Les modifications de surfaces pour la microfluidique

Les modifications de surfaces pour la microfluidique

Les modifications de surfaces ont été beaucoup étudiées dans le but d’améliorer les performances de l’électrophorèse capillaire (EC). Cette technique, durant les 20 dernières années a été une référence pour les méthodes de séparation, et en particulier de séquençage de l’ADN. Les modifications de surface ont été essentielles pour l’accomplissement de cette méthode. En effet les capillaires étant en verre, ils sont très chargés négativement, et donc sujets à l’adsorption des biomolécules (e.g. protéines possédant des domaines chargés positivement) à séparer à cause d’interactions électrostatiques. Le flux électroosmotique en résultant est non homogène ce qui nuit très fortement à la différenciation des pics de séparation. Les laboratoires sur puce, bien que de plus en plus présents dans le monde académique, sont encore peu rencontrés dans la vie courante dans des applications de routine. Seules deux sociétés, Agilent et Biorad, commercialisent des laboratoires sur puce pour la séparation d’ADN, de protéines, et de cellules. Une des raisons pour cela est que des efforts doivent être faits dans le contrôle des états de surface et des interactions des analytes avec la surface. Ces deux paramètres doivent être maîtrisés pour que des solutions pratiques et robustes voient le jour. Une des clés pour y arriver est, à l’instar de l’EC, de mettre en place des traitements de surface. Il a fallu une dizaine d’années pour atteindre l’état de l’art que connaît la modification de surface pour l’électrophorèse capillaire et qui permet d’utiliser cette technique comme une technique de routine pour la séparation. Les modifications de surface pour les laboratoires sur puce sont encore peu explorées. Une des difficultés que connaît ce champ de recherche est qu’à la différence de l’EC qui n’emploie que des capillaires en silice fondue, les laboratoires sur puce mettent en jeu beaucoup de matériaux différents. Pour ne citer que les principaux, on trouve le PDMS, le poly(methyl méthacrylate) (PMMA), le poly(styrène) (PS), le poly(carbonate) (PC) le poly(éthylène téréphthalate) (PET/PETG) poly(imide) (PI) et le cyclo oléfin copolymère(COC). De plus, tout comme l’EC, les méthodes de caractérisation qui peuvent sonder in situ les états de surface sont limitées. Pourtant, avec plus ou moins d’efforts, les chercheurs se sont attachés à reproduire les solutions physico chimiques qui ont été développées durant les 20 dernières années dans le domaine des traitements de surface. C’est dans ce cadre que j’ai développé, au début de ma thèse, un traitement de surface pour le PDMS, puis pour le cyclo oléfine copolymère (COC) .

Etat de l’art 

Nécessité d’un traitement de surface

Comme nous l’avons vu précédemment, leur facilité de mise en œuvre et leur faible coût font que les puces en plastique sont prépondérantes dans les laboratoires sur puce. En particulier le PDMS est très largement employé car il reste le plus facile à mettre en œuvre. Mais la surface de ce polymère présente quelques désavantages. Il est hydrophobe, ce qui en plus de rendre peu aisé le remplissage du microcanal avec des solutions aqueuses, engendre des interactions hydrophobes. Ces interactions, qui sont particulièrement fortes en milieu aqueux ont lieu avec des analytes non polaires ou partiellement non-polaires entraînant la diffusion de ceux-ci dans le polymère [Baltussen et al., 1999], mais aussi avec des macromolécules présentant des domaines hydrophobes comme des protéines, entraînant leur adsorption nonspécifique à la surface du canal. Cela cause une perte du matériel à analyser et une diminution de la résolution de l’analyse. De plus quoique moins chargées que les surfaces en verre, les surfaces de polymères présentent une charge de surface qui est mal caractérisée. Par exemple, pour le PDMS, Duffy et al. [Duffy et al., 1998] ont reporté qu’il n’y avait pas de charge de surface quand le PDMS est natif, alors qu’il y en a si le PDMS est oxydé par un traitement plasma. Ocvirk et al. [Ocvirk et al., 2000], les ont contredit plus tard reportant une charge de surface négative que le PDMS soit oxydé ou non. Quoi qu’il en soit, cette charge est beaucoup plus faible que celle présente à la surface des capillaires en verre. Ren et al. [Ren et al., 2001] ont apporté la preuve spectroscopique de la présence de groupements OH à la surface du PDMS oxydé laissant suggérer la présence de groupements silanol, alors que ce pic est très faible à la surface du PDMS natif. Ockvik et al. [Ocvirk et al., 2000] ont rapporté que la charge de surface ne peut être due à l’adsorption hydrophobe d’ions présents à des concentrations usuelles. Cette charge est peut être due à l’adsorption d’ions présents dans le milieu aqueux, comme le Cl− ou OH− [Van Wagenen et al., 1981], mais cette question est encore sous investigation. Comme nous l’avons vu précédemment, une charge de surface entraîne des effets électrocinétiques qui ne sont pas voulus dans les séparations électrophorétiques, d’autant plus si cette charge n’est ni contrôlée ni homogène, car cela entraîne des flux parasites nuisant à la résolution de la séparation.

Le but du traitement de surface est de la rendre hydrophile, d’une part, et d’autre part, neutre. La biocompatibilité est une autre caractéristique importante de la modification de surface. Ce but est atteint en greffant des matériaux à la surface du canal, en général des polymères à base de monomères neutres, hydrophiles et biocompatibles. Les plus utilisés sont l’acrylamide et l’éthylène oxyde (désigné par polyéthylène oxyde (PEO) ou polyéthylène glycol (PEG) selon sa taille) et leurs dérivés. La couche de revêtement doit être plus épaisse que la longueur de Debye, c’est à dire supérieure à quelques nanomètres pour des molarités de 10-100mM, afin d’écranter la charge de surface.

Les traitements de surfaces 

Nous allons voir ici une revue des traitements de surfaces qui ont été développés pour les laboratoires sur puces. Il existe plusieurs stratégies différentes, qui ont été adaptées de la chimie de surface classique. Les traitements de surfaces sont classés en deux catégories : les traitements non permanents, qui mettent en jeu des liaisons faibles, comme la physisorption, et les traitements permanents, dans lesquels les modifications de surface se font au travers de liaisons covalentes avec la surface.

Les traitements non permanents

Adsorption de polymères
Ces types de traitements mettent en jeu un copolymère synthétisé en solution. Un des monomères possède une très forte affinité avec la surface, souvent de par son caractère hydrophobe ou des liaisons hydrogène, alors que le rôle de l’autre monomère qui a moins d’affinité avec la surface et donc se trouve loin d’elle, est de conférer à la surface son caractère hydrophile. Ces types de traitements sont très développés pour l’électrophorèse capillaire, car ils sont très aisés à réaliser, mais peu d’entre eux ont été appliqués dans les laboratoires sur puce. Chiari et al. [Chiari et al., 2000] ont développé un copolymère statistique, le poly(dimethylacrylamide-co allyl glycidyl éther), par copolymérisation radicalaire pour l’EC. Le cycle oxirane du monomère glycidyl éther présente une forte interaction (qui n’est a priori pas de nature covalente) avec les groupements silanol du capillaire. Ce revêtement a été adapté à une séparation d’ADN dans une puce en PDMS et a prouvé son efficacité en rendant négligeable le flux électroosmotique et en réduisant les adsorptions de protéines et d’analytes. Les copolymères blocks offrent un revêtement de surface intéressant, un block du copolymère étant hydrophobe et en interaction avec la surface, alors que l’autre block est exposé et donne son caractère hydrophile à la surface. Des copolymères blocks de poly(oxide d’éthylène) (PEO) et poly(oxide de propylène) (PPO)(commercialisés sous le nom de Pluronic) ont ainsi été adaptés avec succès dans une puce de COC pour une séparation diélectrophorétique de particules [Davalos et al., 2008]. Un autre copolymère a été développé pour obtenir une PEG-ylation de la surface :

le poly(L-lysine)-graft-poly(éthylene glycol)(PLL-g-PEG). Les chaînes pendantes de PLL chargées positivement créent de fortes interactions électrostatiques avec les charges négatives générées par le plasma à la surface du PDMS. Une surface à haute densité en PEG est ainsi obtenue [Mohamadi et al., 2007]. De nombreuses recherches se sont portées sur le poly(vinyl alcool) (PVA). Ce polymère très hydrophile est très particulier, car bien qu’atactique, il présente pourtant un caractère semi-cristallin. Il se cristallise à l’interface liquide/surface hydrophobe. Le PVA est partiellement hydrolysé et ses sites plus hydrophobes s’adsorbent à la surface. De fait il faut une grande concentration de PVA en présence de la surface pour que le recouvrement soit total (supérieure à 10% w/w [Barrett et al., 2001]). Le dépôt successif de deux couches de PVA permet de réduire cette concentration à 0.1% w/w  ([Wu et al., 2005] et [Xiao et al., 2007]) et d’obtenir un revêtement très stable. Les polysaccharides ont aussi été développés dans les laboratoires sur puces : Mohamadi et al. [Mohamadi et al., 2007] ont développé très simplement un revêtement de méthyl cellulose et de surfactant qui a empêché l’adsorption de protéines dans une puce de PMMA pour la séparation de protéines.

Multicouches de polyélectrolytes
Les multicouches de polyélectrolytes sont réalisées en mettant successivement en présence la surface avec des polyélectrolytes positivement puis négativement chargées. Cette technique, mise au point par Decher [Decher, 1997] a beaucoup attiré l’attention car elle est très facile de mise en œuvre et s’adapte à n’importe quelle surface. Les polyélectrolytes s’adsorbent facilement par interaction électrostatique et les compensations de charge après les successives adsorptions font que ce revêtement est très stable. De plus, plusieurs groupes ont montré qu’en présence de puces hybrides (par exemple PET/PDMS et PS/PSMS dans [Barker et al., 2000]) le revêtement obtenu était homogène et apte à repousser les adsorptions non spécifiques dues aux interactions hydrophobes. Mais si ce type de revêtement améliore la résolution de la séparation de protéines ce n’est pas grâce au contrôle du flux électroosmotique, mais parce qu’il augmente l’hydrophilie de la surface [Boonsong et al., 2008]. De plus, ce type de revêtement est chargé et donc n’empêche pas les adsorptions dues aux interactions électrostatiques d’analytes ou de macromolécules de même charge.

Les traitements permanents

La silanisation
La silanisation est une réaction chimique entre un groupement silanol (Si-OH) de la surface et un silane e.g. une molécule R1-Si-R2R3. Les électrons libres du groupement silanol attaquent le silicium du silane, créant ainsi une nouvelle liaison et le départ du groupe partant R1 (le plus souvent R1=Cl). Le résultat est la création d’une liaison covalente Si-O-Si-R2R3. Cette réaction est utilisée pour obtenir des monocouches moléculaires à la surface du PDMS qui présente des groupements silanols après un traitement plasma. Dans [Delamarche et al., 2003] des PEO de 70 monomères ont été greffés sur une surface de PDMS. Le caractère hydrophobe du PDMS a été réduit pour une durée de 7 jours. Les amino silanes ont montré leur aptitude à inverser le flux électroosmotique pendant la même durée [Wang et al., 2003], ce qui est désirable dans certaines séparations de matériel biologique [Nagata et al., 2005]. Nous verrons qu’avec d’épaisses brosses de polymère cette durée peut être beaucoup plus longue.

Le grafting to
Cette méthode est basée sur la polymérisation en solution de polymères fonctionnalisés avec un groupement terminal capable de réagir avec la surface aboutissant à des “brosses” de polymères à la surface. Le caractère covalent de leur liaison à la surface leur confère une grande résistance à un grand nombre de conditions expérimentales (résistance aux solvants, aux grandes températures, à une grande force ionique de la solution). Ces polymères peuvent être synthétisés par différentes voies de polymérisation en chaîne : ionique, radicalaire, ou ouverture de cycles epoxy. Cette technique consiste à lier de manière covalente des chaînes de polymère sur une surface de verre silanisée. Dans les puces polymériques une liaison covalente est obtenue grâce à des groupements silanols obtenus avec une oxydation. Dans certains cas cette technique a été appliquée dans les puces polymériques en greffant les polymères sur une surface réactive adsorbée à la surface de la puce. Ce n’est donc pas à proprement dit un greffage covalent. Par exemple, dans Wang et al. [2007], un PEG de haut poids moléculaire (Mw=5000) modifié avec un groupement succinimide a été greffé sur une surface de PDMS. Le groupement succinimide réagit de manière covalente avec une couche de polysaccharide (le chitosan) pré-adsorbée sur le PDMS par interaction hydrophobe et liaisons hydrogène. Makamba et al. [Makamba et al., 2005] ont réalisé un grafting to de PEG sur du PDMS via une multicouche de poliélectrolytiques. Bien que le grafting to soit relativement aisé à mettre en place, les couches obtenues ne sont pas très denses. En effet, les chaînes de polymères doivent diffuser à travers celles déjà greffées à la surface, avant d’atteindre les sites réactifs. Les couches plus denses et épaisses sont obtenues avec le grafting from.

Le grafting from
Initialement développée dans des capillaires en verre pour l’EC par Hjerten Hjerten [1985], cette technique consiste à immobiliser un initiateur sur la surface. La propagation de la réaction aboutit à une chaîne de polymère, ou brosse, qui est plus longue que dans le cas du grafting to car les radicaux se trouvent à la fin de la chaîne et sont donc plus accessibles aux monomères. Cette technique a très peu été approfondie dans les laboratoires sur puce. Hu et al. [Hu et al., 2004] ont développéun protocole dans lequel un photoinitiateur (la benzophénone) est adsorbé dans le microcanal préalablement à la polymérisation. Ainsi le polymère est localisé à la surface du microcanal. Or cette technique ne permet pas d’obtenir un revêtement durable, car l’adsorption de la benzophénone ne résiste que quelques heures. Nous verrons dans ce chapitre comment, en activant le canal et en optimisant le protocole, nous avons obtenu un revêtement bien plus stable.

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Table des matières

1 La microfluidique
1.1 Introduction
1.2 La mise en œuvre : la lithographie “douce”
1.3 Les écoulements microfluidiques
1.4 Les applications aux analyses biologiques
2 Les modifications de surfaces pour la microfluidique
2.1 Introduction
2.2 Etat de l’art
2.2.1 Nécessité d’un traitement de surface
2.2.2 Les traitements de surfaces
2.3 Greffage covalent de polyacrylamide dans des microcanaux en PDMS
2.3.1 Principes de la modification de surface
2.3.2 Méthode expérimentale
2.4 Transposition au cyclo olefin copolymère (COC)
2.5 Conclusion
3 Implémentations de MEMS par photopolymérisation in situ
3.1 Introduction
3.1.1 Capteur de flux : État de l’art
3.1.2 Les mesures indirectes
3.1.3 Les mesures directes
3.1.4 Résumé
3.1.5 Les MEMS : vers une haute intégration
3.2 Capteur de flux basé sur l’élongation d’une microstructure
3.2.1 Soft Flow Sensors
3.2.2 Conclusions
3.3 Capteur de flux indépendant de la viscosité
3.3.1 Améliorations techniques
3.3.2 Résultats
3.3.3 Interprétations
3.3.4 Conclusions et perspectives
3.4 Conclusion générale sur les capteurs de flux
4 Incorporation de protéines dans un réseau de colonnes
4.1 Introduction
4.2 Fabrication et caractérisation du réseau de colonnes
4.3 Incorporation de protéines : application à l’adhésion cellulaire
4.4 Conclusion
5 Conclusions

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