Les modèles du changement climatique et l’induction du changement technique : Un état des lieux

Les économistes et le processus d’innovation : entre changement technique autonome et progrès technique induit 

L’origine d’une vision induite du changement technique remonte aux travaux de Hicks (1932), qui formule l’hypothèse suivante : “A change in the relative prices of the factors is itself a spur to invention and to inventions of a particular kind – directed at economizing the use of a factor which has become relatively expensive.“ (Hicks, 1932 : pp. 124-125)

Cette vision du changement technique comme un processus induit par les variations des prix relatifs des facteurs de production pose plus globalement la question de l’influence sur le développement technologique, du contexte économique, c’est-à dire à la fois des signaux de marché et des politiques publiques. Elle introduit également une distinction entre changement technique induit et autonome, autonome au sens où l’évolution technologique serait indépendante des conditions du marché. En fait, comme le remarquent Grubb et al. (2002) les seules évolutions techniques que l’on peut raisonnablement tenir pour indépendantes des conditions du marché sont celles qui sont totalement déterminées par une découverte faite par un inventeur génial ou par la production de connaissances dans des organismes publics de recherche. Or, force est de reconnaître que l’essentiel des modélisations économiques empiriques traitait encore il y a peu le changement technique comme un processus exogène, ou, pour reprendre l’expression utilisée dans la littérature en langue anglaise, un don du ciel (« a manna from heaven »). Cet état de fait qui peut surprendre de la part d’économistes a une origine historique précise, à savoir le rôle joué par le modèle de Solow (1956, 1957) dans la théorie de la croissance.

Lors de son discours de réception du Prix Nobel en 1988, Solow (1988) a pourtant bien souligné le fait qu’il avait choisi ce type de traitement du changement technique dans un but précis, fournir une alternative au modèle d’Harrod-Domar (cf. Harrod, 1939 ; Domar, 1946), et qu’il ne faut l’utiliser qu’avec précaution pour étudier d’autres problèmes. Ce modèle est cependant devenu un « standard » pour la macroéconomie et cela explique pourquoi la plupart des modèles appliqués au changement climatique ont, dans un premier temps, hérité de sa structure. Pour Grubb et al. (2002), le changement technique induit se définit en opposition d’une évolution technologique indépendante des conditions de marché. Une vision autonome du changement technique tend à considérer que l’évolution des systèmes techniques est déterminée par les découvertes scientifiques au sens où l’offre de nouvelles technologies développées par la recherche universitaire ou publique s’impose, de l’extérieur, aux agents économiques opérant sur les marchés. Au contraire, le changement technique induit serait associé aux efforts d’innovation et de recherche appliquée effectués par les secteurs productifs (privés ou publics). Dans la littérature en langue anglaise, les auteurs associent à l’opposition entre changement technique autonome et induit, l’image d’une évolution technologique qui serait plutôt déterminée par l’apparition de nouvelles technologies (supply push) face à une évolution technologique déterminée par les besoins du marché et des agents économiques (demand pull).

Le changement technique dans les modèles intégrés appliqués au changement climatique

Malgré ces difficultés théoriques et empiriques, les modélisateurs ont produit un effort important ces dernières années pour incorporer une description endogène du changement technique dans les modèles intégrés appliqués au changement climatique. Cet effort est principalement motivé par les conséquences de ce changement d’optique de modélisation sur les conclusions tirées des modèles pour la décision politique. Les différentes tentatives d’incorporer une description endogène du changement technique ne peuvent être présentées sans une mise en relation préalable avec la structure et le fondement théorique des modèles dans lesquels elles ont pris forme. C’est pourquoi nous ferons ici une revue synthétique des modes de représentation des systèmes techniques dans les modèles de l’interface économie-énergie-environnement.

Représentations explicites vs représentations subrogées des techniques 

Historiquement, les modèles du changement climatique se sont développés en suivant une opposition entre des modèles macroéconomiques (modèles d’équilibre général, modèles macroéconométriques), dits « top-down » en anglais parce que les techniques, comme d’ailleurs la consommation sont représentées, à un niveau très agrégé, grâce à une « fonction de coût » ; et des modèles consacrant une approche sectorielle (modèles d’optimisation du système énergétique, modèles de simulation en équilibre partiel) dits « bottom-up » parce que la représentation des techniques s’effectue à un niveau plus détaillé et dans un langage de quantités physiques plus proche de celui de l’ingénieur. La frontière entre ces deux voies de modélisation évolue aujourd’hui du fait d’un développement sans cesse plus important des approches « hybrides » qui tendent à allier, dans un même modèle, des caractéristiques propres à chacune des deux familles originelles (Hourcade et al., 2006). Le cheminement méthodologique qui accompagne la volonté de rendre endogène la représentation du progrès technique dans les modèles ne peut cependant pas se comprendre sans un retour aux différences entre ces deux programmes scientifiques qui incarnent, dès l’origine, des visions contrastées des mondes économiques et techniques.

L’approche technico-économique, un langage d’ingénieur

L’approche technico-économique ou « bottom-up » est fondée sur une vision de l’économie dite en équilibre partiel. Elle se focalise sur le secteur énergétique, de la production d’énergie primaire à la fourniture de services énergétiques finaux en passant par le système de transformation. Le reste de l’économie n’est représenté qu’en tant que consommateur final de ces services. La représentation du système énergétique est caractérisée par une description explicite des technologies de production, de transformation ou d’usage final de l’énergie (coûts, rendements, capacités installées). Le détail de cette représentation est variable en fonction des modèles mais peut atteindre une précision importante (il existe par exemple 280 technologies d’usages finaux de l’énergie dans AIM/EndUse, Shukla et al., 2003).

Une partie de ces modèles repose sur une description du secteur énergétique selon un système linéaire proche de l’analyse d’activité ; ils visent à déterminer les choix technologiques optimaux pour répondre à un vecteur donné de demande de services énergétiques finaux via la minimisation du coût total du système énergétique. Entrent dans cette catégorie la grande famille des modèles MARKAL (Fishbone et al., 1983) ou le modèle MESSAGE (Messner, 1997). Ces modèles sont parfois couplés à un module macroéconomique pour prendre en compte les rétroactions du secteur énergétique sur la formation de la demande de services énergétiques (MARKAL MACRO, Manne et Wene (1992) ; MESSAGE-MACRO, Messner et Schrattenholzer (2000)). Une autre partie de ces modèles abandonne l’objectif d’optimisation du système énergétique mais vise à décrire son évolution grâce à une simulation en général récursive. Ces modèles sont réputés être plus réalistes que ceux de la sous famille précédente, dans la mesure où ils approchent mieux les comportements réels des agents économiques dans leurs modes de consommation d’énergie ou les choix technologiques qui y sont associés. Les modèles POLES (LEPII-EPE, 2006) ou CIMS (Jaccard et al., 1996) font originalement partie de ce groupe.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : Les modèles du changement climatique et l’induction du changement technique : Un état des lieux
1 LES ECONOMISTES ET LE PROCESSUS D’INNOVATION : ENTRE CHANGEMENT TECHNIQUE AUTONOME ET PROGRES TECHNIQUE INDUIT
2 LE CHANGEMENT TECHNIQUE DANS LES MODELES INTEGRES APPLIQUES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
2.1 REPRESENTATIONS EXPLICITES VS REPRESENTATIONS SUBROGEES DES TECHNIQUES
2.1.1 L’approche technico-économique, un langage d’ingénieur
2.1.2 Les techniques dans les modèles macroéconomiques
2.2 LES REPRESENTATIONS EXOGENES DU PROGRES TECHNIQUE
2.3 VERS UNE REPRESENTATION ENDOGENE DU CHANGEMENT TECHNIQUE
2.3.1 Changement technique induit : les choix de modélisation
2.3.2 Implications des choix de modélisation pour l’évaluation des politiques climatiques
3 POUR UNE VISION ELARGIE DE L’INDUCTION AU CHANGEMENT STRUCTUREL
3.1 LES LIMITES DE L’ART
3.2 PROBLEMES POSES ET CAHIER DES CHARGES POUR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE DE MODELISATION
3.2.1 Etudier la transition entre changement technique induit et changement structurel induit
3.2.2 Prendre en compte l’interaction entre trajectoires technologiques de long terme et frictions de court terme
3.2.3 Explorer l’impact des politiques climatiques sur la croissance de long terme
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Chapitre 2 : L’architecture du modèle IMACLIM-R
1 CHOIX METHODOLOGIQUES ET STRUCTURE DU MODELE
1.1 UNE VISION DUALE DE L’ECONOMIE POUR FACILITER LE DIALOGUE ENTRE LES INGENIEURS ET LES ECONOMISTES
1.2 UN MOTEUR DE CROISSANCE QUI PERMET DES ECARTS TRANSITOIRES ENTRE LA CROISSANCE POTENTIELLE ET LA CROISSANCE REELLE
2 DONNÉES
3 EQUILIBRE STATIQUE
3.1 DEMANDE DES MENAGES EN BIENS, SERVICES ET ENERGIE
3.1.1 Revenu et épargne
3.1.2 Fonction d’utilité
3.1.3 Programme de maximisation
3.2 CONTRAINTES DE PRODUCTION ET COURBES D’OFFRE
3.3 ADMINISTRATIONS
3.4 MARCHE DU TRAVAIL
3.5 FLUX DE CAPITAUX ET INVESTISSEMENTS
3.5.1 Allocation régionale et internationale de l’épargne
3.5.2 Achat de biens d’équipement
3.6 MARCHES DES BIENS ET COMMERCE INTERNATIONAL
3.7 CONTRAINTES D’EQUILIBRE SUR LES FLUX PHYSIQUES
3.8 CHOIX D’UN NUMERAIRE
3.9 ÉMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE ET TAXE CARBONE
3.9.1 Comptabilisation des émissions
3.9.2 Evolution des coefficients d’émissions
3.9.3 Taxe carbone
4 LIENS DYNAMIQUES : MOTEUR DE CROISSANCE ET CHANGEMENT TECHNIQUE
4.1 LE MOTEUR DE CROISSANCE : DEMOGRAPHIE, PRODUCTIVITE ET ACCUMULATION DE CAPITAL
4.1.1 Evolution démographique
4.1.2 Productivité du travail
4.1.3 Formation de l’investissement et accumulation du capital
4.2 CHANGEMENT STRUCTUREL
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Chapitre 3 : Intégration des informations sectorielles dans le cadre de l’équilibre général : Défis et méthodes
1 PRODUCTION D’ENERGIE PRIMAIRE : DISPONIBILITE, PRODUCTION ET MISE SUR LE MARCHE DES RESSOURCES PETROLIERES
1.1 UNE EXPLICATION DE LA COURBE DE HUBBERT
1.1.1 Des découvertes dépendantes de deux mécanismes antagonistes
1.1.2 De la découverte à la production
1.1.3 Relier le modèle de Hubbert aux signaux économiques : l’apport du modèle LOPEX
1.2 INTRODUCTION DES COURBES DU HUBBERT DANS LE MODELE IMACLIM-R
1.2.1 Désagrégation des réserves de pétrole
1.2.2 Courbes de Hubbert et capacités de production
1.2.3 Comportement des producteurs
1.2.4 La formation des prix du pétrole
2 TRAITEMENT DES AUTRES COMBUSTIBLES FOSSILES
2.1 PRODUCTION DE GAZ NATUREL ET FORMATION DES PRIX
2.2 PRODUCTION DE CHARBON ET FORMATION DES PRIX
3 TRANSFORMATION ENERGETIQUE : OFFRE ALTERNATIVE DE CARBURANTS LIQUIDES
3.1 BIOCARBURANTS
3.1.1 Part de marché et contraintes d’offre
3.1.2 Formation du prix et structure de coût
3.2 CARBURANTS SYNTHETIQUES
4 GENERATION D’ELECTRICITE : PRISE EN COMPTE DES CONTRAINTES DE LA COURBE DE CHARGE
4.1 DES TECHNOLOGIES DE PRODUCTION EXPLICITES DETAILLEES EN GENERATION DE CAPITAL
4.2 LA CONTRAINTE PHYSIQUE ET TEMPORELLE DE LA COURBE DE CHARGE
4.3 PLANIFICATION OPTIMALE DES INVESTISSEMENTS EN ANTICIPATION IMPARFAITE
4.3.1 Projection de la demande et anticipation du prix des combustibles
4.3.2 Détermination, en amont, des investissements dans les capacités de production renouvelables non hydrauliques
4.3.3 Investissement prioritaire dans l’hydroélectrique
4.3.4 Parc de production conventionnel
4.3.5 Composition de l’investissement courant : minimisation de la distance entre parc de production optimal anticipé et parc installé
4.4 DU PARC DE PRODUCTION INSTALLE AU COUT MOYEN DE PRODUCTION
5 DEMANDES D’ENERGIE FINALE
5.1 CONSOMMATIONS INTERMEDIAIRES D’ENERGIE DES SECTEURS PRODUCTIFS
5.2 USAGES RESIDENTIELS
5.3 TRANSPORTS
5.3.1 Véhicules particuliers : stock et intensité énergétique
5.3.2 Autres moyens de transport : capacités et consommations d’énergie
5.3.3 Evolution de la demande de transport par les autres secteurs
6 LE PROGRES TECHNIQUE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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