Les modèles physiologiques toxico/pharmacocinétiques

Les modèles physiologiques toxico/pharmacocinétiques

Le devenir d’une substance dans le corps est communément divisé en quatre phases : l’Absorption, la Distribution, le Métabolisme et l’Excrétion (processus « ADME »). Dans un premier temps, la substance est absorbée, et distribuée dans le corps par un fluide biologique (sang, lymphe, par diffusion…). Ensuite, la substance est soit stockée (par exemple, dans les graisses ou les muscles), soit éliminée (par métabolisme ou excrétion). De par leur description paramétrique de l’organisme, les modèles PBPK s’appuient sur les connaissances biologiques et anatomiques pour décrire ces processus. Plus précisément, le corps est divisé en plusieurs compartiments ayant tous une signification physiologique. Les fluides biologiques, principaux vecteurs des composés dans le corps, créent les interconnexions entre les compartiments.

Les premiers travaux incluant une modélisation mécaniste et physiologique concernent la pharmacocinétique de xénobiotiques et datent des années 1930 (Teorell, 1937). Il a fallu attendre les travaux de Bischoff à la fin des années 1960 (Bischoff and Brown, 1966) pour que les modèles physiologiques deviennent des outils répandus pour l’étude de la cinétique de substances thérapeutiques ou toxiques. Bischoff et Brown (1966) ont proposé une description physiologique très détaillée de la distribution d’une substance au sein d’un organe (ou compartiment), et développé un modèle général de distribution pour les mammifères. Cette approche a ensuite été utilisée pour prédire l’évolution de la concentration d’une substance d’intérêt dans différents organes (Bischoff et al., 1971; Dedrick et al., 1973; Fernandez et al., 1977; Sato et al., 1977). Gerlowski et Jain (1983) présentent une revue des premiers modèles PBPK développés pour des substances thérapeutiques ou toxiques.

Initialement, les modèles PBPK ont été développés dans le but heuristique de comprendre la distribution d’une substance, et de prédire les profils d’évolution de sa concentration dans différents organes ou tissus. Ces modèles permettent, en effet, d’organiser les différentes sources d’information (telles que des données obtenues par des techniques in vitro, ou référencées dans la littérature), et d’expliquer les données toxico/pharmacocinétiques observées. L’utilisation des modèles PBPK s’est rapidement développée en toxicologie, notamment pour évaluer les risques encourus après une exposition à un toxique (Andersen, 1995a; Bailer and Dankovic, 1997; Bois, 1999; Clewell, 1995; Jonsson, 2001). Bien que les modèles physiologiques aient été développés initialement pour les substances thérapeutiques, ils ont fait l’objet de  nombreuses réserves en pharmacologie (Charnick et al., 1995). Les reproches les plus courants sont la complexité et la grande dimension de ces modèles (Ings, 1990), ainsi que la difficulté d’identifier et d’estimer leurs paramètres (Veng-Pedersen and Modi, 1992). C’est pourquoi le développement de modèles plus simples (tels que les modèles compartimentaux) a longtemps été préféré dans ce domaine. Récemment, plusieurs auteurs ont démontré l’utilité de ces modèles dans le processus de développement de nouvelles substances thérapeutiques (Blesch et al., 2003; Mather, 2001; Theil et al., 2003). Dans la suite, nous présentons la construction d’un modèle PBPK : la mise en équation des processus ADME, la spécification du modèle et de ses paramètres. Pour finir, nous discutons de l’intérêt des modèles PBPK pour les études d’évaluation de risques et les études thérapeutiques.

Les processus ADME 

Dans cette section, nous limitons la description des processus ADME au cas où la substance est distribuée via le réseau sanguin. Dans ce cas, un facteur limitant de la distribution au sein d’un organe est la perfusion de cet organe. Les échanges sanguins sont le plus couramment décrits dans les modèles PBPK, mais d’autres échanges (via la lymphe ou par diffusion) peuvent être modélisés.

Absorption
On appelle absorption la pénétration de la substance dans l’organisme. La phase d’absorption dépend du mode d’administration. On peut différencier deux modes d’administration : l’administration intra ou extravasculaire. Lorsque l’administration est intra-vasculaire, il n’y a pas de phase d’absorption par l’organisme puisque la substance est directement injectée dans le réseau sanguin. Si l’administration est extra-vasculaire, tout ou une partie de la substance sera absorbée. Les modes d’administration extra vasculaire principaux sont l’ingestion, l’inhalation, et la pénétration trans-cutanée. Pour quantifier la dose de substance absorbée, il est essentiel de modéliser les principaux déterminants de la relation entre la dose administrée et celle absorbée. Divers facteurs, tels que la solubilité de la substance, la perméabilité des tissus ou encore la durée d’exposition, influencent ce processus. Prenons l’exemple d’une exposition par inhalation. Andersen (1991) a proposé une modélisation des échanges de substance au niveau pulmonaire. Ce modèle divise les poumons en espace alvéolaire et en sang artériel. Il fait l’hypothèse d’un équilibre rapide de la substance entre le sang artériel et l’air alvéolaire, sans métabolisme au niveau pulmonaire, et une capacité limitée de stockage de la substance dans les poumons.

Distribution
La distribution concerne la répartition de la substance dans les différents organes du corps. Une fois absorbée, la substance passe du sang vers les organes selon son affinité pour eux. Ce phénomène est caractérisé par un paramètre appelé coefficient de partage. Cependant, d’autres facteurs déterminent aussi la dynamique de distribution de la substance. Ces facteurs sont en particulier la taille des organes, la perméabilité des membranes des tissus ou encore la perfusion des organes.

Métabolisme
Le métabolisme est, schématiquement, le processus de transformation chimique de la substance par les enzymes au sein d’un organe. Les produits ainsi formés sont appelés métabolites. Dans de nombreux cas, ce n’est pas le produit parent (i.e., la substance administrée) qui est actif (toxique ou thérapeutique), mais ses métabolites. On parle de métabolisme de premier passage lorsqu’une fraction de substance est métabolisée au moment de l’absorption, avant d’être distribuée dans l’organisme. La quantité d’enzymes présente dans un organe peut devenir un facteur limitant du métabolisme, notamment pour des expositions à de fortes doses.

Spécification d’un modèle PBPK 

Comme dans toute entreprise de modélisation, il est nécessaire de recourir à un grand nombre de simplifications, pour construire un modèle PBPK. La première étape consiste à définir les compartiments nécessaires à la modélisation de la biodistribution de la substance étudiée. Un compromis doit être trouvé entre l’exigence mathématique de décrire le plus finement possible l’organisme et la complexité mathématique du système d’équations différentielles résultant. Il est primordial que les organes ou tissus essentiels à la pharmacocinétique et pharmacodynamique de la substance soient représentés (Nestorov, 2003). Le site d’absorption ou d’administration (les poumons pour une inhalation, la peau pour une exposition dermique, ou encore le sang pour une injection par intraveineuse) et les sites de métabolisme et d’élimination (le foie, les reins et/ou les poumons) sont typiquement décrits. En complément, sont ajoutés d’autres compartiments représentant des groupes généraux de tissus : les tissus bien perfusés (les viscères), les tissus peu perfusés (les muscles, la peau) et les graisses. Certains tissus peuvent être agrégés en raison de flux sanguins et de coefficients de partage similaires (Nestorov et al., 1998).

Le nombre de compartiments dépend aussi du but de la modélisation. Pour une même substance différents modèles PBPK peuvent être construits. Prenons l’exemple du 1,3-butadiène. Kohn et Melnick (1993) ont proposé de modéliser sa cinétique par un modèle à six compartiments différenciant les métabolismes hépatique, viscéral et pulmonaire. Plus récemment, Mezzetti et al. (2003) ont proposé un modèle à trois compartiments, dans lequel le compartiment agrégeant les organes bien perfusés est le seul site de métabolisme. Malgré leurs structures différentes, ses modèles ont permis de répondre à des questions toxicologiques précises concernant la même substance.

Au sein d’un même compartiment, la substance est supposée se distribuer instantanément et uniformément dans le volume total. Si l’on souhaite décrire des limitations par diffusion (entre espace cellulaire et extra-cellulaire, par exemple), il est possible de subdiviser le compartiment en trois sous-unités (Bischoff and Brown, 1966; Gerlowski and Jain, 1983) : l’espace vasculaire directement perfusé par le sang, l’espace interstitiel qui forme une matrice pour les cellules du tissu, et l’espace cellulaire (Figure 2.3). La substance franchit le mur capillaire et se diffuse dans l’espace interstitiel. Puis elle traverse éventuellement la membrane cellulaire pour rejoindre l’espace intracellulaire. Dans chacun des sous-compartiments, la substance peut être dégradée par une action métabolique ou être captée par une substance endogène. La quantité de substance peut alors être décrite par un ensemble d’équations modélisant la quantité dans chacun des sous-compartiments.

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Table des matières

Introduction
1. Résumés
1.1. Résumé
1.2. Abstract
2. Présentation du sujet
3. Contexte et objectifs spécifiques
3.1. Les modèles physiologiques toxico/pharmacocinétiques
3.1.1. Les processus ADME
A. Absorption
B. Distribution
C. Métabolisme
D. Excrétion
3.1.2. Spécification d’un modèle PBPK
3.1.3. Paramétrisation d’un modèle PBPK
3.1.4. Un outil pour l’évaluation de risque et les études thérapeutiques
A. Transpositions entre conditions expérimentales
B. Transpositions inter-espèce, inter- et intra-individu
3.2. Calibration et analyse bayésienne
3.2.1. L’inférence bayésienne
3.2.2. Modèles statistiques
A. Distributions a priori
B. Vraisemblance
3.2.3. Mise en œuvre de la calibration bayésienne
A. Méthodes Monte Carlo par chaînes de Markov
B. L’algorithme de Metropolis-Hastings
C. Contrôle de la convergence
D. Logiciels
3.3. L’imagerie par résonance magnétique
3.3.1. Rappels de physique
A. Champ et moment magnétiques
B. Le principe de résonance
C. Propriétés magnétiques de la matière
3.3.2. Le signal de résonance magnétique nucléaire
A. Action d’un champ magnétique sur une population d’atomes
B. Le signal RMN et ses caractéristiques
C. Le phénomène de relaxation
3.3.3. Obtention de l’image de résonance magnétique nucléaire
A. Codage de la position du voxel
B. Gradient de champ magnétique
3.3.4. Agents de contraste
3.3.5. La place de l’IRM dans la recherche pharmaceutique
3.4. L’agrégation de système d’équations différentielles
3.4.1. L’agrégation linéaire
A. Agrégation linéaire exacte
B. Agrégation linéaire contrainte : la méthode DCAL
3.4.2. Exemple d’agrégation exacte d’un système de dimension 3
A. Définition du système
B. Les schémas d’agrégation
C. Formulation du système agrégé
3.5. Objectifs spécifiques
4. L’analyse statistique bayésienne de données toxicocinétiques
L’Analyse Statistique Bayésienne de Données Toxicocinétiques
RESUME
SUMMARY
INTRODUCTION
QUESTION TOXICOLOGIQUE ET DONNEES EXPERIMENTALES
LE PROCESSUS D’ANALYSE DES DONNEES
CONCLUSION
ANNEXE : EQUATIONS DEFINISSANT LE MODELE A 2-COMPATIMENTS.
REFERENCES
5. Modélisation physiologique de données spatio-temporelles d’imagerie médicale
Bayesian physiological pharmacokinetic modeling of tumors’ microcirculation
magnetic resonance imaging data: Application to the evaluation of an antiangiogenic treatment.
RESUME
Table des matières
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
RESULTS
DISCUSSION
REFERENCES
6. Utilisation de traceurs non-toxiques dans les études toxicocinétiques
Use of a chemical probe to increase safety for human volunteers in toxicokinetic
studies
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
RESULTS
DISCUSSION
REFERENCES
Lumping in pharmacokinetics
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
APPLICATIONS OF MATHEMATICAL LUMPING IN THE PK FIELD
DISCUSSION
REFERENCES
7. Conclusion

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