Les marées noires, des accidents pris en charge par un dispositif de gestion, national et international

Les marées noires, des accidents pris en charge par un dispositif de gestion, national et international 

Au regard du transport maritime d’hydrocarbures, les marées noires constituent des risques. Pour les gérer, un catalogue d’accords, règlements et dispositifs internationaux et nationaux est en place, concernant par exemple la qualité des navires et les dispositifs de contrôle, ou la coordination des différents opérateurs concernés : industriels importateurs de pétrole, les propriétaires de navires, les assureurs, les armateurs et leurs organes techniques et commerciaux. Cependant, aucun de ces dispositifs ne prend en charge la réparation de préjudices subis par des personnes, physiques ou morales, liés aux dommages à l’environnement. Aucun, non plus, ne prévoit de sanctions en sus des nombreuses règles visant à favoriser la prévention des pollutions accidentelles.

Dans le cadre de cette recherche, retenons que la gestion des marées noires par le monde du transport maritime pétrolier est fondée sur 2 mécanismes principaux complémentaires :
– la réduction de l’aléa et de la gravité des impacts si le risque se réalise avec, d’une part, un cadre international de régulation du transport maritime pétrolier sous l’égide de l’OMI (organisation maritime internationale) et, d’autre part, les mesures européennes et nationales de surveillance des côtes et de sauvetage ; ainsi que par l’organisation de la gestion de la pollution (dispositif MARPOL) comprenant par exemple la mobilisation d‘experts et de militaires pour gérer le nettoyage ;
– la réparation des dégâts occasionnés en cas d’accident avec le régime d’indemnisation CLC – FIPOL, spécifiquement créé dans le cadre de l’OMI pour prendre en charge l’indemnisation des dommages provoqués par une pollution maritime accidentelle par hydrocarbures12.

Sous l’angle juridique, le “fait” de marée noire est un déversement accidentel et en masse d’hydrocarbures en mer. En cas de faute ou d’imprudence, elle constitue une infraction et peut engager des responsabilités civiles et pénales dans le cadre de procédures judiciaires. Mais dans le cas contraire, le régime d’indemnisation CLC FIPOL organise la responsabilité civile d’un certain nombre d’acteurs du transport maritime pétrolier et permet de réparer les dommages. Il constitue un pilier majeur de la gestion des marées noires : en limitant les effets externes du transport maritime pétrolier, il permet de le maintenir. Le rapport d’activité 2003 du régime affirme (p 24): « On conçoit sans peine que les déversements d’hydrocarbures suscitent de très fortes réactions de frustration, de désespoir et de colère à la fois chez les personnes directement touchées et dans le grand public et qu’ils peuvent aussi avoir des ramifications politiques dans les États concernés. C’est la raison pour laquelle il est capital que la communauté internationale, les différents États et les divers secteurs industriels intéressés prennent des mesures appropriées pour empêcher que des déversements d’hydrocarbures ne se produisent. (…) le régime international d’indemnisation devrait non seulement garantir l’indemnisation rapide des personnes ayant subi un dommage de pollution par les hydrocarbures, mais être aussi compatible avec l’objectif général de l’amélioration de la sécurité maritime et de la réduction du nombre de déversements d’hydrocarbures. »

Le régime CLC-FIPOL vise à assurer à lui seul la réparation des marées noires ayant lieu dans un pays membre et prévaut devant tout autre dispositif relevant d’une échelle européenne ou nationale. Il constitue donc en théorie le premier et le seul dispositif de gestion activé en cas de marée noire. Les membres signataires et décisionnaires de ce dispositif international sont les États (les conventions sont ratifiées par le Parlement). Il entre en vigueur en France dans les années 1970. L’intérêt d’y prendre part, pour les États, varie selon que leur littoral est plus ou moins exposé au risque de marée noire, qu’ils importent plus ou moins de pétrole et qu’ils disposent d’une flotte plus ou moins importante. Dans les États membres, l’indemnisation des dommages « survenus sur le territoire ou dans la mer territoriale d’un État Partie, ainsi qu’aux dommages par pollution causés dans la zone économique exclusive ou la zone équivalente d’un tel État » est alors assurée par deux mécanismes complémentaires :

− le premier est régi par la convention sur la responsabilité civile, ou CLC. Elle engage la responsabilité financière du propriétaire du navire à hauteur de la jauge (capacité de transport) du navire. La première mouture est adoptée en 1969 et entre en vigueur en 1975 ;
− Le second repose sur la convention portant création du Fond (Fipol) et permet de compléter si nécessaire le montant d’indemnisation dégagé par la CLC. La convention dite de 71 est adoptée en 1976 et entre en vigueur en 1978.

Ces deux mécanismes, CLC et Fipol, sont revus par le protocole de 1992, qui entre en vigueur en 1996. Il augmente les montants disponibles pour l’indemnisation – le montant total disponible pour les indemnisations a été porté à environ 245 millions d’euros par sinistre, au lieu de 163 millions – et élargit le champ d’application des conventions … en même temps qu’il restreint – en le précisant – le champ des dommages à l’environnement pris en charge : il est dorénavant écrit que (seuls) les coûts des mesures raisonnables de remise en état, prises ou à prendre, sont indemnisées. Plus récemment, le constat de l’insuffisance des sommes prévues par le fonds pour faire face aux dommages de la marée noire de l’Erika, suscite une demande d’augmentation du plafond de la part de la France. Un fonds complémentaire, fonctionnant sur les mêmes principes, est ajouté à ce dispositif : le « Fipol II » est adopté en mai 2003 et augmente le plafond disponible pour l’indemnisation : les indemnisations ne peuvent dépasser environ 810 millions d’euros au total par sinistre. L’intervention du Fond est, là aussi (comme la CLC), restreinte aux seuls dommages provenant d’une marée noire d’hydrocarbures persistants et aux navires de mer qui transportent effectivement des hydrocarbures persistants en vrac comme cargaison au moment du déversement (donc, en général, un navire citerne en charge).

Le régime CLC-FIPOL organise une responsabilité collective partagée – et non distribuée – au sein du monde maritime pétrolier avec deux piliers fondateurs :
− Le contournement de la recherche de responsabilité juridique, avec le principe de responsabilité limitée sans faute (ou responsabilité objective). La Convention sur la responsabilité civile (CLC) fait porter la responsabilité strictement sur les propriétaires des navires. Celle-ci est limitée, car l’assureur est tenu de payer toutes les conséquences de la pollution selon les règles du pays touché par la pollution, dans la limite d’un plafond déterminé à partir du tonnage du navire (dans le cas de l’Erika, le plafond est de 80 millions d’euros). La constitution du fonds de limitation doit normalement se faire auprès d’un tribunal de commerce du territoire touché et son utilisation se faire sous l’autorité d’un juge. La convention affirme également un principe de réparation sans faute : il n’y a pas besoin de prouver la faute des opérateurs maritimes pétroliers pour déclencher l’indemnisation du FIPOL (l’imputabilité des faits se pose dans le cas d’un contentieux, comme c’est le cas pour l’affaire Erika). Elle stipule ainsi qu’il n’y a pas de recours possible contre l’armateur (le gérant, l’exploitant) et l’affréteur hors du cadre de la convention : ceux-ci expressément protégés contre toute action en responsabilité, sauf à se rendre coupables d’une négligence semblable à celle exigée pour lever la limitation de responsabilité du propriétaire. De la même manière, le Fonds qui complète ce mécanisme de responsabilité civile est également limité par un plafond. Le dispositif CLC-Fipol engendre donc des responsables non coupables. Des responsables financiers, capables de fournir les montants nécessaires et convenus ; non coupables par définition puisque l’acceptation de la convention CLC empêche la mise en cause juridique de ces opérateurs, sauf en cas de faute grave avérée.
− Le principe de solidarité, qui organise un financement mutualisé entre le secteur du transport maritime (le propriétaire et son assureur) et le secteur pétrolier (l’affréteur). Ainsi, alors que la CLC réglemente la contribution des propriétaires et assureurs de navires, le Fipol est financé de manière obligatoire par les importateurs d’hydrocarbures lourds et persistants pour assurer les indemnisations dépassant le cadre de la CLC. Deuxièmement, la convention met en place une organisation internationale, le Fipol, en charge d’administrer le régime d’indemnisation et contrôlée par les États : la « coopération intergouvernementale et interprofessionnelle » constitue dès lors un deuxième volet de la solidarité. Enfin, « Le régime international d’indemnisation administré par le Fipol est aussi une expression de la solidarité internationale » (OMI) : celle-ci vise à compenser en partie l’inégalité géographique des  bénéfices et risques du transport maritime pétrolier et rétablir une certaine équité Nord-Sud.

Ces deux piliers permettent de répondre aux deux objectifs du régime, l’indemnisation rapide des préjudices économiques, d’une part, et une certaine prévisibilité et sécurité des opérateurs économiques du secteur maritime pétrolier, d’autre part. Ces deux principes peuvent se retrouver en tension, comme par exemple lors de l’Erika : le comité exécutif rappelle alors : « tous les demandeurs doivent être traités de la même manière. L’Assemblée fait savoir qu’il fallait concilier l’importance pour le Fonds de 1992 de procéder promptement à l’indemnisation des victimes d’une pollution par les hydrocarbures et la nécessité d’éviter toute situation de surpaiement ».

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 – Marées noires : un décalage entre les atteintes et leur prise en compte dans la gestion en place
A – Les marées noires, des accidents pris en charge par un dispositif de gestion, national et international
B – La marée noire suscite des mobilisations de masse autour du dommage écologique
C – Le dommage écologique : plusieurs définitions
D – Conclusion : ces définitions des dommages écologiques conduisent à une impasse théorique et opérationnelle
CHAPITRE 2 – Proposition penser les dommages écologiques à partir des attachements entre hommes et environnement
A – Approche théorique
B – Méthode : des entretiens compréhensifs lors d’études de cas
CHAPITRE 3 – Les deux cas d’étude : vue d’ensemble
A – Synopsis des deux cas d’étude
B – Discussion
CHAPITRE 4 – Les atteintes de la marée noire la dégradation de l’environnement détériore des attachements pluriels
A – Le dommage écologique recouvre une pluralité d’atteintes aux attachements
B – Deux exemples de la pluralité des attachements
CHAPITRE 5 – Le dommage écologique, épreuve de légitimité du dispositif de gestion De la confrontation critique au Fipol à l’élaboration d’actions pour faire évoluer le Droit
A – Les manières dont le dommage écologique apparaît sur la scène publique après la marée noire : émotions, formes d’actions collectives et évaluations
B – Les dommages écologiques au cœur des débats suite à la marée noire : critiques d’ordre publique et justifications du FIPOL
CHAPITRE 6 – Le dommage écologique au tribunal mise en forme stratégique de la requête et prise en compte par le tribunal
1 – Vers l’action judiciaire : organisation des acteurs et choix stratégiques pour élaborer les requêtes
2 – Le dommage écologique soumis au tribunal
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes

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