Les prémices du concept de marque muséale

Les prémices du concept de marque muséale 

Si associer une institution publique telle que le musée au concept de marque peut paraître paradoxal, le contexte de ces dernières années met en lumière les raisons de ce rapprochement aux zones d’ombre. En effet, les deux secteurs opposés auxquels appartiennent respectivement la marque et le musée se confrontent régulièrement et tentent de puiser dans les forces de l’un et de l’autre afin de déterminer un nouveau moyen d’atteindre leur propre finalité. La prise de conscience du patrimoine immatériel français trop peu valorisé au vu de sa grande richesse, et ce, particulièrement dans le domaine culturel, participe par ailleurs à la porosité de ces deux mondes. La nouvelle réalité à laquelle sont confrontés les musées rend, quant à elle, la réflexion autour de la stratégie de marque de plus en plus difficile à éviter. Comment les musées en sont-ils arrivés à développer leur propre marque ?

Premiers points de rencontre entre les secteurs privé et public 

Les marques muséales apparaissent dans un contexte où les secteurs privé et public entretiennent d’ores-et-déjà une relation étroite. Des pratiques désormais bien ancrées comme le mécénat peuvent en témoigner en premier lieu. Plus récemment, le développement du cultural branding ainsi que le rapport singulier établi entre culture et luxe illustrent également la façon dont ces deux secteurs s’inspirent l’un de l’autre afin d’en retirer de nombreux avantages.

Le mécénat : premiers financements privés de la culture

La culture a une longue tradition d’interaction avec le monde des entreprises du fait de son besoin criant de financement. Le mécénat, que l’on peut définir comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général » , manifeste la première rencontre concrète du monde de la culture et du secteur privé. Ces deux partis ont su identifier très tôt les enjeux d’une telle démarche et les bénéfices à en retirer : soient-ils financiers d’un côté ou de l’ordre de l’image et de la réputation de l’autre. Si le financement de la culture est traditionnellement une prérogative de l’État, les musées sont confrontés à la nécessité d’accroitre leurs propres ressources pour assurer leur frais de fonctionnement et se développer. Face à cette réalité, la législation s’est emparée de la question du mécénat et a mis en place des dispositions plus favorables aux entreprises et aux particuliers dans le but de les inciter à entreprendre cette démarche.

La loi Balladur en 1987 forme la première ossature en termes de mécénat et met en place les premières incitations fiscales. Son fonctionnement tel que nous le connaissons aujourd’hui est en revanche définit par la loi Aillagon de 2003. Si elle rend cette démarche plus avantageuse pour les particuliers en augmentant « le plafond de réduction fiscale de 50% à 60%, puis à 66% en 2005 et cela dans la limite de 20% du revenu net imposable », celle-ci le devient également pour les entreprises pour lesquelles la réduction fiscale passe de 33% à 60%. Guillaume Dinkel, responsable des partenariats et du mécénat du Ministère de la Culture explique que « la loi Aillagon, qui était très importante à 60%, a eu pour idée que ces défiscalisations soient assez importantes pour qu’elles instillent petit à petit dans la société une culture du mécénat et que progressivement, des années après, on puisse baisser ces taux de défiscalisation puisque la culture philanthropique se serait installée en France ». Il est intéressant de remarquer que ce rapprochement opéré entre la culture et le secteur privé relève d’abord d’une réelle volonté politique. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les entreprises représentent une véritable manne financière et sont à même d’apporter un soutien non négligeable à la culture dans la mesure où leur participation va de 15 000 euros à plusieurs millions. Il s’agit en outre de mettre en exergue le rôle qu’elles peuvent jouer au sein de la société et de faire appel à leur responsabilité : « c’était vraiment l’idée de changer les mentalités en disant que le privé peut être vecteur de développement dans le domaine de l’intérêt général mais aussi que l’intérêt général n’est pas le monopole de l’Etat ». En effet, si le secteur privé est par essence motivé par des logiques capitalistes, il n’empêche qu’il peut également contribuer à l’intérêt général à travers une politique de mécénat. Celle-ci peut alors s’inscrire dans leur politique RSE comme elle peut être une excellente stratégie de communication. En plus des déductions fiscales, les entreprises ont en effet beaucoup à gagner en termes d’image et de notoriété. Le mécénat semble donc être profitable aux deux partis et son ancienneté ainsi que sa grande utilité lui ont permis d’être toléré dans le domaine. D’après Jean-Michel Tobelem, « l’essor du mécénat des entreprises accentue l’entrée des institutions culturelles dans la sphère de l’économie et de la communication, en termes de structure de financement, de capacité de négociation et d’adaptation de leur organisation ». Force est de constater qu’à travers le mécénat les musées ont commencé à s’imprégner de certaines logiques de fonctionnement issues du secteur privé, et il y a de ça des années. La réflexion autour de l’adoption d’une stratégie de marque semblait alors difficile à éviter. Si le mécénat a permis de préparer les mentalités à concevoir l’idée de marque muséale, la tendance du « cultural branding» y a également joué un rôle non négligeable.

Le cultural branding : quand les marques commerciales développent leur potentiel culturel 

Le concept de brand culture ou de culture de marque est apparu dans le monde des entreprises assez récemment et représente selon Daniel Bô : « la façon qu’a la marque de s’inscrire comme agent culturel dans une interaction à double sens : elle puise dans son environnement culturel et elle produit elle-même des effets culturels, fait évoluer les modes de vie et crée les tendances de demain ». Elle apparaît dans un contexte où le consommateur est désormais placé au centre des préoccupations et dont les besoins et les attentes font l’objet d’une attention particulière. Il est indéniable qu’aujourd’hui l’une des principales problématiques rencontrées par ce dernier est la recherche constante de sens à travers ses achats car il « ne cherche pas à avoir quelque chose, mais à être quelqu’un. Il cherche un style de vie, un statut, une expérience sensorielle, des valeurs, du rêve ». Le rôle des marques ne peut dès lors plus se cantonner à la simple consommation, celles-ci ayant désormais pour nouvelle mission de produire du sens et de répondre au besoin des individus de construire et affermir leur identité.

Pour Jean-Noël Kapferer, « La culture est le chaînon manquant de l’analyse stratégique de la marque ». La culture est en effet ce par quoi nous pouvons donner du sens à notre existence, à nos comportements et donc également à notre consommation comme le souligne Daniel Bô. Face à ce constat, les marques n’ont eu d’autre choix que de développer leur potentiel culturel pour ainsi légitimer leur raison d’être auprès des consommateurs. Leur force réside alors dans la capacité à créer un univers véhiculant une vision et des valeurs auxquelles adhérer ainsi qu’un imaginaire basé sur des référents culturels auquel il est possible de s’identifier. « En s’adossant à la culture comme à une montagne, les marques peuvent trouver le moyen de faire entrer leurs messages et leurs produits en résonance avec des références partagées par tous ». Nous pouvons notamment penser à Nike qui a puisé dans la mythologie grecque pour créer autour de ses produits un univers symbolique qui fait écho aux histoires qui nous ont été contées lorsque nous étions enfants. En effet, les égéries de Nike sont représentées à la manière des héros de l’Antiquité gréco-romaine à la seule différence qu’ils n’ont pas un glaive à la main mais des chaussures, version contemporaine de l’arme permettant d’accomplir de nombreux exploits. Nike cherche ainsi à inspirer les individus en recréant autour de sa culture du dépassement de soi l’imaginaire issu de la culture mythologico sportive. La symbolique des héros gréco-romains et les valeurs véhiculées que l’on retrouve dans la marque résonnent véritablement chez les individus et facilitent ainsi leur adhésion, voire même un véritable engagement.

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Table des matières

Introduction
I. Les prémices du concept de marque muséale
A. Premiers points de rencontres entre les secteurs privé et public
a. Le mécénat : premiers financements privés de la culture
b. Le cultural branding : quand les marques commerciales développent leur potentiel culturel
c. Culture et luxe : de frontières poreuses à inexistantes
B. Une valorisation nécessaire du patrimoine immatériel : naissance du concept de marque culturelle dans le monde politique
a. Importance nouvelle du patrimoine immatériel : le rapport Lévy-Jouyet
b. Création de l’APIE : concrétisation d’une volonté politique d’accompagner le secteur public dans l’adoption d’une stratégie de marque
C. Les musées face aux mécanismes de marché
a. Le besoin croissant d’autonomie financière
b. Des musées confrontés à une concurrence accrue
c. Le marketing : un outil implanté dans les musées
II. Musée et marque : appropriation d’un outil issu du secteur privé
A. Introduction de la marque dans le musée : définition et mise en place d’un outil pertinent
a. Qu’est-ce qu’une marque ?
b. Élaboration d’une identité de marque muséale
c. Les contraintes de création des marques muséales
B. Une réponse à l’enjeu de mise en visibilité des musées
a. Un imaginaire singulier préexistant à l’image de marque des musées
b. Construction d’une image de marque forte
c. Valorisation de l’image de marque et accroissement de la notoriété
C. Un moyen pour entretenir et développer la relation avec les publics
a. Une offre de plus en plus adaptée aux différents publics
b. Les sites internet : entre identité institutionnelle numérique et nouvelle stratégie de marque
c. La marque, un outil de captation et de fidélisation à travers les réseaux sociaux
III. Développement de la marque muséale : opportunités et dangers d’une politique ambitieuse
A. Développement et renouvellement des musées à travers une extension de l’offre de marque
a. Diversification de l’offre des musées : des nouvelles sources de financement
b. Le co-branding : entre enjeu d’image et quête de nouveaux publics
B. Exploitation de la marque muséale au niveau local et international
a. Levier majeur de transformation et de démocratisation culturelle au niveau local
b. La marque au service du déploiement des musées à l’international
C. Limites et risques de la stratégie de marque
a. Réticence historique du modèle français face à la stratégie de marque
b. Instrumentalisation politique des marques muséales
c. Vers une marchandisation de la culture et une uniformisation de l’offre ?
Conclusion 

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