Les problématiques liées à la participation sociale et à l’appropriation du domicile

Questionnement relevant de la pratique professionnelle

   L’ergothérapeute peut être amené, dans les services de soins en psychiatrie notamment, à rencontrer et prendre en soin des personnes sans domicile fixe. Face à ces personnes en situation de très grande précarité, et souvent porteurs d’une pathologie psychique lourde, les professionnels de santé peuvent être en difficultés à proposer une prise en soin adaptée et pérenne (3). Des questions peuvent se poser concernant cette prise en soin. Sa maladie psychique l’empêche t’elle d’être tout à fait autonome ? Dois t’on lui imposer une façon de vivre socialement acceptable ? Comment avoir une pratique patient-centrée, dans le respect des désirs et des besoins de la personne, aussi différents de la norme soient ils ? La prise en soin autour d’une personne très précaire nécessite l’intervention de professionnels du secteur social. Comment l’ergothérapeute se positionne t’il afin de rendre son intervention complémentaire à celle des travailleurs sociaux ? Comment aborder la prise en soin d’une personne totalement désinsérée et ayant de grosses problématiques sociales dans un contexte multifactoriel, afin de la rendre pertinente et en l’inscrivant dans une intervention pluridisciplinaire ?

Une question socialement vive

  La question des personnes sans domiciles fixes relève de questionnements sociaux mais aussi du domaine de la santé publique. La grande précarité amène une plus grande vulnérabilité des personnes et notamment sur les questions relatives à la santé. L’accès aux soins est plus complexe (pas de moyens financiers, pas de logement, une difficulté d’accès aux démarches administratives) et participe à creuser les inégalités de santé avec le reste de la population. L’ARS (Agence régionale de Santé) a mis en place le PRAPS (Programme d’accès aux soins et à la prévention) en 2012 (4). Ce plan régional avait pour vocation à :
-réduire les inégalités en santé
-favoriser l’accès aux droits et aux soins des publics en situation de précarité
-promouvoir des actions de réductions des risques chez les public usagers de drogue.
Il permet de subventionner des projets à destination des publics cibles, ici les populations en situation de grande précarité. Parmi eux, les jeunes en errance, les migrants et les personnes sans abri. Ce plan devrait être reconduit pour les quatre années suivantes (2018-2022), soutenu par la loi de modernisation de la santé (26 janvier 2016) et la notion de parcours de soin. De plus, la ville de Marseille s’est dotée d’un Conseil D’Orientation en Santé Mentale (COSM) en 2006, qui vise à créer un espace de réflexion et de partage sur les problématiques liées à la santé mentale et notamment à la ré-insertion des personnes atteintes de pathologies psychiques (5). Le COSM en 2017 préconise trois objectifs opérationnels, dont celui de « Favoriser l’inclusion dans la cité des personnes présentant un trouble psychique grave avec ou sans handicap. ». Pour répondre à cet objectif, il préconise de développer l’accompagnement des personnes dans l’emploi mais aussi au logement. La question des personnes sans domicile fixe en situation de handicap psychique est largement abordée à Marseille et les recherches sur le sujet sont nombreuses.

Les outils traditionnels ne sont pas assez spécifiques

   Pour Tryssenaar et al. (2000), les outils habituels de l’ergothérapeute ne sont pas adaptés à la situation des personnes sans domiciles et atteintes de pathologies psychiatriques (15). Par exemple poser en entretien les questions habituelles sur la réalisation d’activités liées au logement, ou encore sur le travail pourraient être incongrues. L’entretien clinique lui-même ne semble pas adapté et pourrait, dès l’entrée en relation, mettre de la distance entre l’ergothérapeute et le client. Ces auteurs ont expérimenté le modèle conceptuel OPPM (Occupational Performance Process Model) sur une population itinérante dans un refuge. Dans cette expérience, des stagiaires en ergothérapie avaient pour objectifs d’évaluer les personnes grâce notamment à la MCRO , les 7 étapes de l’OPPM et avec pour fondement les principes de Bachrach. Elles se sont rendues compte de l’impossibilité de réaliser des évaluations conventionnelles et ont choisi de se diriger vers les activités pour arriver à obtenir la coopération de la population . Les personnes itinérantes et atteintes de pathologies psychiatriques requièrent un cadre, un timing d’intervention différent et des changements dans les priorités (15)

Les facteurs qui aggravent la situation des personnes sans abri

   Le fait d’être atteint d’une pathologie mentale est un facteur qui impacte négativement les performances des personnes dans les soins personnels, les loisirs ou encore la productivité (7). Dans le cas de pathologies mentales graves comme les psychoses, la sécurité des personnes à domicile est souvent précaire voire impossible sans aide ou stratégies mise en place (16). En effet, comme l’ont constaté Des ormeaux-moreau et al. (2015), à cause des troubles du comportement engendrés par la maladie (l’accumulation d’objets par exemple), les personnes se mettent en danger (16). Les problèmes de gestion financière ainsi que les problématiques sociales qui découlent de la maladie peuvent être responsable d’une éviction du logement. Les problèmes de santé physique et mentale peuvent être à l’origine de la précarité ou à l’inverse, avoir été causés par la vie dans la rue. Les facteurs sociaux, historique et culturels joueraient un rôle non négligeable dans situation des personnes sans domicile fixe. Gerlach en 2015 soutient que la prise en compte de l’intersectionnalité, c’est à dire de tous les facteurs défavorisants entrant en jeu, est primordiale afin d’aider ces personnes (9). Il préconise une vision de l’ergothérapie emprunte d’action sociale et de justice. Le manque de soutien environnemental envers la population itinérante serait un facteur aggravant de la situation des SDF au Canada (15). Des ressources physiques et humaines seraient nécessaires afin d’aider ces personnes à une reinclusion dans la société.

Différentes modélisations du concept de santé

   Les définitions de la santé se sont enrichies au cours du temps. Au début du 20ème siècle, « la santé est la vie dans le silence des organes » (René Leriche, 1936), c’est à dire le bon fonctionnement du système biologique. Cette définition a évolué et la prise en compte de facteurs tels que l’environnement ou encore les facteurs liés au style de vie sont actuellement inhérents à la définition de la santé d’un individu ou d’une population. L’organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que d’autres auteurs se sont attelés à définir et à créer des modèles afin d’inclure ces paramètres, et notamment les paramètres sociaux, dans la détermination d’une situation de santé. Selon l’OMS, santé physique (silence des organes), psychique (bien-être) et sociale (participation sociale satisfaisante) doivent être en équilibre pour que l’individu soit considéré en santé. Selon la définition de la charte d’Ottawa (1986) « La santé exige un certain nombre de conditions et de ressources préalables, l’individu devant pouvoir notamment : se loger, accéder à l’éducation, se nourrir convenablement, disposer d’un certain revenu, bénéficier d’un écosystème stable, compter sur un apport durable des ressources, avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable. ». Les facteurs à l’oeuvre ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit de diagnostiquer, traiter une maladie que s’il s’agit de mettre en place des situations porteuses de santé (20). Les déterminants sociaux de la santé (DSS) sont définis par l’OMS comme étant « les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des individus ou des populations » (OMS, 1999). Les facteurs entrant en compte sont pour la plupart externes à l’individu. Le système médical classique est donc impuissant contre ces facteurs : sociaux, politiques, culturels, économiques et environnementaux qui déterminent les conditions de vie des personnes (21) . Pourtant, s’ils ne sont pas pris en compte, soigner la maladie n’améliorera pas de façon durable l’état de santé de la personne (22). La commission des déterminants de santé de l’OMS 2011a propose un schéma pour récapituler les DSS. On constate donc que les facteurs biologiques et psychosociaux entrent en compte, mais aussi les éléments dit contextuels, et notamment les conditions de vie avec l’habitat. Un autre modèle, le modèle de Dahlgren et Whitehead (2012), présente les déterminants de la santé en 4 niveaux :  Les facteurs intrinsèques de la personne (âge, sexe et constitution) sont les déterminants au cœur du modèle pour la santé de la personne. Les extrinsèques et donc susceptibles d’être modifiables, sont répartis sur trois autres niveaux : liés au style de vie, liés aux réseaux sociaux et communautaires et liés aux conditions socio-économiques, culturels et environnementaux. Encore une fois, les facteurs de santé ne sont donc pas seulement imputables à l’individu et à sa constitution purement biologique mais aussi à la communauté, la catégorie socio-économiques dans laquelle il vit, son environnement physique et notamment son logement. Constandriopoulos (2006) développe un concept de santé différent de celui de l’OMS (20). Pour définir la santé, il détermine quatre « qualités fondamentales de l’être humain », qui devraient être en équilibre :
-l’être biologique . La santé biologique correspond au terme classique de la santé : « le silence des organes »
-l’être social, interactif et dépendant de son environnement. Il définit la santé sociale comme l’adaptation de l’homme aux environnements physiques, sociaux, symboliques dans lequel il est situé et sa capacité à mobiliser ses ressources.
-l’être réflexif, de connaissance et de rationalité.
-l’être d’émotions, de sensations, de désirs
La santé psychique est quant à elle relative au bien-être, à la notion de bonheur et de désir achevé (ou potentiellement atteignable). Enfin, l’être réflexif doit être capable de réfléchir sur les composantes sociales, biologiques et d’émotions de sa santé de manière objective. Il doit pour cela disposer des connaissances nécessaires. Les représentations qu’ont les personnes de la santé, qui peuvent être influencées par la culture, le niveau social et bien d’autres critères, jouent un rôle primordial dans la conduite sociale que va tenir la personne pour se soigner. Les modèles cités précédemment servent de base dans les réflexions autour des notions de santé publique. Ils nous incitent à penser que la personne et sa santé doivent être considérés dans leur globalité, et d’autant plus lorsque les facteurs sociaux, psychiques et physiques sont intriqués.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Questionnement relevant de la pratique professionnelle
1.3 Une question socialement vive
1.4 Thème général
1.5 Problématique pratique
1.5.1 Méthodologie de l’état des lieux de la recherche
1.5.2 Revue de littérature : le point de vue des auteurs
1.5.3 Enquête exploratoire
1.5.4 Mise en problématisation pratique
1.6 Problématique théorique
1.6.1. Le concept de santé aujourd’hui et le lien avec l’ergothérapie
1.6.2 La participation en ergothérapie
1.6.3 Participation, adhésion et refus du soin dans le cadre de la maladie psychique
1.6.4 Modèles de l’évaluation
1.6.5. Le logement…ou quand habiter ne va pas de soi
1.7 Emergence de l’objet de recherche
2 Matériel et méthode
2.1 Choix de la méthode
2.2 Population
2.3 Construction de l’outil d’entretien
2.3.1 Théories convoquées
2.3.2 Matrice théorique et grille d’observation
2.2.3 Grilles d’entretiens par thème
2.4 Déroulement de l’enquête
2.5 Traitement des données et conventions
3 Résultats
3.1 Présentation des données récoltées en entretien et grille d’observation
3.1.1 Grille d’observation (Annexe 4)
3.1.2 Eléments de l’entretien réinjectés dans la grille d’entretien
3.2 Analyse des données
3.2.1 L’appropriation du domicile
3.2.2 L’occupation à domicile
3.2.3 Gestion de la santé physique et mentale
3.2.4 Lien avec l’extérieur
3.2.5 Éléments hors cadre
4 Discussion des données
4.1 Interprétation
4.2 Le lien avec l’objet de recherche
4.3 Discussion autour des résultats et critique du dispositif de recherche
4.3.1 Discussion autour des résultats
4.3.2 Critique du dispositif
4.4 Conclusion et perspectives de recherche
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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