LES LOIS ALIMENTAIRES

LES LOIS ALIMENTAIRES

Thèse hygiéniste

De nombreux auteurs, scientifiques ou non, ont cherché à prêter une rationalité sanitaire aux lois alimentaires religieuses. Il s’agit alors d’une approche physiologique et pathologique des règles, qui met en avant les effets des aliments sur l’organisme. Les aliments autorisés se voient ainsi attribuer des vertus thérapeutiques tandis que la consommation de nourriture prohibée engendre des effets néfastes au corps humain. Au même titre, la pratique du jeûne devient bénéfique pour la santé. Dès lors, W. James47 (1906) appelle « matérialisme médical » cette théorie qui veut imposer l’hygiène comme but premier des lois alimentaires religieuses. A. Origines de la thèse hygiéniste Avant de détailler cette thèse hygiéniste, il est intéressant de revenir sur ses origines.

 La loi de la pureté

L’Ancien Testament est novateur dans la mise en place de prescriptions alimentaires. Celles-ci seront ensuite abrogées par le Nouveau Testament pour être reprises en partie par le Coran48. Le texte coranique admet explicitement s’inscrire dans la continuité de la religion juive et chrétienne, il reconnaît d’ailleurs tous les prophètes bibliques et propose une alliance avec les « Gens du Livre », autrement dit les juifs et les chrétiens49. Revenons alors sur le texte source, prescripteur des lois alimentaires, à savoir le Lévitique.L’ensemble des chapitres XI à XVI du Lévitique constitue « la Loi de pureté » et consiste en l’élaboration de toute une casuistique sur la distinction du « pur » et de l’ « impur ». A la loi sur les animaux purs et impurs (XI), s’adjoignent les lois sur la purification de la femme accouchée (XII), sur la lèpre et autres pathologies cutanées (XIIIXIV) et les impuretés sexuelles (XV) ; le tout étant complété par des rituels de purification des maladies de peau et du grand jour des Expiations (XVI). Selon l’état des connaissances variant au gré des époques, les interprètes ont rapidement corrélé le concept de pureté avec celui d’hygiène. Ainsi, l’inscription des lois alimentaires dans le cadre de la réglementation sur la pureté est probablement à l’origine de la thèse hygiéniste. Les exégètes ont ensuite cherché à assimiler les prescriptions alimentaires à des mesures de prophylaxie sanitaire dictées par des critères de digestibilité, de conservation, ou encore de pathologie infectieuse.

La tradition exégétique

Il est important de signaler que la dimension hygiénique n’est jamais mentionnée dans les textes sacrés. Ni la Bible, ni le Coran n’évoquent, même implicitement, d’éventuelles conséquences sanitaires suite à la mise en place d’une réglementation alimentaire. L’incidence hygiénique des interdits alimentaires n’apparaît qu’après l’écriture des textes religieux avec la tradition exégétique. L’exégèse ne se contente pas simplement d’interpréter les textes ou de rétablir leur sens caché, elle cherche dans certains cas à les rationnaliser afin de leur conférer une certaine autorité scientifique. Maïmonide (1190), philosophe et médecin andalou, fut peut-être le premier à attribuer une portée sanitaire aux lois alimentaires : « Je dis donc que tous les aliments que la Loi nous a défendus forment une nourriture malsaine et est préjudiciable pour le corps ». Plus tard, en 1841, S.H. Kellog soutient également la thèse du matérialisme médical : « Il est probable que l’hygiène et l’action sanitaire soient les grands principes déterminants des lois qui figurent dans ce chapitre. Les notions de maladies parasitaires et infectieuses, qui ont conquis une place de premier rang dans la pathologie moderne, semblent avoir beaucoup préoccupé Moïse et dominé toutes ses prescriptions en matière d’hygiène. Sont interdits aux Hébreux les animaux qui présentent un terrain tout particulièrement favorable aux parasites ; et puisque c’est dans le sang que circulent les germes ou spores des maladies infectieuses, il ordonne que ces animaux soient vidés de leur sang avant d’être mangés »50. Les analyses exégétiques de ce genre sont nombreuses51.

Les principes de médecine hippocratiques

Hippocrate, médecin et philosophe grec du IVe siècle est considéré traditionnellement comme un précurseur dans le domaine de la médecine et a, notamment, ouvert la voie à la diététique. L’un des principes fondamentaux de la diététique hippocratique repose la recommandation de manger des aliments correspondants à son tempérament défini par la théorie des humeurs (lymphatique, mélancolique, sanguin et colérique). Ainsi chaque aliment est classé en fonction de ses qualités qui s’échelonnent en quatre degrés sur deux axes principaux : « chaud et froid » et « sec et humide » : « Ce qui provient des régions arides, sèches et torrides est plus sec, plus chaud et donne plus de force au corps […] Les mâles de toutes les espèces sont plus chauds et plus secs, les femelles plus humides et plus froides » (Hippocrate, traduction R. Joly, 1967). Ces distinctions entre le sec et l’humide, le froid et le chaud ou encore le gras et maigre se retrouvent dans les écrits de Maïmonide (1190). Dès lors, en décrivant la viande de porc comme indigeste puisque trop « humide » et pleine « d’exubérance », Maïmonide semble faire écho aux principes de médecine hippocratiques. Hippocrate évoque également très tôt les bienfaits du jeûne sur l’organisme : « Quand on se sent fatigué, épuisé, si on croit y remédier en se tenant au repos et en mangeant copieusement, il se déclare une fièvre à laquelle on ne remédiera qu’en ne prenant que de l’eau pendant trois jours : ce qui souvent suffit pour la guérison. […] Quand le corps est chargé d’humeurs, faites-lui supporter la faim, parce que le jeûne purifie le corps »52. Il est donc tout à fait possible que les premières doctrines médicales d’Hippocrate aient fortement influencé les principales religions monothéistes dans l’établissement de certains de leurs préceptes.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

LEXIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LES LOIS ALIMENTAIRES : INTERDIRE ET PRESCRIRE
I. Les lois alimentaires dans le Judaïsme
A. Origines de la cacherout
B. Principes de la cacherout
II. LES LOIS ALIMENTAIRES DANS LE CHRISTIANISME
A. Les textes fondateurs
B. Les nourritures spirituelles du Christianisme
III. LES LOIS ALIMENTAIRES DANS L’ISLAM
A. Première approche de l’Islam
B. Sources des lois alimentaires islamiques
C. Lois alimentaires et Islam : de la tolérance à la réglementation
DEUXIÈME PARTIE : INTERPRÉTER LES LOIS ALIMENTAIRES
I. Thèse hygiéniste
A. Origines de la thèse hygiéniste
B. Lois alimentaires et sécurité alimentaire
C. Limites de la thèse hygiéniste
II. L’utilitarisme
A. Enjeux économiques
B. Enjeux écologiquaes
C. Enjeux politiques
D. Limites de la thèse
III. Des lois alimentaires comme guide moral
A. Combattre la cruauté
B. Une condamnation des voluptés charnelles
C. Maîtriser l’oralité
D. La théorie de la liberté morale
IV. Le symbolisme
A. Totémisme
B. Les lois alimentaires comme allégories des vices et des vertus
C. Les lois alimentaires judaïques et respect de l’ordre créationnel
D. Les lois alimentaires islamiques et l’ordre divin.
V. Théorie de l’influence étrangère
A. Identités religieuses et reprises
B. Identité et négation
C. Le Christianisme, entre reprises et ruptures
D. Théologie de la séparation
VI. Le caractère arbitraire des lois alimentaires
A. La conjonction des raisons d’interdire
B. La primauté de l’application sur la compréhension
C. La nécessaire concrétisation des lois
D. Des lois fondamentalement arbitraires
TROISIEME PARTIE : DES TABLES DE LA LOI À LA TABLE CONTEMPORAINE
I. Les ambivalences alimentaires du mangeur contemporain
A. Les ambivalences « naturelles »
B. La gestion des ambivalences, l’instauration de nouvelles lois alimentaires ?
II. Classer, ordonner, penser l’alimentation ?
A. Les catégories, une aide à la décision
B. Quand pensée rationnelle et pensée magique cohabitent
C. L’exclusion des sources de désordre, quelques exemples contemporains
III. CRISES DE CONFIANCE ALIMENTAIRES
A. Entre crises sanitaires et mutations alimentaires
B. Rétablir la confiance entre le manger et ses nourritures, les avatars du sacré
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *