Les perspectives de ciblage de l’inflation dans les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

L’inflation, présente aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement, se définit comme une hausse soutenue du niveau général des prix. Ainsi, si pour une année donnée, le taux d’inflation est de 1%, il en coûtera 101 francs CFA cette année-là pour acheter ce qui l’année précédente coûtait 100 francs CFA. Au même taux d’inflation, il faudra débourser 102,01 francs CFA l’année suivante et ainsi de suite. Selon les statistiques du FMI et de la Commission de l’UEMOA , l’inflation, mesurée par la variation de l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC), est estimée en moyenne pendant la période 1976-2015 à 4,52% au Bénin et au Burkina Faso, 5,89% en Côte d’Ivoire, 28,57% en Guinée Bissau, 4,98% au Mali, 4,45% au Niger, 4,25% au Sénégal et 5,07% au Togo. En considérant la zone UEMOA dans son ensemble, les statistiques publiées par la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) montrent que l’inflation s’est établie en moyenne à 5,15% pendant cette période.

Donc, on note bien la présence de l’inflation dans les pays de l’UEMOA. Quand les économistes traitent de l’inflation comme un problème économique, ils font généralement allusion à sa constance au cours d’une période. L’inflation, touchant toutes les économies quel que soit leur niveau de développement, est au cœur de multiples dérèglements qui affectent tous les aspects de la vie économique. La littérature théorique et empirique a mis en évidence qu’une inflation élevée et variable a des coûts économiques et sociaux importants et variés. En effet :
– elle entraîne des distorsions dans les prix relatifs ;
– elle réduit l’épargne et l’investissement et freine par conséquent la croissance économique ;
– elle stimule les investissements non productifs (immobilier, avoirs en monnaie étrangères) et la fuite des capitaux ;
– elle crée une incertitude dans l’économie : elle rend plus difficile l’interprétation de l’information transmise par les prix des biens et des services, compliquant les prises de décisions des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics ;
– elle rend le système financier moins efficient ; elle rend également plus difficile la prise de décisions pour le futur.

A l’heure actuelle, la stabilité des prix, définie selon Greenspan comme un taux d’inflation suffisamment faible et graduel pour que les ménages et les entreprises n’aient pas à en tenir compte dans la prise de leurs décisions financières quotidiennes, est devenue l’un des principaux objectifs assignés aux banques centrales dans de nombreux pays du monde. Qu’elles fonctionnent avec des objectifs multiples à court terme ou des mandats législatifs pour la stabilité des prix, pratiquement toutes les banques centrales ont reconnu leur désir de réaliser la stabilité des prix à tout instant (George A. Kahn, 1996).

Les banques centrales, responsables de la politique monétaire, mettent en œuvre différentes stratégies pour assurer la stabilité des prix. Dans l’UEMOA, la banque centrale a toujours orienté sa politique dans le but de maitriser les pressions inflationnistes. Ainsi, l’objectif retenu pour l’action monétaire de la BCEAO est la recherche de la stabilité des prix avec un taux d’inflation maximum de 2%. Cet objectif s’inscrit dans le souci d’une préservation de la valeur interne et externe de la monnaie de l’union. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau dispositif de gestion monétaire en 1989 , la stratégie des autorités de la BCEAO s’appuie principalement sur un recours important aux mécanismes de marché, se fondant particulièrement sur l’utilisation d’instruments de régulation monétaire. Ainsi, à la suite des réformes mises en place en 1993 (procédures d’adjudication hebdomadaires) puis en 1996 (réforme de la procédure d’adjudication) , les taux d’intérêt directeurs occupent une place centrale dans la politique monétaire menée par la BCEAO, en particulier depuis que l’encadrement du crédit a été abandonné en 1994. La politique des taux d’intérêt de la Banque Centrale vise à assurer la stabilité des prix par la régulation de la liquidité bancaire, la promotion de l’épargne, le maintien, ainsi que le recyclage optimal des liquidités disponibles dans l’Union (BCEAO, 2004).

Un bilan des expériences de la politique de ciblage de l’inflation

Depuis son introduction, le ciblage de l’inflation a été adopté par un nombre important de Banques Centrales, continuant ainsi à gagner en popularité comme stratégie de politique monétaire aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Avec un quart de siècle d’histoire, le ciblage de l’inflation est actuellement pratiqué dans 34 pays (FMI, 2013). La Nouvelle-Zélande a été le premier pays à avoir mis en œuvre cette stratégie au début des années 1990. Elle a vite été suivie par d’autres pays industrialisés comme le Canada (1991), le Royaume-Uni (1992), la Suède (1993), l’Australie (1994) etc. En raison de la recherche d’un nouveau point d’ancrage nominal à la suite de l’échec des tentatives de cibler la masse monétaire ainsi que du déclin des régimes de change fixes dû aux crises de changes intervenus à la fin des années 1990, cette stratégie s’est popularisée dans les pays émergents et en développement. Ainsi, elle a été adoptée par des pays comme la Pologne (1998), le Brésil (1999), la Chili (1999). En Afrique, le ciblage de l’inflation est seulement introduit par l’Afrique du Sud (2000) et le Ghana (2007). Le nombre de pays qui adopte le ciblage de l’inflation augmente d’année en année. Le dernier pays développé à l’avoir adopté est le Japon (janvier 2013). Cette avancée importante souligne que le ciblage de l’inflation est de plus en plus le choix des pays développés et pas seulement des économies en développement. En 2013, le Paraguay, a rejoint ce groupe en adoptant le ciblage de l’inflation comme sa politique monétaire officielle après avoir terminé la phase de transition. En outre, la Russie et l’Ouganda sont dans la phase de transition vers le ciblage de l’inflation complet.

Introduit sans aucune recherche académique spécifique précédente, l’émergence du ciblage de l’inflation a été l’œuvre plutôt des praticiens de la banque centrale et de gouvernement que des universitaires. Une fois conçu et appliqué par les banques centrales de certains pays pendant la première moitié des années 1990, le ciblage de l’inflation a suscité beaucoup d’intérêt et de débats entre les banquiers centraux et les économistes monétaires. Ainsi, à partir de la deuxième moitié des années 1990, des universitaires comme Bernanke, Mishkin et Svensson, ont commencé à publier les résultats de leurs recherches sur cette stratégie. Actuellement, le nombre de documents (articles et livres) sur le ciblage de l’inflation augmente de plus en plus rapidement et il existe un volume important de recherche accumulée sur le ciblage de l’inflation.

Le ciblage de l’inflation est de plus en plus considéré comme une bonne stratégie de politique monétaire et largement applaudi par les économistes et les autorités (Hu, 2006). Il a été adopté aussi bien dans le cas où le taux d’inflation souhaité est atteint que dans le cas où le taux d’inflation est nettement supérieur à l’objectif d’inflation à long terme. Jusqu’à nos jours, le ciblage de l’inflation a eu un succès considérable, tel que mesuré par la stabilité de l’inflation et la stabilité de l’économie réelle (Svensson, 2010). En effet, il est apparu que le ciblage de l’inflation améliore les performances macroéconomiques en réduisant le niveau, la variabilité, la persistance et l’incertitude de l’inflation (Mishkin et Schmidt-Hebbel, 2007 ; Lin et Ye, 2009 ; Creel et Hubert, 2009), en augmentant la croissance de la production tout en diminuant sa variabilité (Corbo et al, 2001 ; Neuman et von Hagen, 2002 ; Gonçalves et Salles, 2008 ; Lee, 2011 ; Mollick et al, 2011) et en réduisant la volatilité des taux d’intérêt et de change (Batini et Laxton, 2007 ; Rose, 2007). Egalement, Il a été montré que le ciblage de l’inflation a contribué à ancrer les anticipations inflationnistes à long terme (Levin et al, 2004 ; Gürkaynak et al, 2007). En outre, Il n’y a aucun résultat empirique qui montre que le ciblage de l’inflation est préjudiciable à la croissance, la productivité, l’emploi, ou d’autres mesures de la performance économique (Cecchetti et Ehrmann, 1999 ; Ball et Sheridan, 2003 ; Lin et Ye, 2007 ; Creel et Hubert, 2009 ; Filho, 2010). Certaines preuves indiquent aussi que le ciblage de l’inflation importe pour les performances budgétaires en améliorant la discipline fiscale aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement (Lucotte, 2012 ; Minea et Tapsoba, 2014), renforce l’indépendance de la banque centrale et améliore l’efficacité de la politique monétaire (Molick et al, 2011).

Les composantes de l’indice harmonisé des prix à la consommation

Les statistiques de l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) publiés par la commission de l’UEMOA montrent que celui-ci s’est caractérisé en moyenne par une faible hausse ces dernières années aussi bien dans l’union prise dans son ensemble  que dans chaque pays . En effet, du fait que l’indice global est obtenu par une moyenne pondérée d’indices intermédiaires, il devient intéressant à notre niveau de montrer les groupes de produits , dont l’évolution influencent de façon très importante l’indice global. Ainsi, compte tenu de leur poids dans le panier de l’indice et de l’amplitude des mouvements de prix qu’ils ont connus, les groupes de produits ont contribué de manière très différente à la variation de l’indice global du niveau général des prix .

– L’indice des produits alimentaires et boissons non alcoolisées a imprimé son sens de variation à l’indice globale de l’union et dans chaque pays. Bien qu’ayant connu une faible variation moyenne (1%), les produits alimentaires ont fortement contribué à l’évolution de l’inflation dans la zone. A l’échelle de l’Union, la contribution de ce groupe est estimée à plus de 33%. A part la Côte d’Ivoire pour laquelle la contribution des produits alimentaires est à 7%, tous les pays de l’Union ont été confrontés à une contribution à deux chiffres voire à trois chiffres de ce groupe de produits. Ainsi, au Niger et au Sénégal, les contributions de l’évolution des produits alimentaires sur l’indice global sont respectivement de 117% et 127%. La contribution la plus faible de ce groupe est constatée au Togo avec 25%. Au Bénin et au Burkina, la contribution de ce groupe se trouve aux environs de 37% alors qu’au Mali et en Guinée Bissau, elle est respectivement de 50% et 69%.
– A cela s’ajoute les prix des services hôteliers et restaurants qui ont varié en moyenne de 1,8% et contribué à hauteur de 16,7%. Cette contribution assez conséquente de ce groupe est relative à celles au Bénin, en Côte d’Ivoire mais surtout au Sénégal. Dans ces pays, les prix des services hôteliers et restaurants ont évolué en moyenne de 1,8% au Bénin et en Côte d’Ivoire et de 2,3% au Sénégal avec des contributions respectives de 12%, 18% et 45%.
– Il s’en suit les prix des transports qui ont connu une évolution moyenne de 1,2% pour une contribution à l’indice global de 14,6%. Les prix du transport ont plus contribué à l’inflation en Guinée Bissau (51,5%), au Bénin (39%), au Burkina (29%) et au Mali (13%). Au cours de cette période, la variation moyenne des prix du transport dans ces pays est de 5,8% au Bénin, 2,8% au Burkina, 2,4% en Guinée Bissau et 1,9% au Mali.
– Parmi les produits qui ont fortement contribué à l’inflation globale dans la zone pendant la période 2012-2015, on peut noter les articles d’habillement et chaussures dont les prix ont augmenté en moyenne de 1,9% avec une contribution de 12,5%. Cette part élevée de ce groupe dans l’évolution de l’indice est imputable à l’évolution moyenne de 4% des prix des articles d’habillement et chaussures en Côte d’Ivoire avec une contribution à l’inflation de ce pays de 29%.
– S’agissant des prix du logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles, ils ont évolué en moyenne de 1%. Leur contribution à l’évolution de l’indice global dans l’Union est estimée à 10,4%. Cette contribution traduit les variations moyennes des prix de ce groupe au Burkina (3%), en Côte d’Ivoire (1,8%), en Guinée Bissau et au Mali (2,6%) et, au Togo (3%). Dans ces pays, ce groupe de produits à contribué à l’évolution moyenne de l’indice global de prix à hauteur de 26% au Burkina, 18% en Côte d’Ivoire, 25% en Guinée Bissau, 16% au Mali et 22% au Togo.
– Pour les autres groupes de produits, certains n’ont pas contribué à l’évolution de l’inflation pendant la période 2012-2015. Il s’agit du groupe des boissons alcoolisées, tabac et stupéfiants, du groupe des produits de la santé et du groupe des activités de loisirs et de culture. D’autres prix ont contribué mais à des niveaux relativement faibles. Il s’agit des prix de l’enseignement qui ont connu une évolution moyenne de 3,5% et ont contribué à hauteur de 8% traduisant les contributions de 14% en Côte d’Ivoire et de 18% au Sénégal. Il y a aussi les prix du groupe des meubles, articles de ménage, entretien courant du foyer et les prix du groupe des biens et services divers. Ces deux groupes ont une même contribution de 4,2% et une évolution moyenne des prix identique à 1,5%. Pour le groupe des meubles, articles de ménage, entretien courant du foyer, la contribution la plus élevée est notée au Niger avec 10,3% alors que la contribution la plus élevée pour les prix des biens et services divers est constatée au Togo avec 12,5%.
– Contrairement à tous ces groupes de produits qui ont été à l’origine de la hausse des prix dans l’Union, les prix de la communication ont été les seuls à ressortir en baisse pendant la période 2012-2015. Ces prix ont diminué en moyenne de 0,8% et ont contribué à une baisse des prix de 4,2% imputable principalement aux contributions négatives de 30% en Guinée Bissau et 38% au Niger.

Après avoir analysé les composantes de l’indice harmonisé des prix à la consommation permettant de mesurer l’inflation, nous allons aborder l’orientation globale de celle-ci au cours des dernières décennies.

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Table des matières

Introduction générale
1 Les déterminants de l’inflation dans la zone UEMOA
1.1 Les faits stylisés de l’inflation dans les pays de l’UEMOA
1.1.1 Les composantes de l’indice harmonisé des prix à la consommation
1.1.2 La volatilité et la persistance de l’inflation dans l’union
1.1.3 Les effets de la production céréalière locale
1.1.4 Les pressions inflationnistes de la flambée des cours du pétrole
1.1.5 L’influence de la hausse des prix mondiaux des produits alimentaires importés
1.2 Une revue de la littérature sur les déterminants de l’inflation
1.2.1 Les considérations théoriques sur les déterminants de l’inflation
1.2.2 La littérature empirique sur les déterminants de l’inflation
1.3 Une estimation économétrique des déterminants de l’inflation dans l’UEMOA
1.3.1 La spécification du modèle
1.3.2 La description des données et la méthodologie d’estimation
1.3.3 L’interprétation des résultats
2 Régimes de change et performances économiques en Afrique : Quelles leçons pour les pays de l’UEMOA ?
2.1 La classification et l’évolution des régimes de change en Afrique
2.2 Une revue de littérature sur le choix du régime de change
2.2.1 La littérature sur les déterminants du choix du régime de change
2.2.2 La littérature de l’impact des régimes de change sur l’inflation et la croissance
2.3 Choix du régime de change et performances macroéconomiques : quelques faits stylisés
2.3.1 Régime de change et inflation
2.3.2 Régime de change et croissance
2.4 Etude empirique de l’impact des régimes de change sur l’inflation et la croissance en Afrique
2.4.1 La méthodologie
2.4.2 Les données
2.4.3 Interprétation des résultats
3 Quelle cible d’inflation pour les pays de l’UEMOA ?
3.1 Une revue de littérature des effets de l’inflation sur la croissance économique
3.2 Les études empiriques sur le taux optimal d’inflation
3.2.1 Les études en données de panel
3.2.2 Les études par pays
3.3 Inflation et Croissance dans les pays de l’UEMOA
3.3.1 Avant la dévaluation du F.CFA
3.3.2 Pendant la dévaluation du F.CFA
3.3.3 Après la dévaluation du F.CFA
3.4 Estimation économétrique d’un taux optimal d’inflation
3.4.1 Méthodologie d’estimation
3.4.2 Description et Stationnarité des données
3.5 Résultats empiriques
3.5.1 L’identification du seuil optimal d’inflation
3.5.2 Tests de linéarité
3.5.3 Relation entre inflation et croissance économique
3.6 Tests de robustesse
3.6.1 Introduction d’un indicateur de stabilité macroéconomique
3.6.2 Introduction d’un indicateur du niveau institutionnel
4 Règle de ciblage d’inflation pour la BCEAO
4.1 La littérature empirique sur les règles de ciblage de l’inflation
4.1.1 Les modèles de ciblage de l’inflation
4.1.2 Les études empiriques sur les règles de ciblage de l’inflation
4.2 Le cadre théorique du modèle de ciblage de l’inflation
4.2.1 Les préférences de la Banque Centrale
4.2.2 La représentation de l’économie des pays de l’Union
4.2.3 Les décisions de la Banque Centrale
4.2.4 Estimation des équations du modèle structurel
4.2.5 Fonction de réaction de la Banque Centrale
4.3 La détermination de la règle optimale de ciblage de l’inflation
4.3.1 Les coefficients optimaux des règles de ciblage de l’inflation
4.3.2 L’efficacité des règles optimales de ciblage de l’inflation
4.3.3 La dynamique du modèle
4.4 Hétérogénéité dans l’UEMOA et règles de ciblage de l’inflation
4.4.1 Les niveaux d’hétérogénéité structurelle dans l’UEMOA
4.4.2 Illustration de l’hétérogénéité par une règle nationale de ciblage de l’inflation
4.4.3 La règle agrégée de ciblage d’inflation avec hétérogénéité
Conclusion générale
Bibliographie

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