Les paradoxes de la géométrie de l’action matérielle et de la géométrie scolaire 

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La construction biographique des savoirs personnels des élèves

Nous avons à comparer l’organisation interne des sous-objets constitutifs des savoirs officiels », qui fonctionnent en « tout structurés » avec d’autres savoirs enseignés et qui sont présentés suivant une logique de la raison discursive en « texte du savoir »179, avec l’organisation interne des « savoirs d’élève » des élèves. Ces derniers sont les savoirs effectivement appris, qui fonctionnent suivant une logique des causes de savoir ; des savoirs dont les outils d’observation et d’étude restent en grande partie à construire.
Les relations de dépendance ne viennent pas seulement de ce que les rapports personnels d’un élève émergent dans le cadre rigide fixé par le texte du savoir (elles marqueraient alors seulement la linéarité du texte et comme le texte, elles ne comporteraient qu’un seul type de dépendance : l’avant et l’après). Les organisations des savoirs personnels d’élève » des élèves doivent supporter les reprises, les réorganisations après-coup que nécessite l’apprentissage scientifique ; elles doivent encore supporter les manques à dire du texte, pour pouvoir être opératoires ; il est donc nécessaire que ce soient plutôt des « organisations métastables », et que leur cohérence ne soit pas donnée d’avance, pour que l’enseignement fonctionne effectivement, pour qu’il produise des apprentissages (c’est-à-dire principalement des réorganisations de rapports et non plus seulement des rapports à de nouveaux objets). Étant donné que les élèves apprennent, et savent, les organisations des savoirs personnels scolaires des élèves sont nécessairement des systèmes ouverts qui sont repris, et entretenus en permanence, des systèmes qui perdurent en se renouvelant et, même, en se réorganisant parfois plus ou moins profondément. Ces apports, reprises, réorganisations des rapports personnels scolaires, se construisent au long de ce que nous appelons la biographie d’un élève, relativement au savoir enseigné et appris : la biographie didactique d’un élève.
L’expérience commune suffit à connaître la rapidité avec laquelle l’oubli gagne de nombreuses organisations de savoir, qui se désagrègent dès qu’elles n’entrent plus dans aucun rapport instrumental, et à l’inverse, de la persistance de parties sans fonctionnalité mais fortement intégrées dans une structure. Ainsi, la « règle de trois », le « théorème de Pythagore » ou la « géométrie dans l’espace » de nos pères, sont des savoirs qu’ils peuvent (selon leur culture scolaire) appeler et utiliser à nouveau, alors même qu’il ne leur seraient d’aucun usage depuis des décennies180, tout comme le Booz endormi », de Victor Hugo : toujours présent. C’est la marque de la forte structuration scolaire de l’environnement de ces objets de savoir (et sans doute, aussi, de leur forte présence dans la culture commune. Inversement, les rapports aux formulaires de trigonométrie ou aux formules et au calcul des combinaisons et des arrangements, se dégradent presque instantanément.
Notre hypothèse est donc que les organisations des savoirs personnels des élèves ne sont pas des systèmes fermés ou autonomes mais des systèmes qui nécessitent, pour assurer leur maintien comme pour évoluer, un échange régulier d’usages, à moins qu’une structuration forte, capable de maintenir en l’état un rapport donné à des objets laissés à l’abandon, n’ait été mise en place. La nature des apports dus à l’échange d’usages reste à déterminer, mais la recherche et l’observation de cet échange peut aider à atteindre le fonctionnement des organisations de savoirs.

Le temps didactique et la biographie didactique d’un élève

Les éléments de savoir concernés dans ces échanges d’usages sont à l’articulation de la biographie de l’élève au temps du système didactique, et la biographie de l’élève peut sans doute s’atteindre par le moyen de l’observation directe de ces éléments. Mais nous rencontrons aussitôt un problème théorique important : « enseignant, enseigné, savoir », nomment trois « sous-systèmes » du système didactique ; dans les lieux d’enseignant et d’enseigné, des personnes viennent s’assujettir, et les objets de savoir qui sont les enjeux institutionnels de la relation didactique viennent se succéder dans la fonction d’élément moteur de la relation. Les ensembles de rapports personnels évoqués par les termes de maître – ou de professeur – et d’élève – ou d’étudiant – qui désignent les personnes assujetties dans les lieux institutionnels, ne sont pas du même type que les rapports officiel et institutionnel d’enseignant ou d’enseigné – qui sont des relations internes au système didactique. L’approche des rapports personnels nécessite encore un détour par la définition des rapports officiel et institutionnel et des types d’objets qui entrent dans ces rapports.
Les rapports (institutionnels) d’enseignant et d’enseigné peuvent être, aussi bien que des rapports au savoir enseigné proprement dit, très largement, des rapports à tous les objets institutionnels qui seront les média des rapports à ce savoir : le plus souvent des savoirs auxquels le rapport peut être rapport de savoir ou rapport de connaissance181, parfois des dispositifs pour la manipulation des savoirs – comme les exercices, les leçons, etc. L’enseigné, même si on le considère comme sous-système du système didactique, n’est pas réductible à un ensemble de rapports aux divers objets du savoir enseigné – même si ces rapports semblent l’observable le plus accessible – et il faudra sans doute augmenter cet ensemble de l’ensemble des rapports aux dispositifs institutionnels qui visent à assurer l’émergence des rapports au savoir recherchés – nous avons nommé le cours, ou les exercices, qui sont les objets les plus aisément visibles parce qu’ils ont une existence institutionnelle assurée, nous pourrions nommer les cours particuliers, dont l’institution tait l’importance et dont la généralisation dans l’enseignement scientifique du Lycée mériterait une étude spécifique. Ces rapports, ces dispositifs, la didactique commence seulement à pouvoir les décrire et pour la plupart ils peuvent se penser comme des éléments du contrat didactique pour l’enseigné.
La dimension où se déploient les propriétés des objets didactiques peut donc se construire au niveau de l’analyse institutionnelle, mais il y manque la temporalité personnelle du sujet institutionnel.

Le rapport d’un élève aux dispositifs et injonctions didactiques

Le premier rapport nouveau à un dispositif didactique que nous pouvons décrire ici même, c’est le rapport à l’école ou plutôt, le rapport à l’injonction didactique comme injonction de savoir, qui peut exister avant tout rapport à l’école . Le rapport à l’école est naturellement premier dans la construction de l’espace du didactique pour un élève, et il se caractérise nécessairement des modalités de la reprise à son usage personnel, par l’élève, de l’intention didactique que l’école comme institution doit réaliser. Cette reprise nécessaire se traduit dans la pensée institutionnelle de l’école des débuts par l’attribution du « désir d’apprendre » à tout « bon petit élève », comme nous l’avons déjà remarqué : c’est en ces termes que sera interprété ce que son rapport manifeste. Le bon petit élève » montre qu’il prend à son compte une part de l’intention didactique : il montre son intention d’apprendre et, pour apprendre, son intention de s’enseigner, dès qu’on manifeste l’intention de lui enseigner. Mais un élève peut aussi bien montrer son savoir, s’il pense savoir ce qui lui est enseigné : il est alors un « bon élève », qui n’a pas besoin de montrer ce qu’il fait pour apprendre.
Nous invoquerons ici l’observation de Frédéric, un enfant de tout juste trois ans, qui en ce mois de juin vit ses derniers jours de crèche avec la fin de l’année scolaire (Il est à la crèche de l’École de Puériculture de la ville, et les élèves de l’École viennent régulièrement observer les activités proposées aux enfants : la crèche vit au rythme scolaire, et ferme dès le premier juillet.)188 On demande aux enfants volontaires de faire – pour la fête des mères – un collier de perles, et on leur propose dans ce but un
atelier » où ils peuvent trouver à leur goût du fil, des aiguilles, des perles de toutes couleurs et tailles ; une animatrice montre comment on fait un collier, quelques élèves puéricultrices sont prêtes à aider qui le désire. Frédéric prend une aiguille, toute petite, un fil, très fin, qu’il enfile difficilement mais sans aide – il est en général plutôt maladroit – et place après plusieurs essais une toute petite perle sur le fil (il faut, pour la faire glisser le long de l’aiguille, changer de main, ce qui complique la tâche) : « Voilà ! » fait-il radieux à l’animatrice de l’atelier, « Je sais ! ».
Durant ce temps, la plupart des autres enfants ont réalisé un collier tout entier, avec de grosses perles possédant un trou confortable ; Frédéric, pour sa part, a démonté la fonction institutionnelle de l’atelier, observée par les élèves de l’école. Il est « au laboratoire » : les injonctions qu’il reçoit ne sont pas, pour lui, instrumentales et il s’est situé en « bon sujet » qui sait « montrer qu’il a appris », puisqu’il sait189. Il l’a fait en court-circuitant le processus d’observation, en anticipant sur l’attente des observateurs, c’est ce qui rend le fait marquant parce que les enjeux institutionnels pour les enfants de la crèche n’étaient pas a priori de montrer ou d’objectiver leur rapport aux perles et aux colliers. La situation particulière de Frédéric, « sur le départ », a sans doute aidé à ce qu’il ait cherché à objectiver son rapport à ces objets (la participation aux ateliers étant, rappelons-le, laissée à l’initiative des enfants). Mais on peut le voir, ce rapport à une dimension didactique de l’activité proposée par la crèche se fonde d’un rapport particulièrement fort à la relation didactique première qu’est le maternage. Il pourrait donc s’interpréter comme la demande d’une relation de cet ordre : la suite va montrer que non.
Les choses changent, mais les stratégies trop efficaces résistent très longtemps, trop longtemps, aux changements nécessaires : douze ans plus tard, Frédéric, élève de Seconde cette fois, ne trouvera pas dans ce procédé d’objectivation du fait qu’il sait déjà les secours nécessaires à la réussite attendue190. Il commence systématiquement ses devoirs de mathématiques en classe par « les questions qui font la différence », celles qui sont en principe réservées aux excellents élèves – ce qu’il n’est pas, ce qu’il n’est plus. Voilà donc qu’il arrive difficilement à la moyenne en passant le plus clair de son temps d’interrogation écrite sur des questions ou des problèmes « valant » tout au plus cinq points, ceux que l’on donne au delà de 15/ 20. Son professeur de mathématiques devra intervenir solennellement et convoquer ses parents, pour qu’enfin il accepte de changer de stratégie et commence les devoirs en classe par les questions faciles, qui rapportent des points pour la note (ses notes se situeront dès lors autour de quatorze) : l’instrumentalité du savoir devient un jour l’outil d’évaluation de la réussite didactique,
l’école même. La progression dans l’étude technique des savoirs se marque alors, au contraire de ce qu’il en était à l’entrée dans l’institution, du retour de l’instrumentalité comme élément pertinent puis, comme élément de mesure essentiel de ce qui finalement doit s’objectiver à la sortie de l’école : l’efficacité des rapports personnels aux savoirs comme savoirs instrumentaux et techniques productives. Frédéric devait s’affronter à l’instrumentalité d’un savoir, son attitude d’interprétation de toutes les injonctions scolaires comme des injonctions dont l’enjeu ne pouvait être que didactique lui avait permis jusqu’ici d’éviter de « faire » quoi que ce soit avec son savoir. Notre observation montre le point où le retour de l’instrumentalité fait problème à Frédéric, mais il faut l’entendre comme une démonstration du fait que l’instrumentalité n’est pas absente des rapports scolaires, parce qu’elle fait retour dans tous les temps d’évaluation. Simplement, dans le cas exposé, elle n’a pas fait problème repéré avant la Seconde parce que jusque-là Frédéric avait suffisamment réussi à montrer qu’il savait au delà du savoir instrumental demandé, comme nous l’avons observé à la crèche. Mais le jour où elle fait problème visible pour Frédéric, nous comprenons comment elle peut faire problème pour tout élève, parce que nous pouvons en donner une interprétation didactique.

Le manque didactique dans l’épisode didactique originaire, pour Delphine

Revenons à l’exemple étudié et plus précisément au rapport personnel de Delphine à O1, pour en expliquer les manques : la théorie des situations permet l’étude de la dimension adidactique dans les différents moments de cet enseignement256. Si en effet nous avons pu dire que le rapport institutionnel d’enseigné au théorème O1 sur la limite du produit de deux fonctions de limite infinie était vide, c’est qu’aucun de ces moments ne correspond à une situation didactique stricto sensu, c’est-à-dire au moins à une situation qui comprendrait une injonction didactique contractuelle à l’endroit de O1 (faute d’instaurer un rapport adidactique à cet objet). C’est ce que nous allons regarder de plus près maintenant, car si le rapport de Delphine à O1 aurait pu être déclaré adéquat parce que l’enseignant ne l’avait pas mis en défaut avant ce moment, il était malgré cela, de tout temps, non idoine : c’est-à-dire que du point de vue de l’organisation interne du système de ses rapports personnels aux savoirs, le rapport de Delphine aux théorèmes sur les limites était gravement en défaut.
Comment la forme de la rencontre que nous avons observée fait-elle problème pour l’élève ? Bien sûr, le fait que cette rencontre se fasse durant une interrogation écrite, c’est-à-dire dans le cadre d’une situation dans laquelle Delphine est censée tenter l’objectivation de son rapport au savoir, montre une faiblesse de gestion de la relation didactique. Mais cela n’explicite pas l’embarras de Delphine.
La rencontre du théorème, l’objet de savoir O1 auquel le problème fait appel, correspond en principe à une injonction instrumentale relative à O1. Ici, l’enjeu porte officiellement sur un tout autre objet, les fonctions logarithmes ; mais Delphine doit, pour résoudre le problème qu’elle se pose, s’enseigner le savoir nécessaire en le produisant pour elle-même, puisque O1 n’existe pas pour elle. Delphine se trouve dans une situation adidactique d’action dans le cadre de laquelle aucune communication n’est en principe possible à propos des gestes qu’elle effectue – on la verrait bien, ici, chercher à savoir comment son voisin a répondu.
Nous devrions alors observer ensemble les deux propriétés suivantes :
RI,e(O1) ≠ ∅, RI,e(O1) ≈ RI(O1), c’est à dire d’une part, que le rapport institutionnel d’enseigné existe dès lors et qu’il est conforme au rapport institutionnel (ce qu’il n’était pas jusqu’ici) ; et R(e,O1) [RI(O1) ; (O1 <= O2)], c’est-à-dire d’autre part (puisque le nouveau rapport institutionnel à O1 fait partie du milieu de la situation adidactique relative à O2 – RI(O1) ∈ (M,O2) – et qu’il ne peut de ce fait être l’objet d’un jugement d’adéquation), que le rapport personnel de e à O1 est idoine à l’émergence d’un rapport adéquat à O2 (il peut aider à résoudre le problème qu’il est censé outiller).
Ce n’est certainement pas le cas, parce que le professeur n’a pas pu « recevoir » le travail de son rapport personnel fait par l’élève comme un travail nécessaire et comme un travail pertinent, étant donné le cadre institutionnel – une interrogation écrite du chapitre sur les logarithmes – dans lequel ce travail s’est produit257 .

Les paradoxes du temps didactique, leurs solutions contractuelles

L’élève est dans une situation paradoxale, car les contraintes du temps – telles que nous les voyons fonctionner – font que l’enseignement traite d’un ensemble de savoirs qui défilent rapidement sous forme d’objets d’enseignement appris selon une relation de dépendance relative à l’avant et à l’après264, et que c’est en définitive à l’élève lui-même de constituer en un savoir organisé – chacun le fait pour soi – les objets qui viennent successivement exister pour l’enseigné. Car le temps de l’activité personnelle de chaque élève n’a pas d’existence dans le système didactique : l’activité personnelle arrête le temps institutionnel si elle a lieu dans le cadre du fonctionnement ordinaire du système, et très vite le professeur doit « reprendre la main ». Les élèves le demandent d’ailleurs – là est le paradoxe – parce que c’est la façon la plus économique d’aller de l’avant dans le texte du savoir : c’est donc, dans la culture scolaire, la manière reconnue de faire progresser le temps du système.
L’obsession temporelle est sans doute une des marques les plus caractéristiques du professeur de mathématiques (en France tout au moins). Il lui faut bien sûr « finir le programme », or, il est toujours en retard : c’est que la demande des élèves – que tout soit dit, une fois pour toutes, de chaque objet d’enseignement présenté – est intenable. Aussi le professeur qui aurait un tant soit peu d’avance sur la progression prévue trouve quelque chose à rajouter, ne serait-ce qu’en commentaire. Il est soumis au fantasme associé à celui de l’élève : « tout dire » ; il entreprend à chaque occasion de dire le tout. Mais ce faisant – là est le paradoxe – il montre l’étendue de ce qu’il manque à dire et engage un travail de Danaïde265. Cette reprise toujours possible, toujours « encore à faire », du discours fertilisant alimente en retour la quête de sa fermeture, et le fantasme d’un savoir qui – quelque part – serait complet. Alors même qu’à tout moment le temps et les mots y manquent : on trouve ainsi des enseignants qui pensent que, du savoir mathématique, tout peut être dit266. Le texte du savoir, au moins, contiendrait tout, de ce qui peut se dire : nous avons vu Nicolas Bourbaki à son commencement le penser pour lui-même, après Descartes.
C’est pourquoi le retard dans le programme est la règle : l’enseignant travaille dans l’urgence. Lorsqu’il n’a plus de temps, l’enseignant trouve d’ordinaire toute une panoplie de moyens didactiques qui va tellement faciliter sa tâche – et celle des élèves – que tout semblera finalement aller pour le mieux : les « effets de contrat »267 sont en effet les moyens traditionnels pour faire défiler au plus vite les objets d’enseignement sans rompre pour autant la convivialité de la classe : le plus caractéristique est sans doute « l’effet Jourdain » : le professeur donne un nom savant à l’activité de l’élève, activité que l’élève déploie pour de tout autres raisons. « Vous parlez en prose, tout ce qui n’est point vers est prose. » dit le Professeur de Philosophie à Monsieur Jourdain, et Monsieur Jourdain s’émerveille :« Quand je dis Toinette, apportez-moi mes pantoufles, c’est de la prose ? Ah quelle belle chose que de savoir quelque chose ! » Voilà l’élève persuadé d’avoir eu une activité savante. La question de la qualification du rapport au savoir de cet élève n’a ainsi plus à être posée : il a vu passer le mot savant, et quelques exercices bâtis sur le modèle de ceux qui serviront au contrôle suffiront à le persuader qu’il connaît « tout ce qui se peut connaître sur la prose », puisqu’il la parle. La fiction du temps didactique permet que chacun pense avoir rempli son rôle, et évite le malaise que provoquerait la conscience claire de ce que, de l’objet de savoir qui a fait aller le temps, on n’a vu que le nom.

L’échec paradoxal de l’algorithmisation des comportements de l’enseigné

Le contrôle algorithmique qui aurait abouti ne permettrait plus de montrer le partage des lieux institutionnels d’enseignant et enseigné. En effet, le lieu de l’enseignant deviendrait invisible à un enseigné pour qui l’algorithmisation serait devenue totale. Si la distance de l’enseignant à l’enseigné diminuait trop, l’enseignant perdrait la possibilité de relancer la topogenèse, parce qu’il ne pourrait bientôt plus faire reconnaître par l’élève qu’il sait autrement. Le fonctionnement du système didactique serait dans ces conditions gravement perturbé.
C’est pour cela que les « algorithmes comportementaux » et leurs domaines d’emploi ne sont pas systématiquement explorés par l’enseignant, et que l’enseigné ne se voit jamais proposer jamais la maîtrise pleine du contrôle comportemental269. Par exemple, en interrogation, les conditions d’emploi de l’algorithme comportemental standard ne sont pas vraiment remplies. Par exemple, les techniques ne sont pas travaillées de la manière dont les professionnels de ces savoirs les travaillent : jusqu’à leur maîtrise, dans tous les cas de figure où leur validité se conserve. Par exemple, les formulaires techniques sont donnés sans les modes de leur emploi ; alors, au moment de la correction publique de l’interrogation, si de nombreux élèves ont commis une erreur, le professeur peut lancer sans ambages : « Je vous l’avais pourtant dit, et dicté : c’est dans le formulaire, mais vous ne savez même pas vos formules ! »
Si la gestion des savoir-faire d’enseigné est l’enjeu principal de l’institution didactique lorsque le processus d’algorithmisation est engagé, il faut que demeurent, des zones d’ombre ; il faut réserver des oublis ; il faut se garder de l’exploration exhaustive du champ des problèmes que les algorithmes proposés traitent, pour que l’enseignant puisse recréer de l’incertitude cognitive et relancer le temps en montrant la différence des lieux, lorsque la nécessité didactique s’en fera sentir. Les enseignants, qui refusent de poser des questions que tous les élèves réussiraient, obéissent à cette loi didactique. C’est pourquoi les formulaires ne sont pas l’objet d’une exploration dirigée, lorsque cette exploration ne débouche pas sur une nouvelle catégorie de problèmes ou sur la construction d’un nouvel outil technique. Ainsi l’algorithmisation des comportements, produite par un manque théorique, produit à son tour un manque technique chronique, qui sera chaque fois attribué à l’élève, puisque les savoirs nécessaires à la réussite de son action ont une existence institutionnelle – le formulaire – que l’enseignant est toujours en droit d’opposer aux questions qui lui seraient posées.

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Table des matières

Introduction La construction des conditions de possibilité du rapport
personnel de l’élève comme problème didactique, dans le cas de la géométrie, au Collège
Le savoir enseigné détermine l’observation et l’intervention didactiques
Un exemple en forme de « cas critique », Sophie
Présentation du problème de Sophie
Premier chapitre Le premier problème de Sophie
L’arrivée de Sophie au CMPP
Pourquoi et comment démontrer ?
Les moments didactiques du travail de I et de Sophie. Éléments pour l’analyse du premier moment didactique
La gestion du temps didactique et la réduction de l’incertitude didactique
Le partage du rapport institutionnel
Deuxième chapitre Le deuxième problème de Sophie
Le problème « écrire une démonstration »
Les moments didactiques du travail de I et de Sophie. Éléments pour l’analyse du deuxième moment didactique
La nécessité d’une dimension adidactique de l’action dans les situations didactiques
Situations didactiques, moments didactiques et épisodes didactiques, genèse des temps et des places dans le système didactique
Troisième chapitre Propositions à propos de l’enseignement de la géométrie, venues de l’observation de Sophie
Les paradoxes de la géométrie de l’action matérielle et de la géométrie scolaire
La modélisation de l’action matérielle et la détermination d’un système de signes pertinent
Une injonction paradoxale de la géométrie de l’action matérielle, « démontrer une action »
La classe de géométrie, créatrice de fragments de la biographie didactique de Sophie
L’entrée de Sophie dans le nouveau contrat didactique
Conclusion Les problèmes posés par l’enseignement de la géométrie comme étude de l’espace et comme activité dans l’espace
La construction didactique de l’élève, comme problème didactique
Conclusion: Les problèmes posés par l’enseignement de la géométrie comme étude de l’espace et comme activité dans l’espace
Le rapport institutionnel à la géométrie, pour l’élève, et le rapport personnel des élèves
Qu’est-ce que la géométrie ?
Qu’est-ce que la géométrie, pour vos élèves ?
Les devoirs de contrôle et la géométrie, au Collège

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