Les nouveaux enjeux économiques et environnementaux des productions animales : développements méthodologiques par une approche interdisciplinaire des frontières d’efficience

L’impact environnemental de l’élevage 

Des fonctions de productions à l’analyse de l’efficience

La fonction de production est un concept central dans l’analyse micro-économique de la productivité des entreprises. Mathématiquement, il semblerait que le premier à avoir explicitement formulé le concept soit l’économiste anglais Philip Wicksteed (1894), bien que Humphrey (1997) atteste de traces écrites du concept par l’économiste allemand Johann von Thünen dès les années 1840 (Mishra, 2007). Partant du postulat que la relation entre inputs et outputs pouvait être formalisée algébriquement, de nombreux chercheurs ont développé au cours du XXème siècle des modèles simplifiés de transformation de deux inputs (le plus souvent capital et travail) en un unique output. De vifs débats ayant lieu sur les hypothèses sous-jacentes des technologies modélisées, on assiste alors au développement de nombreuses fonctions de production.

Par exemple, les différents points de vues sur l’élasticité de substitution entre les inputs (dans quelles mesures ils sont complémentaires ou substituables entre eux), ont abouti à différentes fonctions de production. Si la fonction de Cobb-Douglas (1928) assume une élasticité de substitution unitaire (à output constant, la diminution dans une certaine proportion d’un input peut être compensée par l’augmentation dans la même proportion d’un autre input), la fonction de production de Leontief (1937) fait l’hypothèse qu’il n’existe aucune substituabilité entre inputs (les inputs sont utilisés dans des proportions fixes). La fonction de production CES (Constant Elasticity of Substitution) généralisera alors ces fonctions de production en permettant de ne pas contraindre les élasticités de substitution à des valeurs spécifiques.

A la question posée par Paul H. Douglas lors de son adresse présidentielle à l’American Economic Association, en 1947 : « existe-t-il des lois de la production ? », les premiers développements théoriques simplifiés prenant en compte deux inputs et un output semblent répondre par l’affirmative. Dans la deuxième partie du XXème siècle, les modèles vont alors se complexifier, notamment par la prise en compte de plusieurs outputs par les développements théoriques des productions jointes, synthétisés par exemple par Kurz (1986). La fonction de production, ainsi formulée, par la relation déterministe d’une fonction de transformation mathématique, fait implicitement l’hypothèse que tous les systèmes de production opèrent de manière efficiente. En effet, Shephard (1970) définit la fonction de production comme la relation entre la quantité maximale d’outputs techniquement faisable et les inputs nécessaires à la production de cette quantité d’output. Ainsi, en ajoutant la notion de maximisation aux fonctions de production initiales, se dessine la notion de frontière de production, i.e. de valeur maximale d’outputs potentiels pour tout niveau d’inputs (ou inversement). La frontière de production ne caractérise donc pas une relation générique entre inputs et outputs mais seulement la borne maximale d’un ensemble de production défini comme « le lieu de toutes les combinaisons possibles d’inputs qui permettent d’atteindre un certain niveau d’outputs compatible avec la technologie » (Leleu, 1997).

Les frontières paramétriques

Comme leurs noms l’indiquent, les frontières paramétriques intègrent un certain nombre de paramètres pour construire la frontière de production. Ainsi, cette approche fait l’hypothèse qu’un nombre fini de paramètres permettra de définir la frontière d’efficience via la définition d’une fonction analytique (Ambapour, 2001). L’approche paramétrique est donc assez étroitement liée aux recherches économétriques de la production. Ainsi, l’approche paramétrique associe une « forme fonctionnelle » à la fonction de production, ce qui permet de définir une frontière d’efficience et d’évaluer l’inefficience des firmes en fonction de leur distance à cette frontière. Très schématiquement, Aigner et al (1977) décrivent alors la fonction de production ainsi :

L’équation 1 fait clairement apparaitre une fonction de production ou les inputs de la firme i peuvent produire une quantité maximale d’outputs. Cette fonction est le plus classiquement une fonction de production choisie a priori de type Cobb-Douglas, CES, Leontief, Translog… Le terme β est un vecteur de paramètres inconnus qu’il s’agit d’estimer avec des méthodes mathématiques ou statistiques alors que le terme  est ici la variable d’ajustement entre les inputs et le niveau maximal d’outputs, i.e., l’inefficience entre la firme et la frontière de production. Cette approche développée par Afriat (1972), qui attribue l’ensemble de la différence entre outputs réels et outputs optimaux à l’inefficience technique, est appelée déterministe. On fait l’hypothèse implicite que les facteurs exogènes, les erreurs de mesures ou l’omission de variables explicatives sont nulles. Cette approche a été critiquée pour sa sensibilité aux données et au manque d’informations statistiques sur la robustesse de la frontière. Ainsi, Aigner et al (1977) proposent une approche stochastique des frontières paramétriques illustrée par l’équation suivante :

Par rapport à l’équation (1), on voit que le terme i v se décompose en deux parties i  et i μ . Le terme i μ désigne l’erreur inhérente à la récolte des données, à la possibilité de variations liées à des variables non prises en compte dans le modèle. Egalement, ce terme intègre les variations d’outputs qui peuvent venir de facteurs exogènes tels que le climat, les subventions, etc… (Deprins et Simar, 1989). C’est l’intégration de ce terme qui donne la nature stochastique à ce type de frontière d’efficience. Le terme i représente l’inefficience technique stricte de la firme i. On comprend ainsi qu’il est difficile de savoir ce qui dans la variation du terme i v dépend de la variation du « bruit » statistique des données ( i μ ) ou de l’inefficience technique ( i  ).

De plus, afin de contrôler le modèle, il est nécessaire de faire un certain nombre d’hypothèses sur ces variables. Par exemple, il est nécessaire de faire l’hypothèse d’une loi de distribution particulière pour le score d’inefficience. Le terme lié à l’incertitude sur les données est supposé quant à lui suivre une loi normale. Enfin, on suppose que ces deux termes suivent des distributions indépendantes et qu’il n’existe aucune corrélation entre l’inefficacité et les régresseurs contenus dans X. Ainsi, on peut à juste titre s’interroger sur la pertinence des scores d’efficience obtenus tant le modèle repose sur un certain nombre d’hypothèses restrictives. Par rapport à cette approche paramétrique, il convient de mobiliser un cadre d’analyse introduisant un nombre plus restreint d’hypothèses par le biais des frontières d’efficience non paramétriques.

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Table des matières

Remerciements
Liste des publications
Résumé général
General abstract
Table des matières
Liste figures
Liste des tableaux
Introduction générale
CHAPITRE I : L’impact environnemental de l’élevage : les marges de progression par l’amélioration de l’éco-efficience
1 Cadre théorique de l’analyse de l’efficience par la méthode DEA
1.1 Des fonctions de productions à l’analyse de l’efficience
1.2 Les différents types de frontières d’efficience et la justification du choix de la méthode Data Envelopment  Analysis
1.2.1 Les frontières paramétriques
1.2.2 Les frontières non-paramétriques
1.2.3 Choix de la méthode DEA en fonction des objectifs de recherche
2 La méthode DEA : cadre théorique, concept d’efficience et modèle classique
2.1 La définition d’une technologie de production
2.1.1 La sélection d’un ensemble d’inputs et d’outputs
2.1.2 Ensemble d’axiomes nécessaire à la construction de la frontière efficiente
2.2 Mesure de l’efficience
2.2.1 Définition des concepts d’efficience
2.2.2 Différentes mesures de l’inefficience technique
3 Spécificités des modèles pour quantifier les marges de progression de l’éco-efficience en fonction du point de vue des acteurs
3.1 Les outputs indésirables dans les modèles DEA
3.2 Les fonctions distance directionnelles : une mesure « sur mesure » de l’inefficience
3.3 Agrégation de technologies individuelles et modèles sectoriels : gains d’efficience par réallocation des ressources
CHAPITRE II : Evaluation économique des externalités environnementales des productions animales : L’apport des méthodes des frontières d’efficience
1 D’un raisonnement sur les quantités (primal) à une interprétation économique (dual) .
1.1 Programmation linéaire et dualité Lagrangienne
1.2 Application de la dualité aux modèles non-paramétriques des frontières d’efficience
2 Enjeux méthodologiques autour de l’introduction des outputs indésirables et des coûts marginaux associés
CHAPITRE III : Les déterminants de l’éco-efficience des productions animales: une nouvelle approche combinant modèle de simulation agronomique et frontière d’efficience
1 Explorer les déterminants de l’éco-efficience
1.1 Quelles méthodes pour expliquer les scores DEA avec des variables exogènes
1.2 Quelle robustesse pour une frontière d’efficience basée sur des fermes simulées :considération statistiques sur les frontières d’efficience
2 Utilisation d’un modèle de simulation « whole-farm » pour générer des fermes simulées
2.1 L’évolution des modèles agronomiques et l’émergence des approches holistiques des systèmes de productions animales
2.2 Un exemple de modèle de simulation « whole farm » à La Réunion : Gamede
Discussion générale
1 Principales contributions de la thèse
1.1 Elargir le cadre d’interprétation de l’éco-efficience des productions animales
1.2 Approche micro-économique de l’évaluation économique des externalités nonmonétaires
2 Limites et pistes de recherches soulevées
2.1 De l’analyse intra-système de l’éco-efficience à La Réunion à l’analyse intersystème de l’éco-efficience
2.2 Le paiement des externalités négatives, au-delà des problèmes de modélisation : un débat complexe qui nécessite de repenser les systèmes d’élevage
2.3 La durabilité des systèmes d’élevage : Une dimension temporelle difficile à intégrer dans les des méthodes de frontières d’efficience
2.4 Les méthodes de frontières : un catalyseur de réflexions transdisciplinaires des challenges sociétaux ou support de recherches multidisciplinaires « prêtes à l’emploi » ?
Conclusion
Références bibliographiques

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