Les Nanoparticules en oncologie : principe et applications

Les Nanoparticules en oncologie : principe et applications

Nanoparticules et concept de la « Magic Bullet »

Le concept de la « Magic Bullet » fut développé au début du XXème siècle par Paul Ehrlich – prix Nobel de médecine. Paul Ehrlich imaginait qu’un jour, des médicaments pourraient cibler le siège de la pathologie en épargnant les tissus sains. En modifiant la pharmacocinétique des thérapies anticancéreuses, l’utilisation des nanoparticules en médecine, plus précisément en oncologie, s’inscrit parfaitement dans cette démarche. En effet, ces nanoparticules permettent la modification des phases pharmacocinétiques ADME (Administration, Distribution, Métabolisme, Élimination) des principes actifs, par exemple en diminuant leur clairance d’élimination ou en modifiant leur distribution par ciblage actif ou passif via l’EPR effect (Enhanced Permeability and Retention). Cette spécificité des vecteurs issus des nanotechnologies permet d’améliorer l’accumulation des cytotoxiques dans le microenvironnement tumoral (MET). Une autre utilité de l’encapsulation de principes actifs via les nanotechnologies est leur protection contre la dégradation par les différentes enzymes retrouvées dans le flux circulatoire. Certains nanomédicaments combinent plusieurs thérapeutiques connues pour avoir un effet synergique permettant leur délivrance simultanée directement au siège de la pathologie. L’ensemble de ces propriétés permet l’administration de doses réduites comparativement aux formes libres réduisant la toxicité inhérente aux thérapeutiques, sans altérer leur efficacité.

Ciblage passif : L’EPR effect

L’EPR effect est un concept selon lequel la néoangiogénèse des tissus tumoraux est de moins bonne facture que celle des tissus sains. Ces capillaires tumoraux présentent des fenestrations au niveau des jonctions serrées, permettant la diffusion des particules de taille inférieure à 200 nm et ainsi leur accumulation dans le site tumoral. L’absence de système lymphatique efficace dans les tissus tumoraux favorise également leur rétention mais la pression élevée du liquide interstitiel au sein de la tumeur limite leur diffusion. La composition de la matrice extracellulaire de certaines pathologies malignes telles que le cancer du pancréas est également une barrière limitant l’accès des nanoparticules au siège tumoral . L’EPR effect dépend du type tumoral et n’est pas observé dans tous les types de cancer. De nombreux facteurs l’influencent, notamment :
– La signature moléculaire de la tumeur ;
– Son degré de néovascularisation ;
– Sa masse, sa masse inflammatoire…
L’ensemble de ces caractéristiques intrinsèques à la tumeur varie au cours du temps et est à prendre en compte lors du développement d’un nanomédicament. Un autre facteur à prendre en compte est le risque d’accumulation des nanomédicaments dans les organes possédant un épithélium fenestré tels que le foie ou la rate .

Pharmacocinétique des nanomédicaments

Les thérapeutiques utilisées en oncologie présentent une grosse variabilité pharmacocinétique due aux conditions physiopathologiques et à la diversité de tumeurs pouvant entrainer un échappement thérapeutique ou une surtoxicité. Contrairement à ce qu’on pourrait penser à priori, il a été démontré que la pharmacocinétique des nanomédicaments est plus variable que pour les formes libres, mais la quantité moyenne de cytotoxiques atteignant la tumeur est supérieure pour les formes vectorisées comparativement aux formes libres .

Absorption des nanomédicaments

La principale voie d’administration des nanomédicaments est la voie intraveineuse. Un des avantages des nanovecteurs pour cette voie est la possibilité de solubiliser des PA très hydrophobes tels que le paclitaxel. Le paclitaxel un anticancéreux nécessitant d’être formulé avec du cremophor® et de l’éthanol, des excipients toxiques augmentant les effets indésirables de sa forme libre. Le développement du nab-paclitaxel, forme sous laquelle le paclitaxel est conjugué à des molécules de nano-albumine, a permis de s’affranchir de ces excipients et a démontré une meilleure efficacité ainsi qu’un index thérapeutique amélioré par rapport au paclitaxel libre. Par ailleurs, le retrait du cremophor a permis d’augmenter le transport endothélial du paclitaxel in vitro . D’autres voies d’administration tel que les voies intranasales, orale et pulmonaire se développent. Une équipe étudiant le glioblastome a démontré dans un modèle murin que l’administration intranasale de bevacizumab encapsulé dans un vecteur polymérique : l’acide polylactide-co-glycolique (PLGA) résulte en une meilleure biodisponibilité en comparaison avec la forme libre. Cette forme a également permis d’augmenter le temps de résidence du bevacizumab en limitant son exposition systémique . Cet exemple démontre un des principes de base de l’utilisation des nanoparticules en médecine : le PA suit la pharmacocinétique de son vecteur, pouvant permettre d’améliorer sa biodisponibilité ainsi que d’éviter sa prise en charge par diverse enzymes de dégradation ou d’efflux.

Distribution des nanomédicaments

L’un des avantages des nanomédicaments est leur propriété d’optimiser la distribution des PA contrairement aux formulations conventionnelles. La modification de la taille, de la charge ainsi que de la forme influera sur la pénétration dans les tissus via ciblage passif. Concernant la taille, elle a un rôle prépondérant afin de déterminer dans quel tissu une nanoparticule pourra potentiellement se distribuer. Par exemple, des études ont montré que les fenestrations des capillaires pulmonaires étaient d’environ 35 nm ; seules les nanoparticules d’une taille inférieure peuvent donc diffuser dans les poumons ; cela conditionne l’efficacité mais également la toxicité des formes vectorisées . L’ajout d’un ligand spécifique d’un tissu ou d’un type cellulaire conduit à la formation d’un nanomédicament dit de 3ème génération. Ce type de nanoparticule permet d’exercer un ciblage actif comme pour le nab-paclitaxel cité précédemment. Une étude de 2009 sur les cancers de la tête et du cou a démontré que les patients dont les cellules cancéreuses exprimaient fortement la protéine SPARC (Secreted Protein Acidic and Rich Cystein), protéine se liant à l’albumine, présentaient une accumulation intratumorale et un taux de réponse supérieurs aux patients dont l’expression de SPARC était faible . Cependant, le nab paclitaxel est le seul nanomédicament bénéficiant d’un ciblage actif, soulignant la difficulté de mise sur le marché de ce type de technologie. De plus, l’accès pour les patients de cette catégorie de médicaments innovants dépend de la politique interne de chaque pays. En France, l’Abraxane® n’est pas disponible pour les patients souffrant d’un cancer du pancréas avancé malgré une amélioration significative de la survie en association avec la gemcitabine vs. la gemcitabine seule .

Élimination des nanomédicaments

Les nanovecteurs augmentent généralement le temps de résidence dans l’organisme et la ½ vie plasmatique des PA vectorisés en les protégeant de leur dégradation par les différentes enzymes de l’organisme. La métabolisation hépatique et l’élimination rénale sont les principales voies impliquées dans l’élimination des PA sous forme libre. Néanmoins, les formes vectorisées présentent des voies de dégradation leur étant propres, justifiant le développement de nanomédicaments de 2nde génération dits furtifs.

Dans le flux circulation sanguin, les nanoparticules vont interagir avec un certain nombre d’enzymes susceptibles d’altérer leur stabilité et d’entrainer la libération précoce et indésirable du PA vectorisé sous forme libre. Le phénomène d’opsonisation (phénomène immunologique d’agglutination des protéines biologiques sous forme de couronne protéique autour des nanoparticules) est également acteur de sa dégradation. Les protéines majoritairement impliquées dans ce phénomène d’opsonisation (protéines corona) sont l’albumine, les apolipoprotéines, les protéines du complément ainsi que celles dans la coagulation. Cette agglutination des protéines est un phénomène rapide dépendant notamment de la charge, de la forme ainsi que de la taille des nanoparticules. Les nanoparticules opsonisées sont alors prises en charge par le système phagocytaire mononucléé et se concentrent principalement dans le foie ou la rate où elles seront dégradées . Les nanoparticules dont la taille excède 100 nm sont préférentiellement concernées par cette voie de dégradation.

Par ailleurs, la taille des nanoparticules conditionne également leur élimination rénale. Les particules mesurant plus de 60 nm ne seront pas concernées par cette excrétion, la fenestration des capillaires glomérulaire étant de l’ordre de 60 nm. Inversement, les particules d’une taille inférieure à 8 nm seront rapidement filtrées par le rein et donc éliminées . La taille influe également sur l’internalisation des nanovecteurs par les cellules cancéreuses :
– La phagocytose concerne les très grosses nanoparticules d’un à plusieurs dizaines de µm.
– La pinocytose permet l’internalisation de fluides extracellulaires comprenant des nanoparticules de l’ordre de quelques centaines de nm à quelques m. Pour les particules d’une taille supérieure à 1 µm, on parle de macropinocytose.
– L’endocytose concerne principalement les nanoparticules de taille inférieure à 200 nm. Elle peut être dépendante de la clathrine, de la cavéoline ou indépendante de ces protéines selon la taille des particules à internaliser .

La charge électrique modifie également la cinétique des nanoparticules ; les particules chargées positivement ont tendance à être plus rapidement éliminées comparativement aux nanoparticules neutres ou chargées négativement. Néanmoins, l’accumulation des particules chargées au niveau de la tumeur est plus importante.

Différentes classes de nanoparticules

Les nanoparticules se différencient principalement par le type de matériau utilisé ainsi que leur composition. Si leur composition est primordiale en termes de protection et de relargage des principe actifs, leurs propriétés de surface le sont tout autant. Ces paramètres ont une incidence sur leur cinétique dans l’organisme, notamment au niveau de leur distribution, du ciblage ainsi que de leur élimination.

Vecteurs polymériques 

Les polymères sont un assemblage de motifs élémentaires en macromolécules. Ceux utilisés pour la synthèse de nanoparticules peuvent être d’origine naturelle ou synthétique et se doivent d’être biocompatibles et biodégradables par l’organisme. Les polymères les plus utilisés sont ceux issus de l’acide polylactique (PLA), l’acide polyglycolique (PGA) et leur copolymère, le PLGA.

L’utilisation de polymères permet une grande diversité en termes de forme et de morphologie. Les propriétés des nanoparticules synthétisées ne dépendent pas que du polymère choisi mais également du procédé de fabrication car de nombreuses techniques différentes peuvent être utilisées. Les formes les plus courantes sont les matrices solides également appelées nanosphères, les dendrimères, les micelles polymériques ainsi que les polymersomes .

Vecteurs lipidiques
Les vecteurs lipidiques peuvent avoir différentes formes mais la majorité est sphérique et comprend au moins un feuillet lipidique. Plusieurs formulations lipidiques existent : les principales sont les micelles, les liposomes ainsi que les nanoparticules lipidiques solides (SLN : Solid lipid nanoparticle .

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Table des matières

Introduction
Les Nanoparticules en oncologie : principe et applications
A. Nanoparticules et concept de la « Magic Bullet »
B. Ciblage passif : L’EPR effect
C. Pharmacocinétique des nanomédicaments
C.1. Absorption des nanomédicaments
C.2. Distribution des nanomédicaments
C.3. Élimination des nanomédicaments
D. Différentes classes de nanoparticules
D.1. Vecteurs polymériques
D.2. Vecteurs lipidiques
D.3. Vecteurs inorganiques
D.4. Conjugués anticorps-médicaments
D.5. Nanoparticules virales
D.6. Nanomédicaments commercialisés en oncologie
Les liposomes comme nanomédicaments en oncologie
A. Définition et classification
B. Liposomes de 1ère génération
C. Liposomes de 1ère génération indiqués en oncologie
C.1. Depocyt®
C.2. Myocet®
C.3. Marqibo®
C.4. Vyxeos®
D. Liposomes de 2nde génération
E. Principaux liposomes de 2nde génération indiqués en oncologie
E.1. Doxil® et Caelyx®
E.2. Onivyde™
F. Liposomes de 3ème génération
A. Histoire de l’immunothérapie
B. Ciblage des cellules cancéreuses
C. Ciblage du micro-environnement immunitaire tumoral
D. Ciblage du système immunitaire périphérique
E. Objectif du travail expérimental
Matériels & méthodes
A. Préparation d’un liposome de 2nde génération
A.1. Composition et préparation de la solution mère (SM)
A.2. Principe de la Thin Film Method
A.3. Principe du microfluidic mixing
A.4. Principe du NanoAssemblr Benchtop®
B. Caractérisation des liposomes
B.1. Évaluation de la taille et de la morphologie des nanoparticules
B.2. Évaluation de l’efficacité d’encapsulation : dosage par CLHP-UV
C. Étude in vitro d’efficacité
C.1. Culture cellulaire
C.2. Étude de cytotoxicité en 2D : Test au MTT
C.3. Quantification du récepteur HER2 par cytométrie en flux
D. Essai de greffe tumorale in vivo
D.1. Choix des souris
D.2. Greffe de cellules cancéreuses
D.3. Suivi tumoral post-greffe
Résultats
A. Formulation
B. Taille et morphologie des liposomes
B.1. Cryo-TEM
B.2. Light scattering
C. Analyse par CLHP
C.1. Concentrations en docétaxel
C.2. Efficacité d’encapsulation
C.3. Rendement et taux d’encapsulation
D. Étude in vitro d’efficacité
D.1. Étude de cytotoxicité en 2D : Test au MTT
D.2. Quantification du récepteur HER2
E. Essai de greffe tumorale in vivo
E.1. Évaluation du nombre de cellules à greffer
Discussion et perspectives
Conclusion 
Bibliographie
Annexes

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