Les principes theoriques soustendant les conceptions popperienne et habermassienne de l’opinion publique

Comme presque tous les concepts, celui de l’opinion a connu également une longue histoire. En effet, vers le VIème siècle avant Jésus-Christ, la rationalité philosophique et scientifique des grecs s’est donnée comme tâche de combattre l’opinion (la doxa) qui représente la voix du préjugé, à savoir ce qui est approuvé avant d’être jugé. Ainsi, refusant de se justifier, l’opinion ne peut s’appuyer que sur le pouvoir de la tradition, de la politique, des mœurs, des images sensibles, etc. Cependant, même si avec l’avènement du monde moderne, le sens péjoratif de la doxa se perpétue sous de nouvelles appellations comme préjugé, prévention, superstition, obscurantisme…, il est indéniable que c’est plutôt son sens positif, politique qui va dominer le débat. Ainsi devient-elle l’exigence de droit et partant, de liberté citoyenne. Et puisque la liberté selon les Lumières consiste dans le pouvoir de l’individu d’user librement de sa propre raison pour pouvoir justifier ses opinions en vue d’obtenir la libre adhésion des autres à celles-ci, il ne serait donc pas naïf à notre avis, de définir l’opinion publique comme la vision commune d’un nombre déterminé d’individus libres sur une chose bien déterminée. Et c’est justement dans cette définition de l’opinion publique que se situe le statut de celle-ci chez le philosophe autrichien Karl Raymond POPPER et chez le philosophe allemand Jürgen HABERMAS. Autrement dit, pour ces derniers, l’opinion publique devrait être cette instance qui examinera les problèmes de la société afin de les transmettre sous forme d’arguments, à l’Etat.

VIE ET ŒUVRE DE POPPER ET HABERMAS

Si Karl Raymond Popper est un philosophe autrichien qui est né à Vienne en 1902 ; Jürgen Habermas qui est un philosophe allemand doublé de sociologue, est né en 1929 à Düsseldorf même s’il agrandi dans le milieu bourgeois d’une petite ville de province dénommée Gummersbach. Leur bibliographie, faut-il le souligner, est celle de deux universitaires aux compétences diverses et variées. En effet, déjà professeur de mathématiques et de physique dans un lycée en 1929, Popper rédige son premier livre dont un résumé paraît en 1934 (La logique de la découverte scientifique). Il rencontre en 1936 à Londres son compatriote l’économiste Hayek, au séminaire duquel il lit Misère de l’historicisme, ouvrage de Popper. En outre, il accepte en 1937 un poste de professeur de philosophie en Nouvelle-Zélande, où il écrit son ouvrage intitulé La société ouverte et ses ennemis. Aussi devient-il professeur, grâce à Hayek, de logique, puis de méthodologie à la London School of Economics, qu’il quitte en 1969, non sans y avoir formé de nombreux élèves. Certains d’entre eux, comme Jmre Lakatos et Paul Karl-Ferabend, le critiquent par la suite sans indulgence. Il est mort en 1994, dans la banlieue de londres. Si tel est le cas pour Popper ; Habermas qui appartient à la seconde génération de l’Ecole de Francfort a fait ses études universitaires en philosophie, de 1949 à 1954, auprès de Nikolaï Hartmann à Göttingen, de Hans Barth à Zürich, de Erich Rothacker et Oskar Becker à Bonn ; mais aussi ses études philosophiques vont de pair avec une ouverture interdisciplinaire, vers l’histoire, la psychologie, la littérature allemande et l’économie. A ce titre, et Habermas et Popper font partie de ce que Marie Hélène Bernard Douchez a magnifiquement dénommé les « esprits migrateurs » , -c’est-à dire des penseurs aux disciplines diverses et variées- dans la mesure où ce dernier aussi, à partir d’une médiation sur les travaux de logique et d’épistémologie, débouche sur la philosophie politique, l’économie politique, la sociologie, l’anthropologie et la biologie .

Cela dit, en 1954, Habermas soutient son doctorat (Promotion avec une étude sur la philosophie des Weltater de Schelling ; puis il fait des recherches sur l’histoire du concept d’idéologie. Parallèlement, il avait déjà des activités journalistiques, écrivant des articles sur la littérature et le théâtre notamment ; et d’une façon générale, il ne cessera jamais de publier de très nombreux articles et comptes rendus dans la presse et dans les revues. De 1956 à 1959, il devient l’assistant de Théodor W. Adorno à l’Institut für Sozial Forschung (qui, fondé en 1923, a constitué le noyau institutionnel de « l’Ecole de Francfort » et qu’en 1950, au retour de leur émigration américaine pendant le nazisme, Max Horkheimer et Adorno avaient réinstallé à Francfort) ; c’est là que J. Habermas devient sociologue et participe à des recherches. Pourtant, c’est à l’université de Marburg et en sciences politiques, sous la direction de Wolfgang Abendroth, qu’il soutient en 1961 sa grande thèse (habilitation), déjà terminée en 1959 mais que Horkheimer n’avait pas acceptée à Francfort directement exigeant qu’il fasse au préalable encore une étude complémentaire de sociologie empirique. La thèse elle-même, consacrée à une archéologie sociohistorique de l’opinion publique comme dimension constitutive de la société bourgeoise, est publiée en 1962 sous le titre Strukturwandel der Öffentlichkeit (en français : L’espace public). Dès avant la soutenance, il avait été appelé à occuper un poste de professeur (« extraordinaire ») de philosophie à l’université de Heidelberg auprès de Hans Georg Gadamer, dont la pensée herméneutique va durablement marquer sa propre réflexion et de Karl Löwith (auquel il consacra l’une des études publiées dans les Profils philosophiques et politiques). En 1964, il est nommé professeur (ordinaire) de philosophie et sociologie à l’université de Francfort, devient ainsi le collègue de son ancien maître Adorno qui mourra en 1969. Habermas, faut-il le signaler, vit encore. Venons en maintenant à leur œuvre qui est riche et nombreuse. En premier lieu les ouvrages (non exhaustifs) écrits par Popper et traduits en français :
– La logique de la découverte scientifique, Edition française, Paris, Payot, 1973.
– Misère de l’historicisme, Edition française, Paris, Plon, 1956.
– La société ouverte et ses ennemis, Edition française, tome 1 : L’Ascendant de Platon, Paris, Seuil, 1979.
– La société ouverte et ses ennemis, Edition française, tome 2 : Hegel et Marx, Paris, Seuil, 1979.
– La quête inachevée, Edition française, Paris, Calmann-Lévy, 1981.
– Conjectures et réfutations, Edition française, Paris, Payot, 1985.
– « La logique de sciences sociales », dans La querelle allemande des sciences sociales, Bruxelles, Edition Complexe, 1979, pp. 75-90.
– « Raison ou révolution ? » dans La querelle allemande des sciences sociales, Bruxelles, Edition Complexe, 1979, pp. 75-90.
– La télévision : un danger pour la démocratie, Anatolia, 1995.
– La leçon de ce siècle, Anatolia, 1993.
– La connaissance objective, Aubier, 1978.
– L’univers irrésolu, plaidoyer pour l’indéterminisme, Hermann, 1986.
– Le réalisme et la science, post-scriptum à « La logique de la découverte scientifique», Hermann, 1990.

En second moment, les ouvrages (non exhaustifs) écrits par Habermas et traduits en français :
– L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Edition Payot, 1993.
– Morale et communication, conscience morale et activité communicationnelle, les Editions du Cerf, 1986.
– De l’éthique de la discussion, les Editions du Cerf, 1992.
– Ecrits politiques, culture, droit, histoire, les Editions du Cerf, 1990.
– Textes et contextes, Essai de reconnaissance théorique, les éditions du Cerf, Paris, 1994.
– La pensée postmétaphysique, Essais philosophiques, Editions Armand Colin, Paris, 1993.
– La technique de la science comme idéologie, Paris, Gallimard, 1973.
– Théorie et pratique, Tome I et II, Paris, Payot, 1975.
– Connaissance et intérêt, Paris, Gallimard, 1976.
– Après Marx, Paris, Fayard, 1985.
– Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988.
– Raison et légitimité, Paris, Payot, 1976.
– Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard, 1997.
– Théorie de l’agir communicationnel, tome I. Rationalité de l’agir et rationalisation de la société, Tome II. Critique de la raison fonctionnaliste, Paris, Payot, 1987.

Cela dit, nous essaierons de mettre en relief, dans la sous partie qui va suivre, les présupposés théoriques qui sous-tendent les conceptions poppérienne et habermassienne de l’opinion publique.

DU FAILLIBILISME POPPERRIEN A LA PRAGMATIQUE UNIVERSELLE ET A LA THEORIE DE L’AGIR COMMUNICATIONNEL HABERMASSIENNES

Puisque ce travail de mémoire se vaut synthétique, nous suivrons donc l’affirmation de Martin Heidegger selon laquelle « le respect d’un penseur n’est rendu que par la pensée : ce qui exige de penser l’essentiel pensé dans sa pensée » . Ainsi, si le principal présupposé théorique chez Popper consiste dans la faillibilité de la nature humaine qui lui interdit par conséquent de prétendre à « une connaissance absolument certaine » ; chez Habermas au contraire, les principaux présupposés théoriques sont la pragmatique universelle et la théorie de l’agir communicationnel. Et le rôle qu’Habermas assigne à la pragmatique universelle est de mettre en place les règles de l’argumentation en général » tout en sachant que celles-ci n’auront de sens que si elles fondent en raison le « principe d’universalisation ». En effet, « le rôle que peut jouer en cela, dira-til, l’argument pragmatico-transcendantal se définit maintenant par le fait qu’il est possible, grâce à lui, de démontrer comment le principe d’universalisation [« u »], faisant fonction de règle argumentative, est à l’état d’implicite dans les présuppositions de l’argumentation en général. Cette exigence sera satisfaite, si l’on peut montrer que : quiconque accepte les présuppositions communicationnelles, universelles et nécessaires du discours argumentatif, tout en sachant ce que signifie justifier une norme d’action, doit implicitement présumer la validité du principe d’universalisation […].» Mais quelles sont donc ces présuppositions argumentatives qui valident le principe d’universalisation et par conséquent garantissent la bonne discussion ?

LE LIBERALISME DEMOCRATIQUE DE POPPER ET LA DEMOCRATIE DISCURSIVE (OU DELIBERATIVE) DE HABERMAS

Défini par le Petit Robert 1 comme l’ « ensemble des doctrines qui tendent à garantir les libertés individuelles dans la société » , le libéralisme, y compris celui de Popper, préconise la libre concurrence dans presque tous les domaines. En effet, prévalent ordinairement dans le cadre du marché où tout individu désirant concurrencer son vis-à-vis pour s’assurer de la clientèle est libre de le faire nonobstant le respect de certaines règles régissant pour ainsi dire la cohabitation pacifique ; la libre concurrence qui fonde le libéralisme s’est vue transférée dans l’arène politique où également les électeurs sont libres de choisir parmi les différents candidats à la course pour la présidence par exemple, celui qui cadre le mieux avec leurs critères de préférence. Toutefois, si tout libéralisme se fonde sur l’idée de concurrence qui nécessite par conséquent des capacités d’initiatives des gens, c’est-à-dire le «pouvoir des idées » ; force est de savoir que le libéralisme poppérien se distingue de tout libéralisme en ce sens qu’il préconise, dans la recherche de la vérité, le dialogue . Mais avant de mettre en relief le mécanisme présidant à la théorie poppérienne du dialogue, de la libre discussion ; il serait nécessaire de définir avec Habermas lui-même, son concept de « démocratie délibérative ou « discursive ».»En effet, abondant dans le même sens que J. Cohen, notre auteur dira que « « La notion de démocratie délibérative s’enracine dans l’idéal intuitif d’une association démocratique au sein de laquelle la justification des termes et des conditions de l’association procède d’une argumentation et d’un raisonnement public de citoyens égaux. Les citoyens, dans un tel ordre, partagent un engagement commun vis-à-vis de la résolution des problèmes de choix collectifs à travers un raisonnement public, et considèrent leurs institutions de bases légitimes dans la mesure où elles établissent un cadre favorable à une délibération publique libre. » » Qui plus est, il faudrait savoir que cette notion de démocratie délibérative qui est le résultat de la pragmatique universelle et de l’application du principe « D » « qui sous-tend l’éthique de la discussion »  (ce principe « D » est différent du principe « u » que nous avons vu ci-dessus) et qui (ce principe « D » ) consiste à dire que « ne peuvent prétendre à la validité que les normes qui sont acceptées (ou pourraient l’être) par toutes les personnes concernées en tant qu’elles participent à une discussion pratique » , est intimement liée au concept habermassien de « l’espace public » dans la mesure où toutes ces deux notions – que sont la démocratie délibérative et l’espace public – « développent » de par leur définition que la raison pratique, c’est-à-dire celle qui détermine la conduite des hommes, devrait dorénavant prendre en considération à la fois « un usage moral, un usage éthique [mais également] […] un usage pragmatique dans la mesure où des réflexions pragmatiques entrent dans la formation de l’opinion et de la volonté aux côtés des raisons éthiques et des considérations morales. » A ce titre, Estelle Ferrarese a raison de définir « l’espace public » au sens habermassien comme suit : « Elle [la notion d’espace public] désigne en effet un espace,partagent un engagement commun vis-à-vis de la résolution des problèmes de choix collectifs à travers un raisonnement public, et considèrent leurs institutions de bases légitimes dans la mesure où elles établissent un cadre favorable à une délibération publique libre. » »  Qui plus est, il faudrait savoir que cette notion de démocratie délibérative qui est le résultat de la pragmatique universelle et de l’application du principe « D » « qui sous-tend l’éthique de la discussion »  (ce principe « D » est différent du principe « u » que nous avons vu ci-dessus) et qui (ce principe « D » ) consiste à dire que « ne peuvent prétendre à la validité que les normes qui sont acceptées (ou pourraient l’être) par toutes les personnes concernées en tant qu’elles participent à une discussion pratique » , est intimement liée au concept habermassien de « l’espace public » dans la mesure où toutes ces deux notions – que sont la démocratie délibérative et l’espace public – « développent » de par leur définition que la raison pratique, c’est-à-dire celle qui détermine la conduite des hommes, devrait dorénavant prendre en considération à la fois « un usage moral, un usage éthique [mais également] […] un usage pragmatique dans la mesure où des réflexions pragmatiques entrent dans la formation de l’opinion et de la volonté aux côtés des raisons éthiques et des considérations morales. »  A ce titre, Estelle Ferrarese a raison de définir « l’espace public » au sens habermassien comme suit : « Elle [la notion d’espace public] désigne en effet un espace .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LES PRINCIPES THEORIQUES SOUSTENDANT LES CONCEPTIONS POPPERIENNE ET HABERMASSIENNE DE L’OPINION PUBLIQUE
I-1. Vie et œuvre de Popper et de Habermas
I-2. Du faillibilisme popperien à la pragmatique universelle et à la théorie de l’agir communicationnel habermassiennes
DEUXIEME PARTIE : LES CONCEPTIONS POPPERIENNE ET HABERMASSIENNE DE L’OPINION PUBLIQUE
II-1. Le libéralisme démocratique de Popper et la démocratie discursive de Habermas
II-2. Les intérêts que procurent ces deux visions de l’opinion publique à notre démocratie actuelle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE GENERALE

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