Les origines : les cours de france, de l’ancien régime à la restauration

Passée de l’âge métaphysique à l’âge historiographique , l’interrogation sur les causes de la Révolution est devenue enquête sur ses origines, et sur le rôle joué par tel ou tel type de facteur dans la genèse d’une séquence événementielle perçue comme la matrice des modernités . Toujours ouvert, moins vif cependant qu’il n’a été, le débat sur les origines de la Révolution française tend aujourd’hui vers la prise en compte de séries de facteurs qui sont à la fois politiques, économiques, sociaux, religieux, intellectuels et culturels , tenant chacun, dans la longue chaîne des causalités qui mènent à l’effondrement de la monarchie et à l’identification d’un Ancien Régime, une place à part entière, dont l’importance toutefois continue de varier selon les auteurs. La préférence pour un type d’explication importe moins ici que la question de savoir s’il est possible de repérer, dans le flot toujours recommencé des interprétations de la Révolution française, des origines curiales.

Deux constats au moins méritent à ce sujet d’être établis. Le premier est qu’aucun historien, dans le récit ou dans l’analyse des événements signalant le processus révolutionnaire, ne sacrifie pas au moins une proposition à la cour. Deuxième constat: de la simple mention à l’étude d’une origine, les divergences sont nombreuses. Elles portent à la fois sur la nature et sur le degré d’importance du rôle joué par la cour : faut-il parler à son sujet d’un symptôme de la crise plus générale traversée par les institutions de l’État monarchique – cas du révélateur ? Ne faut-il pas la concevoir plutôt comme un facteur secondaire, ou résiduel, mais qui participe de et qui précipite l’effondrement de la monarchie – cas du catalyseur ? La cour peut elle être considérée, enfin, comme une cause première, jouant dans la chute de la monarchie un rôle déterminant – cas du moteur ?

La cour en (r)évolutions

Le règne de Louis XVI, ou la cour illisible

À travers les maisons royales et princières, la cour devient, sous le règne de Louis XVI, une institution placée symboliquement au centre des réformes entreprises pour moderniser la monarchie « administrative ». Conçus dans une logique d’expertise , édits et règlements se succèdent, suscitant des résistances qui signalent a contrario la portée des mesures prises et qui, souvent, en freinent la mise en œuvre. Si l’inertie des administrations domestiques limite l’impact des résultats effectifs, il n’en reste pas moins que ces derniers existent, témoignant de l’implication du personnel curial, parfois à son corps défendant, dans les réformes entreprises à l’initiative conjointe des ministres et du roi.

Repoussé depuis quatre ans par le Grand Maître de France, au nom de la « sûreté » et de la « dignité du premier monarque de l’Europe », l’édit du 17 août 1780 par exemple, « pour l’administration intérieure de la Maison du Roi dite Chambre aux Deniers », malgré les remboursements en argent qu’ont fini par obtenir les titulaires, conduit à la suppression d’un nombre de tables jugées « sans aucune proportion avec l’utilité ou la convenance des personnes qui avaient droit d’y être admises », ainsi qu’à la suppression, dans le seul service du Grand Maître, de 407 charges, «dont les finances forment un total de 8 841 000 livres ». Mesure spectaculaire, certes, mais jugée efficace, à tout le moins par l’auteur d’un rapport, malheureusement sans date, probablement destiné au secrétaire d’État de la Maison du Roi :

« Avant la Réforme de 1780 la Dépense de la Maison Bouche du Roi excédait 5,000,000 quoique les appointements de la seconde division n’y fussent point compris, et que la dépense des charrois fût de moitié moindre. Il est évident que la Réforme de 1780 a produit sur cette partie une différence de plus de 3,000,000 mais il faut réduire sur ce bénéfice 600,000 que le Roi paie à Mesdames ses Tantes pour les dépenses de table, et environ en portant les choses au plus haut 200,000 en Pensions de retraite et indemnités. L’Économie réelle excèdera toujours deux millions . »

Précédé par la restitution au souverain de la collation des charges autrefois vendues par les grands officiers et par la création d’un Bureau général d’administration des dépenses, suivi, le 30 septembre de la même année, par une réduction drastique du personnel des chasses royales, cet édit s’inscrit dans un train de réformes qui, au cours des années 1780, n’épargnent aucun domaine, et produisent des résultats semblent-ils réels : selon les chiffres avancés par William Ritchey Newton, les dépenses de la Cour, estimées en 1789 à 32 553 935 livres, ne représentaient plus alors que 5,67 % du budget du royaume . Ces réformes sont d’autant plus importantes qu’elles serviront, sous la Restauration, de cadre de référence, tant pour « créer » les maisons que pour en assurer le fonctionnement. Pour l’heure, cependant, elles perturbent la cour plus qu’elles ne la préservent. Perturbations inévitables, sans doute, mais qui s’ajoutent à l’histoire propre du règne pour renvoyer l’image d’un système dont l’évolution trahit, pour un certain nombre de contemporains et pour les observateurs rétrospectifs, autant de dysfonctionnements.

Ni roi de guerre à la façon de Louis XIV ni roi de grâce avec les manières d’un Louis XV , Louis XVI offre le portrait d’un roi, sinon « anticourtisan », rétif tout au moins à cette représentation dont l’exercice ininterrompu se trouve être au fondement de la théâtralité curiale. Bien qu’exact dans l’accomplissement de ses devoirs, le souverain ne paraît pas tenir assez aux exigences du cérémonial ; de plus, ni sa mère ni Mercy-Argenteau ne parviennent à maintenir la reine dans la stricte observance de l’étiquette. Donnant sa préférence à « la société », c’est-à-dire au cercle étroit que forment le comte d’Artois, la famille Polignac et leurs alliés, la reine crée, au mépris des voies traditionnelles de la recommandation, un réseau de clientèle qui lui est redevable, ainsi qu’à Louis XVI, sans la permission duquel rien n’est possible . La « société » fonctionne ainsi comme un groupe restreint d’« amis » censés assurer, par la préférence dont ils jouissent pour la nomination aux places et charges principales, les impératifs d’une représentation que leur dépendance et leur compagnie contribuent à assouplir. Ajoutons que la reine emprunte, dans sa manière d’être et d’être représentée, au répertoire habsbourgeois , ce qui semble traduire, chez le couple royal de France, non pas la tentation d’un repli sur une quelconque sphère intime mais la tentative de rompre avec l’héritage louis-quatorzien pour lui substituer un modèle considéré comme moderne, qui transfère aux vertus du prince et à sa famille le soin d’assurer la dignité du trône. Tentative qui doit surtout sa cohérence au fait d’être interprétée a posteriori, mais dont le sens et la portée échappent largement aux contemporains, plaçant chacun des membres du couple royal sous un signe propre, et complémentaire : pour Louis XVI le défaut, l’excès pour Marie-Antoinette.

La cour de France en Révolution : une mort annoncée ?

Tout en s’inspirant du répertoire classique, le discours anti-curial dans les années 1780 se radicalise : à la cour écran s’ajoute la cour parasite, à la cour corrompue succède la cour bordel, à la cour critiquée par des observateurs qui, d’une façon ou d’une autre, y tenaient, le mythe d’une cour scélérate . Indissolublement cause et conséquence, origine et manifestation des maux dont souffre la monarchie, ou plus simplement du mal monarchique, la cour devient pendant l’année 1789 l’objet d’un surinvestissement discursif, littéraire et pictural qui se traduit, dans les pamphlets, par l’amalgame et par l’animalisation de ses membres . Dans l’imaginaire de la régénération tel que l’a défini Mona Ozouf, la disparition de la cour est le préalable à la liberté d’une nation qui parle le langage de la pureté. La cour devient alors le vecteur infectieux du germe despotique, l’antre dans les ombres duquel s’aiguisent les poignards de la Contre-révolution, le nid où, sans relâche, les aristocrates qui s’y dissimulent aiguisent leurs griffes et secrètent leur perfide venin.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I. LES ORIGINES : LES COURS DE FRANCE, DE L’ANCIEN RÉGIME À LA RESTAURATION
Introduction
A. La cour en (r)évolutions
1) Le règne de Louis XVI, ou la cour illisible
2) La cour de France en Révolution : une mort annoncée ?
B. Les cours de l’émigration
1) La cour en exil : un impératif politique de représentation
2) De Coblence à Vérone : les altérations du modèle curial
3) De Blankenburg à Hartwell : une société de « courette »
C. La cour impériale : un anti-modèle relatif
1) L’empire de la cour
2) L’œil du maître : la centralisation des institutions curiales
3) L’appareil de domination curial-impérial : un maillon dans la chaîne des cours
Conclusion
CHAPITRE II. 1814-1815 : AUTOPSIE D’UN MOMENT FONDATEUR
Introduction
A. La Restauration à l’épreuve des temps ?
1) Une restauration curiale sélective
2) La recomposition institutionnelle : réforme budgétaire et crise identitaire
3) Reconnaissance et tradition : la préférence des Bourbons
B. « Tant de fautes accumulées devaient amener les Cent-Jours ! »
1) Cour fermée, guerre ouverte : le rôle de la cour dans la chute de la première Restauration
2) « Le passé redevenait l’avenir » : le bonheur des uns et le retour de l’« Homme »
3) Les Cent Jours et la réaction curiale
Conclusion
CHAPITRE III. LES CADRES : ADMINISTRATION, RANGS ET DÉCLINAISONS SPATIO-TEMPORELLES
Introduction
A. Le « trésor du Roi » : une administration mal dirigée ?
1) La Liste civile : l’éclat et l’inflation
2) Les services de cour : hiérarchies et évolutions
3) L’impossible réforme, ou le règne par l’« abus »
B. Étiquette et tchinomanie aulique
1) Prérogatives, privilèges et préséances
2) L’impossible « fixation des Rangs » : les rivalités internes
3) La mise en présence : les rivalités externes
C. Territoires et temporalités
1) Sédentarisation et mobilités : la cour dans le royaume
2) L’enceinte palatiale : logement, accessibilité, « Entrées »
3) La ritualisation du temps
Conclusion
CHAPITRE IV. LA RECRÉATION DES TRADITIONS CURIALES
Introduction
A. Resacraliser la monarchie
1) La Cène du Jeudi Saint : un rite invisible ?
2) Les processions de cour : une publicisation de la piété
3) Les messes du Saint-Esprit, messes de souveraineté
B. Exalter la majesté
1) Le « Grand Couvert »
2) Le mariage du duc de Berry
3) Les réceptions diplomatiques
Conclusion
CHAPITRE V. LES POUVOIRS DE LA COUR
Introduction
A. Preuves et épreuves de fidélité : l’ancrage curial du principe héréditaire
1) La politisation de la Maison : une contre-révolution en actes
2) Les courtisans de l’intimité : « fidèles purs » et « parti de la cour »
B. Les ministres et la cour : entre Chambres et antichambres
1) Les favoris réprouvés : Blacas, Decazes et Polignac
2) Courtisans impossibles, ministres peu durables : Richelieu et Martignac face à Villèle
Conclusion
CHAPITRE VI. IMAGES, MÉMOIRES ET HÉRITAGES
Introduction
A. Les cours de papier : représentations partisanes et illusions rétrospectives
1) Les cours imagées : discrétion de l’éloge, sévérité du blâme
2) Inavouables courtisans : les mémorialistes de la légitimité
B. Cours de France et monarchie après 1830 : les héritages recomposés
1) La dignité curiale du roi des Français : le paradoxe orléaniste
2) La simplicité curiale du comte de Chambord : le renoncement légitimiste
CONCLUSION

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