Les mesures de régulation de la consommation de terres agricoles

La disparition progressive des terres agricoles : des territoires prisés pour l’extension urbaine

Il est indispensable dans un premier temps de revenir sur le terme d’étalement urbain . Le phénomène de décentralisation des habitants aux abords des villes, accentué par le développement d’un bon niveau de desserte routière, a en effet engendré de nouveaux modes de vie. « Les villes connaissent aujourd’hui une expansion spatiale dont la vitesse est sans précédent dans l’histoire urbaine : la macro forme que dessine la surface bâtie occupée par les territoires urbains croît de manière inexorable et uniforme, autorisant d’autant à assimiler l’étalement urbain à un processus tentaculaire, pour lequel les références au monde biologique (métaphore organiciste) sont de bonnes images » (Monnet, 1997).

En zone périphérique, c’est notamment les activités économiques qui sont décentralisées, ce qui constitue un fléau pour la consommation de l’espace. Les activités économiques ont en effet besoin de beaucoup de foncier pour se développer : les grandes surfaces, les espaces de stockage, ou encore les centres commerciaux. De plus, dans le contexte actuel de développement, les grandes villes et les intercommunalités se retrouvent en concurrence permanente. Chaque commune ou intercommunalité veut être attractive et devenir la référence sur son territoire. Serrano et al. (2014) ont conclu sur l’étude de quatre métropoles françaises que les acteurs publics locaux ont du mal à se défaire des stratégies de développement pensées à l’échelle intercommunale (en lien avec les intérêts communaux). A l’intérieur des périmètres de planification stratégique, les EPCI sont en concurrence pour attirer des activités économiques et soutenir leur développement. Dans ce cadre, la limitation des consommations foncières n’est pas une priorité. « Pour des raisons électorales, budgétaires et de proximité socio spatiale entre les (inter)municipalités et certains acteurs locaux (propriétaires, promoteurs immobiliers), il est maintenant très difficile pour les élus de limiter l’artificialisation des sols cultivés (Serrano et Vianey, 2011), d’autant qu’une politique de développement de l’habitat et d’activités économiques dans des territoires ruraux soumis à la déprise agricole se justifie également. » (Plant et al., 2018). « La rente foncière est au centre des dynamiques territoriales et du clivage urbain/rural » (Coulomb, 1999 ; Géniaux, Napoléone, 2007 ; Jouve, Vianey, 2012).

C’est aussi l’autonomie qu’à apporter la décentralisation aux élus, qui à ajouter une pression supplémentaire se devant alors de trouver des moyens financiers pour faire fonctionner leur collectivité. Ces sources de financements sont entre autres, généralement, les ressources fiscales avec la contribution économique des entreprises, ainsi que les taxes foncières du bâti. Rendre son territoire attractif est donc indispensable. Il est donc évident que « de manière contradictoire, alors que les lois cherchent, en proposant des outils ou en incitant à une nouvelle gouvernance, à réguler la consommation de terres agricoles dans le but de freiner le processus d’étalement urbain, les conditions de leur mise en œuvre incitent à en consommer. » (Serrano, Vianey, 2014) « Le phénomène de métropolisation accentue cette consommation persistante de l’espace. La métropolisation correspond à un mouvement important de concentration de la population dans les métropoles, dans les grandes villes qui organisent un territoire plus ou moins vaste. Elle provoque la densification des activités, en même temps que des populations, autour des centres urbains qui procurent le maximum d’aménités spécifiques, évaluées tant sous l’angle des emplois, que des services et de plus en plus, sous celui de la diversité des possibilités de loisirs. » (Antoni, Youssoufi, 2007). Finalement, l’étalement urbain se trouve dans une spirale où plusieurs processus entrent en compte, ce qui conduit à une consommation toujours plus importante d’espace. Trois éléments caractériseraient le processus d’étalement urbain : les activités économiques, la population et les surfaces bâties.

– La population qui s’installe en périurbain pour la recherche d’un bon cadre de vie, tout en ayant un trajet domicile-travail convenable. Les réseaux viaires étant toujours plus efficaces, accessibles, faciles, cela rend possible les mobilités pendulaires aujourd’hui aux populations et donc l’installation dans ces secteurs toujours plus éloignés, pour un accès à la maison individuelle toujours au meilleur prix.
– Les activités économiques étant des éléments très importants pour les décideurs des territoires. Comme nous venons de le dire, celles-ci définissent en partie le poids de leur territoire. Avec une bonne offre économique, le territoire devient attractif et compétitif, même dans sa propre EPCI.
– Les surfaces bâties qui consomment de l’espace mais qui correspond à une rente financière importante pour les décideurs.

Enfin, le manque de foncier en centre urbain développe une pression foncière très forte, qui font monter les prix, et qui rend l’accès au foncier plus simple dans les zones périphériques. De plus, ces activités économiques ayant besoin d’espaces, le périurbain est à terme l’endroit le plus propice à leur installation. L’accessibilité routière devient un critère primordial pour certaines activités économiques (commerces de gros, logistique…) qui tendent à s’extraire du tissu urbain, engendrant par là des consommations de foncier périurbain difficiles à réguler localement (CERTU, 2011).

Ainsi, l’enjeu de densification des villes ajoute une pression supplémentaire sur les derniers terrains accessibles à l’urbanisation en centre urbain, cela induit que les promoteurs et investisseurs se tournent sur des territoires plus compétitifs, aux prix plus accessibles et à la liberté d’installation plus grande : les zones périphériques.

Dans ce cadre-là, les terres agricoles ont pendant longtemps été considérées comme des “espaces-ressources”, des terres ayant un potentiel de développement pour la ville. Il n’était pas question du devenir de la production agricole en elle-même.

Néanmoins, même si l’urbanisation excessive est responsable de beaucoup de maux, il est important de prendre en considération tous les éléments qui contribuent à la déprise agricole en France. Les acteurs du secteur agricoles jouent aussi un rôle. En un siècle, l’attachement pour les agriculteurs et la relation à leurs terres à considérablement évolué. En effet, la PAC (1962) dès ses prémices a provoqué que « la terre devienne un outil de travail utilisé – ou à utiliser – rationnellement et ne soit plus un patrimoine familial à protéger. Cette mutation bouleverse la relation des agriculteurs avec la terre. La notion de propriété tend à devenir abstraite et la terre est de plus en plus un bien marchand » (Ibid). Les agriculteurs voient en effet dans ce système quelques “avantages”. Dans un premier temps, les agriculteurs ayant leurs terres dans l’espace urbain et périurbain prévoient qu’à terme, ils seront obligés de vendre, ils cherchent alors à vendre au meilleur prix aux collectivités, ce qui n’est pas toujours facile. D’autres propriétaires de terres agricoles créent une forme de spéculation foncière . L’objectif étant de garder leurs terres jusqu’au moment où la commune changera la nature de la terre en zone constructible (zone AU). A titre d’exemple, les terres classés en terre agricole dans l’Hérault valent environ 3€/m² quand un terrain constructible est vendu en moyenne 285€/m². (Légifrance, 2018). On peut donc y voir un large intérêt pour les propriétaires à attendre la constructibilité de leur terrain, qui fait donc grimper considérablement la valeur du bien. Certains préfèrent, de ce fait, laisser les terres en friche plutôt que de les confier à un fermier , qui leur louera les terres et profitera des gains, mais avec une rente mensuelle pour les propriétaires peu importante. Ils n’y voient pas d’intérêt, la mise en fermage rapporte peu, et le fait de laisser un terrain en friche ne coûte finalement rien. De plus, cela évite les problèmes avec le fermier (confiance, bon usage des terres, etc…).

A noter également que les chambres d’agricultures ont un rôle important dans la préservation des terres agricoles auprès des élus locaux. Leur conviction, plus ou moins fortes suivant les territoires à une répercussion considérable sur le devenir du secteur. A titre d’exemple, la chambre d’agriculture de Tours, voyant l’abondance de terres disponibles sur l’agglomération, ne s’oppose pas au développement urbain, et se bat simplement pour une compensation financière honnête pour les agriculteurs obligés de vendre leurs terres. Néanmoins, sur des territoires ayant un marché de terres agricoles tendus, comme à Lille, la chambre d’agriculture est très combative et impliquée afin de pouvoir freiner la consommation d’espace.

Ces enjeux de concurrence et de développement économique pour rendre un territoire attractif, constituent des éléments qui justifient la persistance d’une consommation toujours très importante de terres agricoles et naturelles. Cependant, cette consommation à des impacts évidents et surtout définitif, qui si la situation persiste, pourraient avoir des conséquences terribles pour notre territoire et notre prospérité alimentaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie I Les espaces urbains et périurbains : les enjeux de développement et les conséquences sur les espaces agricoles
I.1. La disparition progressive des terres agricoles : des territoires prisés pour l’extension urbaine
I.2. Les impacts environnementaux, paysagers, et sur l’agriculture
Partie II Les mesures de régulation de la consommation de terres agricoles
II.1. L’évolution législative et l’intégration des enjeux agricoles dans les politiques d’aménagement
II.1.1 Des lois internationales aux lois Européennes : historique d’une évolution législative en faveur l’environnement et des espaces agricoles
II.1.2 L’accélération dans la législation pour l’agriculture : une avancée pour la préservation à partir des années 2000
II.2. Les documents de planification comme outil de lutte contre l’étalement urbain
II.2.1. Le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), nouvel outil de planification régionale
II.2.2. Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), un outil pour la cohérence intercommunale
II.2.3. Le Plan Local d’Urbanisme (PLU), un outil local
II.2.4. Les ZAP et les PAEN, outil pour protéger et mettre en valeur les espaces naturels et agricoles périurbains
II.3. Des actions complémentaires : entre patrimonialisation des terres agricoles et association des acteurs agricoles aux projets urbains par les collectivités
II.3.1 La patrimonialisation des terres pour une sanctuarisation du potentiel agricole
II.3.2. L’association des agriculteurs aux projets urbains pour un équilibre territorial
Partie III La spécificité des territoires à l’étude : Montpellier et Béziers
III.1. Comment ces territoires se sont-ils développés et quels sont leurs caractéristiques paysagères et agricoles ?
III.1.1. Montpellier Méditerranée Métropole (MMM) un territoire avec un attachement fort à son environnement agricole
III.1.2. Béziers – SCoT Biterrois : un territoire marqué par sa viticulture
III. 2. Les orientations et volontés des territoires : utopies ou réalités ?
III.2.1. Le ScoT du territoire Montpellierain, un schéma très centré sur la préservation des terres agricoles et naturelles
III.2.2. Le territoire Biterrois, un espace qui redevient attractif auprès des populations
III.3. Les territoires Français qui adoptent des nouveaux modes de faire : quels sont les résultats obtenus ?
III.3.1. Retour sur la patrimonialisation des terres agricoles dans l’agglomération tourangelle
III.3.2. L’association d’agriculteurs dans les projets urbains : un système difficilement réalisable sur certains territoires
CONCLUSION
Bibliographie
Table des figures
Annexes

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