Les médecins généralistes : quelle prise en charge de leurs propres pathologies?

Dans la société française, la population augmente de manière régulière chaque année. On note en particulier un accroissement important de la population de plus de 65 ans, chiffre amené à augmenter dans les années à venir. En parallèle, une baisse des effectifs de médecins généralistes est constatée depuis plusieurs années: l’Atlas annuel du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) présenté le 2 Juin 2016 précise qu’au 1er Janvier 2016, on dénombrait 102 299 médecins généralistes actifs en France. Ce nombre en baisse constante, – 8% depuis 2007, est appelé à baisser davantage puisque le CNOM craint «la perte d’un médecin généraliste sur quatre durant la période 2007-2025». Cette statistique reste cependant variable selon les régions et départements: on dénombre par exemple une baisse de -25% dans la Nièvre et Paris alors qu’une augmentation a été constatée sur plusieurs départements de la façade Atlantique sur la même période.

Cette baisse inexorable conduit à un nombre de patients toujours plus élevé par médecin avec une moyenne nationale en 2016 de 132,1 généralistes pour 100 000 habitants. Ceci entraîne pour les praticiens un alourdissement constant des horaires et des conditions de travail. Dans le rapport de l’Institut de Recherche et de Documentation en Économie de la Santé (IRDES) «Le temps de travail des médecins généralistes» de Juillet 2009, il est écrit que le temps de travail moyen des généralistes se situe entre 52 et 60 heures par semaine, nettement supérieur à la majorité de la population française. Ajouté à cela une charge émotionnelle lourde, un travail administratif conséquent et une population toujours plus en demande de soins et de résultats, le médecin généraliste se retrouve fragilisé et peut en payer le prix au niveau de sa santé, qui passe alors au second plan par rapport à celle de ses patients. Malgré ce contexte difficile, le sujet de la santé des médecins reste secondaire.

En effet la santé des généralistes est un thème peu abordé voire encore tabou dans la société française aujourd’hui. Dans l’imaginaire collectif, un médecin n’est jamais malade. Mais il reste un être humain, avec autant de fragilité et de risque face à la maladie que n’importe quelle autre personne.

Caractéristiques de la population étudiée 

Sexe
Au terme des entretiens, 12 médecins généralistes ont été interrogés et ont répondu intégralement à mes questions.

Il y a eu 6 femmes et 6 hommes, sans volonté préalable d’arriver à une parité parfaite.

Age
L’âge des praticiens s’étale entre 37 et 68 ans, avec une moyenne d’âge calculée de 56 ans.

Répartition géographique
Sur les 12 praticiens interrogés:
● 2 exercent dans le 5e arrondissement de Marseille
● 1 dans le 6e arrondissement de Marseille
● 2 dans le 8e arrondissement de Marseille
● 2 dans le 12e arrondissement de Marseille
● 3 dans le 13e arrondissement de Marseille
● 2 à Aix-en-Provence, dont un en milieu semi-rural,

Type de cabinet
– 6 médecins exercent en cabinet de groupe
– 5 sont en cabinet seul
– Et enfin 1 médecin exerce depuis son domicile.

À noter que sur les 5 médecins exerçant seul, l’un est en train de changer son type d’activité afin de créer un cabinet de groupe, et deux y songent également.

Les entretiens 

Réalisation
Les 12 entretiens ont été menés sur une durée de 7 mois allant du 7 Mars 2017 au 5 Octobre 2017.

Cette durée longue pour seulement 12 personnes interrogées s’explique principalement par la difficulté de trouver des médecins généralistes acceptant de parler d’eux-mêmes et de leurs pathologies, même sous couvert d’anonymat. Pour obtenir les 12 praticiens que j’ai rencontré, j’ai contacté plus de 50 médecins par téléphone, ce qui donne un taux de réponses positives <25%. Plus de la moitié des refus a été due au sujet abordé lors de l’entretien et donc de cette thèse. Un généraliste qui, malgré mes explications téléphoniques préalables à l’entretien avait visiblement mal compris le sujet de cette thèse, m’a même demandé de sortir de son cabinet alors que l’entretien commençait. Il n’avait pas compris que nous allions « parler de lui ».

Je n’ai bien évidemment pas insisté et suis parti à sa demande.

Lieu
Sur les 12 entretiens réalisés, et ce en l’absence de demande spécifique de ma part sur leur lieu de réalisation:
● 9 se sont déroulés dans le propre cabinet des médecins généralistes
● 1 a eu lieu à l’hôpital de la Conception
● 1 a eu lieu dans un restaurant
● 1 s’est déroulé au domicile du généraliste.

Caractéristiques générales
Les durées des entretiens se sont étalées entre 4 minutes et 35 secondes pour le plus court à 19 minutes pour le plus long. La durée moyenne des entretiens a été de 11 minutes. La durée totale d’enregistrement des entretiens a été de 2 heures et 14 minutes.

Pathologies évoquées

Au cours des entretiens, les pathologies évoquées par les généralistes ont été diverses et variées. Lorsque l’on se penche sur ces interviews on en retrouve ainsi:
➤ 12 ayant subi des pathologies aiguës «courantes», de nature diverses, allant de l’ORL à la dermatologie,
➤ 4 ont subi des pathologies aiguës plus sévères,
➤ 2 ont été victimes d’accidents de la voie publique,
➤ 4 sont atteints de pathologies chroniques, aussi bien de nature hormonale que rhumatologique,
➤ aucune pathologie cancéreuse ou neurodégénérative n’a été mentionnée clairement, ni aucune souffrance psychologique type burrn-out.

Pathologies aiguës 

Médecin traitant
Afin de bien cerner la démarche des généralistes dans la prise en charge de leurs propres pathologies, j’ai souhaité aborder le thème de l’identité de leur médecin traitant. Lors des premiers entretiens ce sujet n’avait pas été évoqué, mais lors du septième entretien le généraliste interrogé m’a expliqué être son propre médecin traitant. J’ai alors systématiquement interrogé les praticiens sur ce sujet important, et recontacté ceux que j’avais déjà vus et qui ont également accepté de me répondre sur ce point.

Les réponses furent claires: sur les 12 médecins que j’ai interrogés, la totalité sont leur propre médecin traitant : «C’est quand même bien pratique et je gagne du temps» MG4. «On ne va pas s’embêter à aller voir un confrère généraliste, pour des trucs qu’on peut faire soi-même.» MG9.

L’élément essentiel ressortant des justifications à être leur propre médecin traitant reste la perte de temps que représenterait le recours à un autre praticien généraliste pour des pathologies courantes: «On a le même bagage, on sort des mêmes facs, je ne crois pas que ça va m’apporter grand-chose d’aller voir un confrère généraliste même si bon, je sais que je devrais plutôt que m’occuper de moi-même toute seule.» MG7.

Pathologies aiguës courantes 

Automédication 

Lorsque j’ai évoqué le sujet des pathologies aiguës courantes avec les généralistes, l’automédication est ressortie de manière systématique. Sur les 12 médecins généralistes avec lesquels je me suis entretenu, 100% d’entre-eux pratiquent l’automédication lorsqu’ils sont atteints d’une pathologie aiguë courante. «Tout dépend de la pathologie. Si c’est une pathologie simple comme l’angine, la bronchite je m’automédique.» MG6. «Je m’automédique de manière assez costaud pour que ça passe le plus vite possible. Après si ça traîne bah je n’hésite pas trop c’est des antibios et puis la plupart du temps ça passe.» MG1. «Dans ces cas-là c’est de l’automédication, avec la biologie, la radio, bref tout ce qui est nécessaire, que je me prescris.» MG11. «Si c’est une pathologie infectieuse enfin ce qu’on a de plus courant, je me soigne tout seul je prends un peu de paracétamol et ça suffit.» MG12.

Charge de travail
La pratique de l’automédication est pour eux totalement ancrée dans leur esprit et leur façon de faire. Cela se justifie aussi bien par la charge de travail lourde que le gain de temps à ne pas aller voir un confrère pour quelque chose qu’ils peuvent très bien gérer eux-mêmes car ils en ont les connaissances théoriques et pratiques. «Je suis dans l’automédication, je n’ai pas eu de pathologie plus grave donc inutile d’aller voir ailleurs.» MG7.

Cette charge de travail lourde est très souvent mise en avant pour justifier cette prise en charge. «Je ne vais pas m’arrêter pour quelque chose comme ça, j’ai beaucoup de patients, alors il faut parer au plus pressé.» MG8. L’analyse des différentes réponses sur la prise en charge de leurs propres pathologies aiguës montre un certain paradoxe: ils pratiquent tous une automédication systématique, sans forcément suivre les recommandations, mais sont conscients que ce n’est pas la bonne chose à faire. En effet plusieurs praticiens ont critiqué leur attitude: «Les antibiotiques sont super efficaces si ça traîne un peu, ça me permet de me remettre plus vite. Ce n’est pas quelque chose que je dis de faire à mes patients parce que médicalement parlant je sais qu’on est loin des bonnes pratiques.» MG12 «Je me suis plusieurs fois égarée loin des sentiers battus on va dire, mais entre le travail et 3 enfants je n’ai pas trop le luxe de me reposer donc je me débrouille pour rester la plus efficace possible.» MG5.

L’un d’entre eux a d’ailleurs porté un regard très critique sur sa manière de faire, ainsi que celles de ces collègues: «Les médecins ont un profil particulier, ils croient qu’il n’y a qu’eux qui travaillent. Tout le monde travaille, je pense qu’il faut s’organiser. C’est facile de se négliger, et les médecins prennent l’excuse de dire «moi je travaille trop» … ce n’est pas une raison pour ne pas se soigner.» MG4.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
I- Type d’étude
II- Méthode d’inclusion
A- Recrutement
B- Critères d’inclusion
C- Critères de non inclusion
D- Détermination du nombre de sujets nécessaires (NSN)
III- Les entretiens
A- Le guide d’entretien
B- Lieu et date des entretiens
IV- Méthodologie d’analyse
A- Matériel et transcription
B- Le codage
C- Synthèse
V- Ethique
RESULTATS
I- Caractéristiques de la population étudiée
A- Sexe
B- Age
C- Répartition géographique
D- Type de cabinet
II- Les entretiens
A- Réalisation
B- Lieu
C- Caractéristiques générales
III- Pathologies évoquées
IV- Pathologies aiguës
A- Médecin traitant
B- Pathologies aiguës courantes
V- Recours aux confrères
A- Pathologies aiguës sévères
B- Pathologies chroniques
C- Suivi gynécologique
VI- Les arrêts de travail
A- Observants
B- Contraints
C- Aucun arrêt de travail
VII- Les dépistages et vaccins
A- A jour
B- Non à jour
VIII- Le mode de vie
A- Le temps de travail
B- Loisirs
C- Addictions
DISCUSSION
I- Limites de l’étude
A- Biais de sélection
B- Biais d’implication
C- Limites liées à la méthode
II- Réflexion
III- Les causes principales des pathologies
A- Le temps de travail
B- Le stress professionnel
C- L’oubli au profit des patients
IV- La prise en charge du médecin/malade
A- Médecin traitant
B- Automédication
C- Un patient à part
D- L’absence de recours à un autre généraliste
E- Les arrêts de travail
F- Le suivi gynécologique
V- Le mode de vie
A- Des horaires de travail disparates
B- Les loisirs
VI- Ouverture: quelles solutions pour améliorer la prise en charge ?
A- Avoir un médecin traitant déclaré
B- Développer des réseaux de soins dédiés aux praticiens
C- La reconversion professionnelle
D- Développer les associations de généralistes
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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