Les modernes et le critère spirituel : Du critère d’actualité des facultés à celui de leur potentialité

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Les positions modérées

La position de l’islam :

En Islam, comme dans le catholicisme, la vie du foetus, comme toute autre vie humaine, est sacrée et exige soin et respect. L’Islam accorde une grande importance à l’embryon. La preuve en est que la jurisprudence musulmane permet à la femme enceinte de reporter son jeûn lorsque celui-ci peut constituer un risque pour la santé de l’embryon. Sachant que le jeûn ou Ramadhan est l’un des cinq piliers de l’Islam, on voit, à travers cette mesure tout le soin que l’Islam accorde à l’embryon. L’autre exemple est celui de la femme enceinte qui doit être lapidée pour adultère. L’islam ordonne, à l’image de ce qu’avait ordonné le Prophète Mohammed, pour la femme adultère (« Al Ghamidiya »), qu’elle soit épargnée jusqu’ après l’allaitement de l’enfant. Mais, à la différence du catholicisme, c’est le stade de développement de l’embryon qui conditionne le comportement du croyant musulman à son égard. La charia qui constitue l’ensemble des lois canoniques de l’islam comprend plusieurs textes : le coran, texte sacré intangible et le hadith, tradition rapportant les actes et les paroles du prophète Mohamed.
« A côté de ces textes fondamentaux les juristes ont introduit d’autres textes qui sont des sources de l’islam : ce sont des initiatives jurisprudentielles qui permettent la réflexion, éliminent toute solution figée et autorisent le croyant musulman à une position évolutive vis-à-vis des questions nouvelles liées aux biotechnologies. »28
De l’avis du docteur Fakher Ben Hamida, directeur honoraire de recherche au CNRS, ancien membre de CCNE, dans Médecine et droit de l’homme, l’attitude du musulman face aux questions bioéthiques reste délicate, car « il n’y a pas de clergé en islam et c’est au croyant de faire face à ses responsabilités et de prendre une décision »29 C’est ce qui explique, par ailleurs, l’existence de plusieurs écoles exprimant chacune une opinion ou une sensibilité donnée. Sur cette question du statut de l’embryon le Coran précise, à la sourate II verset 228, que la femme divorcée doit attendre quatre-vingt-dix jours (trois mois) avant de se remarier, pour éviter une confusion de paternité. Le verset 234, de la même sourate, ajoute que la femme, devenue veuve, doit attendre cent vingt jours avant de se remarier, pour les mêmes raisons. Commentant ces deux versets du Coran, le docteur Fakher Ben Hamida nous dit qu’ « implicitement le Coran accorde une marge de quatre-vingt-dix à cent trente jours soit trois mois à quatre mois et dix jours, période pendant laquelle le foetus prend forme humaine »30. Il poursuit son commentaire en ajoutant qu’ « au travers de ce verset le coran et en se basant sur un hadith du prophète Mouhamad et dans lequel il est dit que Dieu a insufflé « el rouh », c’est-à-dire la vie, le souffle spirituel au foetus, à trois mois et une semaine, on peut conclure que la réalité de la personne humaine se situe dans l’embryon dans la première semaine du quatrième mois soit au centième jour de grossesse 31».
Si l’on s’appuie, d’une part, sur ce commentaire, de Fakher Ben Hamida, qui stipule que l’embryon ne devient personne humaine qu’à partir du centième jour de grossesse, et d’autre part sur le fait que le comportement du musulman vis-à-vis de l’embryon est conditionnée par son stade de développement, on peut en déduire que selon l’islam, l’avortement est licite avant le centième jour. Mais, la controverse, sur le moment de l’animation de l’embryon, qui a divisé à un moment les pères de l’Eglise catholique, refait surface dans la famille musulmane. Ainsi d’autres savants musulmans, comme le Pr. Sari Ali, disent que le statut d’être humain est acquis au cent vingtième jour par la réception de l’esprit, après un développement en trois phases de quarante jours. Avant ce délai, poursuit-il, « l’embryon est une chose qui n’a pas de nom, il ne peut hériter, il n’est pas un fils. On peut faire une IVG sans problème avant le cent vingtième jour, mais après cent vingt jours c’est un meurtre »32.Cette qualification de l’avortement comme meurtre à partir du cent vingtième jour, par le Professeur SARI ALI, laisserait entendre qu’à partir du cent vingtième jour la vie de l’embryon ou du foetus vaudrait celle de la mère.
D’autres savants encore, situent le moment de l’animation de l’embryon au quarantième jour après la conception. Ils estiment, par conséquent, qu’il ne doit pas être considéré comme un être humain avant le quarantième jour suivant sa conception. Pour résumer cette controverse sur l’interdiction de l’avortement en Islam, faisons l’historique des quatre écoles à travers lesquelles elle s’est exprimée : l’école hanafite, l’école hanbalite, l’école châféïte, l’école malékite. Toute la controverse va avoir comme point d’appui, le moment de l’animation ou insufflation de l’âme au foetus.
L’école hanafite enseigne que la femme peut avorter, dans un cas de grande nécessité, si l’âme n’a pas encore été insufflée et si l’enfant est encore à l’état embryonnaire. Elle précise que « si une femme avorte sans raison valable alors que les membres et les organes du foetus avaient déjà commencé à se former, elle aura le péché d’avoir commis un crime… »33. Elle souligne par ailleurs que même avant l’animation du foetus l’avortement est interdit sans raison valable. Les raisons qui, selon cette école, peuvent justifier un avortement sont : une malformation du foetus, une déficience sévère, la présence d’une maladie génétique chez l’embryon, danger de la vie de la future mère, handicap physique ou mental de la futur mère ajouté à l’absence de parents pouvant assurer l’éducation du futur bébé, femme enceinte à la suite d’un viol et ne souhaitant pas garder l’enfant. Les conditions, ci-dessus énumérées, impliquent que, selon l’école hanafite, l’embryon n’est pas un être humain dès la conception. Il ne le devient qu’à partir du 90e jour considéré comme le moment de l’insufflation de l’âme au foetus. Par ailleurs, l’interdiction de l’avortement, sans raisons valables, pour un embryon non encore animé, implique que pour les hanafites, l’embryon mérite le respect quel que soit son stade de développement. Il n’est en aucun moment, de son stade de développement, perçu par cette école, comme un simple amas de matière. On imagine dès lors, toutes les difficultés et le sérieux avec lesquels, se prennent les décisions de suppression de la vie d’un embryon au profit de celle de la mère porteuse. Car s’il est vrai, comme le proclament, presque, tous les croyants, que la vie est un don de Dieu, qui de Dieu ou de l’Homme doit décider de qui, de la mère ou du foetus, doit la perdre ? Des prémisses : la vie est sacrée ; l’embryon a la vie ; on ne peut en déduire que la vie de l’embryon est sacrée, c’est-à-dire inviolable. Mais s’il en est ainsi de l’école hanafite qu’en est-il de l’école hanbalite ?
L’école hanbalite est l’une des quatre grandes écoles qui constituent le droit musulman. Fondée par l’imam Ahmed BIN HANBAL (780-855), cette école est d’obédience sunnite et prône l’origine divine du droit contrairement au courant mutaziliste inspiré par la philosophie grecque du huitième siècle. Le courant hanbalite, fondement de la tradition musulmane est souvent présenté comme l’école la plus conservatrice de l’islam sunnite. L’enseignement et la méthode de l’école hanbalite sont aujourd’hui pratiqués en Arabie Saoudite, en Syrie, en Irak et en Palestine. La préoccupation première du fondateur de l’école hanbalite (Ahmed BIN HANBAL) était la collection, la narration et l’interprétation des hadiths. Ses deux fils Sâlih et Abdullah figurent parmi ses disciples les plus réputés dans le monde musulman, en matière de hadith. Selon Cheikh WahbahAz Zouheïli, l’avis de l’école hanbalite sur la question de l’avortement est identique à celui de l’école hanafite. En effet les hanbalites ont une méthode précise de recherche de la vérité. Par exemple, à la question « quand l’embryon devient-il une personne ? » et à toute autre question, l’école hanbalite propose une méthode à six étapes : La première étape consiste à se demander ce que dit le Coran sur la question posée. Si le Coran ne s’est pas prononcé explicitement sur la question, on passe à la deuxième étape. Cette deuxième étape consiste à interroger la sunna. Si la sunna ne s’est pas prononcée sur la question on passe à l’Ijma ou consensus des compagnons de Mohammed. Si les compagnons de Mohammed ne se sont pas prononcés sur la question, on passe à l’opinion individuelle d’un compagnon de Mohamed. Si aucun compagnon de Mohammed ne s’est prononcé sur la question, on passe à un hadith faible (da’ if) plutôt que de se fier à une déduction personnelle. Et si aucun hadith faible ne s’est prononcé sur la question on passe enfin au Qiyas (ou raisonnement par analogie). Ce n’est donc pas surprenant que dans ce cas précis de l’avortement, l’école hanbalite adopte une position déjà défendue par une autre école. Dès lors, les observations faites à l’endroit de l’école hanafite restent valables pour l’école hanbalite. Mais qu’en est-il de l’école châféïte ?
Le chaféisme, souvent orthographié shafiisme, est l’une des quatre écoles de jurisprudence de l’islam sunnite. Cette école est fondée par Abu Abdullah Muhammad ibn Idriss Ash-shafii dit imam shafii (150-204) qui a vécu à la Mecque puis en Irak avant de s’installer en Egypte. L’imam shafii a appris le droit musulman selon l’enseignement de l’école malékite puis selon l’enseignement hanafite. Son école se positionne entre l’école hanafite qui met en avant l’opinion personnelle et l’école malékite qui s’appuie fondamentalement sur la sunna. Selon les chaféites, la sunna doit être valorisée en tant que source du droit, mais une grande importance doit être donnée au consensus de toute la communauté croyante. L’école châféïte est aujourd’hui présente en Egypte en Arabie, au Koweït, au Yémen et dans certains pays d’Asie comme l’Indonésie, la Malaisie, et la Thaïlande. Cette école a présenté trois avis différents sur l’interruption de grossesse avant l’animation (insufflation de l’âme).Un premier avis, presqu’identique à celui des hanafites et qui est défendu par le juriste châféïte Al Ramalir.a.Un second avis qui permet et déconseille, en même temps, l’avortement avant 40 jours de grossesse. Selon ce second avis, l’avortement après les 40 jours est strictement interdit. Un troisième avis qui interdit l’avortement depuis la fécondation. Ce dernier avis est celui défendu par l’Imâm Abdou Hâmid Al Ghazâli.34Cette position de l’imam Abdou Hâmid Al Ghazâli constitue déjà une ouverture vers la position de l’école malékite.
L’avis le mieux partagé de cette école est celui qui interdit l’avortement dès la fécondation. Il faut tout de même retenir que, sur cette question, beaucoup de savants musulmans ont finalement adopté la position hanafite. C’est ainsi que Cheikh WahbahAz Zouheïli affirme : « Je donne préférence (à l’avis stipulant) l’interdiction de l’avortement depuis le début de la grossesse, sauf en cas de nécessité ou dans le cadre d’une raison valable(…) »35 Quant à Cheikh Qaradâwi, il précise que « la règle de base en ce qui concerne l’avortement est l’interdiction. Cette interdiction prend de l’ampleur en fonction de l’état d’avancement et de développement du foetus. Ainsi, durant les 40 premiers jours de grossesse, l’interdiction est la plus légère. C’est pourquoi l’avortement sera autorisé dans ce cas pour les raisons valables. Après la période de 40 jours, l’interdiction devient plus forte ; l’avortement ne sera alors toléré que pour des motifs plus graves (par rapport à l’étape précédente), motifs qui seront déterminés par des personnes versées dans le « Fiqh ». Et l’interdiction continuera ainsi à prendre de l’ampleur(…) »36

La position du judaïsme

Le judaïsme au sens religieux désigne et ses lois. Or les juifs sont généralement considérés dans leur conception de l’homme comme des monistes par opposition aux grecs qui sont qualifiés de dualistes. Ce qui logiquement voudrait dire que dans le judaïsme l’être humain devrait être vu comme une unité de corps et d’esprit formant un tout inséparable. Par conséquent, il ne devrait pas se poser ici la question du moment où l’âme est insufflée au corps. L’embryon devrait, dans cette logique, être considéré comme un être humain dès la conception. Mais l’est-il vraiment ? Ce qui est sûr c’est que pour le judaïsme le respect de la vie est absolu, sacré et inviolable. Mais l’embryon a-t-il, aux yeux du croyant juif, cette vie sacrée et inviolable ? Autrement dit, l’embryon est-il, à ses yeux, un être vivant humain ?
Un article extrait du Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, aux Editions du Cerf nous dit que Les sources talmudiques ne donnent pas d’indication claire en la matière. Rachi (Sanh 72b) et Tosaf. Nid 44a semblent indiquer qu’un foetus ne peut être considéré comme un être vivant. Néanmoins d’autres considérations doivent entrer en ligne de compte parmi lesquelles l’interdiction d’infliger des blessures corporelles, de détruire la semence humaine et de causer un dommage financier ou touchant l’être de l’homme. Toutes les autorités rabbiniques s’accordent donc à dire que pour des raisons sociales et économiques l’avortement est contraire à la loi juive. L’avortement est, ici, considéré comme allant à l’encontre des possibilités messianiques. Car empêcher la croissance et la naissance d’un enfant, c’est empêcher la venue au monde d’un potentiel messager de Dieu. Cependant, la tradition permet aux rabbins de considérer, comme licite, l’avortement pratiqué avant le quarantième jour de grossesse. En effet, cette tradition affirme que le foetus ne se forme qu’après le quarantième jour. Mais, dans la pratique, on peut retenir que les autorités rabbiniques n’autorisent la pratique de l’avortement que dans les cas où la vie de la mère ou du foetus est en danger. Dans le judaïsme, comme en islam, on peut dire que l’embryon n’est pas, totalement, considéré comme un être humain (avant quarante jours) et que l’interdiction de l’avortement n’est pas absolue.
Mais cette réflexion sur le statut de l’embryon n’a pas seulement été une préoccupation religieuse .Elle a été initié par les philosophes présocratiques, poursuivi par les modernes et prend, de nos jours, une nouvelle tournure liée aux nouvelles questions éthiques.

La position des philosophes sur le statut de l’embryon humain

L’homme, à l’instar de l’animal et la plante, est un être vivant. L’être vivant est, selon le biochimiste Jacques Monod « un individu indivisible formant un tout cohérent, possédant une dynamique interne de fonctionnement et doué d’une autonomie relative par rapport à un milieu auquel il peut s’adapter »38. Mais, de tous les êtres vivants, l’homme est le seul à avoir le privilège d’être appelé personne. Cela nous amène à nous interroger sur ce qui justifie ce privilège. Autrement dit, quelle caractéristique spécifique autorise à hisser cet être vivant au-dessus des autres êtres vivants ?
Parler de privilège, ici, c’est faire allusion à tous les traitements de faveur qui sont attachés à ce statut de personne. Ce sont d’ailleurs ces privilèges qui sont à la base de la controverse sur la personnalité de l’embryon. En effet, reconnaître à l’embryon la qualité de personne c’est lui attribuer tous les droits de l’homme. Or le constat est que l’être humain, à certaines phases de sa vie, n’est pas unanimement reconnu comme une personne. Nous pensons par exemple aux étapes où l’individu ne jouit pas de certaines facultés ou organes biologiques ou spirituelles, c’est-à-dire l’étape prénatale et les moments où l’individu est en situation de coma profond ou de folie. Nous nous intéresserons particulièrement à l’étape embryonnaire c’est-à-dire à la période allant de la conception à la fin de la huitième semaine. Nous tenterons d’abord de voir quel était le statut de l’embryon chez les Anciens ensuite chez les Modernes.

Les Anciens et le critère physique ou morphologique

La question principale à laquelle on va tenter de répondre ici est la suivante : y a-t-il des indices symboles d’un changement de statut entre la conception et la naissance ? Dans le livre de l’Exode au chapitre 21 verset 22-23 la Bible enseigne que « Si des hommes se querellent, et qu’ils heurtent une femme enceinte, et la fasse accoucher, sans autre accident, ils seront puni d’une amende imposée par le mari de la femme et qu’ils payeront devant les juges. Mais s’il y a un accident, tu donneras vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. »39.
Commentant ce passage, Francis KAPLAN soutient que s’il n’y a pas à donner vie pour vie dans le cas où la femme ne meurt pas, c’est que l’avortement n’est pas la mort d’un être vivant. Vincent BOURGUET soutient que si l’embryon est « formé », la loi du talion doit s’appliquer. Ce qui signifie que la qualification de l’avortement chez les Anciens repose sur l’embryologie aristotélicienne selon laquelle « avant la formation du foetus l’embryon est « une quasi chose » puisque sa mort donne lieu seulement à un dédommagement financier. En revanche, après sa formation, la vie de l’embryon est, donc vaut celle d’une personne »40.
Ces exemples montrent que selon les Anciens la personne advient, de manière physique, dans la chair, comme produit du processus de génération. Autrement dit, c’est lorsque l’oeuf fécondé se spécifie, se trouve pourvu de ses différents organes et prend morphologiquement la forme humaine qu’il devient une personne humaine. Mais, cette position, nous l’avons déjà vu, a été à l’origine de la controverse que les Anciens appelaient la « controverse sur l’animation de l’âme ».Cette controverse opposait les partisans d’Aristote qui défendaient la thèse de l’animation progressive ou tardive, à ses adversaires qui défendaient la thèse de l’animation immédiate. Ainsi, des stoïciens à Thomas d’Aquin en passant par Aristote, Grégoire de Nysse, Maxime le confesseur, Augustin, on a défendu l’une ou l’autre de ces deux thèses. Mais, que nous enseigne cette thèse aristotélicienne de l’animation de l’âme ?

La théorie aristotélicienne de l’hominisation

Pour mieux comprendre cette théorie aristotélicienne de l’hominisation, il faut la replacer dans le contexte de « la controverse sur l’animation de l’âme ». En effet, à la question de savoir quand l’âme entre dans l’embryon, les philosophes répondent différemment. La première réponse que nous retenons est celle d’Héraclite d’Ephèse qui soutient que l’âme vient au moment de la conception. Défendant la thèse de la préexistence des âmes par rapport aux corps, il soutient en même temps que les âmes aiment l’humidité. Or les semences humaines étant humides, dès qu’une semence est émise par la matrice, une âme se précipite dessus41.Pour les stoïciens l’embryon possède dès la conception une âme végétative, c’est-à-dire un souffle vital, qui se transforme en âme humaine dès la naissance.
Par contre, pour Tertullien, il n’existe pas plusieurs âmes ( végétative, animale et humaine) mais une seule âme. Selon lui, l’embryon reçoit une âme humaine dès la conception. Ce qui signifie que pour Tertullien l’embryon est une personne humaine dès la conception. Mais, philosophiquement, il suit les stoïciens qui soutiennent que l’âme ne vient pas du dehors, elle est transmise par le père, par le moyen de la semence. Cette théorie a pris le nom de traducianisme, mot dérivé du latin « traducere » qui signifie transmettre. Cependant, la conception terutellienne du traducianisme consiste à dire que Dieu a créé l’âme d’Adam et que c’est de l’âme d’Adam que les âmes viennent. Donc l’âme d’un enfant n’est pas créée par son père. Il ne fait que transmettre ce que lui-même a reçu de son père. Cette position par laquelle on soutient que l’animation immédiate s’oppose à la thèse aristotélicienne.
En effet, pour Aristote, il faut distinguer les êtres animés des êtres inanimés, c’est-à-dire ceux qui ont une âme de ceux qui en sont dépourvus. Aristote nomme « âme » le principe vital de tout être vivant et en distingue trois sortes. L’âme végétative est, selon lui, la seule que possèdent les végétaux : elle assure la nutrition et la reproduction. A cette âme s’ajoute, chez les animaux, l’âme sensitive, principe de la sensation. L’homme est le seul de tous les êtres vivants à posséder en plus une âme intellective, principe de la pensée. C’est pourquoi Aristote soutient qu’il y a une âme intellective lorsqu’il y a un corps organisé. Ce qui s’accorde bien avec sa définition de l’âme comme « l’entéléchie première d’un corps naturel organisé. »42 L’entéléchie est un terme technique qui est l’équivalent du mot «forme». C’est pourquoi on dit souvent que, selon Aristote, l’âme est la forme du corps. Le mot « entéléchie » implique l’idée d’achèvement, de perfection (de telos = but), c’est-à-dire qu’avant de posséder l’âme intellective, l’embryon reçoit d’abord l’âme végétative, ensuite l’âme animale et enfin cette âme intellective qui, selon lui, n’est reçue que vers le quarantième jour après la conception.
C’est dans l’Histoire des animaux (583b 1-11) qu’Aristote situe vers quarante jours (pour un garçon) ou quatre-vingt-dix jours (pour une fille) le moment où l’embryon cesse d’être « un amas de chairs indifférenciées ». Et c’est dans le Politique (1335 b) qu’en considérant l’avortement comme licite avant le stade de la «formation »qu’ il considère implicitement que c’est à ce moment que l’on se trouve en présence d’un être humain, pourvu d’une âme humaine.43
Quarante jours, c’est donc la durée nécessaire, selon cette théorie d’Aristote, pour que la cellule embryonnaire se spécifie, construit ses différents organes, prend la forme humaine et devient une personne .Cette position purement philosophique va paradoxalement recourir à Dieu (un argument de foi) pour expliquer l’origine de l’âme intellective. Aujourd’hui encore, on a tendance à recourir à des versets bibliques (arguments de foi) pour justifier cette position aristotélicienne de l’animation progressive. Le premier passage est le texte de l’Exode cité tantôt (Ex.21, 22). Les défenseurs de l’animation progressive le convoquent pour dire que la différence de sanction entre l’avortement d’un embryon formé et celui d’un embryon non formé signifie qu’à partir du moment où l’embryon est formé l’avortement est un homicide, ce qui veut dire que c’est à partir de ce moment qu’il y a une vie. Et donc c’est à partir de ce moment qu’il reçoit une âme, prend la forme humaine et mérite le statut de personne.
Le second passage est le récit de la création de l’homme dans le livre de la Genèse qui raconte que Dieu commence par modeler le corps et ensuite lui insuffle une âme (Gn. 2,7) Ce qui veut dire, là encore, que l’âme est créée quand le corps a déjà la forme humaine. Donc à la question « l’embryon est-il une personne humaine ? », la thèse de l’animation tardive répond par l’affirmative et la négative. Nous savons que pour certains embryologistes la période embryonnaire va de la conception à la fin de la huitième semaine et englobe la période du zygote qui va du premier au quinzième jour de grossesse. Donc la thèse, aristotélicienne, de l’animation tardive, en soutenant que l’animation se fait à partir du quarantième jour reconnait qu’une partie de la vie de l’embryon est digne du respect dû à la personne humaine. Toutefois elle affirme en même temps, implicitement, qu’une bonne partie de la vie embryonnaire n’est pas digne de respect parce que durant cette période l’embryon, n’étant pas animé ou formé, n’est pas encore une personne. Mais cette controverse n’est pas sans poser de problèmes de foi. C’est pourquoi beaucoup de philosophes croyants ou théologiens se sont invités au débat.

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Table des matières

Introduction
Première partie : La position des religions sur le statut de l’embryon et la question de l’avortement 
I – Les positions radicales
1 –La position de l’Eglise catholique
2- La position du bouddhisme
II – Les positions modérées
1 – La position de l’islam
2 –La position du judaïsme
Deuxième partie : La position des philosophes sur le statut de l’embryon humain
I – Les Anciens et le critère physique ou morphologique
1- La théorie aristotélicienne de l’hominisation
2-L’individuation et l’animation comme processus de personnalisation
II – Les modernes et le critère spirituel : Du critère d’actualité des facultés à celui de leur potentialité
1 – La personne comme l’homme dont les facultés sont en acte
2- Le concept de « personne potentielle » comme solution au problème de la personnalité de l’embryon
Conclusion
Bibliographie

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