Les premières armes de la représentation équestre du pouvoir 1540-1660

Un cheval prosaïque ?

Le spectateur a l’impression d’avoir devant lui les véritables chevaux qui peuplent le quotidien du roi : ceux qui prennent part aux chasses, à l’apparat, etc. Quel est le sens de leur présence aux côtés du souverain ? Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux gestes de cavalier du roi, qui ont l’air spontané. Dans un second temps, nous nous demanderons quel est le moteur de l’engouement pour ce genre de représentation. Dans un dernier temps, nous nous pencherons sur la signification de ce type d’image.

Les gestes de cavalier du prince

Les gestes de cavalier que le souverain est amené à faire quotidiennement lui ont été inculqués par son éducation qu’une pratique intense est venue peaufiner par la suite.
Ainsi, ce sont des actions qui lui sont familières, évidentes, auxquelles il ne songe même pas tant il les fait naturellement. Dans le siège de Tournai (cat.39), par exemple, il tient son cheval par la bride et inspecte une tranchée. Ce geste naturel à tout cavalier n’est pourtant pas anodin. L’apprentissage équestre du prince est une étape majeure de son instruction.
Outre l’effet de réel provoqué par l’attitude du roi, une cascade de conséquences symboliques plus ou moins visibles en découle. Descendre de son cheval peut avoir pour but de le ménager et le tenir soi-même revient à montrer une qualification pour le soigner.
Or, si la monture est une image du peuple, le message émis est, une fois de plus, celui d’un bon gouvernement ordonné par un roi juste, qui s’appuie sur ses sujets tout en leur épargnant un effort superflu. L’éducation cavalière du prince est un enjeu majeur, elle transcende l’utilité de l’animal pour tendre vers une discipline artistique. L’art commence là où l’activité entreprise devient une fin en soi. L’accès à l’art équestre est donc réservé à l’infime partie de la société qui peut se permettre de monter à cheval dans un autre but que le déplacement, la locomotion, c’est-à-dire au groupe qui monopolise l’otium à savoir l’aristocratie. Ainsi, Daniel Roche remarque au sujet de l’animal :Un proverbe dit aussi : « Il fait toujours bon tenir son cheval par la bride » pour signifier qu’il est préférable et agréable d’être maître de ses affaires. Il n’est pas possible de savoir si ce proverbe existait déjà sous Louis XIV, mais l’image correspond à mon sens assez bien avec, le prince contrôlant le déroulement des opérations d’une guerre qu’il ordonne.
Le roi accorde beaucoup d’importance à cet animal précieux. Il a commencé à monter à neuf ans et maîtrise les airs relevés, nous l’avons déjà fait remarquer plus haut.
Il hérite de l’organisation établie des Grande et des Petite Ecurie [sic], dont il va renforcer le rôle dans l’organisation de la Cour à Versailles. […] Il aime à faire visiter ses chevaux aux visiteurs et aux ambassadeurs étrangers.
Les gestes de cavalier du prince sont polysémiques : ils sont à prendre à la lettre, comme des habitudes d’ « homme de cheval », mais il convient également de voir le message symbolique et politique qui se cache derrière. Ses montures étaient pour le roi des moyens d’affirmer son statut et, au même titre que l’architecture, les jardins et les objets d’art, une source de fierté qu’il montrait pour renverser son public d’étonnement, c’est-à-dire, comme on le disait au jeu de paume, pour « épater la galerie ».

Un beau cheval

Nul besoin de débattre sur le fait que la représentation équestre est en vogue sous Louis XIV. En effet, il suffit de compter le nombre d’œuvres parvenues jusqu’à nous possédant ce profil : 7 portraits, 43 batailles, 9 chasses, vues ou entrées. Soit 50 % de la totalité de notre corpus, et ce pour un seul roi. Il a, certes, régné fort longtemps (72 ans), mais il a aussi promu ce type de représentation. Un proverbe dit aussi : « Il fait toujours bon tenir son cheval par la bride » pour signifier qu’il est préférable et agréable d’être maître de ses affaires. Il n’est pas possible de savoir si ce proverbe existait déjà sous Louis XIV, mais l’image correspond à mon sens assez bien avec, le prince contrôlant le déroulement des opérations d’une guerre qu’il ordonne.
Le roi accorde beaucoup d’importance à cet animal précieux. Il a commencé à monter à neuf ans et maîtrise les airs relevés, nous l’avons déjà fait remarquer plus haut. Il hérite de l’organisation établie des Grande et des Petite Ecurie [sic], dont il va renforcer le rôle dans l’organisation de la Cour à Versailles. […] Il aime à faire visiter ses chevaux aux visiteurs et aux ambassadeurs étrangers.
Les gestes de cavalier du prince sont polysémiques : ils sont à prendre à la lettre, comme des habitudes d’ « homme de cheval », mais il convient également de voir le message symbolique et politique qui se cache derrière. Ses montures étaient pour le roi des moyens d’affirmer son statut et, au même titre que l’architecture, les jardins et les objets d’art, une source de fierté qu’il montrait pour renverser son public d’étonnement, c’est-à-dire, comme on le disait au jeu de paume, pour « épater la galerie ».

Un beau cheval

Nul besoin de débattre sur le fait que la représentation équestre est en vogue sous Louis XIV. En effet, il suffit de compter le nombre d’œuvres parvenues jusqu’à nous possédant ce profil : 7 portraits, 43 batailles, 9 chasses, vues ou entrées. Soit 50 % de la totalité de notre corpus, et ce pour un seul roi. Il a, certes, régné fort longtemps (72 ans), mais il a aussi promu ce type de représentation.
L’essor de cet engouement se mesure autant par la qualité que par la quantité.
Effectivement, les portraits équestres sculptés sont bien plus grands au cours de ce règne que par le passé, de même que les statues. Leur emplacement montre aussi la valeur qu’on leur accorde. Si les sculptures sont érigées au cœur des villes, au centre de places écrins, les portraits peints sont en général accrochés dans le pôle attractif entre tous : la demeure royale. Comme les grands imitent leur souverain, chacun d’eux s’empresse de s’emparer d’une copie ou d’un tableau montrant le monarque à cheval. Ce type de toile devient l’emblème d’une triple fierté courtisane : la fierté de côtoyer un roi si glorieux, celle de le faire pénétrer chez soi avec son « Histoire » par l’acquisition de son image, la fierté d’entretenir un art qui se proclame « moderne ».

Du cheval-peuple au cheval-Etat

Montrer le roi à cheval est un acte politique en soi. Un indice de la « politisation » de ce geste : il se répète surtout lorsque le pouvoir cherche à affermir son autorité : « sa maturité classique s’épanouit dans le sillage ascendant de l’absolutisme royal. Les artisans de cette « révolution » monarchique assimilent alors l’équitation au gouvernement des hommes, le cavalier à un souverain, la monture à ses sujets. »176 Déjà à l’époque, une réflexion poussée théorise sur ce type de représentation. Ainsi, le duc de Newcastle, au milieu du XVIIe siècle Un roy, étant bon cavalier, saura mieux gouverner ses peuples, quand il faudra les récompenser ou les châtier, quand il faudra leur tenir la main serrée ou quand il faudra la relâcher, quand il faudra les aider doucement, ou en quel temps il sera convenable de les éperonner.
L’aspect symbolique s’accentue à mesure que le souverain s’éloigne de la mêlée guerrière et que l’équitation devient un art, une discipline des corps aristocratiques. Pour Nicolas Chaudun, c’est « la déprise des significations martiales qui s’amorce ».
Quel que soit le contexte de représentation, la monture du roi n’est pas réellement un cheval. Symbole du peuple depuis longtemps, il tend à prendre pour sens l’Etat sous le règne de Louis le Grand. Depuis le tumulte du champ de bataille jusqu’à la forêt calme, il est une image du pays, de son gouvernement. D’ailleurs, le monarque a rengainé son épée, ce qui Soulève la question de la mise en scène du roi sans arme, nouveau modèle d’une figuration du pouvoir royal militaire qui délaisse pour sa glorification la médiation concrète des signes de la violence pour s’assurer le triomphe d’une victoire qui échappe aux sorts des armes ? Telle est, en effet, l’interprétation que l’on peut faire du portrait équestre de Louis XIV couronné par le Victoire attribué à Pierre Mignard. Et de toutes nos images montrant le prince « armé » d’un bâton de commandement dont la signification n’est plus la même. Loin d’être un symbole du pouvoir militaire partagé par tous les grands chefs au cours des campagnes, il possède désormais un sens élargi. On peut donc penser que cette période Semble consacrer, en effet, la présence et la domination, parmi les attributs traditionnels du roi de guerre, du bâton de commandement, symbole moins de la vertu guerrière personnelle du roi que de la puissance de son Etat. Du roi à l’épée, serviteur de Dieu et des idéaux de la chevalerie, puis du roi herculéen couronné de lauriers dans l’imitation impériale ou fabuleuse, se détache une autre figure du roi en armes, celle du chef d’un Etat de guerre.
Nombre d’images sont concernées par cet objet du pouvoir du fait d’un certain regard du souverain sur les œuvres, orientant ses commandes, les faveurs et les disgrâces.
Cette politique d’unification fut assurée par la mise au point d’un modèle standard de statues [et pour nous, de portraits], réalisées à Paris par les [artistes] de l’Académie royale de peinture et de sculpture […]. Cette centralisation de la conception et de l’exécution assura la promotion d’une figure officielle du roi et du type d’autorité qu’il voulait incarner. […] Toute initiative individuelle fut bannie.181 On est donc petit à petit passé d’un cheval symbolisant le peuple à une monture figurant l’Etat, un Etat fort et centralisé bâti par la monarchie absolue et s’affirmant grâce à elle.
Le cheval, bien que montré dans des situations variées et en apparence « vrai » n’est en aucun cas une monture prosaïque, peinte telle qu’elle était. Elle est une vision, une métaphore de l’Etat pour figurer ce que l’imaginaire collectif envisage être un bon gouvernement. Les détails « réalistes » servent à insuffler de la vraisemblance à la toile mais les portraits n’ont pas vocation à être des documentaires ou des planches de l’Encyclopédie et ne sont pas vus ainsi par les contemporains. Qu’en est-il des peintures de batailles ? Ont-elles évolué ?

L’entourage du roi : des chevaux

Le format des images de combat prend de plus en plus d’ampleur. Les toiles modestes de la période précédente laissent place à d’immenses tableaux. Ces représentations s’emplissent de figures innombrables et d’un très grand nombre de chevaux. Ainsi, en les parcourant, le spectateur observe les chevaux dans tous leurs états, que j’ai classés selon la fonction des équidés et qui constitueront les paragraphes de cette partie : les équidés du transport, les chevaux des soldats, les animaux libres.

Les équidés du transport

Dans les tableaux du règne de Louis le Grand, certains chevaux, qui n’étaient pas visibles auparavant, apparaissent : ceux qui sont chargés de la logistique, je veux parler des équidés du transport. En effet, nos toiles regorgent de chariots, d’attelages divers, d’animaux bâtés. A quoi servent-ils ? En réalité, ils véhiculent des armes, munitions, outils, la pitance de la troupe y compris celle des montures, des ateliers ambulants, etc.
L’armée déplace avec elle nombre d’artisans et d’auxiliaires chargés de la logistique. Outre la nourriture qu’il faut transporter pour hommes et bêtes, il faut un maréchal-ferrant pour soigner les pieds des montures, un vétérinaire pour les autres maux (une même personne cumule souvent les deux fonctions mais pas systématiquement), un bourrelier pour réparer et remplacer les cuirs endommagés ou perdus. Selon les estimations de Geoffrey Parker, il faut 250 chariots pour convoyer une semaine de farine, les fours de 500 briques (chaque) pour la cuisine et du combustible pour la chauffe pour 30 000 hommes. Or, toujours selon l’auteur, l’armée française compte près de 40 000 hommes en 1696, ce qui constitue des effectifs colossaux pour la logistique.
Seul Adam-François Van der Meulen s’applique à représenter les chevaux du transport. Dans 7 toiles sur les 36 qui sont de lui, il dessine des attelages de toutes sortes. Parfois, il s’agit de magnifiques carrosses à six chevaux (cat.40 et 63), ou à quatre chevaux (cat.37 et 63), parfois des calèches plus légères (cat.53 et 65), parfois ce sont des chariots servant aux convois militaires (cat.40, 46, 54). Il peint aussi des animaux bâtés, certainement chargés du matériel nécessaire au logement des troupes. C’est le cas dans 10 tableaux (cat.36, 40, 41, 44, 49, 53, 58, 62 et 63). L’expression consacrée d’ « âne bâté » voudrait d’ailleurs qu’on tombe sur un autre équidé. Dans l’arrière plan d’une des toiles, nous pouvons voir deux animaux noirs avec de grandes oreilles, plus petits et plus fluets que des chevaux qui font penser à des mules. En regardant attentivement, un troisième bat rouge dépasse derrière les deux autres et 12 traits noirs figurent les pattes. Nous pouvons donc penser qu’il y a en fait trois animaux qui sont des cousins des chevaux. Plusieurs raisons expliquent qu’à trois exceptions près (cat.63) les mules, ânes, mulets et autres bardots soient exclus des toiles. Une raison pratique d’abord : il est plus aisé de tenir un cheval bâté à côté d’un autre monté car ils vont au même train. De plus, il est possible d’inverser les rôles afin d’économiser les bêtes. Par surcroît, le cheval peut avoir d’autres usages au cours d’une campagne et servir à la remonte, ce qui n’est pas le cas de ses cousins. Mais cette raison pratique est doublée d’une raison esthétique. Effectivement, une question de goût et de symbolique intervient : le cheval est considéré comme un animal noble et s’avère être la monture de l’aristocratie. En tant que tel, il est normal qu’il soit davantage représenté dans des images à visée décorative commandées par la noblesse.
Le gonflement des effectifs constitutif de la révolution militaire entraîne un essor de la logistique corrélatif. Plus l’armée a de chevaux, plus il faut de fourrages et de grains pour les entretenir, plus il est nécessaire d’augmenter le nombre de bêtes pour les transporter, et plus on a d’animaux à nourrir et ainsi de suite. Les chevaux ont une part non négligeable dans le casse-tête logistique que constituent l’approvisionnement et l’entretien des troupes. C’est sûrement pour cette raison qu’on les représente dans les images : parce qu’ils sont omniprésents, indispensables, pour la vraisemblance de l’œuvre. Toutefois, dans des tableaux à la gloire du roi, leur présence peut interpeller. Pourquoi, alors qu’on veut glorifier le souverain, montre-t-on les chevaux de la soldatesque, des transports, du bât ? Pour étaler au grand jour la force de ses armées. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la guerre est devenue une épreuve de force économique. Pour gagner une bataille, il faut d’abord et avant tout du pain pour les hommes, du grain pour les bêtes, des munitions. De l’organisation logistique dépend la victoire. Peupler la toile de chevaux « auxiliaires », d’équidés de la logistique et d’énormes chariots, c’est affirmer la puissance du prince et sous-entendre sa victoire prochaine. Il est désormais possible de faire étalage de cette puissance car les artistes choisissent un point de vue reculé qui permet d’englober un vaste territoire et un plus grand nombre d’acteurs qu’auparavant, ce qui leur permet d’évoquer l’enjeu pécuniaire sans montrer d’argent. Comme le remarque Philippe Hamon, la monnaie est un motif pictural ambigu, difficile à manier et à interpréter parfois. C’est pourquoi on l’évoque peu sous Louis XIV, ou de manière indirecte, sans jamais donner l’origine « humaine », triviale des richesses du prince (les impôts par exemple). Cela me rappelle le commentaire d’une image où le roi dispose de dividendes sans qu’on en sache la véritable provenance (figurée par des dieux antiques) : « Fort de son bon droit et de son autorité, le roi peut ici mobiliser à son gré ce don du ciel. »185 Les chevaux s’inscrivent dans une même dynamique : ils montrent la richesse et la force du prince sans en dénoter la provenance.

« La guerre en dentelles »

Objet d’art, de décoration même, la peinture de bataille plaît et connaît un essor considérable sous le règne de Louis XIV, nous l’avons déjà souligné. Avec ce roi, le schéma développé par Antonio Tempesta est unanimement repris, reléguant la mêlée guerrière à l’arrière-plan. Par conséquent, l’image qui en résulte n’a plus grand-chose en commun avec les charges d’Henri IV. En effet, le bel ordonnancement des troupes et les costumes de l’Etat-major donnent au spectateur l’impression d’assister à un carrousel. Il me semble que c’est notamment en ayant à faire à ce type de représentations que des historiens ont parlé de « guerre en dentelles », sorte de sport pour les nobles, de ballet militaire. Plusieurs indices peuvent nous entraîner dans leurs pas : la vue de chevaux sains, la fin des charges de cavalerie et l’omniprésence des chevaux dans l’image.

Les libres

Un autre type d’équidé apparaît pendant notre période, qu’on ne voyait pas jusqu’à présent dans les images guerrières : les chevaux libres. J’entends par « libres » plusieurs sens qui, en fait, ne renvoient jamais à une totale liberté.
En effet, on peut remarquer des chevaux qui n’ont pas de cavalier sur le dos, parfois ils sont attachés, parfois errants. Je les appelle « libres » pour les différencier de ceux qui sont montés, bâtés ou attelés. Par exemple, les toiles suivantes : La prise de Saint-Omer (cat.36), L’armée française marchant sur Courtrai (cat.41) et La prise de Luxembourg (cat.57) montrent un cheval blanc sellé mais non monté. Les chevaux attachés ou tenus en main qui n’ont pas de cavalier sont monnaie courante. Sur l’ensemble du corpus, le motif se présente sur 8 tableaux tous de la main de Van der Meulen (cat.36, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47). En revanche, ce peintre dessine très peu le cheval sans cavalier s’enfuyant, motif cher à Joseph Parrocel puisque bien visible dans deux de ses batailles où le roi figure (cat.68 et 73).
Dans d’autres cas, les chevaux ne sont pas sur le champ de bataille et, sellés ou non, sont au repos, dans un camp, un bivouac ou en pleine marche. Dans La prise du fort de Joux (cat.49) d’Adam-François Van der Meulen, trois chevaux sont à l’arrêt, au premier plan, tenus en main par le filet* qui est leur seul harnachement. Parfois, le cavalier vient juste de mettre pied à terre et tient lui-même son cheval en main. Ainsi, dans le siège de Tournai (cat.39) d’Adam-François Van der Meulen, Louis XIV, à pied, tient sa monture par la bride pour inspecter une tranchée. Cette vision reste cependant exceptionnelle, elle est même unique dans notre corpus.
Les montures mortes jonchant le sol de la bataille n’ont plus de cavalier non plus.
Seules 4 toiles présentent ce motif (cat.40, 64, 68 et 73), ce qui correspond à une proportion (moins de 10%) bien moindre qu’à la période précédente, où ce dessin était un véritable poncif. Cela est en partie dû au nouvel angle de vue. Le point de mire assez rapproché, centré sur une mêlée adopté auparavant n’est plus utilisé que 2 fois sur 43, soit dans environ 5% des images de batailles que j’ai recueillies (et toujours de la main de Joseph Parrocel). Cela signifie que 95% des toiles éloignent la violence et la mort du spectateur et du roi (au premier plan), quand elles ne l’omettent pas simplement.
En un mot, qu’il soit attaché (9 cas), mort (4 cas) ou s’enfuyant (2 cas), le cheval sans cavalier est un motif récurrent au XVIIe siècle dans la peinture de bataille, ce qui est rendu possible par le mouvement de recul de l’observateur dont on a déjà parlé. Mais pourquoi tous ces animaux sont-ils dessinés ? Quel est le sens de leur présence ? Outre l’effet de vraisemblance qu’ils apportent, il est probable qu’ils évoquent les montures supplémentaires, prévues pour remplacer celles qui seront blessées ou tuées au combat.
Ainsi, elles rappelleraient une fois encore la force de l’armée française et la puissance du roi qui la conduit. Il est aussi tout à fait possible que le cheval soit juste un motif pictural goûté en tant que tel et dessiné « sous toutes ses coutures » dans le but de plaire au public aristocratique qui commande et juge les œuvres. La physionomie de l’animal demande un certain talent pour le dessin, ce qui fait d’une toile peuplée d’innombrables destriers un véritable morceau de bravoure. Mais tous ces équidés continuent-ils à charger comme naguère ?

Un portrait équestre du roi

Les images de bataille « à l’ancienne » c’est-à-dire centrées sur une mêlée confuse et acharnée existent et sont même nombreuses. Celles qui mettent le roi en scène n’ont que très rarement cette caractéristique et sont généralement focalisées sur le prince. Pour le mettre en valeur, d’anciens poncifs sont repris et de nouvelles techniques sont aussi mises au point. Dans un premier temps, nous verrons quels procédés sont utilisés par le peintre pour concentrer l’attention du spectateur sur l’Etat-major monté. Dans un second temps, nous nous intéresserons à la reprise des topos et à leur évolution s’il y en a. Dans un troisième et dernier temps, nous nous demanderons si la peinture de bataille n’est pas un prétexte à un nouveau type de portrait équestre du souverain.

Le roi au premier plan

La peinture de bataille permet donc à l’artiste de proposer une variante aux portraits équestres du souverain. C’est l’occasion de montrer le roi à cheval dans des situations diverses et dans l’exercice du commandement. Dans un décor plus vaste, une plus grande liberté est permise au peintre que dans le portrait officiel. Ainsi, on imagine mal un portrait du roi de dos, alors qu’il peut être positionné de cette sorte dans une bataille sans être méconnaissable pour autant. Van Der Meulen place Louis XIV ainsi dans La reddition de la citadelle de Cambrai (cat.37) par exemple. Cela ne choque pas le spectateur qui l’identifie aisément à la position de son cheval, à sa place centrale dans l’image, à sa perruque, à sa canne, etc. De même, le roi est vu d’assez loin pour n’être reconnaissable que par son cheval, son attitude dans la majeure partie des tableaux. En effet, ses traits ne sont souvent pas discernables.
Une toile du corpus fait exception. Ce n’est ni un portrait équestre ni une bataille sur ce modèle. Toutefois, elle mérite notre attention. Hyacinthe Rigaud a peint le roi en armure et perruque moderne, avec l’écharpe de commandement, le bâton de maréchal et les éperons d’or, à pied. Il est revenu à Joseph Parrocel de traiter le fond de cette image et il en a fait une bataille. Le prince est surélevé, le conflit se déroule au second plan et une ville surplombant un cours d’eau en est le décor. Cette composition rappelle la peinture de bataille qu’on appelle aussi « bataille de commandement » où le prince figure à cheval au premier plan. Le souverain est donc ici deux fois un roi belliqueux : par ses attributs guerriers dans le portrait en pied et à pied et par le fond de la toile. En outre, Hyacinthe Rigaud a utilisé le bleu comme couleur vive dans le costume de Louis le Grand, à savoir pour l’écharpe et le bâton de maréchal. Derrière lui, seul un personnage porte le même bleu : il s’agit de l’officier le plus visible et qui tend la main dans un geste d’autorité, comme dirigeant les opérations. Cheveux châtain (ou perruque ?), longs et bouclés, coiffé d’un feutre, juché sur un cheval cabré. Il ressemble à s’y méprendre à celui qu’on identifie d’ordinaire au roi dans tous les tableaux de ce type. N’est-ce pas intentionnel ? Joseph Parrocel ne l’a-t-il pas voulu ? Il peut en effet sembler rationnel de représenter le prince une deuxième fois dans l’image. Les deux plans du portrait les plus facilement accessibles au spectateur agissent ainsi en synergie pour associer dans son esprit le souverain à la force militaire, à la puissance guerrière. Les trois plans de la construction peuvent peut-être se lire également comme une chronologie : d’abord, le roi s’habille et s’arme (premier plan, première étape); ensuite, il part au combat où il donne ses ordres (second plan, deuxième temps fort) ; enfin, il prend la ville-objectif (troisième plan, troisième moment). Cette œuvre, qui nous a paru une exception de prime abord n’en est pas une. Elle n’est en fait qu’une des nombreuses et ingénieuses variantes d’une bataille modèle en hommage au souverain.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
PRESENTATION 
Historiographie
Les sources 
Chronologie
PREMIERE PARTIE 
Les premières armes de la représentation équestre du pouvoir 1540-1660
Chapitre 1 : : le portrait équestre renaissant
Chapitre 2 : Les premiers pas de la peinture de bataille
Chapitre 3 : De Bucéphale au cheval réel
Conclusion de la première partie
SECONDE PARTIE
Apogée de la représentation équestre du roi 1661-1715
Chapitre 1 : Héritage et nouvelles modalités du portrait équestre
Chapitre 2 :Les premiers pas de la peinture de bataille
Chapitre 3 :De Bucéphale au cheval réel
Conclusion de la seconde partie
TROISIEME PARTIE 
La chute du roi cavalier 1715-1789 
Chapitre 1 : Les chevaux multiples du jeune Louis XV
Chapitre 2 : Du « destrier » au « coureur », de la guerre à la chasse
Le règne de Louis XV
Chapitre 3 : Le roi met pied à terre
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION 
LEXIQUE 
BIBLIOGRAPHIE ORGANISEE
Histoire 
Histoire du cheval 
Autres disciplines : Archéologie, zoologie et psychologie politique 
Littérature et textes anciens 
TABLE DES MATIERES 

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