Les littérateurs, un des maillons de la circulation des imaginaires de la technique

Les littérateurs, un des maillons de la circulation des imaginaires de la technique

Les « littérateurs », formule empruntée à Patrick Flichy, regroupent les romanciers, journalistes et les producteurs de fiction qui contribuent à la vulgarisation de l’usage d’une innovation technique et à la « macro-représentation ». Les littérateurs constituent sans conteste un des acteurs les plus importants dans le processus d’acculturation de la technique. Nous verrons en quoi la technique est inspirante et comment elle est signifiée dans les productions culturelles.

La technique comme créatrice de fantasmes

A travers chaque époque et les représentations qui lui sont associées, la technique est un objet de fantasmes intemporel. Chaque technique est associée à un imaginaire, qui créé un fantasme collectif.

Définition de la technique et des imaginaires
A la croisée entre psychanalyse, sociologie, science et prospective, l’imaginaire des techniques est nourri de toutes sortes de conceptions convergentes. Il est intéressant de constater que la locomotive à ses débuts était considérée comme le moyen de transport privilégié pour les fugues, sujet à la flânerie et à la rêverie. En littérature également, « le cheval de fer » n’échappe pas à la métaphore animale de Victor Hugo par exemple : « On l’entend souffler au repos, se lamenter au départ, japper en route ; il sue, il tremble, il siffle, il hennit, il se ralentit, il s’emporte : il jette tout le long de la route une fiente de charbons ardents et une urine d’eau bouillante […] » . Créature « enfantée » par Dieu dans Le Rossignol (1962) de Magritte , la locomotive est une des premières prouesses techniques qui mobilisent des imaginaires de tous horizons.

Etape intermédiaire entre le fantasme et le réel, l’imaginaire est un langage constitué de récits, narrations et images, structurant les mythes et archétypes. Pierre Musso précise que l’imaginaire a subi les revers des mouvements rationalistes du XVIIe siècle, mais regagne en légitimité auprès de la pensée scientifique avec Emmanuel Kant au XIXe siècle qui la décrira comme un « supplément de pensée ». L’imaginaire n’est pas passif, il se co-construit à travers des œuvres de fiction, d’art et des objets techniques, sujets ou non des œuvres. Paul Ricœur place l’imaginaire comme moteur d’action et de création. La technique serait alors nourrie d’un imaginaire de représentations, lui-même générateur d’objets techniques inspirants (logiciels, vidéos, univers virtuels). Ces résultats de la technique sont en quelque sorte les externalités positives du phénomène de création. Le développement des robots, clones ou essais artificiels dans le genre s’expliquent par cette propulsion de l’imaginaire vers la création. L’imaginaire relève de l’anthropologie en ce qu’elle est le fondement d’une culture et participe à la construction du monde de signes. Génératrice d’imaginaires à partir de l’existant et du fantasme, l’imaginaire se constitue suivant un cours historique, autour d’objets, de représentations : « Si les objets échappent parfois au contrôle pratique de l’homme, ils n’échappent jamais à l’imaginaire. Les modes de l’imaginaire suivent les modes de l’évolution technologique, et le mode futur d’efficience technique suscitera, lui aussi, un nouvel imaginaire » écrira Jean Baudrillard .

Dans les discours médiatiques, la fonction première de l’objet technique est occultée par les nombreux imaginaires construits autour de l’objet et qui ancreront l’objet technique dans la société. Ce phénomène nommé « techno-imaginaire » de George Balandier est une théorie partagée par Pierre Musso selon laquelle les techniques sont indissociables de leurs imaginaires. Elément constitutif d’une culture, l’objet technique a également un rôle social, notamment en termes de représentations. Victor Scardigli pointera du doigt la capacité qu’a la technique à créer des ruptures au sein d’une société : il parle de « technomarchandisation »  et de l’accélération de l’obsolescence par la technique qui contraint certaines populations à rester en retrait par rapport à la nouveauté perpétuelle. La technique n’est non plus un simple objet utilitaire, mais comporte une composante socio-culturelle importante, deuxième hypothèse de la technique de Pierre Musso.

Selon les travaux de François Caron, historien des sciences et des techniques, nous avons connu trois révolutions industrielles majeures : « celle de 1760-1820 liée à la machine de Watt et au chemin de fer ; celle de 1860-1900 liée à l’électricité, au téléphone et au pétrole ; celle des années 1960-2000 liée à l’informatique et à sa fusion avec les télécommunications » . A elles trois, elles forment et empilent trois macro-systèmes techniques issus du même type d’infrastructure : le réseau (chemin de fer, électricité, téléinformatique). Ces univers techniques ont semé les premières graines de ce que l’on connaît aujourd’hui : c’est le principe d’innovation de rupture et de ses grappes d’innovation. De la même façon que l’innovation ne se cantonne pas à la technicité, les techniques elles ne concernent pas uniquement la production (techniques de production qui « transforme la nature et manipule les objets »). Michel Foucault, par exemple, propose une typologie de la technique distanciée de la seule notion d’objet : il y intègre « les techniques de pouvoir » (qui conditionnent des individus à être soumis à des finalités telles que la captation de l’attention pour notre société du marketing et des médias) et « les techniques de soi, du corps, des conduites et du comportement » (qui renvoient à l’essence de la technique, comme amélioratrice de la condition humaine avec des finalités telles que le jeunisme éternel, l’immortalité etc…) .

La « technique » (terme issu de l’étymologie grecque tékhnê « art, industrie, habileté») amplifie l’action humaine, elle l’étend. Emblématique de la naissance de la  technique, la scène de 2001 L’odyssée de l’espace du film de Stanley Kubrick diffusé en 1968 image avec brio la découverte, l’appropriation d’un objet par le singe (et donc par extension les premiers hommes). L’objet devient outil et sonne le glas d’une « humanisation technicisée ». La technique viendrait alors « agrandir » l’homme comme l’affirme Bergson ou « accroître son être » pour François Dagognet, philosophe. Pierre Musso précise dans ses propos que la technique est au service de l’homme et de l’action humaine et non l’inverse comme certains discours médiatiques le prétendent. Nous verrons en quoi des médias viennent à présenter ce postulat.

La technique est une construction de l’homme pour détourner les lois naturelles. Elle crée un monde artificiel. Pierre Musso dans sa conférence à propos des imaginaires de la technique nous indique que les Grecs venaient à considérer la technique comme « une ruse », un complot contre la nature et la qualifiaient de «machination». Pour Pierre Musso, la technique est un choix et devient nocive à partir du moment où l’on souhaite qu’elle le soit. On retrouve là la théorie de Bernard Stiegler « tout objet est pharmacologique » (le terme pharmakon désigne à la fois le remède et le poison) faisant référence à la puissance curative et destructrice de la technique .

Association des imaginaires et des techniques 

Intervenant dans le cadre d’une conférence de Futur en Seine, en Juin 2015, le docteur Koert van Mensvoort travaille sur la notion de seconde nature créée par la technologie. Cet artiste et philosophe nous invite à considérer la place de la technologie dans l’évolution de notre espèce. Il établit « la pyramide des technologies » inspirée de la pyramide de Maslow. Il précise qu’avant toute création, il y a d’abord une « vision de la technologie ». Le satellite par exemple, a d’abord été une vision de l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke avant d’être matérialisé tandis que Léonard de Vinci avait conçu fin du XVIe siècle le concept de l’hélice. Six étapes caractérisent la création et le développement des techniques :
– 1er niveau : Le niveau des idées, des fantasmes (l’ordinateur quantique, la machine à voyager dans le temps)
– 2ème niveau : Le niveau de l’opérationnel, où les prototypes existent (le Google Nose)
– 3ème niveau : La mise sur le marché (le smartphone, la voiture, le GPS, la télévision)
– 4ème niveau : Les technologies vitales, dont on ne pourrait plus se passer (GPS, toilettes et Internet)
– 5ème niveau : Les technologies dites « invisibles » ne sont plus perçues comme des technologies tant elles sont intégrées socialement : l’alphabet, qui nous permet de communiquer oralement et par écrit et dont découlent nos médias (livres, cinéma etc…)
– 6 ème niveau : La naturalisation de la technique. Il présente ce niveau comme le dernier niveau que peut atteindre la technologie : un niveau dans lequel la technique fait partie de la nature humaine (vêtements, agriculture, cuisine…).

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Table des matières

Introduction
I- LES DISCOURS MEDIATIQUES, PREMIERS ACTEURS DE LA VALORISATION DU TERME
A) Les littérateurs, un des maillons de la circulation des imaginaires de la technique
1. La technique comme créatrice de fantasmes
2. La science-fiction, genre de prédilection
B) Relais médiatiques et continuité d’un récit technique
1. Dans la presse généraliste : un modèle discursif vertical
2. Dans la presse spécialisée : une co-construction participative
3. Les fonctions maîtresses des médias dans la circulation du « futur »
II- LES MARQUES, VECTRICES DE FUTURS PLURIELS
A) Contribution au récit technique et storytelling mythologique
1. La publicité comme vecteur de médiatisation de mythes
2. La réinterprétation de mythes à l’ère technologique : sources et réutilisations
B) Stratégie de communication et positionnements de discours publicitaires futuristes
1. Le récit technophile/technophobe des marques
2. Le cas Boursorama
3. Recommandations
Conclusion

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