Les méthodes d’innovation en bibliothèque

Les méthodes d’innovation en bibliothèque

Les méthodes d’innovation en bibliothèque

Dans le livre Créer des services innovants : Stratégies et répertoires d’actions pour les bibliothèques, l’innovation est définie comme telle : « l’innovation est la mise en œuvre réussie économiquement sur un marché d’une idée nouvelle pour ce marché. » (Jacquinet, 2011, part. 1, chap. 1, §8). Innover signifie donc :
Mettre au point un produit, un service ou un procédé nouveau, le concrétiser en l’intégrant dans l’organisation et sur le marché ; c’est une démarche d’optimisation de son activité grâce à une nouvelle manière d’envisager une question ou un problème, et/ou en adoptant les dernières technologies. (Jacquinet, 2011, Glossaire)
Dans le monde économique, le but de l’innovation est généralement l’augmentation de la rentabilité ou la démarcation de la concurrence. Pourquoi, alors, innover en bibliothèque ? Une bibliothèque ne s’inscrit pas dans une démarche de profit. En revanche, elle doit pouvoir se démarquer et s’adapter aux nouveaux outils informationnels, et aux nouvelles pratiques et demandes de ses usagers. En effet, depuis l’arrivée d’Internet, la fréquentation des bibliothèques change et les besoins des publics aussi. La bibliothèque doit s’y adapter, sous peine de ne plus être utilisée.
Cela passe souvent par le fait de déplacer « le cœur de l’activité […] d’un processus de production-distribution (acquisition des documents et prêt) vers une logique de services » (Jacquinet, 2011, part. 1, chap. 1, §2). En effet, beaucoup de contenus sont déjà disponible sur Internet. En revanche, les services peuvent apporter une grande valeur ajoutée. La bibliothèque possède des ressources et des connaissances qui ne se trouvent pas ailleurs et qui doivent être mises en avant. Cela passe entre autres par la création de services innovants. Les services innovants sont des « services qui ne sont pas rattachés à la fonction de prêt. » (Renaud, 2011, p.8) Ce sont des services qui se focalisent sur l’usager plutôt que sur les collections.
Il ne faut cependant pas oublier que, si la majorité des innovations relayées dans la littérature professionnelle est constituée de nouveaux services, les espaces et les collections peuvent aussi être des objets d’innovation. On comprendra donc ici l’innovation en bibliothèque comme tout changement qui sort du modèle traditionnel de la bibliothèque. 4.1 Bibliothèque troisième lieu
Lorsque l’on parle d’innovation en bibliothèque, il est difficile de passer à côté de la notion de troisième lieu et de bibliothèque troisième lieu. Bien que l’on ne puisse plus réellement la qualifier de nouveauté – cette notion ayant été apportée en France en 2009 – elle reste d’actualité et il est nécessaire d’en parler pour comprendre le sens dans lequel évoluent les bibliothèques en ce début de XXIe siècle. La notion de troisième lieu a été popularisée par Ray Oldenburg au début des années 80. L’idée est que l’humain vivant en société a besoin de fréquenter trois types de lieux, de manière équilibrée. Le premier est le foyer, où il trouve confort, relaxation et un environnement prévisible et rassurant. Le deuxième est le travail, un environnement motivant, stimulant, où il peut être productif. Le troisième doit constituer une échappatoire, un lieu sans hiérarchie, sans stress, où il peut socialiser, discuter, rencontrer d’autres gens, hors des deux premiers cercles. C’est aussi en général un lieu fréquenté par des habitués, qui s’y retrouvent régulièrement. Une personne, lorsqu’elle se rend dans « son » troisième lieu, est certaine de trouver là des gens avec qui discuter. L’accès doit également en être aisé, géographiquement et temporellement ; idéalement situé en centre-ville, le lieu doit être ouvert durant toute la journée, voire la nuit. (Gonçalves Castro, 2018)
Traditionnellement, les cafés remplissaient ce rôle de lieu de discussion et de débat, emplis d’habitués. Des enseignes comme Starbucks ont repris ce concept et se présentent désormais comme des lieux de séjour (home away from home). Et les bibliothèques ?
En 2009, Mathilde Servet, dans le cadre de son travail de diplôme, a participé à l’importation du concept dans le monde des bibliothèques françaises (et suisses par la même occasion). Dans son travail elle cite Alistair Black, qui a parfaitement résumé, selon nous, la raison pour laquelle les bibliothèques peuvent remplir le rôle de troisième lieu :
« Alongside everyday ‘hangout’ institutions like coffee shops, bookstores, taverns, lunch clubs and community centers they [the libraries] have historically displayed the core qualities of the ‘third place’: they are neutral, levelling, relatively unpretentious and communal; they are territories that are familiar, comfortable, accessible and that encourage social interaction, conversation (within limits) and a mood of playfulness; they are frequented by ‘regulars’ and serve as home away from home, releasing individuals from the daily grind, providing solace and distraction »6 (Black, 2008, cité dans Servet, 2010)
Ainsi, on remarque que depuis le début des années 2010, de plus en plus de bibliothèques tentent de s’adapter pour répondre à ce besoin des gens et devenir des troisièmes lieux. En se transformant ainsi, elles sortent de fait du modèle traditionnel des bibliothèques francophones, orienté vers le prêt et les collections, et en deviennent ainsi innovantes par définition.
Le concept de bibliothèque troisième lieu est cependant un concept assez flou. Il n’y a pas vraiment de méthode ou de mode d’emploi pour le mettre en place et cela rend cet idéal difficile à atteindre. Par ailleurs, les multiples usages possibles dans une bibliothèque troisième lieu peuvent mener à des conflits, si les espaces ne sont pas bien gérés (par exemple, les gens qui travaillent peuvent être dérangés par des personnes qui sont là pour se rencontrer). Ce travail de réflexion doit être effectué par les bibliothèques, afin que « troisième lieu » reflète vraiment l’identité du lieu et ses usages et ne soit pas qu’une étiquette.
Nicolas Beudon (2019) évoque le modèle des quatre espaces, développé au Danemark en 2012, comme un outil qui donne des pistes concrètes pour réfléchir à la matérialité de la bibliothèque et à l’aménagement des espaces dans un troisième lieu. Ce modèle n’a pas été développé explicitement pour créer des bibliothèques troisième lieu ; ce n’est pas une terminologie utilisée au Danemark à notre connaissance. En revanche, les principes en sont similaires.

 Les quatre espaces

Ce modèle se base sur trois strates de réflexion. La première strate est une réflexion sur les fonctions principales des bibliothèques actuelles. La deuxième strate identifie les types d’usages, d’activités réalisables dans une bibliothèque, en se basant sur les fonctions identifiées. La troisième identifie les types d’espaces qui permettent les usages définis auparavant (Beudon, 2019).
On identifie quatre fonctions des bibliothèques au XXIe siècle : • L’émancipation « renvoie à la formation de citoyens autonomes, informés et capables de se forger une opinion éclairée ». • L’innovation « correspond à la capacité à produire des idées, à résoudre des problèmes ou à créer de nouvelles formes esthétiques. » • La participation « renvoie à la volonté des individus de s’accomplir en étant actifs, en prenant la parole, en s’exprimant, en donnant leur avis, en coconstruisant les services qu’on leur propose. » • L’expérience fait référence au fait que les publics « sont de plus en plus demandeurs d’expériences, c’est-à-dire de sensations ou d’émotions qui perdurent sous la forme de souvenirs et que l’on cherche à partager ou à reproduire » (Beudon, 2019). Figure 10. Schéma représentant les quatre espaces (Beudon, 2019)
Les usages d’une bibliothèque, eux, sont également répartis en quatre catégories, qui se recoupent à chaque fois avec deux des fonctions précédentes. Dans une bibliothèque on peut découvrir (se former, se transformer), contribuer (donner son avis et être entendu), créer (produire, inventer) et vibrer (ou s’exalter, ressentir de l’enthousiasme). Bien sûr en fonction des institutions, certains usages seront plus fréquents que d’autres (Beudon 2019 ; Beudon 2020).
Enfin, chacun de ces usages correspond à un type d’espace. Ce sont les quatre espaces. Ces derniers ne sont pas des zones figées dans la bibliothèque. Ils correspondent plus à des modalités d’usages. Ils sont flexibles.

Espace d’apprentissage

Le but de l’espace d’apprentissage est de fournir des outils, du mobilier et une atmosphère permettant d’apprendre et de se former. On y trouve traditionnellement des zones de stockage (généralement des étagères), contenant les documents nécessaires à l’apprentissage, c’està-dire en majorité des documentaires, mais aussi des ouvrages de référence ou méthodes d’apprentissage, répartis selon un plan de classement, ainsi que des zones de travail, comprenant généralement des assises et des tables. On y trouve parfois aussi du matériel informatique, comme des ordinateurs ou simplement des prises électriques. On peut aussi y trouver des espaces de travail plus innovants, comme des bulles individuelles, par exemple. (Beudon, 2020 ; The Agency for Culture and Palaces, [sans date]) Cet espace devrait être séparé des autres, d’une manière ou d’une autre : « the most consistent experience is that the space needs to be completely or partially closed off, as it has proven difficult to retain focus if teaching is organised in an open corner of the adult lending section. »7 (The Agency for Culture and Palaces, [sans date])

 Espace de rencontre

« Les espaces de rencontre sont ceux que l’on associe typiquement avec l’idée de « troisième lieu ». » (Beudon, 2019) Ce sont des lieux de sociabilité, qui encouragent les interactions et offrent une atmosphère agréable. Généralement, dans les espaces de rencontre, les collections et les guichets sont repoussés à la périphérie de la zone pour offrir un espace uniquement destiné à la détente et à l’échange. (Beudon, 2020) Plusieurs types d’espaces peuvent faire office d’espace de rencontre. Cela peut être un café, un « coin salon », un grand hall confortablement aménagé, une salle polyvalente permettant d’organiser des conférences, des spectacles, des débats, etc. En bref, beaucoup d’espaces peuvent prendre ce rôle, mais il est important de signaler, grâce au mobilier et à la décoration, qu’il s’agit d’un espace dans lequel la conversation est possible et les échanges encouragés.

 Espace d’activité

L’espace d’activité, ou de création, est un espace qui est plus récent en bibliothèque. C’est un espace où les gens peuvent être actifs, créer des choses. La bibliothèque se positionne alors comme support des capacités créatives et innovatives de ses usagers (The Agency for Culture and Palaces, [sans date]). Cet espace peut être composé d’un makerspace8, si le budget est là, ou même proposer des studios d’enregistrement ou de musique insonorisés. Mais il peut aussi être plus modeste. Aménager un coin permettant d’organiser des ateliers est suffisant, si celui-ci est bien pensé et modulable. On souhaite que les utilisateurs de cet espace puissent confortablement réaliser leurs projets.

 Espace d’inspiration

L’espace d’inspiration est le moins évident à comprendre, le plus atypique, et probablement le principal apport de ce modèle. « Les espaces d’inspiration sont ceux qui stimulent les sens, qui éveillent la curiosité ou l’émerveillement, et qui permettent de faire des trouvailles inattendues. […] On peut ranger dans cette catégorie les zones dédiées à l’action culturelle (scènes, auditoriums, salles d’expo ou de projection) mais aussi tous les dispositifs aux frontières moins nettes qui permettent de capter l’attention du public, de valoriser les collections, de rendre tangibles des services immatériels, de théâtraliser l’offre et l’identité de la bibliothèque. » (Beudon, 2019).

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Table des matières

Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
1. Introduction
1.1 Méthodologie
2. Analyse de l’existant
2.1 Contexte démographique et culturel
2.2 Missions de la Bibliothèque de Nyon
2.3 Publics
2.4 Moyens
2.4.1 Ressources financières
2.4.2 Ressources humaines
2.4.3 Horaires d’ouverture
2.4.4 Locaux
2.4.4.1 Bibliothèque Jeunes publics
2.4.4.2 Bibliothèque Adultes
2.4.5 Collections
2.5 Services
2.5.1 Services entre les murs
2.5.2 Services hors les murs
2.6 « Cœur de ville » et projet de nouvelle bibliothèque
2.6.1 Ludothèque
3. Analyse des besoins
3.1 Perception d’experts
3.2 Perception des bibliothécaires
3.3 Perception de membres de la commune de Nyon
3.3.1 Service de la Culture
3.3.2 Municipalité
3.3.3 Conseil communal
3.4 Perception des partenaires
3.5 Perception des usagers
3.5.1 Enquête de satisfaction des usagers (2017)
3.5.2 Entretiens
3.5.2.1 Points positifs
3.5.2.2 Points négatifs et manques
3.5.2.3 Bibliothèque idéale
4. Les méthodes d’innovation en bibliothèque
4.1 Bibliothèque troisième lieu
4.1.1 Les quatre espaces
4.1.1.1 Espace d’apprentissage
4.1.1.2 Espace de rencontre
4.1.1.3 Espace d’activité
4.1.1.4 Espace d’inspiration
4.2 Mettre en place une démarche d’innovation
4.2.1 S’ouvrir à l’innovation
4.2.2 Prendre en compte ses publics
4.2.2.1 User experience (UX) design
4.2.2.2 Co-design
4.2.3 Réaliser des projets innovants
4.2.3.1 Méthode « traditionnelle »
4.2.3.2 Design thinking
4.2.4 Promotion et communication
5. Exemples d’innovations dans les bibliothèques d’aujourd’hui
5.1 Typologie
5.1.1 Accès à l’information
5.1.2 Culture
5.1.3 Formation
5.1.4 Participation
5.1.5 Social
5.2 Services
5.3 Collections
5.4 Infrastructures
5.5 Ateliers réguliers
5.6 Animations ponctuelles
5.7 Exemples de bibliothèques innovantes
5.7.1 Oodi – Helsinki (FI)
5.7.2 DOKK1 – Aarhus (DK)
5.7.3 Puzzle – Thionville (FR)
5.7.4 Bibliothèque municipale de Vevey (CH)
6. Recommandations
6.1 Recommandations pour la Bibliothèque de Nyon actuelle
6.1.1 Critères
6.1.2 Ateliers pendant les vacances scolaires
6.1.3 Challenges de lecture
6.1.4 Collection pour les nouveaux habitants
6.1.5 Laissez-passer pour les musées locaux
6.1.6 Livraison de livres à domicile
6.1.7 Valorisation de sites/ressources en ligne
6.2 Recommandations pour la future bibliothèque-médiathèque-ludothèque de Nyon
6.2.1 Positionnement au sein de la communauté
6.2.2 Recommandations pour la conception
6.2.3 Imaginer la future média-ludothèque
6.2.3.1 Espaces et aménagements
6.2.3.2 Services, collections et infrastructures
7. Conclusion
Bibliographie
Sources des figures
Bibliothèques mentionnées
Guides d’entretiens
Guide d’entretien – usagers
Guide d’entretien – commune et partenaires
Questionnaire écrit
Résultats des entretiens – usagers
Questions 1 à 3 :
Questions 4 à 7 :
Résultats des entretiens – commune et partenaires
Bibliothèques mentionnées au chapitre 5

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