Les interfaces tactiles/haptiques pour personnes avec Trouble du Spectre de l’Autisme

Le sens du toucher fait partie des sens primaires de l’être humain. Ce sens nous permet d’extraire des informations physiques sur les objets tels que la chaleur, le poids, la texture ou la forme. Il nous permet également de communiquer des émotions à d’autres individus (Hertenstein, Holmes, McCullough, & Keltner, 2009). Dans le Trouble du Spectre d’Autisme (TSA), le sens du toucher peut présenter des particularités. En effet, certains individus avec TSA ont des difficultés à tolérer une caresse, d’autres ne ressentent pas les douleurs. Alors que d’autres encore peuvent exprimer un besoin constant de stimulation tactile (Grandin, 1992). Le sens tactile a peu été étudié chez les personnes avec TSA et aucune similarité de motif de développement commun n’a été observée (Marco, Hinkley, Hill, & Nagarajan, 2011). Néanmoins, les effets de stimulations tactiles contrôlées, dispensées dans des environnements adaptés pourraient être bénéfiques (pour le développement ou pour le bien être) pour certaines personnes avec TSA. Les premières observations de l’Autisme ont été réalisées par le docteur Kanner en 1943 (Kanner, 1943) et, dès cette époque, les personnes ayant un TSA ont été caractérisées par des troubles de la communication et des interactions sociales mais également par des particularités sensorielles (American Psychiatric Association, 2013, p. 5). L’autisme est un handicap lourd, à la fois pour les patients et leurs familles. L’absence de de possibilités d’interactions tactiles peut être très frustrante pour les familles.

Les avancées technologiques ont permis de développer des Interfaces Humain-Machine (IHM) ayant pour rôles d’assister les personnes avec TSA (Grynszpan, Weiss, Perez-Diaz, & Gal, 2014). Bien que l’utilisation de certaines technologies soient déjà répandues dans la population avec TSA, telles les tablettes tactiles, les IHM actuellement disponibles pour le grand public n’adressent pas forcément les problématiques propres à ces personnes ou à leurs aidants. En outre, les applications spécifiquement développées pour les TSA sont souvent focalisées sur l’apprentissage et le développement de la communication, et ne prennent pas forcément en compte les particularités sensorielles et motrices des personnes.

Les particularités sensori-motrices chez les personnes atteintes de Trouble du Spectre de l’Autisme 

Tout organisme vivant, et l’être humain en particulier, est en perpétuelle interaction avec son environnement. Ces interactions lui permettent de se déplacer et de réagir vis-à vis de situations particulières. Cela nécessite une permanente prise d’information et la circulation de messages entre les différentes parties du corps. Cette prise d’information se réalise grâce aux différents organes sensoriels. Le système nerveux central a pour charge d’intégrer ces informations et éventuellement permettre une réponse adaptée de l’organisme (Kandel, Schwartz, Jessell, & Mack, 2013). Les auteurs différencient habituellement sensation et perception. Des définitions de ces termes sont proposées ci-dessous :

• La sensation : En neuroscience, la détection d’un stimulus et la reconnaissance d’un évènement qui s’est produit sont habituellement appelés sensation (Squire, 2013). La sensation est propre à chaque modalité sensorielle. Les stimuli peuvent être captés par nos récepteurs sensoriels. La sensation a un caractère à la fois universel, tous les individus perçoivent leurs environnements avec un ou plusieurs sens. Elle a aussi un caractère relatif, chaque individu ne ressentant pas les stimuli de la même façon (Carterette & Friedman, 1974).
• La perception : L’interprétation et l’appréciation de l’évènement, détectées par la sensation, constituent la perception (Squire, 2013). La perception dépend des connaissances de chacun c’est-à-dire des stimuli, du contexte et de l’apprentissage (Postman, Bruner, & McGinnies, 1948).

Chez l’être humain, les différents systèmes sensoriels sont : le système visuel, le système tactile, le système auditif, le système gustatif, le système olfactif et le système proprioceptif qui permet la sensation de l’état de tension des muscles et des articulations. Il est défini comme le sens de la position et du mouvement des parties du corps (Sherrington, 1906). On définit le traitement de l’information sensorielle comme étant la capacité du cerveau à enregistrer, organiser et donner du sens à l’information reçue de ses sens (Ayres, 1989). Les troubles du traitement de l’information sensorielle correspondent à des réponses motrices, comportementales, émotionnelles et attentionnelles inhabituelles qui ont théoriquement été causées par l’incapacité du cerveau à traiter les informations visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives, ou proprioceptive (Suarez, 2012). Ce trouble englobe les troubles de la modulation sensorielle, les troubles moteurs à bases sensorielles et les troubles de la discrimination sensorielle (Miller, Anzalone, Lane, Cermak, & Osten, 2007) (Figure 7). Les troubles moteurs à base sensorielle sont caractérisés par de mauvaises postures ou mouvements volontaires (Miller et al., 2007). Les troubles de la discrimination sensorielle correspondent à une difficulté d’interprétation des qualités des stimuli sensoriels et à une incapacité à percevoir des similarités et des différences entre stimuli (Miller et al., 2007). Les troubles de la modulation sensorielle font référence aux difficultés à filtrer les informations sensorielles. Le présent travail s’intéresse essentiellement à la modulation sensorielle et aux troubles moteurs à base sensorielle, car ils sont les plus caractéristiques du TSA. Trois types de comportements ont été observés dans les troubles de la modulation sensorielle : L’hyper-réactivité, l’hypo-réactivité et la recherche de sensation. L’hyperréactivité correspond à une réponse exagérée, très rapide ou très prolongée à des stimulations sensorielles. Par contraste, l’hypo-réactivité relève d’un manque de prise en compte d’un stimulus ou d’une lenteur à répondre. La recherche sensorielle est définie comme un besoin ou un intérêt très marqué pour les expériences sensorielles prolongées ou intenses (Cermak & BenSasson, 2007).

Parmi les critères de diagnostic du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA), les particularités sensorielles sont un élément fondamental. Bien qu’observées par le Docteur Kanner dès 1943, il a fallu attendre le DSM-5 pour que ce critère soit mis en avant. En effet, l’hétérogénéité de ces particularités, leurs difficultés d’observations, parfois, et les interrogations quant à leurs origines alimentent les recherches des communautés scientifiques.

Particularités sensorielles des personnes avec TSA 

Définition 

Les chercheurs et cliniciens spécialistes s’accordent pour considérer que l’autisme recouvre une large gamme de conditions différentes qui forment un continuum, désigné par l’expression « Troubles du Spectre d’Autisme » (TSA). Les classifications internationales en vigueur actuellement (American Psychiatric Association, 2013) définissent les TSA sur la base de deux critères principaux: (1) déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales; (2) des patterns de comportements, d’intérêts ou d’activités restreints et répétitifs. La prévalence des TSA au niveau mondial est estimée à environ 0, 6 % de la population (Fombonne, 2003). En France, une étude récente portant sur les registres départementaux relève qu’un peu plus de 30 naissances sur 10 000 reçoivent un diagnostic d’autisme (Delobel et al., 2013). Cependant, ce chiffre est certainement sous-évalué du fait des difficultés à recenser efficacement l’ensemble des cas. Les individus avec Trouble du Spectre d’Autisme présentent une grande variété de profils cognitifs. La diversité interindividuelle est particulièrement importante en ce qui concerne les performances intellectuelles. Selon Fombonne (2003), l’autisme est associé à un retard mental plus ou moins sévère dans 70 % des cas. Il existe, néanmoins, un sous-groupe du spectre, désigné sous le terme d’autisme de haut niveau de fonctionnement, pour lequel les mesures du quotient intellectuel sont équivalentes ou même supérieures à la population moyenne.

L’impact social pour les personnes avec Troubles du Spectre de l’Autisme est important. Seuls 20% des enfants avec TSA arrivent à suivre une scolarité ordinaire sans aide spécialisée (Pinborough-Zimmerman et al., 2012; Prado, 2013). A l’âge adulte, la majorité des personnes avec TSA sont sans emploi. En effet, une étude menée par Hofvander et al. (2009) décompte seulement 43 % d’adultes employés ou étudiants dans une population de 122 adultes avec TSA et sans déficience intellectuelle.

Les symptômes sensoriels
Dès ses premières descriptions, l’autisme est caractérisé par la présence de troubles de la communication et des interactions sociales (Kanner, 1943). Le docteur Kanner relève aussi chez certains des 11 enfants observés des désordres perceptifs ; notamment une réactivité soit trop élevée soit inexistante aux sons, une attention particulière aux détails, une aversion pour le mouvement. Il faudra attendre 2013 avec la parution du DSM-5 (Manuel Diagnostique et statistique des troubles mentaux) pour inclure les particularités sensorielles comme sous critère de diagnostic du Trouble du Spectre de l’Autisme (American Psychiatric Association, 2013). En effet, pour être considéré comme un symptôme essentiel, il aura fallu démontrer les aspects universel (présent chez quasiment tous les individus avec ce syndrome), unique (diffèrent des individus avec d’autres diagnostic clinques) et spécifique (diffèrent des autres symptômes déjà décrits) à la nature du syndrome (Sigman, 1994).

A travers le récit de leurs vies, des personnes avec Asperger nous offrent la possibilité de voir le monde à travers leurs yeux : Ils nous donnent accès à une meilleure compréhension de leurs difficultés, et donnent une voix à tous ceux qui ne peuvent s’exprimer. Ainsi, Temple Grandin, femme avec autisme, docteure en science animale, écrivaine et militante pour l’Autisme, fait le récit de ses expériences de vie, et notamment de ses particularités sensorielles, motrices et sociales à travers son autobiographie (Grandin, 1992). Par exemple, elle a construit une machine où elle pouvait s’auto comprimer en s’inspirant des machines de maintien individuel des bestiaux. Donna Williams, dans son autobiographie (Williams, 1995), au titre français plus qu’évocateur « Si on me touche, je n’existe plus » , nous offre un témoignage de sa vie assez poignant, où sont dressées de nombreuses situations illustrant ses particularités sensorielles. Par exemple, « Je me tirais les cheveux et, par miracle, je ressentais quelque chose. Je me mordillais les bras et goûtais le sel de ma peau. C’était moi. » Ou encore « Pour percevoir le contact physique comme un plaisir, il fallait toujours que ce contact se fasse à mon initiative et, à tout le moins, qu’on me donne le choix de le refuser ou de l’accepter. » On peut observer à la lecture de ces témoignages, que les difficultés et les symptômes de chacun s’expriment à des degrés variés. On y retrouve des particularités sensorielles et perceptions atypiques du monde qui interagissent avec les difficultés sociales et difficultés de communication propre à l’autisme. Les particularités sensorielles dans l’autisme sont multiples et variées, impliquant une ou plusieurs modalités sensorielles. Dans le domaine visuel, des réactions négatives à la lumière sont observées (Baranek et al., 2013). Dans le domaine auditif, la littérature mentionne la présence de réactions de contrariétés, voire de détresse, dues au bruit, ainsi qu’une ouïe extrêmement précise et fine (Leekam, Nieto, Libby, Wing, & Gould, 2007). Dans le domaine tactile, on observe une aversion marquée pour certains types de tissus et un intérêt accru pour des activités quotidiennes impliquant de fortes stimulations tactiles telles que se couper les ongles (Dunn, Myles, & Orr, 2002) ou les embrassades (Grandin, 1992). Dans le domaine olfactif ou gustatif, la littérature rapporte des préférences pour la nourriture liées à la couleur des aliments, leurs textures, odeurs (Leekam et al., 2007) ou à leur effet gustatif (épicé, salé, sucré etc.) (Dunn et al., 2002). Dans le domaine proprioceptif, les particularités sensorielles se manifestent par la présence de seuils de douleurs ou de détection de chaleur inhabituels(Riquelme, Hatem, & Montoya, 2016). Pour plus de détails sur les différentes particularités sensorielles, le lecteur peut consulter (Deguenne-Richard, 2014).

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Table des matières

Introduction
Le toucher
I.1 Introduction
I.2 Psychophysique de l’appareil tactile humain
I.3 Aspects psycho-fonctionnels du toucher
I.4 Conclusion
Les particularités sensori-motrices chez les personnes atteintes de Trouble du Spectre de l’Autisme
II.1 Introduction
II.2 Particularités sensorielles des personnes avec TSA
Définition
Les symptômes sensoriels
Prévalence des particularités sensorielles
II.3 Facteurs indicateurs de sévérité
II.4 Troubles de la coordination sensorimotrice dans l’autisme
II.5 Particularités Tactiles chez les personnes avec TSA
II.6 Conclusion
Les interfaces tactiles/haptiques pour personnes avec Trouble du Spectre de l’Autisme
III.1 Introduction
Le sens du toucher dans le Trouble du Spectre de l’Autisme
Interfaces Haptiques – Interfaces Tactiles
III.2 Méthodologie
Critères de l’étude
Base de données
Présentation des résultats
III.3 Résultats
Caractérisation fonctionnelle des dispositifs
Développement et évaluations des dispositifs
III.4 Discussion
Apports des interfaces tactiles/haptiques
Qualité des évaluations
III.5 Conclusion
Conception de l’interface d’Exploration Motrice pour l’Autisme (DEMA)
IV.1 Analyse des besoins des professionnels travaillant avec des personnes avec Troubles
du Spectre de l’Autisme (Etude exploratoire préliminaire)
Introduction
Méthode
Résultats
Conclusion de l’analyse des besoins
IV.2 Conception et Développement Mécatronique
Concept
Cahier des charges
Benchmark technologique
IV.3 Instrumentation
Principe de Fonctionnement
Acquisition et traitements des signaux
Interface graphique associée
IV.4 Démonstrateur final
IV.5 Conclusion
Etude exploratoire des représentations des IHM chez les professionnels de santé via une technique d’élicitation associative
V.1 Introduction
V.2 Méthode
Participants
Procédure
Analyse des données
V.3 Résultats et discussion
Catégories
Analyse par groupe Métier
V.4 Conclusion
Evaluation de la place des IHM et de notre interface DEMA par des entretiens semidirigés de professionnels de santé
VI.1 Introduction
VI.2 Méthode
Participants
Protocole
Analyse des données
VI.3 Résultats et discussion
Analyse catégorielle
Analyse par groupe Métier
VI.4 Conclusion
Simon Tactile et Simon Social Tactile
VII.1 Introduction
VII.2 Conception et développement mécatronique
Cahier des charges
Architecture générale
Démonstrateur final
VII.3 Etude expérimentale
Participants
Matériel
Procédure
Résultats et discussion
VII.4 Conclusion
Conclusion

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