Les particularités régionales de la conquête romaine en basse Rhénanie 

Les particularités régionales de la conquête romaine en basse Rhénanie 

Avant l’arrivée des Romains, l’espace géographique situé entre la Somme et la Weser formait un continuum linguistique et culturel dans lequel la basse Rhénanie ne constituait nullement une frontière, tout comme dans la région du cours moyen du Rhin, puisque la culture de La Tène y prospérait des deux côtés. En revanche, les Romains romanisèrent progressivement la rive gauche du fleuve, alors que la rive droite se germanisait ; des coalitions de plus en plus puissantes et agressives se développèrent à l’est, jusqu’à ce que l’une d’elles, les Francs, envahisse le territoire de la Colonia Ulpia Traiana au troisième siècle.

L’expansion de Rome vers la Germanie découlait de plusieurs facteurs. Il y avait d’abord les raisons économiques du fait des échanges commerciaux de plus en plus en plus importants avec des matériaux stratégiques comme le plomb et l’étain ; Rome cherchait à contrôler directement les réseaux de transports ainsi que les zones de production et d’exploitation de ces ressources lucratives. Ensuite, il ne faut pas sous-estimer la soif de gloire pour les généraux et de carrière politique pour les hauts fonctionnaires de l’État ; pour ces deux catégories, la conquête d’une nouvelle frontière constituait un exutoire et une source de profits. Rome désirait donc se protéger en conquérant des territoires géographiques qui servaient de zone tampon assurant sa sécurité et elle voulait s’enrichir.

Les territoires de la Gaule et de la Magna Germania, situés au nord des Alpes, représentaient vraiment un défi, tant pour les distances, les climats, le relief, la végétation ou l’identité des différents peuples ; les Romains avaient hérité des Grecs un savoir fort fragmentaire  et souvent fantaisiste  au sujet de ceux que ces derniers appelaient globalement les Keltoï. Les Romains complétèrent leurs maigres connaissances en glanant des informations provenant de certains marchands et aventuriers intrépides qui n’avaient cependant jamais laissé d’écrits. Pour les Romains de la République, le Nord-Ouest était peuplé de barbares gaulois et de Germains encore plus sauvages et quelque part sur leur territoire, on trouvait de l’ambre et de l’étain ; les Romain ignorèrent même l’existence du Rhin jusqu’au début du premier siècle av. J.-C . Les conquêtes de Jules César en Gaule apportèrent de nouvelles informations sur ce territoire et les Romains disposèrent ensuite de la « Carte du monde » d’Agrippa  .Toujours est-il qu’à la veille des premières conquêtes germaniques, les Romains finirent par disposer d’une représentation dans les grandes lignes d’un territoire quadrillé par les principales voies fluviales. Xanten Vetera faisait bien partie de ces « Nouvelles frontières » romaines que Tacite décrivit d’une manière plutôt rébarbative pour de potentiels colons :   » Quis porro, praeter periculum horridi et ignoti maris, Asia aut Africa aut Italia relicta, Germaniam peteret, informem terris, asperam caelo, tristem cultu adspectuque, nisi si patria sit ? « Et qui donc, sans parler des périls d’une mer âpre et inconnue, quittant l’Asie, l’Afrique ou l’Italie, ferait voile vers la Germanie, vers ses pays sans forme, son ciel rude, triste à habiter comme à voir, à moins que ce soit la patrie ? »  » .

La situation géographique idéale de la région de Xanten-Vetera, tant sur le plan militaire que pour les communications terrestres et fluviales, a permis à ce territoire de l’antique Germania inferior d’être présent dans l’histoire romaine en Gaule dès les conquêtes de César . Lorsque les Romains se mirent en marche vers la vallée du Rhin en 55 av. J.-C., leur savoir se résumait à la connaissance des marées, de la longueur des jours différents par rapport au sud et l’agressivité et la pugnacité des autochtones76. De plus, comme ces peuples rhénans germaniques manifestaient une grande mobilité et peu d’attachement à un territoire spécifique, les Romains considéraient qu’une attaque préventive sur leur terrain représentait une protection légitime et un prétexte pour franchir le fleuve77 . Le récit des campagnes militaires gauloises de César, les Commentarii de Bello Gallico, contient les premiers éléments pouvant nous aider à comprendre ce que fut le territoire et les habitants de la région de Xanten-Vetera ; concernant le Rhin, il émit un commentaire qui influençait encore les politiciens du XXe siècle :  » Horum omnium fortissimi sunt Belgae, propterea quod a cultu atque humanitate prouinciae longissime absunt, minimeque ad eos mercatores saepe commeant atque ea quæ ad effeminandos animos pertinent inportant, proximique sunt Germanis, qui trans Rhenum incolunt, quibuscum continenter bellum gerunt  » ,   »« Les plus braves tous ces peuples sont les Belges, parce qu’ils sont les plus éloignés de la province romaine et des raffinements de sa civilisation, parce que les marchands y vont très rarement, et par conséquent, n’y introduisent pas ce qui est propre à amollir les cœurs, enfin, parce qu’ils sont les voisins des Germains, qui habitent sur l’autre rive du Rhin, et avec qui ils sont continuellement en guerre. »  » .

Le territoire environnant de la région de Xanten-Vetera étant situé entre les mondes gaulois et germanique au premier siècle av. J.-C., ce fut un espace ouvert aux mouvements migratoires et une zone tourmentée par les conflits entre les Romains et les clans vivant des deux côtés du Rhin et entre les autochtones eux-mêmes ; la conséquence à moyen et à long terme fut le développement d’une région à la population bigarrée et cosmopolite.

La région de Xanten-Vetera représentait un élément central dans le dispositif militaire romain nécessaire afin d’ajouter le territoire de la Germanie à son Empire et ce fut véritablement une entreprise familiale sous les Julio-Claudiens. En 39 av. J.-C., Octave et Agrippa visitèrent la Gaule et donnèrent des instructions pour construire des routes, dont une destinée à relier Trèves à Cologne . Agrippa utilisa militairement ce lien terrestre et fit transférer des Ubii (Ubiens) de la rive gauche à la rive droite du Rhin ; ces derniers formèrent une partie du tissu social qui donna naissance à la première colonie de Germanie inférieure : la Colonia Claudia Ara Agrippinensium .

Il faut bien comprendre que Cologne, Xanten et Nimègue étaient des centres de peuplades « nouvelles », les Ubiens par exemple, quel qu’en fût leur nombre, ne sont devenus des Ubiens, au sens historique, qu’après leur transplantation dans la région de Cologne. Il en fut de même pour les Cugernes à Xanten et les Bataves à Nimègue. Un fait très important : aucune de ces villes ne possédait un nom propre. On nomma Cologne Oppidum Ubiorum, l’agglomération des Ubiens, et Batavodurum, celle des Bataves. Quant à Xanten, elle s’appelait peut-être l’Oppidum Cibernodurum ou vicus Cibernodorum avant de devenir une colonie . Le terme « Nouvelle frontière » utilisé au début de notre introduction est ici pleinement justifié, tout comme l’obligation d’analyser la romanisation d’un point de vue régional et non global ; ce processus de transformation en basse Rhénanie ne peut en aucun cas se comparer à celui des villes avec une tradition urbaine ancienne comme Athènes .

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Table des matières

INTRODUCTION 
Bilan historiographique
Une zone frontière militarisée et un carrefour civil peuplé et cosmopolite : problématique et hypothèses
Le problème de l’étude d’une colonie négligée par les sources
littéraires anciennes : corpus de sources
Cadre conceptuel et démarche méthodologique
CHAPITRE 1 XANTEN-VETERA SOUS LES JULIO-CLAUDIENS : UN
CARREFOUR ETHNIQUE SOUS SURVEILLANCE MILITAIRE 
1. 1 Les particularités régionales de la conquête romaine en basse
Rhénanie
1.2 Une terre de migration façonnée par les Romains
1.2.1 La relocalisation des Sicambres
1.2.2 Émergence d’un noyau civil précolonial : la question de l’occupation
précoloniale de Xanten : Oppidum Cugernorum ethniquement homogène
ou vicus Cibernodurum mixte ?
1.2.3 L’immigration gallo-romaine
1.2.4 Une terre « sans mémoire »
1.3 Le double camp de légionnaires de Vetera I
1.3.1 Une occupation militaire ininterrompue d’Auguste à Néron
1.3.2 Structure du camp néronien
1.3.3 Le développement civil autour du camp de Vetera
CHAPITRE 2 XANTEN-VETERA SOUS LES FLAVIENS : ENTRE RUINES ET
RENOUVEAU URBAIN 
2.1 Une région en crise
2.1.1 La crise de succession de Néron
2.1.2 La révolte des Bataves
2.1.3 La destruction de Vetera I
2.2 Vetera II
2.2.1 Les légions de Vetera II
2.2.2 La question de la vacance de Vetera II
2.3 L’essor de l’urbanisation
2.3.1 Analyse du passage d’un système politique et économique autochtone à
une prise de pouvoir par les Romains pour la région de Xanten-Vetera
2.3.2 Vivre à la romaine aux marges de l’Empire : le cas particulier de
l’utilisation de la couleur dans la décoration urbaine
CHAPITRE 3 LA COLONIA ULPIA TRAIANA 
3.1 La fondation de la colonie par Trajan
3.1.1 Du statut de municipium à celui de colonie
3.1.2 Les facteurs politiques et psychologiques qui ont influencé la décision
de l’empereur Trajan
3.1.3 La question des vétérans
3.2 Un centre urbain surdimensionné
3.2.1 Analyse quantitative et qualitative
3.2.2 Un cas particulier en basse Rhénanie
CONCLUSION

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