le monde dans lequel nous évoluons, d’être capable de se faire son propre avis sur ce qui l’entoure, et d’exercer un regard critique vis-à-vis de ce qu’il peut entendre ou lire dans toutes les situations possibles de communication.
Les moments de doutes dans l’univers de Jon Scieszka, lorsque les limites deviennent floues et que le récit se mêle à une part de réalité, lorsque les différents rôles sont endossés par un narrateur-personnage, et par un narrateur-personnage-concepteur, laissent au lecteur la possibilité d’interpréter ce qu’il est en train de lire. Dans La vérité sur l’affaire de trois petits cochons notamment, les blancs laissés volontairement par le loup, et la fin remettant tout le récit en question, laissent au lecteur l’occasion de se questionner, et de comprendre le récit tel qu’il l’entend. La compétence interprétative, comme Catherine Tauveron le mentionne, doit laisser aux élèves la possibilité de tolérer toutes les interprétations, et les interprétations des élèves deviennent également de plus en plus acceptables à mesure que les éléments du texte sont de plus en plus pris en compte. Ainsi, le texte, et les illustrations dans le cas de l’album, doit être utilisé comme un outil d’argumentation, visant à justifier les différentes interprétations des élèves.
C’est en ce point que la compétence interprétative se doit d’être développée en classe, et c’est précisément là que réside toute la richesse du corpus sur lequel s’est basé notre recherche. Le lecteur peut alors se prêter à diverses activités de lecture et endosser différents rôles : il peut tantôt devenir détective et rassembler les pièces éparses du puzzle afin de mieux comprendre, de manière rétrospective, tout l’enjeu de l’histoire qu’il vient de lire ; il peut également se mettre dans la peau d’un stratège, afin d’anticiper, ou de tomber, dans les pièges tendus par l’auteur ; il peut également se faire tisserand, et relier les mots, les textes, les images, l’intertexte et l’intratexte, afin d’enrichir sa bibliothèque intérieure, et de créer desliens entre toutes les œuvres qu’il a pu rencontrer et qu’il connaît.

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Table des matières
Introduction
I – L’humour chez Jon Scieszka : de l’inversion des rôles aux inversions de la narration 
1) L’inversion culturelle, ou le jeu sur les stéréotypes
a) Du conte de fée à une banale réalité
b) Des figures stéréotypiques remises en cause
2) Les inversions des codes narratifs du conte
a) Du changement de focalisation à la volonté d’un retour à la situation initiale
b) L’inversion des rôles : des frontières floues entre personnage, narrateur et auteur
II – Les procédés de narration : le jeu avec le lecteur et la prise de recul 
1) La narration à la première personne et l’adresse au lecteur
a) Un plaidoyer très orchestré
b) … mis en doute par l’illustration
2) Un narrateur-personnage qui permet d’établir des liens de connivence avec le lecteur
a) Une connivence où l’auteur se moque de son personnage
b) Une connivence où le personnage se moque de son créateur et de son lecteur
3) La sollicitation du lecteur par l’illustration
a) Une place prédominante qui interpelle le lecteur
b) Des effets de rythme produits par le jeu des illustrations
III – La distanciation de l’élève-lecteur face aux actes d’écriture et de lecture 
1) L’intratextualité : percevoir les clins d’œil, prendre de la distance et construire des ponts
a) La connaissance du conte-source est-elle un pré-requis à l’étude des contes détournés ?
b) Un corpus à lire en réseau afin d’explorer l’univers de Jon Scieszka
2) La mise en abyme : écrire ou lire son histoire
3) Une ouverture au niveau de lecture le plus complexe
Conclusion 
Bibliographie
ANNEXES

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