LES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS

LES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS

GENERALITES SUR LES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS

Les mélanges de type eutectique profond (MEP) sont généralement composés au minimum de deux espèces capables de s’associer entre elles par des liaisons intermoléculaires non-covalentes. Généralement, les liaisons hydrogène représentent les principales forces d’association entre les molécules. Ces interactions entrainent une diminution énergétique caractérisée par une réduction, parfois très conséquente, de la température de fusion du mélange. Généralement, les MEP résultent d’une très large diminution du point de fusion qui devient très inférieur à celui des constituants pris individuellement. Ainsi, le terme « eutectique » est utilisé pour définir le point de fusion le plus bas du mélange. Dans la plupart des cas, ces solvants peuvent être utilisés liquides à température ambiante ou à une température inférieure à 70°C.
Comme initialement décrit et caractérisé au travers des nombreuses études de l’équipe du Prof. Andrew P. Abbott, un MEP est obtenu en mélangeant un sel d’ammonium avec des sels de métaux ou un donneur de liaison hydrogène.
Historiquement, les MEP peuvent être définis selon la formule générale R1R2R3R4N+X- .zY et classés en fonction du type de composé associé au sel d’ammonium:
Type 1 : Les sels de métaux. Y=MClx, M=Zn, Sn, Fe, Al, Ga
Type 2 : Les sels de métaux hydratés. Y=MClx.yH2O, M=Cr, Co, Cu, Ni, Fe
Type 3 : Les donneurs de liaison hydrogène. Y=R5Z, Z=CONH2, COOH, OH, NH2
De même, ces auteurs ont défini un MEP de type 4, composé d’un chlorure métallique (ex : ZnCl2) associé à un donneur de liaison hydrogène du type urée, éthylène glycol, acétamide ou encore hexanediol.

Synthèse des MEP

Le pré requis avant de synthétiser un MEP est de connaître la composition à l’eutectique du mélange que l’on souhaite utiliser. Pour cela, la stratégie la plus couramment utilisée pour déterminer la composition d’un mélange eutectique est la calorimétrie différentielle à balayage (DSC). Cette technique mesure les variations d’échanges de chaleur entre un échantillon à analyser et une référence, ce qui permet de déterminer des transitions de phase. Dans notre cas, cette méthode renseigne sur la température de fusion d’un mélange de composition variable entre un donneur de liaisons hydrogène et un sel organique. Autrement dit, cette technique permet d’établir un diagramme de phase reliant la température de fusion du milieu à sa composition. Le point eutectique correspond alors au mélange pour lequel la température de fusion est minimale. Fait particulier, au point eutectique, le mélange se caractérise par une température de fusion unique et un comportement de corps pur (fusion à température constante)

Propriétés physico-chimiques

Point de fusion

Les MEP sont caractérisés par des températures de fusion relativement basses. Comme mentionné précédemment, cette nouvelle phase liquide est obtenue en mélangeant deux composés, qui, par association via principalement des liaisons hydrogène conduit à un mélange dont la température de fusion est très inférieure à celles des composés pris séparément. Par exemple, l’association d’une mole de chlorure de cholinium (ChCl, T°fusion=247°C) à deux moles d’un donneur de liaison hydrogène tel que l’urée (U, T°fusion=133°C), résulte en un mélange dont le point de fusion (12°C) est inférieur respectivement de 235°C et 121°C. Abbott et al., à l’origine de cette découverte ont suggéré que cette diminution significative du point de fusion était due à l’interaction entre la molécule du donneur de liaison hydrogène et les espèces anioniques fournies par le sel. Selon ces auteurs, le donneur de liaison hydrogène agit comme agent complexant de l’espèce anionique ce qui a pour effet d’augmenter sa taille réelle, de diminuer ces interactions avec le cation et finalement d’abaisser le point de fusion du mélange. La force des liaisons hydrogène peut être corrélée avec la température de transition de phase observée et la stabilité du
mélange. En général, plus grande sera la capacité à donner et/ou à accepter des liaisons hydrogène des constituants, plus importante sera la diminution du point de fusion. De plus, la symétrie et le rayon du cation, mais aussi l’électronégativité de l’anion auront une influence sur cette transition de phase. Comme déjà mentionné, l’eutectique correspond au point de fusion unique et le plus bas du diagramme de phase du mélange. De ce fait, une variation dans le ratio molaire sel/DLH aura un impact significatif sur la température de fusion du solvant. Ainsi dans l’exemple précédent, lorsque ChCl est associé à l’urée à un ratio molaire de 1:1 ou de 1:2 (eutectique), la température du mélange résultant diminue considérablement en passant de plus de 50°C à 12°C (Abbott et al., 2003). Même si aucune corrélation claire ne permet de déterminer le point de fusion d’un mélange en fonction de la nature des constituants utilisés, la transition de phase sera grandement fonction de:
– La structure du donneur de liaison hydrogène (volume, nature et nombre de liaison hydrogène potentiel).
Par exemple, dans les MEP formés à partir de ChCl et différents DLH, même si les ratios molaires à l’eutectique restent les mêmes, les températures de fusion peuvent varier de -66°C à 149°C (Abbott et al., 2003; Abbott et al., 2006b; Abbott et al., 2007b; Maugeri e Dominguez, 2012; Shahbaz et al., 2012) .

Viscosité, tension de surface, conductivité et densité

La fluidité du mélange peut facilement être ajustée en fonction de la nature du sel cationique, du DLH (réseau tridimensionnel de liaisons hydrogène intermoléculaires), du volume et de la structure des composants, du rapport molaire, de la teneur en eau ou encore de la température. Toutefois, la viscosité et la tension de surface des MEP sont considérablement plus élevées que la plupart des solvants moléculaires classiques, mais comparables à celles des liquides ioniques (>100cP et ≈ 50mN.m-1 à température ambiante) (Abbott et al., 2003; Abbott et al., 2006b; Kareem et al., 2010; Abbott et al., 2011; Shahbaz et al., 2011; De Santi et al., 2012; Liu et al., 2012; Maugeri e Dominguez, 2012).

Acidité et alcalinité

Concernant la valeur de pH, sa mesure dans de tels systèmes est rendue très complexe du fait de la très faible activité chimique des ions hydrogène. En effet, dans des milieux non aqueux ou très faiblement hydratés (<5% en masse) il devient très difficile de mesurer l’état de dissociation de l’eau par une méthode traditionnelle à l’aide d’un pH mètre. Néanmoins, différentes méthodes et en particulier celle développée par Hammett en 1932, basée sur une détermination  spectrophotométrique de l’état d’ionisation d’un indicateur dans un milieu, permet d’apporter des indications fiables sur l’acidité ou la basicité d’un système non aqueux. Ainsi, des résultats de mesure de pH dans des MEP ont révélé que la nature chimique du donneur de liaison hydrogène conditionnait l’état d’acidité ou de basicité du milieu correspondant, avec une très légère influence de la température.
Certains MEP possèdent des pH basiques, comme dans le cas de ChCl:U avec une valeur de 10.86 (Li et al., 2008), ou neutres comme observé dans Me(Ph)3PBr:Gly (Kareem et al., 2010) et dans la plupart des MEP du type ChCl:sucre (Maugeri e Dominguez, 2012), ou bien encore acides (pH Me(Ph)3PBr:CF3CONH2 ≈ 3) (Kareem et al., 2010). De plus, une très faible quantité d’eau (1-3%) dans un MEP de type ChCl:U n’a que très peu d’incidence sur les valeurs du pH (10.77-10.65). En revanche, dans ce même solvant, la dissolution d’une faible quantité de CO2 peut faire diminuer le pH de 10.86 à 6.25, mais celui-ci peut être rétabli après bullage d’azote suggérant une possible réversibilité acido-basique d’un tel mélange (Li et al., 2008).

Stabilité thermique et polarité

Des analyses thermogravimétriques de MEP ont révélé une très grande stabilité thermique de ces solvants avec des températures de décomposition élevées, notamment supérieures à 200°C (Zhao et al., 2011). La polarité de ces solvants a pu être mesurée par une relation de calcul des énergies libres de transferts déterminée empiriquement par Reichardt. Cette méthode repose sur l’évolution des maxima d’absorption d’un colorant de référence qui reflète l’effet du solvant sur la différence d’énergie entre les molécules à l’état fondamental et à l’état excité. Les valeurs de polarité des MEP données dans le Tableau 8, ont été obtenues en utilisant le concept appelé Reichardt’s Dye 30 ou ET(30). La très forte polarité des MEP, en comparaison aux solvants moléculaires, peut une nouvelle fois s’expliquer par l’important réseau de liaisons hydrogène responsable de la formation de ces mélanges (Gorke et al.,2008).

UTILISATION DES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS COMME SOLVANTS

Dans les procédés électrochimiques

L’électrochimie regroupe de nombreux domaines d’applications qui étudient la relation entre transformations chimiques et passage de courant électrique. Parmi eux, l’électrodéposition est un procédé permettant la formation de matériaux solides par des réactions électrochimiques dans une phase liquide (électrolyte). De façon très succincte, le métal sous sa forme cationique contenu dans un électrolyte est réduit à la cathode et déposé sous forme de métal. L’électrolyte doit être inerte et résistant contre les réductions ou oxydations électrochimiques. En d’autres termes, l’électrolyte doit pouvoir bénéficier d’une fenêtre électrochimique la plus grande possible, c’est à dire avoir une gamme de potentiels sur laquelle il est ni oxydé ni réduit à la surface de l’électrode. Bien que les fenêtres possibles pour les MEP soient sensiblement plus petites que celles de certains liquides ioniques de sel d’imidazolium, elles sont suffisamment larges pour permettre le dépôt de métaux avec des rendements élevés. De plus, la très forte résistance thermique et chimique des MEP, leur faible coût d’utilisation, leur biodégradabilité mais aussi leur tolérance à l’eau sont autant d’atouts supplémentaires pour ce type d’application. Leurs utilisations comme électrolyte est même l’une des toutes premières applications et regroupent à ce jour le plus grand nombre de publications. Ainsi, un certain nombre de travaux ont pu démontrer l’applicabilité de cette classe de solvants comme milieux d’électrodéposition pour une gamme de métaux de transition et d’alliages, Cu et Ni (Abbott et al., 2008; Abbott et al., 2009), Ag (Abbott et al., 2007d), Zn et Zn-Sn (Abbott et al., 2007a). En outre, le mélange eutectique ChCl:éthylène glycol (ratio 1:2) a également été utilisé avec succès pour l’électropolissage (technique chimique de traitement de surface par action électrolytique) de l’acier inoxydable (Abbott et al., 2006a). A noter que les sociétés Scionix et Ionmet développent des techniques d’électropolissage à l’échelle industrielle de divers éléments métalliques en utilisant des MEP comme électrolyte.

Pour la préparation de matériaux inorganiques

Typiquement, la préparation de matériaux inorganiques tels que les métaux, les semi-conducteurs, les céramiques ou bien encore les polymères, sera effectuée dans l’eau ou dans les solvants organiques. Ce procédé communément appelé « synthèse solvothermale » implique l’utilisation du solvant sous pression (typiquement entre 1 atm et 10 000 atm) à de très hautes températures (typiquement entre 100 ° C et 1000 ° C) nécessaires à l’interaction des précurseurs pendant la synthèse. Si l’eau est utilisée comme solvant, la méthode est appelée « synthèse hydrothermale ». Ce processus peut être employé pour préparer de nombreux matériaux à géométrie variable telle que des films minces, des poudres, des cristaux simples, ou des nanocristaux. De plus, la morphologie des cristaux formés (sphère (3D), tige (2D), ou fil (1D)) peut être fonction des conditions opératoires :
sursaturation du solvant, concentration des réactifs ou encore contrôle de la cinétique. La méthode peut être utilisée pour préparer de nouveaux matériaux difficilement accessibles par d’autres voies de synthèse. En 2004, encouragé par la découverte et l’émergence de ces nouvelles stratégies de synthèse, le Dr Morris mis au point une nouvelle méthode : « la synthèse ionothermale », impliquant l’utilisation des liquides ioniques ou des MEP comme solvant. Grâce au double rôle de solvant et d’agent structurant, ces milieux peuvent permettre la formation de matériaux avec une morphologie contrôlée tout en réduisant considérablement les risques et en simplifiant la méthode. En synthèse solvothermale, la faible vapeur de pression saturante du solvant n’est pas compatible avec l’utilisation de hautes températures indispensables à la cristallisation et au contrôle architectural du matériau. C’est pourquoi ces synthèses requièrent fréquemment l’utilisation d’autoclaves à très haute pression. La très faible volatilité et la stabilité thermique de ces nouveaux milieux (LI et MEP) offrent la possibilité de réaliser ces synthèses à haute température avec de très faibles pressions. De plus, dans le cas des MEP, la multitude de combinaisons possibles entre les constituants permet d’obtenir des solvants avec des caractéristiques d’orientation tridimensionnelle différentes. Aussi, ces avantages ont-ils largement contribué au succès de ces solvants dans les
domaines de la synthèse ionothermale de matériaux et le « design » de nouvelles structures telles que aluminophosphates (Cooper et al., 2004), zincophosphates (Liao et al., 2005; Liu et al., 2009b), zirconium phosphates (Liu et al., 2009a), borophosphates (Lin et al., 2009) ou encore métallophophates (Jhang et al., 2009).

Dans les procédés de séparation, de solubilisation et d’extraction

Nous avons déjà souligné les propriétés de solvatation inhabituelles des MEP, qui sont fortement influencées par les liaisons hydrogène, entrainant une très grande affinité pour tous les composés susceptibles de donner des électrons ou des protons.
Ainsi, ces solvants peuvent être utilisés pour de nombreuses applications, telles que la dissolution, la solubilisation ou l’extraction de molécules.

Dissolution de gaz (CO2 et SO2): La dissolution de gaz dans des MEP pourrait permettre à ces solvants d’être mis en application dans de nombreux procédés tels que la séparation, la purification, la catalyse et la fixation de gaz. Des études préliminaires de solubilisation de gaz tels que le CO2 ou le SO2 dans ce type de solvant ont été réalisées, avec des résultats particulièrement prometteurs. Ainsi, (Li et al., 2008) ont déterminé la solubilité du CO2 dans un mélange ChCl:U à différentes températures et pressions en faisant varier le ratio molaire pour le MEP. Les résultats ont montré que la solubilité du CO2 dans ce solvant augmentait avec la pression mais diminuait avec l’accroissement de la température. De plus, le ratio molaire avait une importance considérable sur la solubilisation du gaz, ainsi, un ratio 1:2 (correspondant à l’eutectique) permettait une plus grande efficacité de solubilisation que ceux à 1:1.5 ou 1:2.5. Plus récemment, (Su et al., 2009) ont étudié la solubilité du CO2 dans ce même solvant en mélange binaire avec l’eau à différentes températures et à pression constante. Les résultats ont révélé une diminution de la solubilité du gaz dans ChCl:U (ratio 1:2) lorsque la teneur en eau dans le solvant augmentait. Encore plus intéressant dans cette même étude, le calcul de l’enthalpie d’adsorption du CO2 a révélé que le phénomène d’adsorption était endothermique lorsque le ratio MEP/eau était supérieur à 0.231 et exothermique lorsqu’il était plus faible. En 2013, (Liu et al., 2013) ont réalisé des mesures d’absorption du SO2 dans cinq MEP formés à partir de caprolactame en mélange avec différents donneurs de liaison hydrogène (acétamide, imidazole, acide furoïque, acide benzoïque et acide toluïque). Les résultats ont révélé un effet négatif de l’augmentation de la température sur la solubilité du gaz dans les MEP, confirmant le résultat des travaux précédents. De plus, les MEP formés à partir des donneurs de liaison hydrogène du type amino ont révélé une plus grande efficacité d’absorption du SO2, comparée aux MEP dérivés des acides organiques. Les meilleurs résultats de solubilité du SO2 ont été observés dans le MEP caprolactame:acétamide, avec des capacités d’absorption plus élevées que dans le liquide ionique BMimBF4, mais plus faibles que dans le DMSO.

Solubilisation de principe actif, oxyde de métal et autres molécules: De nombreuses études ayant pour but de déterminer la solubilisation de diverses molécules dans les MEP ont été entreprises. Ainsi, Abbott et al. (Abbott et al., 2003) ont constaté qu’il était possible de solubiliser dans ChCl:U une large gamme de composés tel que les sels inorganiques (ex : LiCl>2.5 mol.L-1 ou AgCl=0.66 mol.L1), des composés aromatiques (acide benzoïque=0.82 mol.L-1) ou encore des acides aminés (D-alanine=0.38 mol.L-1). Encore plus intéressant, la capacité des MEP à dissoudre divers oxydes métalliques, permettant de mettre au point des stratégies « vertes » pour la séparation et le recyclage des métaux, un point clé dans le développement des technologies électrochimiques précédemment citées. Ainsi, en 2003 Abbott fut le premier à tester la potentiel d’un MEP (ChCl:U) pour la dissolution d’oxyde de cuivre (Abbott et al., 2003). Peu après, ce même auteur a étudié la solubilité de trois oxydes métalliques (ZnO, CuO et Fe3O4) dans divers MEP synthétisés à partir de ChCl en association avec différents acides carboxyliques (Abbott et al., 2006a). Les résultats ont montré des disparités notables dans la solubilité de ces métaux selon la nature du donneur de liaison hydrogène, soulignant une nouvelle fois les différences significatives d’un solvant à un autre en fonction de la nature d’une de ses composantes. Par ailleurs, ZnO et CuO sont solubles dans de tels solvants alors que Al2O3 ne l’est pas. Cette dissimilitude de comportement selon la nature du MEP peut néanmoins être habilement utilisée pour la récupération sélective de métaux dans les traitements électrochimiques. D’autres études se sont succédées pour quantifier la dissolution des oxydes de métaux dans des MEP (Abbott et al., 2006c) et des calculs de chimie quantique ont même été réalisés dans le but de déterminer l’énergie de liaison intervenant lors de l’association d’éléments métalliques avec les constituants du MEP (Rimsza e Corrales, 2012).
Par ailleurs, bien que les études menées à ce jour aient été extrêmement rares, la dissolution de molécules organiques dans les MEP a aussi été testée. Ainsi, Morisson et al. (Morrison et al., 2009), ont étudié la solubilisation de plusieurs principes actifs (griséofulvine, danazol, AMG517 et itraconazole) dans deux MEP (ChCl:urée et ChCl:acide malonique) purs ou en mélange binaire avec de l’eau. Les résultats ont montré que la solubilité de ces principes actifs dans les MEP était 5 à 22000 fois plus importante que dans l’eau pure. Par exemple, la solubilité du danazol dans l’eau est <0.0005mg.ml-1 alors qu’elle est respectivement de 0.048mg.ml-1 et 0.160mg.ml-1 dans ChCl:urée et ChCl:acide malonique. En revanche, il est important de constater que l’utilisation de solution aqueuse individuelle d’urée, d’acide malonique ou de ChCl n’amène pas d’augmentation systématique et significative de la solubilisation des principes actifs, ce qui souligne le comportement particulier des mélanges eutectiques.
Dans un autre registre, des travaux récents sur la stabilité et la structure quaternaire des acides nucléiques dans les MEP ont montré que l’ADN pouvait former différentes structures secondaires ultra stables (Mamajanov et al., 2010), y compris à des températures élevées de l’ordre de 110°C (Zhao et al., 2013). Ainsi, les MEP semblent donc constituer un environnement particulièrement adapté à la formation de structures intramoléculaires et/ou intermoléculaires ordonnées et stables de macromolécules, ce qui ouvre de nouvelles perspectives quant à l’utilisation de ces solvants dans les domaines de la biologie et de la médecine.

LIPOPHILISATION BIOCATALYSEE PAR LES LIPASES

Les lipases ou triacylglycérol acyl-hydrolases (E.C. 3.1.1.3) sont des enzymes atypiques par leur mécanisme d’action et leur spécificité de substrats, qui appartiennent à la famille des hydrolases. Ces enzymes sont principalement connues pour leur rôle dans l’hydrolyse des triglycérides, une étape capitale dans le métabolisme des lipides chez de nombreux êtres vivants. En milieu aqueux, les lipases peuvent également être employées pour l’hydrolyse des phospholipides, des esters de cholestérols ou de sucres, mais aussi pour la résolution de mélanges racémiques pour la production de composés optiquement actifs grâce à leur aptitude à hydrolyser spécifiquement un énantiomère plutôt qu’un autre. En plus de leur capacité naturelle à hydrolyser les esters lipidiques, ces enzymes peuvent également catalyser des réactions de synthèse en phase aqueuse limitée. A ce titre, l’utilisation et le rôle catalytique des lipases en milieu organique ont très largement été étudiés et décrits et ont conduit au développement de nombreuses applications industrielles dans des domaines aussi variés que l’agro-alimentaire, la chimie, la cosmétique ou la pharmacie. Ainsi, les lipases sont des catalyseurs régio-, stéréo- et chimio- sélectifs capables 3.3 : Réaction de lipophilisation biocatalysée par les lipases

L’enjeu des réactions dites de lipophilisation

La réaction de lipophilisation consiste à greffer de façon covalente, par biocatalyse ou par voie chimique, un synthon lipophile sur des fonctions réactives d’une molécule d’intérêt. Ces modifications visent principalement à abaisser la polarité de la dite molécule. De nombreux exemples peuvent être trouvés dans la Littérature dans lesquels la molécule d’intérêt est lipophilisée. Celle-ci peut être un sucre, un acide aminé, une protéine, une vitamine hydrosoluble ou bien encore un polyphénol. Parmi ces derniers, les acides phénoliques représentent un groupe important et diversifié de métabolites secondaires qui sont naturellement très répandus dans le règne végétal et d’un intérêt particulier. En effet, ces produits sont connus pour leur rôle protecteur potentiel contre les dommages oxydatifs et leur action comme antioxydants naturels dans divers produits alimentaires, cosmétiques ou pharmaceutiques est avérée (Soobrattee et al., 2005; Huang et al., 2010; Vanden Berghe, 2012). Cependant, la plupart des acides phénoliques expriment leurs propriétés fonctionnelles dans un environnement hydrophile. Pour cette raison, très peu d’applications ont été développées dans des préparations à base d’huile. Ainsi, une approche pratique pour mettre en œuvre les acides phénoliques dans une formulation lipophile est d’augmenter leur caractère hydrophobe. En ce sens, les réactions de lipophilisation sont particulièrement intéressantes et efficaces. La principale méthode consiste à greffer une chaîne aliphatique sur le groupement carboxylique fonctionnel de l’acide phénolique, permettant la création d’une nouvelle molécule ayant des propriétés émulsifiantes et une activité antioxydante pouvant être fortement améliorée (Laguerre et al., 2010). Dans le cas des acides phénoliques, la méthode couramment employée consiste à greffer sur son groupement carboxylique réactif, un alcool ayant une longueur de chaîne aliphatique plus ou moins longue. Cette réaction peut être effectuée sur des acides phénoliques simples dérivés des acides benzoïques (acides hydroxybenzoïques) ou cinnamiques (acides hydroxycinnamiques), ou sur des acides polyphénoliques plus complexes tels que les acides chlorogénique et rosmarinique . C de catalyser plusieurs types de réactions en milieu organique faiblement hydraté tels que l’estérification (réaction entre un acide et un alcool), la
transestérification (ester et alcool) et l’interestérification (ester et ester) ainsi que dans des réactions de transfert du groupement acyle d’un ester sur d’autres nucléophiles tels que des amines ou des thiols.

Lipophilisation de composés phénoliques biocatalysées par des lipases

La lipophilisation des antioxydants phénoliques peut être effectuée par voie chimique ou enzymatique. Les stratégies d’hydrophobation chimique sont très peu employées pour la lipophilisation de dérivés phénoliques car l’instabilité aux températures élevées et aux milieux alcalins de ces molécules est un problème. De plus, la voie enzymatique présente de nombreux avantages : des conditions réactionnelles plus douces, la réduction de la formation de sous-produits, des étapes de purification moindre, et permet aussi de mettre en place des procédés plus
écologiques. Cependant, une des difficultés rencontrées dans cette réaction biocatalysée est l’optimisation de la synthèse (en termes de rendement et de cinétique) avec deux substrats de polarités différentes. Par conséquent, il est primordial de sélectionner un milieu réactionnel dans lequel les deux substrats, différents en terme de polarités seront solubles, du moins partiellement, et où l’activité de l’enzyme pourra être maintenue à un niveau satisfaisant. En effet, dans les solvants non polaires comme l’hexane où les lipases maintiennent généralement une bonne activité, les composés phénoliques beaucoup plus polaires ont une très faible solubilité. En revanche, dans les milieux polaires organiques les composés phénoliques auront une bonne solubilité, mais les lipases présenteront bien souvent une activité limitée. Néanmoins, il existe plusieurs rapports traitant de l’estérification efficace des acides phénoliques avec des alcools gras en solvant organique, en mélange fondu ou bien encore en utilisant des liquides ioniques .

 

 

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Introduction
1. GENERALITES SUR LES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS
1.1 : DEFINITION
1.2 : SYNTHESE DES MEP.
1.3 : PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES
1.3.1 : Point de fusion.
1.3.2 : Viscosité, tension de surface, conductivité et densité.
1.3.3 : Acidité et alcalinité.
1.3.4 : Stabilité thermique et polarité.
1.3.5 : Toxicité, biodégradabilité et dangerosité.
1.4 : PROPRIETES DE SOLVATATION
1.4.1 : Miscibilité des mélanges eutectiques profonds avec les solvants organiques
1.4.2 : Miscibilité des mélanges eutectiques profonds avec l’eau
2 . UTILISATION DES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS COMME SOLVANTS
2.1 : DANS LES PROCEDES ELECTROCHIMIQUES
2.2 : POUR LA PREPARATION DE MATERIAUX INORGANIQUES
2.3 : DANS LES PROCEDES DE SEPARATION, DE SOLUBILISATION ET D’EXTRACTION
2.3.1 : Dissolution de gaz (CO2 et SO2)
2.3.2 : Solubilisation de principe actif, oxyde de métal et autres molécules.
2.3.3 : Solvants dans les procédés d’extraction ou de séparation
2.4 : SOLVANTS ET/OU CATALYSEURS EN SYNTHESE ORGANIQUE
2.5 : DANS LES BIOPROCEDES
2.5.1 : En pharmacologie
2.5.2 : Dans les réactions enzymatiques (protéase, époxyde-hydrolase ou estérase)
2.5.3 : Dans les réactions biocatalysées par les lipases
3. LIPOPHILISATION BIOCATALYSEE PAR LES LIPASES
3.1 : GENERALITES SUR LES LIPASES
3.2 : PARAMETRES INFLUENÇANT LA REACTIVITE LIPASIQUE
3.2.1 : Le milieu réactionnel
3.2.2 : L’activité thermodynamique de l’eau (aw)
3.2.3 : Le pH
3.2.4 : La température .
3.2.5 : Nature des substrats
3.2.6 : Additifs et autres facteurs physiques
3.3 : REACTION DE LIPOPHILISATION BIOCATALYSEE PAR LES LIPASES
3.3.1 : L’enjeu des réactions dites de lipophilisation
3.3.2 : Lipophilisation de composés phénoliques biocatalysées par des lipases
CHAPITRE 2 : MATERIELS ET METHODES
1 : MATERIELS
1.1 : SOLVANTS ET REACTIFS
1.2 : SUBSTRATS MIS EN ŒUVRE
1.3 : BIOCATALYSEURS
2 : METHODES
2.1 : SYNTHESE DES SOLVANTS DE TYPE MEP (MELANGE EUTECTIQUE PROFOND)
2.1.1 Synthèse des mélanges eutectiques binaires:
2.1.2 Synthèse des mélanges ternaires ChCl:Eau:Urée:
2.2 : BROYAGE DU BIOCATALYSEUR NOVOZYM435 (ICALB)
2.3 : DETERMINATION DE LA TENEUR EN EAU
2.4 : DETERMINATION DU PH
2.5 : DETERMINATION DE L’ACTIVITE THERMODYNAMIQUE DE L’EAU (AW)
2.6 : SYNTHESE ET PURIFICATION DES ESTERS METHYLIQUES DES ACIDES PHENOLIQUES
2.7 : CONDITIONS GENERALES DE TRANSESTERIFICATION
2.7.1 Avec le laurate de vinyle comme substrat donneur d’acyle
2.7.2 Avec les composés phénoliques comme substrats donneurs d’acyle
2.8 : MESURE DE L’ACTIVITE RESIDUELLE DE L’ENZYME
2.8.1 Avec le laurate de vinyle comme substrat donneur d’acyle
2.8.2 Avec les composés phénoliques comme substrats donneurs d’acyle
2.9 : TECHNIQUES ANALYTIQUES
2.9.1 Chromatographie sur couche mince (CCM)
2.9.2 Chromatographie en phase gazeuse
2.9.3 Chromatographie en phase liquide
2.9.4 Spectroscopie UV
2.9.5 Chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectroscopie de masse (GC-MS) :
2.9.6 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) :
2.10 : DEFINITION DES CALCULS
CHAPITRE 3 : RESULTATS ET DISCUSSION
PARTIE 1. SCREENING DES MELANGES EUTECTIQUES PROFONDS COMME MILIEUX REACTIONNELS POUR DES REACTIONS BIOCATALYSEES PAR LA LIPASE B DE CANDIDA ANTARCTICA (ICALB)
1.1 : REACTION D’ALCOOLYSE DU LAURATE DE VINYLE
1.1.1 : Conditions générales et présentation de la réaction
1.1.2 : Alcoolyse du laurate de vinyle avec des alcools de différentes longueurs de chaîne
1.1.3 : Réactivité du donneur de liaison hydrogène du MEP
1.1.4 : Etudes comparatives des activités spécifiques de iCALB dans ChCl:U, ChCl:Gly et le toluène
1.1.5 : Activité résiduelle de la lipase iCALB dans ChCl:U et ChCl:Gly
1.1.6 : Conclusion
PARTIE 2. UTILISATION DE CHCL:U ET CHCL:GLY POUR LA LIPOPHILISATION DE COMPOSES PHENOLIQUES 
2.1 : REACTION D’ALCOOLYSE DE COMPOSES PHENOLIQUES AVEC LE 1-OCTANOL
2.1.1 : Conditions générales et présentation de la réaction
2.1.2 : Mise au point de la méthode analytique
2.1.3 : Alcoolyse du p-coumarate de méthyle dans ChCl:U et ChCl:Gly
2.1.4 : Alcoolyse du p-coumarate de méthyle dans ChCl:U, en mélange avec de l’eau
2.1.5 : Alcoolyse du p-coumarate de méthyle dans ChCl:Gly en mélange avec de l’eau
2.1.6 : Alcoolyse du férulate de méthyle dans ChCl:U et ChCl:Gly en mélange avec de l’eau
2.1.7 : Conclusion sur l’alcoolyse des composés phénoliques dans les MEP
2.2 : EFFET DE LA TENEUR EN EAU SUR LES PROPRIETES FONCTIONNELLES DU MILIEU REACTIONNEL
2.2.1 : Effet de la teneur en eau sur l’activité thermodynamique (aw) du milieu réactionnel
2.2.2 : Effet de la teneur en eau sur le pH du milieu réactionnel
2.2.3 : Effet de la teneur en eau sur l’activité résiduelle de la lipase
2.2.4 : Conclusions sur l’effet de la teneur en eau dans le milieu réactionnel
2.3 : ALCOOLYSE DU P-COUMARATE DE METHYLE AVEC LE 1-OCTANOL BIOCATALYSEE PAR ICALB DANS DIFFERENTS MELANGES MEP-EAU
2.4 : ALCOOLYSE DU P-COUMARATE DE METHYLE AVEC LE 1-OCTANOL, BIOCATALYSEE PAR DIFFERENTES LIPASES COMMERCIALES,
DANS CHCL:U EN ASSOCIATION AVEC DE L’EAU
PARTIE 3. COMPREHENSION DE L’ORGANISATION DU MELANGE TERNAIRE CHCL:EAU:U, EN VUE DE L’OPTIMISATION DES CONDITIONS DE LIPOPHILISATION PAR LA LIPASE B DE CANDIDA ANTARCTICA (ICALB)
3.1. CONTEXTE
3.2. : MESURE DE L’ACTIVITE THERMODYNAMIQUE ET INTENSITE DE VIBRATION DE FLEXION DE L’EAU ASSOCIEE AU CHLORURE DE
CHOLINIUM
3.3. : MESURE DE L’ACTIVITE THERMODYNAMIQUE DE L’EAU (AW) DANS LE MELANGE TERNAIRE CHCL:EAU:U
3.4. : STABILITE DE LA LIPASE B IMMOBILISEE DE CANDIDA ANTARCTICA (ICALB) DANS UN MELANGE TERNAIRE CHCL:EAU:U
3.5. : MESURE DES ACTIVITES D’ALCOOLYSE ET D’HYDROLYSE DANS LES REACTIONS CATALYSEES PAR LA LIPASE EN MELANGE
TERNAIRE CHCL:EAU:U
3.6. : INFLUENCE DE LA CONCENTRATION EN ALCOOL SUR LES RENDEMENTS D’ALCOOLYSE
3.7. : CONDITIONS DE REACTIONS OPTIMALES POUR FAVORISER LES REACTIONS D’ALCOOLYSE DE COMPOSES PHENOLIQUES EN
CATALYSE LIPASIQUE DANS CHCL:EAU:U
3.8. : CONCLUSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES

 

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