Les méta-organisations et leurs rôles quant à la diffusion de la MDB

La MDB

Puisque la MDB est toujours considérée comme une technologie émergente, aucun consensus clair sur une définition n’a encore été atteint et de nombreuses définitions ont été proposées pour la représenter. Suivant la populaire proposition du Computer Integrated Construction Research Group (CICRG) de l’université de Pennsylvania State University, la MDB est considérée d’abord et avant tout comme un processus (et non uniquement une technologie) visant à permettre « the development, use and transfer of a digital information model of a building project to improve the design, construction and operations of a project or portfolio of facilities » (CICRG, 2010, p. 15). Malgré que cette définition soit plus intéressante que les propositions définissant la MDB uniquement comme une technologie, certains éléments clés à la compréhension de l’étendue et des ramifications réelles de la MDB sont laissés de côté. Par exemple, cette définition ne prend pas en compte les effets sur l’adoption, l’apprentissage et l’utilisation de la MDB de la structure réglementaire en vigueur.

La définition du CICRG est aussi limitée par l’objectif restreint d’amélioration des trois phases de conception, de construction et d’opération d’un bâtiment ou d’un parc immobilier, excluant ainsi d’autres phases comme le démantèlement, le réaménagement, la réfection, la rénovation ou la planification stratégique. Le fait même que cette définition soit populaire dans la littérature est l’exemplification d’une compréhension limitée de la portée réelle de cette innovation. Succar (2009) propose une définition plus englobante couvrant mieux les multiples facettes de la MDB. Il le décrit comme « a set of interacting policies, processes and technologies generating a « methodology to manage the essential building design and project data in digital format throughout the building’s life-cycle » » (Succar, 2009, p. 357). Cette définition, en plus de ne pas se limiter à certaines phases du cycle de vie d’un bâtiment, inclut les champs des processus et de la technologie, mais aussi un champ supplémentaire : les politiques. Chaque champ est décrit comme étant composé d’acteurs et de livrables. Le champ de la technologie porte sur l’ensemble des outils informatiques spécifiquement dédiés ou non à la réalisation d’un projet à l’aide de la MDB, que ce soit des logiciels, de l’équipement informatique ou des réseaux visant à l’amélioration de la productivité et de l’efficacité des acteurs de l’industrie (Succar, 2009). Le second champ, celui des processus, réfère à tous les éléments, acteurs et procédés impliqués directement dans toute phase du cycle de vie d’un ouvrage.

Finalement, le champ des politiques englobe tout élément contractuel, réglementaire, législatif ou culturel, formel ou informel, qui ne participe pas directement à la réalisation des phases du cycle de vie d’un ouvrage, mais qui l’encadre ou le guide. Le principe des « meilleures pratiques » fait par exemple parti de cet ensemble, tout comme le Code national du bâtiment, la Loi R-20 (loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction) ou même le principe d’octroi de contrat au moins offrant. Tel qu’on peut le constater avec la Figure 1.1, la MDB permet la mise en commun d’une quantité impressionnante d’informations diverses provenant d’une quantité tout aussi impressionnante d’acteurs multiples. Lehtinen (2012) décrit ce niveau de ramification de la MDB en utilisant le terme « systémique ». Cette caractéristique affecte la façon dont la MDB s’articule, puisqu’elle doit être utilisée simultanément par l’ensemble de la chaîne de valeur pour pouvoir livrer les meilleurs résultats (Singh et al., 2011).

De plus, la MDB est considérée comme une innovation de rupture par sa capacité à reconfigurer les pratiques dans les marchés dans lesquels elle est introduite (Crotty, 2011). En suivant la proposition dichotomique de Slaughter (1993), elle peut aussi être assimilée à une innovation radicale. Contrairement à l’innovation incrémentale, l’innovation radicale mène à une fracture avec la connaissance, les normes et les conventions établies, mais est porteuse de beaucoup plus de potentiel d’augmentation de la productivité qu’une innovation incrémentale. Les normes et les conventions établies qui sont présentes dans le milieu d’accueil d’une innovation sont un élément essentiel à être pris en compte lorsque l’innovation est introduite : une innovation qui n’est pas compatible avec les valeurs ou les us et coutumes d’une population d’adopteurs potentiels aura beaucoup plus de difficulté à être diffusée (Rogers, 2003). À l’avantage d’autres approches, l’apport de la troisième dimension par la proposition de Succar permet une prise en compte, dans n’importe quelle analyse de diffusion ou même d’adoption de la MDB, d’influences externe aux individus n’étant pas strictement cantonnées dans les champs de la technologie et des processus. Ces influences externes peuvent entre autres prendre la forme d’institutions.

L’industrie de la construction et ses institutions Barley et Tolbert définissent les institutions comme des « shared rules and typifications that identify categories of social actors and their appropriate activities or relationships » (Barley & Tolbert, 1997, p. 96). Elles sont donc des « gabarits », des lignes de conduite guidant, consciemment ou non, les actions et orientant, consciemment ou non, les interprétations d’événements ou d’un environnement d’un individu. Il est intéressant de remarquer que cette définition ne se limite pas à un groupe ou un sous-groupe d’acteurs : elle peut donc être utilisée peu importe l’étendue du cadre de l’analyse qu’elle soit à l’échelle des individus ou à l’échelle des marchés. Selon Poirier et al. (2015), les projets de construction présentent des caractéristiques d’institutions. Ce rapprochement théorique entre la définition d’un projet de construction et la définition d’institutions ne limite cependant pas l’interprétation de la nature de l’industrie de la construction comme étant une simple agrégation d’institutions indépendantes : l’industrie est elle-même caractérisée par des institutions insécables, puisqu’elle possède des attributs distinctifs tels que, par exemple, sa résistance au changement (Kadefors, 1995). L’industrie de la construction est aussi reconnue comme ayant bien d’autres particularismes : elle est fragmentée (Howard et al., 1989), complexe (Dubois & Gadde, 2002) et est caractérisée par une structure de production par projets temporaires et uniques à chaque itération (Winch, 2010).

Elle compte de ce fait sur la mise en commun de la connaissance de toutes les parties prenantes d’un projet afin de le mener à bien. Mais puisque les professions dans l’industrie sont organisées autour de fonctions spécialisées (et non autour des tâches comme dans d’autres industries), elle est caractérisée par une forte division entre les professions qui entrave la mise en commun de la connaissance (Forgues et al., 2009). La segmentation des professions au sein de l’industrie de la construction est un exemple probant de l’influence des institutions : le principe de segmentation des tâches et des rôles entre les professions est institutionnalisé, c’est à dire internalisé dans ce que Geels (2004) appelle un régime, une agrégation d’institutions propre à chaque profession. Tout individu conçoit son rôle en fonction d’un tel régime (Giddens, 1979, 1984). Par exemple, dans l’étude menée par Groleau et al. (2012) sur l’introduction d’un outil numérique dans la pratique des architectes, les auteurs mettent bien en évidence comment les institutions influencent les pratiques. Les auteurs mentionnent que pour les architectes, la qualité des concepts se matérialise entre autres par la qualité esthétique et artistique des rendus à la main.

Cette interprétation de la qualité découle d’une proximité traditionnelle entre l’enseignement des beaux-arts et l’enseignement de l’architecture. Par contre, pour les autres parties prenantes, la qualité architecturale est plutôt associée au réalisme des rendus produits à l’aide de logiciels. Cette divergence dans l’interprétation du rôle et de la qualité d’un professionnel est expliquée par le fait que les clients, les entrepreneurs, les ingénieurs et les architectes ne partagent pas les mêmes normes liées à leurs pratiques. Cependant, malgré la force sur les décisions individuelles qu’exercent les institutions, elles peuvent être influencées, modelées, modifiées ou même supprimées par différents acteurs. Cette approche s’inscrit dans la foulée de la théorie de la structuration (Giddens, 1984) qui propose que le changement social n’est pas porté uniquement par les individus ou par les structures sociales, mais par une combinaison itérative de choix individuels modifiant les institutions qui, à leur tour, guident les choix individuels. La Figure 1.2 résume comment les actions individuelles et les institutions s’influencent entre elles.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 La MDB
1.2 L’industrie de la construction et ses institutions
1.3 La diffusion de la MDB dans l’industrie de la construction
1.4 Les méta-organisations et leurs rôles quant à la diffusion de la MDB
1.4.1 Les associations industrielles
1.4.1.1 Les mesures institutionnelles
1.4.1.2 Les biens
1.4.1.3 Les actions politiques
1.5 Discussion
CHAPITRE 2 PROBLÉMATIQUE,MOTIVATIONS, STRATÉGIE ET CONTEXTE DE RECHERCHE
2.1 Problématique de recherche
2.2 Motivations pratiques de l’étude
2.3 Stratégie de recherche
2.3.1 Entrevues
2.3.2 Revue de documentation
2.3.3 Observations
2.3.4 Traitement des données
2.4 Contexte des études de cas
2.4.1 Contexte québécois
2.4.2 Contexte luxembourgeois
2.5 Présentation de l’article
CHAPITRE 3 THE ROLES OF INDUSTRY ASSOCIATIONS IN BIM DIFFUSION
3.1 Abstract
3.2 Introduction
3.3 BIM Context and Characteristics
3.4 Industry Association as a Policy Player
3.5 How IAs Intervene : From “Goods” to Policy Actions
3.5.1 Policy Actions Model
3.6 Research Design
3.7 Part I – Model Adaptation
3.7.1 Adaptation
3.7.1.1 Communicate
3.7.1.2 Engage
3.7.1.3 Monitor
3.7.2 Theoretical Evaluation
3.8 Part II – Empirical Evaluation
3.8.1 Quebec Associations : The Zero-Sum Game
3.8.2 Luxembourg Market : A Collaborative Network
3.9 Discussions
3.9.1 Assessment of the Model : Ambiguity and the Assertive Approach
3.9.2 IAs’ Orchestration Through a Meta-association
3.10 Conclusion and Future Work
CHAPITRE 4 DISCUSSION ET CONSTATS
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
ANNEXE I ADAPTATION OF A BIM POLICY ACTIONS MODEL FOR INDUSTRY ASSOCIATIONS
ANNEXE II TECHNIQUES DE CODAGE
ANNEXE III EXEMPLES DE CODAGE
ANNEXE IV EXTRAIT DU QUESTIONNAIRE
LISTE DE RÉFÉRENCES BILBIOGRAPHIQUES

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