Les portraits conservés au Cabinet des Médailles 

Les portraits de Vespasien

Présentation de l’empereur

Titus Flavius Vespasianus est né le quinzième jour avant les calendes de décembre, soit le 17 novembre de l’année 9 apr. J.-C., dans un petit village près de Rieti en pays sabin. Son père, Fla-vius Sabinus, était de rang équestre tandis que sa mère, Vespasia Polla, appartenait à une famille honorable de Nursie. Deux autres enfants naquirent de cette union : l’aîné, Flavius Sabinus, qui de-vint plus tard préfet de Rome et une fille comme dernier enfant, Flavia, qui mourut jeune. Ils furent tous ensemble élevés par une aïeule paternelle, Tertulla, dans une métairie en Etrurie39. Cette éduca-tion dans les provinces de Rome détonne singulièrement par rapport aux autres Césars. D’origine équestre, Vespasien se lança dans la carrière que son rang lui réservait.
Sa première charge mentionnée par Suétone40 est celle de tribun militaire en Thrace, certai-nement autour de 2641. En 35-36, il fut questeur en Crète puis en Cyrénaïque ; il devint édile en 38 avant d’être prêteur en 39-40. Enfin, il prit la tête d’une légion en 43, lors de la campagne de Bre-tagne sous Claude. Quelques années plus tard, il arriva à Rome avec la charge de consul suffète, avant de partir pour l’Afrique comme proconsul – en remplacement de Vitellius. Puis entre 66 et 68, il fut envoyé mater la révolte de Jérusalem grâce à ses « talents militaires » mais surtout du fait de « l’obscurité de sa naissance et de son nom ». En effet, malgré ses hautes fonctions, Vespasien n’inquiétait pas les hauts dirigeants de l’empire à cause de ses origines équestres et sabines. Les renseignements que Suétone nous donne sur le cursus honorum de Vespasien sont conformes à une carrière équestre, bien que les premières charges durent avoir été tues par l’auteur.
L’ensemble nous montre une carrière qui ne brûle aucune étape : chaque élévation semble due au mérite du soldat. Cela explique l’âge auquel il atteint les plus prestigieuses. Contrairement aux héritiers de l’aristocratie romaine, Vespasien dut user de toutes ses capacités pour se hisser aux plus hautes fonctions, au troisième âge de la vie. « Une carrière moins brillante que solide »43. Ce point se retrouve dans le portrait qu’en font les auteurs.

Vespasien dans la littérature latine

L’auteur le plus bavard au sujet du premier des Flaviens est Suétone. Le secrétaire d’Hadrien a donné nos connaissances sur les origines plébéiennes de Vespasien. Toutefois, écrivant a posteriori, il assène son discours de signes divins qui attesteraient de la volonté des dieux dans l’arrivée de Vespasien au pouvoir. Ces manifestations sont intéressantes puisqu’elles soutiennent l’idée selon laquelle la valeur d’un homme n’est peut-être pas toujours reconnue par son apparte-nance sociale ; mais les dieux la reconnaissent et la font connaître par leurs divers présages. Cette relecture prouve que pour devenir empereur, l’aval des dieux est nécessaire. Si les ancêtres de la famille de Vespasien ne pouvaient ni appuyer leur descendant, ni en être le garant aux yeux des Romains, les dieux s’en sont chargés. De cette manière, Suétone dépasse le problème des origines équestres de Vespasien. A défaut des hommes, les dieux ont reconnu en lui, dès le départ, les vertus d’un futur princeps. Et les différentes qualités de cet homme soutiennent le bon choix pris par les dieux. Le rapide rétablissement de l’Etat romain suggère un homme réaliste et prudent, qui sut res-ter intègre et qui garda sa rudesse de soldat. Il fit également preuve de pietas vis-à-vis d’anciens principes, notamment envers Claude. En lui dédiant un temple sur le forum, il reconnut les mérites mais surtout la divination de celui qu’il considère comme le dernier bon empereur ; moyen de renier la ligne de conduite mais surtout l’héritage de l’empereur chauve. Si le portrait élogieux de Suétone déborde d’anecdotes significatives sur le caractère de Vespasien, les descriptions physiques sont rares. La plus longue associe une « stature carrée, [d]es membres solidement charpentés » au prin-ceps ; description qui pourrait concerner tout soldat. Seule allusion à son visage : il « semblait con-tracté par l’effort ». Le portrait littéraire donné par Suétone présente un homme « simple comme un citoyen et clément ». Ainsi, le peu de matière descriptive dont nous avons hérité du secrétaire d’Hadrien ne permet pas d’élaborer un portrait précis ; tout au plus, il érige une vague image phy-sique de l’empereur.

Les portraits en numismatique

Mais cette image n’est pas neutre, car les valeurs que Suétone y rattache se retrouvent dans diverses sortes de portraits. Les premiers diffusés le furent par le biais des pièces de monnaies. Dans un contexte aussi volubile que la guerre civile, la monnaie était le moyen de diffuser un portrait sommaire au plus grand nombre en un minimum de temps. Pour résumer, frapper monnaie à son effigie équivalait à imposer sa prise de pouvoir, la faire accepter et ainsi la légitimer. Aussi, Vespasien aurait-il fait battre des monnaies à son effigie à Rome dès la fin 6948, avant de quitter définitivement l’Orient pour l’Urbs en octobre 7049. Malgré cette rapidité, le portrait numismatique n’en était pas pour autant bâclé ; il répondait au contraire à des désirs très précis et justifiés.
Les premiers coins frappés présentent un Vespasien qui n’est guère proche des principales effigies que l’on connaît. Une raison est avancée dans la littérature scientifique : loin de Rome lors de sa prise de pouvoir – et personnage inconnu des ateliers monétaires -, les graveurs ont représenté un homme d’après les qualités qu’on lui décernait mais surtout d’après les effigies de Galba. En effet, ces protagonistes étaient tous deux âgés lors de leur arrivée au pouvoir. De plus, tous deux refusaient la jeunesse idéale pour une vieillesse idéalisée. Leur ressemblance est telle qu’il est possible que certaines monnaies à l’effigie de Galba aient été retravaillées en Vespasien.
Ce n’est qu’au retour de Vespasien de la guerre contre les juifs en octobre 70, que des traits individualisés apparaissent. Le nouvel empereur s’éloigne de l’image monétaire de son prédécesseur Galba. Sa tête imposante est marquée par l’âge. Le crâne est dégarni sur le dessus. De profondes rides sont incisées sur le front. Le sourcil froncé rapetisse l’oeil déjà grignoté par le bourrelet subsourcilier. Le profil dévoile un nez crochu. Le décharnement des chairs est sensible par les pommettes et la pomme d’Adam saillante. Les lèvres minces et la bouche enfoncée par rapport au menton saillant renforcent cette image.
En opposition au profil parfait des effigies augustéennes, Vespasien se fait représenter par des traits très individualisés. Sont-ils pour autant « réalistes » ? Les indications descriptives que veut bien nous donner Suétone ne permettent pas de l’affirmer. S’il est visible que l’idéalisation lancée par Auguste est entièrement abandonnée, cela ne signifie pas pour autant que les traits physiques de Vespasien soient réalistes. Au contraire, la mise en avant de l’âge et son accentuation dans les portraits comportent des avantages. La vieillesse de Vespasien ne répond qu’à la construction d’une image qui est différente de celle d’Auguste. Le premier des Flaviens ne peut en effet pas se réclamer d’une ascendance divine. Faire le choix d’une jeunesse éternelle reviendrait à vouloir rattacher son image à celle d’Auguste et à ainsi se placer, sinon à sa hauteur, au moins dans son sillage. De plus, le choix de la jeunesse avait été pris par Othon, un des trois empereurs de l’année 69 et ancien partisan de Néron. Par le refus de la jeunesse classicisante, Vespasien évite alors les amalgames d’image.
Prendre de manière exacerbée les traits d’un vieil homme revient également à renouer avec une tradition de la fin de la République. Or, à cette époque troublée, chaque trait individualisé se voulait caractéristique d’une vertu ; les spécialistes parlent alors de « monotonie pathognomonique »52. Les qualités d’un homme étaient pour ainsi dire sculptées sur son visage : le citoyen romain pouvait y lire la gravitas, la constantia ou encore la severitas, valeurs chères à ses yeux53. La physionomie était ainsi bâtie en fonction des qualités reconnues et donc aux succès personnels54. Pour un personnage qui ne peut s’appuyer sur d’illustres ancêtres et uniquement sur son mérite personnel, le choix de traduire ses propres qualités dans son portrait est judicieux. Ainsi, à défaut de s’appuyer sur la gloria maiorum – la gloire accumulée par sa famille -, Vespasien put compter sur ses hauts faits, c’est-à-dire sur sa virtus.
Cette même image se retrouve sur les portraits de Vespasien appartenant à d’autres domaines comme la sculpture et la glyptique. Il n’est pas à douter que le but et les qualités visés soient les mêmes.

Les portraits en ronde-bosse : les différents types

Le type I

Grâce à l’ensemble des portraits conservés et authentifiés comme le fondateur de la dynastie flavienne, a été établie une typologie. Deux types semblent se distinguer. Le type I, plus ancien dans la chronologie, concernerait les portraits antérieurs au principat de Vespasien. Parfois appelé « type jeune »56, les traits du général sont moins marqués par les années. Le visage est plutôt plat ; ce qui pourrait être lié avec la réutilisation d’anciens portraits de Néron, Othon ou Vitellius. Les marques de l’âge sont déjà présentes : le front large est ridé, ainsi que les joues et le menton. Les yeux sont rapprochés et encadrés par des pattes d’oie. Le nez est busqué et les lèvres fines. Comme exemple, on peut citer le portrait 1890 découvert à Carthage et conservé au British Museum. Dia-na Kleiner situe sa réalisation juste après 70 de notre ère.

Un deuxième type

Toutes ces caractéristiques annoncent le type suivant. Celui-ci correspondrait aux années de son règne. L’image donnée est alors celle d’un meneur militaire fort et décidé. C’est ainsi que les chercheurs définissent l’air un peu strict qui se dégage des portraits de Vespasien. L’individualisation déjà présente pour les portraits du premier type se retrouve dans ceux de type II. Le front est large, les yeux rapprochés, le nez busqué et le menton carré, « puissant »59. En re-vanche, le poids des années est beaucoup plus sensible. La légère frange laisse place à un crâne lar-gement dégarni.
Le front est profondément ridé : trois larges sillons horizontaux se déploient tout du long. A la naissance du nez, deux rides profondément inscrites servent de transition. Les yeux, toujours rap-prochés, sont davantage enfoncés, ce qui rend le bourrelet subsourcilier plus imposant. Les autres rides sur les joues, le menton et autour de la bouche sont plus accentuées. Les lèvres sont plus minces, ce qui mène à penser que Vespasien pourrait être édenté sur ces représentations.
Un des portraits les plus caractéristiques est celui conservé à la Ny Carlsberg Glyptothek de Copenhague, I.N. 258560. Du fait du contexte de ces créations, il n’est pas étonnant que la majorité des portraits en ronde-bosse mais également monétaires appartiennent au type II. Quelles diffé-rences concrètes existe-il entre ces deux types de portraits ?
Si l’on compare le portrait 1890 du British Museum avec le I.N. 2585, les principales diver-gences viennent de la chevelure et de la bouche. De la chevelure, car bien que le traitement des mèches soit analogue – les mèches sont ramenées vers le haut du visage sur les tempes, dans les deux cas –, le portrait de Copenhague I.N. 2585 dévoile une calvitie que s’efforce de dissimuler celui de Londres. Quant aux lèvres, elles sont épaisses pour celui du British Museum alors qu’elles ont presque disparu sur le portrait de Copenhague I.N. 2585.
Ces distinctions, qui sont plutôt flagrantes, permettent de séparer les deux types qui se rejoi-gnent en de nombreux points. Les rides sont, par exemple, disposées de manière presqu’identique : trois rides au front, même ride du lion, mêmes pattes d’oie ; deux rides qui, de part et d’autre du nez, atteignent les commissures de la bouche ; deux pareilles rides qui habillent le bas des joues pour se rejoindre sous le menton. Si le jeu des rides ainsi que leur profondeur peuvent mener à la confusion des types, le manque de cheveux et la perte des dents sont des indices beaucoup plus sûrs.

Des réalisations posthumes ?

Cependant, il est d’autres portraits qui semblent échapper à cette classification. C’est pour-quoi une troisième catégorie est parfois reconnue61 : les portraits posthumes. Ces derniers seraient créés à partir des deux types précédents. Les traits de ces portraits seraient plus proches du type I ; toutefois, les rides profondes rappelleraient le second.
Le portrait retrouvé à Ostie, conservé au Museo nazionale delle Terme et inventorié inv.330, illustre, selon Diana E. E. Kleiner, cette catégorie62. Le menton est lacunaire, des entailles mineures strient le front, les joues et les oreilles. La joue gauche semble avoir subi un grattage ; l’oreille droite a eu une partie de son pavillon recollée. Le princeps n’est pas représenté chauve comme sur l’effigie de Copenhague I.N. 2585. Toutefois, sa chevelure n’est pas aussi foisonnante que pour le portrait de Carthage. En effet, la ligne de frange est très haute et s’interrompt avant de retrouver les tempes garnies. En revanche, le mouvement des mèches temporales rabattues vers l’avant semble respecté. Le front, qui est comme sur les autres effigies décrites précédemment imposant, s’anime par la présence de trois rides ; ces dernières se retrouvent sur les portraits de Londres et de Copen-hague. Cependant, si elles sont profondément incisées sur ces derniers, elles ne le sont qu’à peine pour le portrait inv.330 découvert à Ostie. Le constat est le même pour tous autres sillons de l’âge évoqués plus haut : ils sont changés en ridules, estompés sur le portrait inv.330.
Le regard est identique aux deux types précédents : les yeux, petits et rapprochés, sont pro-fondément enfoncés, ce qui fait ressortir le bourrelet subsourcilier. Les sourcils sont arqués et le jeu des chairs du front donnent un air de sérieux au princeps. Le nez est busqué – quoique légèrement – comme sur la plupart des représentations numismatiques de Vespasien. On retrouve les rides naso-labiales déjà présentes dans les portraits présentés plus haut qui guident l’oeil jusqu’à la bouche de l’empereur. La lèvre supérieure est plus fine que l’inférieure. Cela détonne par rapport aux premiers types : dans un cas, soit les lèvres sont relativement épaisses, soit elles semblent disparaître. Dans le cas présent, il semble que la bouche puisse servir de critère à part entière pour distinguer les por-traits posthumes des autres séries. Le menton manque et ne peut fournir d’informations complémen-taires pour la question de la distinction des types. Cependant, le cou plutôt élancé présente des plis mais surtout fait ressortir la pomme d’Adam ; ce vieillissement souligné des chairs se rapporte da-vantage aux portraits vieillis du princeps.
Le portrait d’Ostie inv.330 cumule des signes de l’âge tout en en gommant d’autres. Ainsi, la chevelure moins éparse que sur les portraits de type II rajeunit Vespasien. De même, bien que la bouche ne reprenne pas le dessin relativement épais des portraits du premier type, les lèvres n’en disparaissent pas davantage du visage ; la lèvre supérieure moins épaisse que la lèvre inférieure évoque peut-être un entre-deux (âge mûr vs âge mature).
Le portrait d’Ostie inv.330, bien que par des détails il s’éloigne des deux types précédents, peut-il cependant être considéré comme posthume ? Quels indices permettent d’en resituer la créa-tion après la mort de Vespasien ?
Durant le principat de Domitien (81 – 96), furent sculptés les reliefs dits de la Chancelle-rie63. L’un d’entre eux présente l’adventus de Vespasien, c’est-à-dire son retour de Judée. La mise en scène dévoile un Domitien jeune accueillant son père aux portes de Rome. Les traits de Vespa-sien sont ici primordiaux pour la classification des portraits. En effet, la datation absolue de ces re-liefs permet de mieux situer – et resituer – certains portraits qui ne répondraient pas entièrement aux descriptions des deux premiers types. Sur le relief, Vespasien est représenté le corps de trois-quarts face et la tête de profil. Cette dernière pourrait ne pas aider davantage que les profils monétaires. Toutefois, le très haut relief utilisé pour son traitement rend toute la troisième dimension au portrait et sa prise en compte comme portrait sculpté valable.
Une chevelure pleine est traitée en mèches grossières, ce qui n’empêche pas que leur mou-vement rappelle celui des autres chevelures de Vespasien : elles sont peignées de l’arrière vers l’avant des tempes, du haut vers le bas. Cette chevelure importante par rapport aux autres exemples, laisse deviner une boîte crânienne carrée. Le front est toujours large et rectangulaire. Les rides du haut du visage sont multiples : trois strient le front ; un ensemble plus important que d’habitude anime le haut du nez. La transition entre le haut du visage et le regard se fait par un bombement des chairs du front qui est retenu par les sourcils arqués. Les yeux, toujours petits et rapprochés, portent un lourd bourrelet subsourcilier. Le nez busqué rappelle les portraits monétaires. Le jeu des rides pour la partie médiane du visage se retrouve ici parfaitement : d’abord les pattes d’oie, puis les plis naso-labiaux et les creux dans la joue qui se finissent en rides et se rejoignent sous le menton. Les joues sont d’ailleurs moins pleines que sur le portrait du British Museum ; les chairs semblent relâ-chées et même tomber. La bouche rappelle celle d’Ostie inv.330, entre l’absence des lèvres et leur relative épaisseur. Une dépression se fait jour entre la bouche et le menton, comme sur la plupart des portraits sculptés. Le cou fin ne porte pas de rides mais laisse apparaître la pomme d’Adam. Ce portrait montre bien un homme plutôt jeune par sa chevelure pleine, par la présence de lèvres fines mais existantes et son expression ferme et volontaire. Toutefois, par le nombre des rides et le dé-charnement des chairs, Vespasien paraît âgé.

Le cas Ma 1262

Le dernier serait antique, bien que l’ensemble des chercheurs ne suit pas l’opinion de l’auteur. Intéressons-nous à celui-ci, inventorié Ma 126272.
La statue représente Vespasien, habillé d’une toge. Il tient un rouleau dans la main gauche. La tête est étrangère au corps et le collage des deux est un héritage de la collection Campana. Pour rester fidèle au sujet, nous nous pencherons uniquement sur la tête. Réalisée en marbre à grain fin mêlé à des particules brillantes, elle est un peu plus grande que nature. La surface est par endroits peu lisible à cause des concrétions conséquentes à l’enfouissement – et ce, malgré le nettoyage Campana. La tête est un remontage de plusieurs morceaux. L’arrière de la tête a été comblé par ce qui semble être une résine. Quelques parties du visage sont également l’oeuvre des restaurateurs du marquis : les oreilles, le nez et le menton sont des reprises de cette époque.
Si le visage présente une surface très lisse et lisible, la chevelure ainsi que l’arrière de la tête le sont beaucoup moins. Au-dessus du front, le crâne n’est pas dégarni mais les mèches très légère-ment incisées ne donnent que peu de volume ; ce qui suggère une calvitie prochaine. De plus, la ligne de la frange placée très haut et les tempes bien dégarnies renforcent cette idée. Autre effet illusionniste : les mèches ramenées vers l’avant, vers les tempes ; procédé qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la chevelure des portraits de Londres et de Copenhague. Le front s’en déploie encore davantage et devient imposant. Il est rythmé par un jeu de rides : deux profonds sillons horizontaux animent le front tandis que deux plis à la naissance du nez servent de transition. Le tout appelle à un jeu d’ombre et de lumière, renforçant le traitement qui s’annonce déjà expressif.
Sous des sourcils arqués, les yeux rapprochés sont enfoncés au point que le bourrelet sub-sourcilier en surplombe le coin externe. Coin qui est terminé par des pattes d’oie. Le bourrelet re-tombe sur la paupière supérieure qu’il cache de tout son poids en vue frontale. Sous les cernes, de hautes pommettes précèdent les joues fortement creusées par deux sillons qui se rejoignent sous le menton. D’autres rides partent de part et d’autre des narines pour encadrer la bouche. Cette der-nière, aux lèvres minces et comme enfoncées, donne l’impression d’être édentée. La bouche légè-rement tirée vers le haut du côté gauche donne l’esquisse d’un sourire, peut-être ironique.
Malgré les restaurations, les principaux traits de Vespasien semblent présents. On reconnaît le même traitement de la chevelure pour ce qui est de la frange et des mèches sur les tempes. L’arrière de la chevelure n’est malheureusement que peu lisible. Le large front n’est certes ridé que de deux sillons ; toutefois, la césure des rides en leur milieu et leur articulation avec les plis situés à la naissance du nez rappellent le jeu des marques de l’âge, aussi bien sur le portrait de Londres que sur celui de Copenhague I.N. 2585.

Un Vespasien sans valeur ?

Les auteurs qui se sont penchés sur ce portrait reconnaissent les traits de Vespasien. Ce-pendant, le reproche va à la restauration qui paraît excessive : elle aurait été « un peu plus loin que la surface faciale antique » comme le soutiennent Georg Daltrop et ses collègues. A leurs yeux, le portrait est « iconographiquement et artistiquement sans valeur »75. Il est vrai que la surface trop abîmée complique la lecture de l’arrière du crâne. Toutefois, les traits du visage de Vespasien sont clairs et facilement compréhensibles. De plus, l’équipe allemande n’hésite pas à établir un lien comparatif entre ce portrait et celui conservé au Muzeo nazionale delle Terme, à Rome, au sujet du « caractère » et de la « chevelure ».
De son côté, Kate de Kersauson ne doute pas de reconnaître les traits de Vespasien, malgré le nettoyage Campana. Elle trouve même des points communs avec d’autres portraits identifiés comme ceux du princeps. Elle s’attarde sur « les traits accusés par l’âge », ce qui lui permet de citer les portraits de Copenhague (I.N. 2585) et Florence comme comparants. Par ce moyen, elle date alors le portrait du Musée du Louvre de la même époque que celui de la glyptothèque danoise, entre 76 et 79 apr. J.-C.
Cependant, certains détails éloignent les portraits de Paris et de Copenhague. Kate de Ker-sauson évoque « une calvitie prononcée »78 dans les deux cas ; la chevelure est moins simpliste. Le portrait I.N. 2585 de la glyptothèque danoise montre effectivement une calvitie bien avancée ; le sommet du crâne est bien dégarni. Toutefois, sur les tempes, des mèches sont incisées ; elles sont peignées du haut vers le bas et vers l’avant, tout comme sur le portrait de Paris. Dans les deux cas, il s’agit certainement d’une coquetterie pour cacher du mieux possible le manque de cheveux. Cepen-dant pour le togatus de Paris, les mèches des tempes laisse la place à une frange, certes haute mais existante. Par ce détail, le portrait parisien serait le plus jeune.
Passons aux autres signes de l’âge : le jeu de rides est de même composition, tout en diffé-rant dans certains détails. Le nombre de rides est plus important à Copenhague qu’à Paris. Le front du premier portrait présente trois rides alors qu’on ne peut en décompter que deux pour le second. Les joues sont creusées pareillement par des sillons qui se rejoignent sous le menton ; mais encore une fois ils sont plus nombreux pour le premier avec trois sillons, que pour le second (deux sillons). De plus le compte des sillons, plis et autres rides vieillissent le portrait de Copenhague. Le portrait du Louvre peut être considéré comme représentant un princeps plus jeune et pourrait donc se rap-procher de ceux du type I.
Toutefois, un détail ne va pas dans ce sens ; sur le portrait du Louvre, les lèvres sont fines ; la lèvre supérieure disparait presque comme happée par la bouche. En comparaison avec le chef de file des portraits de type I, la différence est flagrante : le portrait découvert à Carthage et conservé au British Museum présente des lèvres relativement épaisses par rapport aux autres effigies de Ves-pasien. Sur le portrait Ma 1262, la bouche est composée par une lèvre supérieure nettement plus fine que la lèvre inférieure. Si cette organisation ne rappelle pas celle du portrait I.N. 2585 de Co-penhague, elle n’est pas non plus identique à la bouche du Vespasien conservé au British Museum. A quel type peut donc se rapporter ce portrait ?
La bouche du portrait de Paris se retrouve entre celle du type I et celle du type II. Un peu comme sur le portrait inv. 330 d’Ostie. D’ailleurs, la chevelure du Vespasien parisien est composée d’une façon qui rappelle beaucoup le portrait d’Ostie : une chevelure pleine qui laisse dégagé le haut des tempes. Le mouvement de mèches temporales est identique : elles sont peignées vers le visage, du bas vers le haut. Le princeps n’est donc pas chauve, bien que le début d’une calvitie soit sensible ; en effet, le retour des mèches vers le visage est une coquetterie que l’on retrouve sur d’autres portraits du princeps. Quoiqu’il en soit, le sommet du crâne n’est pas dégarni comme pour le portrait I.N. 2585 de Copenhague. La chevelure ne correspond pas aux types I et II mais semble plus comparable au portrait d’Ostie.
De même, l’affaissement des chairs ainsi que la pomme d’Adam proéminente sont autant de signes de vieillesse que le Ma 1262 partage avec le portrait d’Ostie. Le Vespasien parisien paraît se détacher des caractéristiques propres aux types I et II pour se rapprocher des portraits posthumes. D’ailleurs, les auteurs allemands, bien que considérant le portrait du Louvre inintéressant pour l’étude des traits de Vespasien, le rapprochent toute de même de la tête découverte à Ostie79. De son côté, Kate de Kersauson préfère le rapprochement avec le portrait de Copenhague, de type II car tous deux présentent « des traits accusés par l’âge, une calvitie prononcée, le bourrelet subsourcilier appesanti sur la paupière supérieure ».
Certes, les signes de l’âge sont communs aux deux portraits ; mais ils sont également com-muns à bien d’autres portraits du princeps. De plus, comme nous venons de le voir, la chevelure du Vespasien parisien est plus proche de celle du portrait inv.330 d’Ostie que du I.N. 2585 de Copen-hague. Il est vrai que dans le cas du portrait parisien, le bourrelet de la paupière supérieure fait dis-paraître le coin externe des yeux, comme sur le portrait danois. Toutefois, cette caractéristique se retrouve sur d’autres portraits qui n’appartiennent pas à la classification de type II, comme sur le portrait conservé à la Galerie des Offices, à Florence, considéré lui aussi comme posthume81. Les principaux indices viendraient à dire que le portrait Ma 1262 pourrait être un portrait posthume. Il aurait alors été créé après 79, année de la mort de Vespasien, et non pas durant les années 76 – 79 qu’avance Kate de Kersauson.
Toutefois, le style de l’oeuvre parisienne semble éloigné des deux portraits utilisés comme référence pour les créations posthumes. Est-ce que cela est dû au nettoyage trop excessif réalisé par les équipes du marquis Campana ? Est-ce que le style est dû à une date de création plus tardive ? Il est difficile de trancher. Cependant, on peut écarter l’hypothèse d’un portrait non canonique, au sens où l’entend Lee Ann Riccardi83. En effet, l’auteur définit son concept à partir d’oeuvres issues des ateliers provinciaux. Or, la statue aurait été retrouvée à Pompéi : le concept ne saurait alors s’appliquer ici. Toutefois, devant le manque de renseignements précis, on ne peut être plus affirma-tif.
Si les principaux traits du premier des Flaviens sont reconnaissables sur Ma 1262, si les signes caractéristiques des portraits posthumes s’y retrouvent, le style semble échapper aux attentes des spécialistes. Il n’est pas étonnant que l’oeuvre ait alors été d’une part rejetée du corpus des por-traits sérieux de Vespasien par les Allemands et par la suite, moins étudiée. Malgré cela, le por-trait porte bien le « caractère » de Vespasien. Le camée conservé au Cabinet des Médailles per-mettra-il d’éclairer un peu le cas ?

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Table des matières
Avant-propos 
Introduction 
Le portrait : héritage ou innovation ?
Les sources
Les portraits masculins
Les portraits de Vespasien
Présentation de l’empereur
Les portraits en numismatique
Les portraits en ronde-bosse : les différents types
La situation au Cabinet des Médailles
Comparaison entre les différents portraits
Les portraits de Titus 
Présentation de l’empereur
Ses portraits en numismatique
Les typologies des portraits sculptés
Titus au Musée du Louvre
Un camée aux traits de Titus
Comparaison des différents portraits de Titus
Les portraits de Domitien
Présentation de l’empereur
Portraits numismatiques
Les portraits d’inconnus
Les portraits Ma 4520 et Ma 4669
Un couple au Cabinet des Médailles
Les portraits féminins 
Les portraits de Iulia Titi
Sa grande présence en numismatique
Les différents types de portraits monétaires
Julie en trois dimensions
Sa grande présence en glyptique
Les portraits de Domitia Longina
Les différents types de portraits
Le portrait du Musée du Louvre
Les portraits conservés au Cabinet des Médailles
Premières conclusions
Les portraits d’inconnues
Conclusion 
Bibliographie 

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